"THIS IS THE STORY OF A LIFE"

Nott, Théodore Anthony est né le quinze mars de l'année mille neuf cent quatre-vingt-un, au crépuscule, entre le jour et la nuit. Il est cynique, égocentrique, sarcastique et prétentieux, mais ses défauts sonnent pour lui comme de grandes qualités. Il se délecte des visages en décomposition de ses interlocuteurs lorsqu'il envoie ses remarques dérangeantes. Cependant, son masque d'assurance cache un profond malaise, ignoré dans son enfance par un père absent, il est rendu agressif par sa peur de la solitude. Sa confiance est un prix difficile à remporter et une seule personne y est réellement parvenue : Pansy. Elle est seule à connaître la douceur, la gentillesse, la compassion et la générosité que Théodore dissimule avec tant d’énergie. Paradoxal. Incompréhensible. Indomptable. Le jeune homme est un être aux multiples visages. Il lui arrive de se renfermer totalement sur lui-même. Un sourire absent et des yeux dans le vague suffisent à vous donner la sensation d’être de trop. Il lui suffit pourtant de sourire à nouveau pour vous donner alors l’impression d’être la seule personne à pouvoir mériter un tel sourire. Il n’a pas forcément besoin d’ouvrir la bouche pour expliquer ce qu’il ressent ou désire, car c'est, en général, très perceptible. Pas forcément physiquement, puisqu’il paraît impassible, mais il dégage quelque chose qui peut mettre soit à l’aise, soit très mal à l’aise. Ou alors… les deux en même temps.

SEPTEMBRE 1993

C'était sa première année à Poudlard et il se sentait exclus… Il sanglota, balayant hâtivement les larmes coulant sur ses joues humides. Ses parents avaient abandonné les quais depuis longtemps. Il n’avait personne à qui parler, ni d’amis. Théo avait conscience de l’importance qu’accordaient ses parents au temps, si précieux pour les adultes et il s’isolait, volontairement, pour ne pas les importuner. Il ravala de nouvelles larmes, luttant contre les vagues de panique qui l’envahissaient. Il sursauta à l’ouverture, bruyante, de la cabine. Une jeune fille, brune, au visage harmonieux, mais dur, apparut, se glissant à l’intérieur. Ce visage, si sévère, lui était familier. « Salut, je peux m’asseoir ? » demanda-t-elle d’une voix agréablement flutée, se posant, sans attendre de réponse, sur la banquette face à la sienne. Anthony acquiesça machinalement, sceptique. Ces quelques mots, les premiers d’une longue liste. Certes, il n’ignorait pas l’identité de la fillette, Pansy Parkinson, pour l’avoir croisé à de nombreuses reprises, notamment lors de réceptions, mais il ne la connaissait pas personnellement. Les présentations faites, à nouveau, il bavarda quelques agréables minutes en sa compagnie. C’est alors qu’apparut Malfoy… Le jeune garçon blond, transpirait l’arrogance et le narcissisme. Théo avait connu le garçon de la même manière qu’il avait rencontré Pansy : à cause de leurs parents.

Draco s’installa à ses côtés, sans songer une seule seconde que sa présence n’était pas voulue. Anthony, ne cherchant même pas à masquer son mépris, grogna, amer « Malfoy » en dardant le blondinet d’un regard haineux.

DECEMBRE 1995

Théodore grimaça. Daphné, aux anges, baissa le menton, fuyant son regard, rouge comme une pivoine. Ce baiser, qu’il venait d’échanger avec la jeune fille, lui parut fade et triste. Un goût amer persistait sur sa langue… Elle embrassait horriblement mal, c’était évident ! Malgré tous ses efforts, il n’était pas parvenu à y prendre plaisir. L’adolescente, les joues toujours rosies par l’émotion, se mordit la lèvre inférieure d’une manière qui aurait pu être séduisante, s’il ne trouvait pas son visage aussi disgracieux. Si seulement… Sa gorge se noua. Daphné s’inquiéta de la situation lorsque l’expression de son visage changea, elle perdit aussitôt toute sa contenance, marquant un léger mouvement de recul. Il la laissa partir, sans chercher à l'en empêcher. Après tout, elle ne l’intéressait pas. Il l’avait choisis parce qu’elle avait les mêmes yeux que Pansy… Toutes les filles qui lui semblaient intéressantes, elles l’étaient pour une raison bien particulière : leur étonnante ressemblance avec l’adolescente. Il gagna la grande salle, comme un automate, le teint pâle, qui aurait pu rivaliser avec Draco. Il savait que Pansy s'y trouvait, dansant avec le blondinet. Il n'eut aucune difficulté à la trouver, malgré la foule. Il l'observa de longues minutes, perplexe, étudiant les traits délicats de son visage. Il ignorait à partir de quel instant ses sentiments pour Pansy avait changé, mais il était inutile de se leurrer plus longtemps. Il la rejoignit, se faufilant avec agilité. Il réclama la présence de la jeune fille, Malfoy s’éclipsa, cédant à sa demande, à sa plus grande joie. Une fois seul avec Pansy, il se permit de la complimenter sur sa tenue. Il ne l'avait jamais vu en robe auparavant, mais ce vêtement, élégant et sobre, l'émerveilla. « Tu es venu avec Malfoy » fit-il remarquer, feignant l’indifférence. Il éluda lorsqu'elle évoquât sa propre partenaire de la soirée, haussant les épaules en détournant vivement les yeux. Un silence pesant s'installa, seulement interrompu par un soupir mutuel. La conversation reprit, abordant un sujet bien plus intime. La musique s’arrêta, plus tôt qu’il ne l’aurait voulu, malheureusement, et Pansy s’éclipsa, rejoignant Draco en l’abandonnant sur la piste. Il était encore seul. Encore et toujours seul…

AOUT 1998

Anthony roula sur le dos, croisant les bras sur sa poitrine, foudroyant le plafond du regard. Il pinça les lèvres avant de lâcher un profond soupir. On était en mille neuf cent quatre-vingt-dix-huit, il avait seize ans et il ne tarderait pas à rentrer à Poudlard pour sa septième année, la dernière. Il survivait, luttant contre un adversaire imbattable : ses sentiments. Depuis son arrivée à l’école de sorcellerie, des années plus tôt, il avait vécu la tristesse, la douleur et la jalousie. Il avait sombré dans un gouffre si profond qu’il ignorait encore comment en sortir. Sa vie avait basculé ! Primo : Pansy. Il l’avait vu au bras de Malfoy. Le blond arrogant le répugnait ! Anthony n’ignorait rien de ce lien ambigu que les deux jeunes gens entretenaient depuis leur enfance. Par ailleurs, leurs parents les voyaient déjà mariés… Il n’avait pu supporter cette vision, lors du bal de Noel, en mille neuf cent quatre-vingt-quinze. S’il en avait eu le courage, il aurait haï la jeune femme pour cette trahison. Théodore réalisait, chaque jour, qu’il était dangereux d’aimer inconditionnellement quelqu’un exerçant sur soi le pouvoir de la souffrance. Il se sentait perdu, seul, trahi, abandonné ! Pansy, sa seule amie à Poudlard, pourtant, lui manquait. Il lui avait écrit, pour l’avertir de son départ en Amerique, sans attendre de réponse. Anthony éprouvait pour elle des sentiments incompréhensibles et indéfinissables. Il n’avait pas osé lui avouer, depuis toutes ces années, qu’à ses yeux, elle n’était plus sa meilleure amie, mais bien plus que cela. Il espérait, au plus profond de son cœur, qu'elle s'en était aperçue et que ces sentiments étaient réciproques, mais il ne fallait pas rêver... Il se redressa, ramenant ses jambes près de sa poitrine pour les entourer de ses bras. Secundo : Son père, Mr Nott, ancien Mangemort. Cet homme, veuf, désespéré, perdu dans ses problèmes ignorait toujours autant son fils et Théo le détestait, sans même faire l’effort de lui cacher sa colère, pour les problèmes que les décisions de son paternel engendraient. Sa docilité avait laissé place à un besoin pressant de rébellion. A cause de la trahison de son père auprès du Seigneur des Ténèbres, il était devenu la risée de l’école… Il redoutait la rentrée scolaire. Il caressa d’une main distraite le pelage rayé du chat, Alex, roulé en boule à ses côtés et se mordit la langue, le goût cuivré du sang, étonnamment agréable, finissant par envahir sa bouche.

SEPTEMBRE 1998

« Nott ? Pffft c’est un traitre » Théodore aurait pu reconnaître la voix de Goyle, sans la moindre difficulté, parmi tant d'autres, tant elle lui était déplaisante. Il n'avait rien à envier au brun stupide, boulimique, soumis et obéissant qu'était Goyle. Le petit chien de Malfoy était bien mal placé pour parler de traitrise… « GOYLE ! N’essaye même pas de me faire croire que tu le connais ! Ce n’est pas un traitre ! » intervint brusquement Pansy, à la plus grand surprise de Théo. Elle accordait habituellement peu d'importance aux autres élèves de la maison... sauf à lui. La jeune femme, furieuse, ne tint pas compte des supplications de Goyle. Il aurait pu ressentir de la pitié, s'il avait pu témoigner la moindre compassion pour le porc que Goyle était. Anthony écouta attentivement la conversation, plus encore quand Malfoy s'y joignit. Sur un coup de théâtre, elle quitta brusquement le groupe d'adolescents. Elle s'isola dans le dortoir des prefets, où elle s'abandonnerait certainement à la nicotine et à l'alcool. Théodore prit le risque de la suivre, conscient qu'il y perdrait peut-être des plumes. Il patienta quelques instants, hors de son champ de vision, la dévisageant. « C’est gentil ce que tu as dis… tu sais. Avant. » lui lança t-il, un sourire pendu aux lèvres. Il le pensait, sincèrement. Pansy n’était pas connue pour être tolérante. « Je sais, je ferai pas ca tout le temps » Il scruta son visage et les mots franchirent ses lèvres sans qu’il y ait réellement réfléchit. « Je t’aime Pansy » « Quoi ? » Il lui devait la vérité… Après tout, ils étaient amis, non ? Il bouillonnait, intérieurement. « Je t’aime Pansy, mais je suis un traitre, un déserteur, jamais je n’aurai le droit de … » Elle l’interrompit. Son regard, dont elle avait le secret, le foudroyait, l'obligeant à rester muet. « Ta gueule, Théo. Ferme-la d’accord ? » Il pinça les lèvres, baissant les yeux et le menton sur ses mains qui broyaient contentieusement une cigarette, jusqu’à présent intacte.