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s-w. cedrella levinston & w. clive burgess-holmes
« for nothing makes me stronger than your fragile heart. »
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Se morfondre ne servait à rien. Rageusement, dans un soupir signifiant son abdication, Cedrella remua le feu crépitant au fond de l’âtre : fixer les flammes ne l’aidait visiblement pas à chasser ses démons et ses remords. Surtout ses remords. La déclaration impétueuse de Clive restait gravée dans son esprit, et chaque souvenir de lui qui parasitait son esprit emportaient son cœur dans des palpitations torturées : leurs rendez-vous lui manquaient, aussi platoniques et sans intérêt avaient-ils été à une époque. Rien que partager un thé avec Clive semblait impossible aujourd’hui, parler de tout et de rien, d’un avenir incertain ; elle se rendait compte que chaque instant passé avec lui avait été un luxe auquel elle avait renoncé. A raison. Elle portait sa mélancolie comme un fardeau, une punition qui ne devait appartenir qu’à elle, qu’elle déverserait dans des lettres d’amour destinées à personne lorsqu’elle finirait vieille fille. Avant que ses pensées n’eurent l’occasion d’aller plus avant dans les méandres trop émotionnels, quelques éclats de voix rompirent la tranquillité de la sorcière : les Mangemorts se croyaient tout permis, par ici – et ce, de plus en plus à mesure que la ville se vidait. Elle sortit en trombe, pour se retrouver devant le néant : il n’y avait que la neige blanchâtre piétinée qui indiquait les restes d’un combat échevelé. Ça, et la silhouette au sol, le sang rouge qui ôtait toute magie aux flocons qui avaient recouvert Pré-Au-Lard. Clive. Elle crut rêver un instant, n’osant bouger. Son palpitant perdu dans une chamade sauvage, elle finit par retrouver raison, accourant à genoux dans la neige pour prendre les épaules de son ami. Son… « Par Merlin, Clive ! Tu vas bien ? » C’était déplacé de sa part, une pareille question. Mais le temps n’était pas s’éprendre en empathie, en découvrant le visage du sorcier, elle pinça légèrement les lèvres, alors que de sa main, elle déposait une caresse sur sa joue bleutée. « Viens à l’intérieur, je vais m’occuper de ça. » Elle savait qu’il refuserait s’il le pouvait – elle le sentait, dans ses entrailles emplies par la culpabilité – aussi, elle ne lui laissa pas le choix, l’entraînant à se lever pour l’emmener au chaud.

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Clive était buté, Clive n’en faisait qu’à sa tête. Ça, elle l’avait appris à ses dépens depuis qu’ils avançaient ensemble travers toutes les difficultés : il n’avait que rarement écouté ses recommandations et, le temps faisant, elle en avait fait de même. Ils avaient tous les deux leur caractère, mais Cedrella, savait malgré tout, que quelque chose s’était fané entre eux : cette facilité qu’ils avaient toujours eue, à transcender le trouble et l’ivresse d’un regard furtif. C’était nier l’évidence, peut-être bien, mais les temps ne se prêtaient guère plus à quelque pas en avant dans leur relation. C’était voué à l’échec, alors qu’elle était vouée à la mort, tôt ou tard. Elle ne voulait pas entraîner Clive dans sa chute, mais elle n’espérait pas qu’il comprenne. Peut-être avait-elle cru que leur tendresse l’un envers l’autre pouvait dépasser ça, ou peut-être avait-elle toujours su qu’ils n’y survivraient pas. Elle fit volte-face, alors que Clive retombait à genoux, les muscles sans doute endoloris par les sortilèges qu’il semblait avoir reçu : elle était bien placée pour le savoir, les marques des doloris et autres sortilèges des Mangemorts mettaient un temps fou à disparaître. « Ne fais pas le bébé. Visiblement, tu ne vas pas bien, je peux t’aider. » Il n’était pas en état de retourner à Poudlard, et elle ne le laisserait pas faire, de toute manière. Son dévouement était sans doute déplacé, à l’heure actuelle ; c’est cette amère pensée qui lui fit détourner le regard, alors qu’elle avait à nouveau trouvé les yeux clairs de Clive. Tentant de faire bonne figure malgré ce trouble indéniable, Cedrella lâcha un léger soupir. « S’il te plaît Clive. Je suis désolée… Laisse-moi t’aider. » Il devait penser que sa demande était tout sauf légitime, alors qu’elle glissait sa main dans celle de son ami, cherchant à nouveau son regard. Mais ils étaient amis après tout, quelque part encore.

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Elle ne pouvait s’en vouloir qu’à elle-même, sans doute. Ce n’était que le juste retour des choses : ça n’avait rien eu d’une dispute, leur dernier face à face, ç’avait été… une remise en question de tout, des aveux qui n’en étaient pas vraiment, et elle, elle brisant tous les espoirs que Clive avait pu secrètement nourrir. C’était difficile à croire, qu’elle ait espéré pendant tant de temps qu’il exprime ces sentiments pour eux deux, qu’ils transcendent enfin cette distance qu’ils avaient toujours eue : leur relation aurait pu prendre un tout autre tournant, peut-être bien qu’elle n’avait pas le droit d’en avoir décidé autrement par elle-même. Il la prendrait pour une folle, si elle commençait à avouer son amour pour Clive comme si un Cupidon avait subitement débarqué pour lui ouvrir les yeux. Les faits étaient là cependant, ce n’était pas de la simple tendresse qu’elle ressentait pour Clive, et parfois, dans ses espoirs les plus fous, il n’y avait eu qu’avec lui que son imagination s’était envolée loin, loin au point de voir un avenir entre eux deux. Le mariage et tout ce qui allait avec, ce n’était franchement pas son genre, mais avec le sorcier, elle s’était parfois prise à voir les choses avec une simplicité déconcertante. Elle n’avait jamais non plus brillé pour les grandes déclarations d’amour, mais elle savait, elle savait que ce qu’elle avait fait représentait la pire trahison qui soit, pour eux deux. Envers elle-même, tout simplement. Il relâcha brusquement sa main ; elle ne dit rien contre ça, se contentant de le laisser à ses propres songes, le temps d’aller chercher quelques mixtures magiques pour guérir les plaies qu’elle avait trouvées dans ses nombreuses quêtes de tout et de rien. « Ca va... » Finit-elle par articuler pour répondre à la question de son ami : pour tout dire, l’absence de celui-ci avait rendu ses jours douloureux, et c’était la tête pleine de souvenirs qu’elle avait erré, se détestant bien souvent pour ce qu’elle avait fait. Les traces de la récente visite de Lancelot ici-bas avaient disparu, et comme pour tout le reste, elle s’acharnait à tenir bon. Elle fit volte-face, désignant une chaise à Clive. « Tu devrais t’asseoir. » Avant de s’approcher, s’asseoir également pour inspecter ses plaies, elle voulait l’aider après tout, rien de plus compliqué. « Qu’est-ce qu’il s’est passé ? » Elle osait demander, prête à accepter qu’il la repousse une nouvelle fois, elle comprenait, acceptait les conséquences de ses actes, mais elle ne le laisserait pas tomber.

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Le baiser de Clive restait là, palpable, comme une empreinte charnelle encore échouée sur ses lèvres, ou comme un trouble grisant qui étouffait l’atmosphère. Soudainement, la boutique semblait toute petite à Cedrella, qui ne savait ni où se mettre, ni quoi faire. Elle avait espéré d’autres desseins pour Clive et elle, un avenir main dans la main que ce soit dans cette guerre, ou dans certaines parties de leur vie. Voire toute leur vie. Elle n’en savait rien… elle s’était si souvent perdue en route quand il s’agissait de lui, de eux. Clive n’avait jamais rien eu du gentleman séduisant les demoiselles à tout va, encore moins du beau parleur barbant qui ne jouait que de séductions basses et déplacées : il avait été particulier, pour elle et pour n’importe qui d’autre. Mais ce n’était pas dans un effort de se voiler la face que Cedrella avait nié son attachement pour Clive : elle était là, cette palpitation douloureuse au fond de sa poitrine, cette passion dévorante qui l’empêchait même de craindre la mort. Les paroles du sorcier se faisaient brèves, concises et directes ; dans un effort de garder sa vexation pour elle, elle ne dit rien, détournant simplement le regard lorsqu’il lui relata – en quelques mots – les événements qui l’avaient mis dans un tel état. Venant de lui, ce n’était guère surprenant qu’il se soit retrouvé dans une situation pareille : c’était Clive, et il n’avait jamais eu la moindre hésitation à agir avec tant de folie. Il ne voulait sans doute pas de recommandation ou remarque de sa part, aussi, elle pinça simplement les lèvres, décidant de prendre le tissu qu’elle avait ramené avec elle, pour soigner les plaies qu’il avait. « Ca peut faire mal... j-j’en sais rien à vrai dire. » Rares étaient les occasions où Cedrella Levinston était réduite au silence de cette manière, par la gêne, par la force d’une empathie diabolique la rendant coupable de tous les maux de la terre. Tous les maux qui transparaissaient à travers l’attitude de Clive. Avant de faire quoique ce soit, elle attendit comme un accord silencieux de la part de son ami, incapable de soutenir son regard bien longtemps cependant ; chaque seconde qui passait la perdait dans une torpeur glaciale, aussi glaciale que l’atmosphère ici bas.

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Elle faisait des efforts ; elle essayait de faire preuve du même dévouement qu’à l’accoutumé, faisant fi et de ses remords et de la tension qui émanait intensément de Clive, mais il ne semblait guère tenter d’en faire de même : il restait cloitré dans un silence épais, dans de vieilles pensées nostalgiques – ou peut-être même haineuses à l’égard de la sorcière. Le simple fait qu’il refusait même son aide aurait dû suffire à Cedrella pour lâcher l’éponge, souffler, abandonner, mais elle en était tristement incapable. Elle aurait sans doute préféré qu’il lui crache tous les reproches qu’il avait à lui dire plutôt que le voir resté silencieux de cette manière, ou à peine apte à parler, juste pour déverser un venin ironique et acide sur elle. Il était tombé amoureux d’elle, c’était une attente, un espoir qu’elle avait presque abandonné lors de sa captivité, et voilà qu’elle repoussait la déclaration qu’il lui avait enfin faite : même si ça n’avait été qu’un baiser, sans poème ni romantisme dégoulinant. Les temps ne se prêtaient pas à ça, de toute manière. Le ton acerbe de Clive n’échappa cependant pas à Cedrella, qui pinça légèrement les lèvres, n’ajoutant rien d’autre qu’un vif claquement de langue pour répondre au sorcier : oui, oui, c’était bien beau de sous-entendre qu’elle lui avait brisé le cœur, quel égoïste elle faisait, peut-être avait-elle au moins espéré qu’il voit au-delà de sa pauvre misère, qu’il comprenne tout autant qu’elle avait été capable de comprendre ce qui faisait qu’il n’était pas venu à son secours, qu’il n’avait pas remué ciel et terre alors qu’il l’aimait soit disant. Où était la justice là-dedans, après tout ? C’est donc légèrement agacée, retenant elle aussi ses paroles que Cedrella commença à prodiguer quelques soins aux plaies de Clive : non sans grande douceur, elle en avait fini avec les caresses et les gestes de tendresse et sans doute qu’il le comprit assez vite ; elle avait au moins cru qu’il la connaissait un tant soit peu, depuis leur toute première rencontre, mais de ce côté-là, c’était elle qui s’était voilée la face. « Tu es stupide, Clive. » Finit-elle par souffler, sur le ton clair et net de la réprimande ; stupide de se faire bêtement remarquer par tous les Mangemorts alentours, stupide de ne pas être capable de gratter la surface des choses, et ça, c’était sans doute le pire.

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L’amour n’avait jamais vraiment fait partie des grandes spécialisations de Cedrella ; elle pouvait avoir le caractère qu’elle voulait, son passage à Poudlard s’était plutôt apparenté à celui d’un spectre qui ne se faisait qu’à peine remarqué, et il en était allé de même bien souvent à Pré-Au-Lard. En Clive, elle avait vu bien des manifestations du coup de foudre – ou du béguin lentement mais sûrement construit, elle n’en savait rien, au fond : parfois, dans sa stupidité, chaque parole qu’elle avait échangée avec lui avait été emplie de sous-entendus qui faisaient s’embraser ses joues ; avec le temps, elle avait juste laissé le tout couler. La guerre n’avait rien facilité et peu à peu, peut-être bien que tous les espoirs qu’elle avait nourris, qu’elle avait lus au fond des yeux de Clive étaient morts : pour le monde tout entier, ou juste pour eux deux. Une part d’elle s’était peut-être bien fanée avec le temps, et ses insatiables concentrations sur leur but, sur leur devoir n’avaient été que des poudres aux yeux ; pour continuer d’avancer, coûte que coûte, si ça pouvait lui permettre d’être main dans la main avec Clive ; sur le chemin de quelque avenir que ce soit. Ironique, au fond, que celle qui avait tant attendu – bêtement bien souvent, le sourire aux lèvres, des étoiles plein les yeux – qui avait tout brisé, le moment venu, le baiser échangé. Etait-ce une erreur, d’agir ainsi, de ne lui laisser ni une chance, ni le choix ? C’était mieux ainsi, se disait-elle, plutôt qu’il commence à envisager un avenir avec elle. C’était de la trahison pure et dure, mais c’était mieux ainsi. Malgré la colère qu’elle pouvait ressentir à l’égard de l’attitude de Clive, celle-ci s’envola presque entièrement, lorsqu’elle sentit le regard du sorcier sur elle. Un trouble silencieux se glissant sous sa peau, elle trouva son regard à son tour, ne pouvant retenir le vague sourire qui marqua ses lèvres. « Je sais. » Le dévouement de Clive l’avait toujours inspirée, et c’était pour lui qu’elle était allée aussi loin, qu’elle était prête à tomber aussi bas. Une fois encore, en un réflexe incontrôlable, ces gestes maternels et plein de tendresse qu’elle avait toujours eus pour lui, elle caressa doucement sa joue, trouvant quelques mèches de ses cheveux. « Je veux juste pouvoir savoir que tu es en sécurité, d’une certaine manière... » Loin d’elle, et de ses histoires de Mangemorts, de menaces incessantes qui planaient au-dessus de sa tête ; protéger Clive avait toujours été la chose la plus facile à faire, pour elle.

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La présence de Clive était à la fois réconfortante et déstabilisante, quelque part : restait palpable la nostalgie de leurs souvenirs respectifs, les marques de la trahison qu’elle avait commise à l’égard du sorcier. Ses mots avaient été durs, décisifs et tranchants quant à briser tous les espoirs du jeune homme, elle s’en était rendue compte, malgré toute la douceur, toute l’empathie viscérale qu’elle ressentait à l’égard du sorcier elle n’avait jamais voulu lui faire du mal, elle n’avait même plus cru que leur histoire puisse prendre un tournant aussi radical. Au fond, le temps faisant, elle avait fini par croire que ce n’était pas pour eux… qu’eux deux, ça rimait à autre chose, à d’autres attentes ; l’idéaliste, romantique pauvre fille qui avait marché dans le sillon de Clive s’était peu à peu évaporée, pour d’autres desseins. Non pas à cause de ce qu’il avait pu faire, ou à cause de son absence lorsqu’elle avait pu attendre un sauvetage de sa part, parce qu’elle… elle ne pouvait pas vivre comme ça. Elle n’avait plus aucune raison d’espérer survivre à cette guerre, de toute manière. Ce serait se voiler la face, que de croire que les Mangemorts ne reviendraient jamais pour elle, même jusqu’ici, et c’était bien pour ça qu’elle continuait de se battre, avec ou sans l’aide de Clive. A l’instant de le repousser, elle avait cru pouvoir tenir bon, comme elle l’avait fait jusque-là ; mais ses sentiments pour Clive avaient irrémédiablement repris le dessus : plus forts, plus troublants : ça n’avait rien d’une simple affection, c’était… complexe, comme un frisson charnel glissant le long de son dos, comme un tison fiché dans sa poitrine depuis qu’il la regardait différemment, depuis qu’elle savait qu’elle l’avait perdu. « Peu importe. » Finit-elle par souffler ; c’était comme ça qu’ils fonctionnaient, l’un comme l’autre, une promesse à la vie à la mort pour cette bataille, c’est ce qui les perdait. Elle avait baissé les yeux, alors qu’elle avait fini de s’occuper des plaies de Clive. « Je… j’suis juste. Contente que tu sois là. » Même si ce n’était pas de son plein gré, ou même par envie pure et dure. Il ne lui laissait aucune chance, il ne semblait même pas voir d’avenir à leur relation ainsi, mais elle essayait ; s’ils devaient mourir, qu’ils essayent au moins de leur mieux, de rester l’un avec l’autre.

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Son affection pour Clive avait toujours crevé les yeux : c’était du moins, ce que lui avait toujours fait comprendre sa collègue, dès que le sorcier avait passé la porte de leur boutique et qu’elle, elle avait discrètement assisté à leur tête à tête. Aux yeux de beaucoup, il n’avait rien de séduisant, il se contentait d’être charmant tel un gentleman qui ne serait jamais plus, Cedrella, s’était toujours plu à croire qu’elle avait vu autre chose chez lui ; quelque chose de plus, qui la rendait spéciale, unique en quelque sorte. L’avenir qu’elle avait parfois rêvé d’avoir avec Clive, fait de rendez-vous amoureux, de gestes de tendresse ; d’une amourette promise à évoluer, elle avait décidé d’y renoncer à l’instant même où il s’était jeté à l’eau. Ou peut-être avait-elle eu le temps d’y réfléchir mûrement pendant sa captivité : et ça n’avait rien à voir avec l’absence de Clive au pire moment de sa vie, ou les choix qu’il avait faits, c’était… mieux ainsi. Mieux pour elle – égoïstement – de croire qu’il n’y avait rien qui la retenait dans ce bas-monde, alors que le chaos envahissait tout. Peut-être étaient-ils destinés à être des amants maudits, comme dans les tragédies qu’elle avait lues trop souvent, des âmes sœurs juste destinées à se perdre. Qu’importe… elle ne voulait pas franchir ce pas dans leur relation, ce pas décisif, aux promesses funestes. Elle ne put s’empêcher de baisser les yeux, piquée par la culpabilité face aux excuses de Clive. Pourquoi est-ce qu’il s’excusait ? C’était peut-être mieux ainsi, qu’il ne vienne plus… qu’elle vive avec ce manque cuisant au fond de sa poitrine, cette punition qui lui était imposée. Elle fut incapable de répondre quoique ce soit, préférant garder contenance : elle avait eu le loisir d’explorer les pires tréfonds du chagrin, ces temps-ci et elle n’avait rien d’un cadeau lorsqu’elle était rongée par la culpabilité. « C’est rien. Je… je comprends. » C’était la moindre des choses, elle ne savait même pas si elle aurait été capable de surmonter le fait qu’il fasse comme si de rien n’était, si elle aurait été capable de le regarder droit dans les yeux, après tout ça. Les mois étaient passés, ils avaient pansé leurs plaies – un tant soit peu, en tout cas – et ça leur permettait d’avancer ; ou faire comme si. Pour reprendre contenance, elle lâcha un rire, admirant la barbe qui grisait les joues de Clive, c’était sans doute la démonstration de toute la douleur que ses paroles avaient éveillé chez le sorcier. « J’aime bien. La barbe. » Elle ne pouvait s’empêcher de détailler le profil de Clive, qui s’était peu à peu effacé de son esprit tant le temps était passé, mais qui était à présent bel et bien offert à sa vue. « Cependant, je n’aime pas spécialement les cernes qui viennent avec. » Elle osait espérer que c’était encore légitime pour elle de se faire du souci pour Clive, car ces sentiments-là ne disparaîtraient pas de sitôt.

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Les jours s’étaient lentement fanés et avec eux, les espoirs de Cedrella. La réalité l’avait englobée, happée : elle avait brisé ainsi, quelque chose entre Clive et elle. Ce quelque chose qui avait toujours fait d’eux quelque chose d’unique, d’exceptionnel ; qui dépassait la simple affection ou le béguin de passage, l’amitié qu’ils avaient lentement cultivée. Ça allait bien au-delà de cette guerre et pourtant, c’en était la principale victime. Elle ne pouvait pas… elle ne pouvait pas emmener Clive sur le chemin tortueux de l’avenir qui lui était tout tracé : elle payerait pour ses fautes, tôt ou tard, et les spectres sombres des Mangemorts englobaient peu à peu Pré-Au-Lard. Peut-être avait-elle espéré qu’il ne revienne plus jamais ici, qu’il n’aventure plus ses pas ici-bas : c’était égoïste ; Clive ne vouait pas son existence à elle seule, il ne vivait pas que pour leurs rencontres, tout ce qu’ils vivaient, ensemble. Dans sa solitude, elle avait chéri chacun des souvenirs qui avaient vaqué dans sa tête, qui avaient continué de faire brûler cet espoir au fond d’elle, cette certitude presque convaincante, que c’était mieux ainsi ; au combien, elle aurait souhaité qu’il en soit autrement. Le destin – peut-être bien – ou une quelconque magie supérieure glissant au gré du vent en avait décidé autrement. « Oui... » Son souffle n’avait été qu’une caresse glissant entre ses lèvres pincées : cette guerre, sans elle, bien des problèmes n’existeraient pas. Et peut-être bien que sa relation avec Clive n’aurait jamais pris un tel tournant : c’était donnant-donnant, une part de cauchemar, une part de bienfait. « Tu sais... » Commença-t-elle, le regard dans le vide, à la recherche de ces sentiments qui déferlaient dans son esprit ; elle avait tellement envie, tellement envie de panser les plaies qu’elle avait créées, entre eux deux, et pourtant… elle ne devait pas. Dépitée, elle souffla, ses épaules perdant de leur stature carrée. Troublée, elle se releva, prenant un certain courage à deux mains. « Je suis désolée. Pour ce que j’ai dit. Je… » Je ne le pensais pas n’était sans doute pas la réplique adéquate – quoique détentrice de la vérité pure et dure. « J’aurais pas dû. C’est… j’étais confuse, avec tout ce qui était arrivé et. » Et lui, et sa déclaration imprévue, ce baiser dont les réminiscences la faisaient encore frissonner, parfois, dans son épaisse solitude. Son regard avait trouvé refuge sur une étagère de livres un peu plus loin, c’était bien rare qu’elle ne sache pas quoi dire, qu’elle soit celle qui détournait les yeux, vers le mensonge, l’épais brouillard de mensonges qui l’englobait, depuis des semaines déjà.

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Peut-être bien qu’elle n’avait pas le droit de ressentir cette grisante nostalgie au creux du ventre, ces afflictions palpables au fond de son cœur à chaque fois qu’elle posait son regard sur Clive. C’était elle qui avait tout brisé entre eux, qui l’avait repoussé sans grande cérémonie, alors qu’il s’était lancé dans cette déclaration pour le moins chaotique. Peut-être qu’ils auraient été plus brillants en matière d’amour si leurs rendez-vous s’étaient faits par le biais d’échanges de lettres d’amour et de poèmes à l’eau de rose. Là, ce soir, elle n’était qu’à peine capable de soutenir son regard, de faire preuve de cette tendresse si habituelle, sans en ressentir le moindre trouble ou sans que ses joues n’en vienne à s’embraser sous la gêne. Lèvres pincées, elle tentait de s’excuser, ou de trouver de quoi faire amende honorable : à son esprit, aucun prétexte ne trouvait grâce pour ce qu’elle avait fait, pour la mélancolie et le chagrin qu’elle lisait au fond des yeux de Clive. Alors c’était vrai ? Comme… vraiment vrai ? Peut-être que la fougue de leur baiser ne lui avait pas laissé une chance d’y croire vraiment, mais qu’aujourd’hui, toute la vérité rien que la vérité lui était balancée en pleine tronche. Elle était stupide, stupide de tourner ainsi le dos à ses sentiments et à cette attirance qui l’habitait depuis toujours, à chaque fois qu’elle avait posé ses yeux sur Clive. Il n’y avait plus de quoi se voiler la face, à part nier en bloc et ce, complètement. Clive semblait s’approcher de cette limite-là, de cette frontière sans retour et alors qu’il parlait, l’évidence sautait aux yeux de la sorcière : elle ne pouvait pas le contredire. Elle ne pouvait plus, elle n’en avait pas le droit, pas après tout ce qu’elle l’avait poussé à traverser avec cette trahison et ces mensonges qu’elle lui avait servis. « Oui... » Lâcha-t-elle donc, la gorge serrée, le cœur manquant un battement. Elle tenta de masquer toutes ces peines, de faire bonne figure. Cedrella, celle qui aimait toujours avoir le dernier mot se trouvait bien silencieuse à présent. « Tu as raison, je suis désolée... j’aurais pas dû en parler. » Cet abcès qu’il y avait désormais entre eux, elle l’avait bien cherché ; ils pouvaient toujours croire pouvoir faire comme si de rien n’était, elle savait pourtant qu’elle, elle en était incapable.

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Oublier. La moindre des choses aurait été de se plier aux volontés de Clive, d’accepter d’enterrer elle aussi, sa culpabilité et tous les sentiments qu’elle ressentait à l’égard du sorcier. Cupidon n’était définitivement pas clément avec eux deux, ils traversaient trahisons et mélancolies de tous les côtés, et voilà que leurs retrouvailles se faisaient bien tendues et silencieuses. Elle aurait souhaité pouvoir faire la part des choses, mimer l’indifférence et continuer d’avancer, soigner les blessures de Clive et faire comme si de rien n’était, mais tout son esprit, son cœur battant d’une chamade désespérée et tordue désiraient le contraire. Si elle voulait qu’ils aient un avenir ensemble, si elle ne voulait pas définitivement le perdre, c’était ce qu’elle devait faire, là, postée dans un coin, les joues embrasées de rouge par la honte, par toute la véhémence que lui inspiraient ses derniers mots à l’adresse de Clive, ces déclarations qui ne quittaient pas sa tête. L’amour, s’enticher de quelqu’un – même de Clive, s’avérait bien trop tortueux ces derniers temps : combien de couples, de familles étaient brisés par cette guerre, de toute manière ? Elle détourna bêtement le regard, de toute manière, aux paroles de Clive. Est-ce qu’ils avaient remis quoique ce soit au clair ? Depuis qu’il était parti, elle avait ressenti le besoin de s’excuser, de trouver des mots capables de panser les plaies qu’elle avait infligés entre eux, dans leur relation – elle s’était finalement contentée de balbutier quelques paroles et ensemble, ils avaient fui la réalité. Elle ne souffla pas le moindre mot en réponse, joignant ses mains en les regardant comme la chose la plus fascinante de ce monde. Jusqu’à ce que Clive ne reprenne la parole. Noël. Les cadeaux, les chocolats, la neige, le gui ou même la messe religieuse : tout ça, elle n’y avait pas pensé, aussi s’empourpra-t-elle légèrement, sans savoir si c’était la possibilité de passer cette soirée avec Clive – peut-être une demande cachée – ou l’oubli qui la faisait rougir de la sorte. « Ehm... j-je dois avouer que je n’y ai pas vraiment réfléchi. Je suis seule, ici, maintenant. Je veux dire – ma collègue a fini par partir. Alors… je suppose que je serai seule. » Qu’est-ce que ça pouvait changer ? Est-ce que qui que ce soit dans le monde de la magie fêterait Noël cette année ? Est-ce qu’elle connaîtrait d’autres Noëls ? Cette pensée la piqua au vif, de loin, elle regarda Clive – de haut en bas, puis de bas en haut ; l’envie de parler était là, mais les mots ne sortaient pas. Pas avant de longues secondes, le temps qu’elle se fasse bataille. « Pourquoi ?... Tu… tu voudrais passer Noël avec moi ? » C’était un chemin risqué sur lequel elle s’engageait, mais peut-être bien que c’était par-là qu’elle devait passer pour s’accrocher au vague espoir d’obtenir rédemption pour ses fautes.

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« for nothing makes me stronger than your fragile heart. »
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Cela faisait bien longtemps qu’elle ne fêtait plus Noël en famille. Au combien les parents de Cedrella avaient laissé une indéniable distance grandir entre eux, sans doute qu’ils ne s’attendaient pas à ce qu’elle se condamne à passer les fêtes seule, ainsi que le restant de ses jours : ils avaient eu d’autres projets d’avenir pour elle et à ses souvenirs, l’amour des parents Levinston s’était ressenti dans chaque parcelle de sa vie – de ces fêtes, plus particulièrement : il y avait les chocolats qu’ils avaient toujours tous partagés sans complexité, les cadeaux qu’ils s’étaient offerts les uns les autres. Ces temps-là étaient bien loin pour la sorcière, depuis un moment déjà – ils lui semblaient inatteignables, dans la morosité qui planait sur Pré-Au-Lard. Elle n’avait tout simplement… pas pensé à Noël, elle ne pensait à plus grand-chose à présent, uniquement grisée par la mélancolie qu’avait laissée en elle l’absence de Clive. Célébrer Noël avec lui serait sans doute la meilleure façon de le retrouver, c’était ce qu’elle avait souhaité pendant tout ce temps, après tout, ces mois qui étaient passés si lentement. Un sourire contrit marqua les lèvres de la sorcière suite à la déclaration de Clive – il semblerait qu’il essayait avec tout l’acharnement possible, d’effacer sa rancœur et les dernières traces de ce baiser qui avait semé tant de troubles entre eux. Elle sentit à nouveau le rouge à ses joues la brûler doucereusement, mais elle pinça les lèvres, effaçant cette vague gêne, ce sentiment qui émettait de suaves palpitations au creux de ses entrailles. « Avec plaisir. Clive. » Son regard s’accrocha un instant à celui de son vis-à-vis, avant qu’elle ne s’embrase à nouveau sous cette excitation incompréhensible. Oscillant d’un pied à l’autre, elle détourna son attention, passant une main dans ses cheveux, humectant ses lèvres du bout de sa langue. Sa relation avec Clive dépassait l’affection, la tendresse toute simple ou même l’attirance la plus primaire – ce n’était pas un béguin et ce ne serait jamais une histoire d’amour sûrement. A quoi ils jouaient alors ? Elle était tout simplement incapable, incapable de le supprimer de sa vie. Elle revint s’asseoir à côté de lui, l’endroit qu’elle avait quitté il y a peu. « Tu sais… il y a quelques jours j’avais pensé à te chercher un cadeau et puis je me suis dit que ça ne servirait sans doute à rien. Que tu ne l’aurais jamais. Je ne voulais pas vraiment penser à Noël à vrai dire. » Où est-ce qu’elle pouvait bien vouloir en venir ? Elle se reprit, haussant légèrement les épaules pour effacer toute la lourde vérité de ces quelques révélations. « Ca va te sembler… bizarre. Mais je suis contente que des Mangemorts aient décidé de t’attaquer – ici, devant ma boutique. » Un sourire s’imprima sur ses lèvres, elle ignora le regard de Clive un moment, de peur qu’il ne la brûle si leurs yeux venaient à se croiser. « Tu m’as manqué, Clive. » Qu’ils soient amis, amants peu importait, elle avait toujours chéri tout le temps qu’elle avait pu passer avec lui. Elle avait eu peur, un temps, de ne plus jamais le revoir, heureusement le hasard faisait bien les choses, des fois.