« Grand-mère !», soufflais-je, en entrant dans sa chambre à Sainte Mangouste. J’avais finalement décidé de rentrer cet été, pour elle. Et j’avais bien fait. J’étais déboussolée, Colleen avait toujours été un pilier, et là, dans ce lit avec le teint pâle, faible, elle semblait plus proche de la mort que jamais. Je ravalais un sanglot en m’avançant lentement vers elle. Je me laissais tomber sur la chaise à coté d’elle, prenant sa main dans la mienne. « Abby … », dit-elle, sur le même ton. Je déglutis, proche des larmes. Elle avait été la seule à prendre soin de moi, ici bas. Je ne pouvais pas me résoudre à la perdre. « Écoutes-moi, ma chérie. », souffla t-elle, et je me penchais un peu plus prés pour pouvoir l’entendre. « Les temps deviennent sombres, pour tout le monde, personne n’est pas à l’abri. La meilleure option qui s’offre à toi est de partir en Russie, à Saint-Pétersbourg. », chuchota t-elle, et je fronçais les sourcils. « Et toi, tu viendras avec moi, n’est ce pas ? », répondis-je, la bouche entrouverte. Elle eut un petit rire étranglé. « Nous savons toutes les deux que je ne vais pas faire de vieux os, Abby. », lâcha t-elle. Elle semblait tellement résignée à mourir, comme si elle avait préparé ce discours à l’avance. Des larmes perlèrent sur mes joues. J’allais la perdre, elle n’allait pas se battre. Je baissais les yeux sur nos mains entrelacées. Elle n’avait pas fini de discourir pourtant, et elle me révéla des choses qui me glacèrent d’effroi. J’avais découvert la liaison de mon père avec une de ses collègues, mais là, Colleen était entrain de me révéler que Tracey n’était pas une quelconque fille. C’était ma sœur, enfin, ma demi-sœur. Je déglutis difficilement, comment arriverais-je à assimiler toutes ces informations. La fuite, ma demi-sœur, la trahison … Je n’en revenais pas, la famille Davis était pleine de secrets si bien gardée. Ces aveux épuisèrent Colleen, et je restais avec elle, jusqu’en soirée. Je m’assoupis, recroquevillée sur la chaise inconfortable, tenant toujours sa main. La seule différence, c’est qu’en me réveillant, sa main était molle. Pas à cause de son sommeil, mais à cause de la mort qui était passer la prendre. Colleen ne fut pas la seule de la famille a être fauchée par la mort. Mon père fut exécuté pour trahison, et ma mère assassinée, à croire que j’étais faite pour porter du noir, et le deuil.

« Je t'ai toujours détestée. Je t'ai tellement reniée au début, c'est vrai, mais ça, c'était parce que j'étais jalouse de toi ! Mon père et Colleen s'intéressaient toujours à toi, encore plus quand ils ont su que t'étais à Serpentard. Moi, j'ai toujours du être parfaite, te surpasser en tous points parce que je voulais qu'ils s'intéressent à moi autant qu'ils s'intéressaient à toi. » , tentais-je d’expliquer à la jeune femme en face de moi. Je devais cracher le morceau pour pouvoir mieux respirer. Je voulais qu’elle comprenne mon point de vue. Parce que pour moi, c’était la plus chanceuse de nous deux. Elle sembla choquée par mes propos, n’avait-elle jamais rien vu du manège de mon père et de Colleen en sa présence ? « Foutaises. », lâcha t-elle. J’eus la réponse à ma question. Elle n’avait jamais rien remarqué ! Je fronçais les sourcils, abasourdie à mon tour. Mon calme n’allait pas rester dans les fibres de mon corps encore longtemps. Je soupirais avant de reprendre la parole. « T'as pas à me reprocher ce qu'ils t'ont fait à toi. Moi, je n'y suis pour rien. Et tu sais quoi ? Moi non plus j'ai jamais rien cautionné. Rien, tu entends ? » . Mais mes paroles semblèrent lui passer au travers. Nous n’avions jamais été une famille malgré nos liens du sang. J’avais découvert sur le tard que j’avais une demi-sœur, mais cela ne nous avait pas rapproché pour autant, et cela n’avait pas l’air d’être en bonne voie. « Va te faire foutre Abby. Sérieusement, va te faire foutre.», cracha t-elle, et je restais paralysée face à son agressivité. Reproches. Voilà sur quoi c’était terminée la discussion. Je ne l’ai plus revue, jamais. J’aurais pu avoir une sœur, mais j’avais raté le coche. Elle était trop amère pour pouvoir supporter un membre de la famille Davis.

« Abby, il faudrait faire l’inventaire dans le stock que l’on a reçu ce matin. », me dit Gregori, un sourire sur son visage. Il était tard, mais peu m’importait. C’était l’ami de Colleen, celui dont elle m’avait parler avant de mourir. Après la mort de Colleen et l’assassinat pur et simple de mes parents, j’avais écouté son conseil partant pour la Russie. Ce dernier m’avait accueilli à bras ouvert, ce qui me fit chaud au cœur. Il ne me connaissait ni d’Adam, ni d’Eve et m’avait cru sur parole lorsque je lui avais annoncé le décès de ma grand-mère, et le conseil de cette dernière. J’avais fini par me sentir en sécurité dans cette petite librairie, au coté de cet homme. Je lui en étais reconnaissante, en retour, je le couvrais en ce qui concernait son secret. Sa lycanthropie. Aux yeux du gouvernement, c’était une trahison, qu’il cache sa nature. Moi, je ne posais pas de questions, j’étais de son coté. Pourtant, si j’avais su qu’un jour, on m’arracherait encore une personne chère à mon cœur, je me serais sans doute fichu un « avada kedavra » en pleine figure. J’étais dans la réserve lorsque j’entendis des éclats de voix dans la boutique. Pourtant, c’était toujours très calme et les murs étaient aussi fins qu’un papier de cigarette. Je sortais de la pièce pour aller voir. Je restais figée derrière le comptoir lorsque je vis Gregori agenouillé sur le sol, et un sorcier blond pointant sa baguette sur lui. « Non, attendez s'il vous plaît. » , lâchais-je. Je n’étais pas du genre courageuse, mais les mots étaient sortis si aisément de ma bouche. Le sorcier inconnu releva la tête vers moi et la voix de Gregori s’éleva dans la pièce. « Vas-t-en Abby, ne restes pas ici ! ». Je déglutis, je ne pouvais pas écouter cet ordre, je ne pouvais pas le laisser mourir. Il m’avait donné un toit, un refuge lorsque je n’avais plus rien. Il comptait pour moi. Le regard glacial du sorcier se reporta sur lui en un éclair. « S'il vous plait, il n'a rien fait de mal. » , tentais-je à nouveau. J’eus une seule explication. Gregori était un loup-garou cachant sa nature au gouvernement. Voilà, ce qu’il avait fait de mal. Cela n’avait aucun sens, le monde n’avait aucun sens. Sa voix s’éleva, un éclair vert jailli de sa baguette. « NON !» , hurlais-je, avant de m’élancer à vers le corps de mon protecteur. Je savais qu’il était trop tard, les larmes coulaient déjà sur mes joues. J’arrivais à la hauteur de ce sorcier qui m’avait arraché une nouvelle partie de mon être. J’avais envie de me conduire comme une moldue. Je ne voulais pas utiliser ma baguette. Mais il ne bougea pas d’un iota lorsque je le frappais plusieurs fois à l’épaule. Comme s’il était insensible à la scène qui se déroulait sous ses yeux. C’est avec le même visage impitoyable qu’il quitta les lieux, sans un mot supplémentaire, alors que moi, je tenais entre mes bras le corps sans vie de Gregori, les joues striées de larmes qui ne se tarirent qu’au petit matin. Je n’avais plus de but, plus d’attaches, plus personnes à qui me raccrocher. Cet homme n’allait pas s’en tirer sans y laisser des plumes, il était clair et net, qu’il allait payer pour ce qu’il avait fait, quoi qu’il m’en coute.