« J’ai besoin de réfléchir. » Y avait-il un meilleur moyen pour mettre fin à une rencontre déjà chargée de doutes et de questionnements ? Mais répondre à des questions par une fuite, voilà qui était loin d’être judicieux. Cela ne faisait qu’approfondir le problème, n’était-ce pas évident ? Et bien, pas pour tout le monde apparemment. S’il n’y avait eu que la fuite, au moins. Mais non. Il y avait eu fuite, et sortilège de mutisme. Et Morgana avait du aller tambouriner à la porte de sa mère pour la réveiller, et obtenir d’elle qu’elle lève l’enchantement, tout cela sans pouvoir lui expliquer par quel moyen elle s’était retrouvée privée de la parole par cette soirée. Sans pouvoir lui confier qu’elle venait sans doute de passer la pire soirée de ces six derniers mois. Et repartir sans avoir dit beaucoup plus de mots, finalement, que quand elle avait encore la langue bloquée. Repartir et retourner s’effondrer sur son lit, seule, comme elle l’avait fait si souvent pour ressasser des pensées qu’elle avait tant souhaiter effacer, des sentiments interdits mais qui avaient ressurgi avec une violence inouïe, la laissant incapable d’agir. Elle en avait voulu à Alexander d’être parti avec tant de précipitations, après avoir partagé un baiser avec elle, mais elle avait bien du se rendre à l’évidence. Elle s’en voulait encore plus à elle-même d’avoir agi de cette façon inconsidérée, écoutant ses pulsions primaires sans se soucier de sa raison. C’était lui qui avait raison, ce qu’elle avait fait était tout à fait injuste mais tellement, tellement agréable ! Beaucoup trop agréable. Au fil des jours suivant, elle n’avait pu retirer ce souvenir de sa tête, leurs lèvres qui s’étaient retrouvées après tout ce temps, et la félicité de savoir qu’il ne l’avait pas oubliée malgré tout. Quoi qu’elle fasse, elle se retrouvait sans arrêt en train d’y penser, et elle en devenait folle. Folle de devoir faire comme s’il ne s’était absolument rien passé, de savoir que cela ne devait plus se reproduire … Tout en se torturant de cette situation impossible à démêler, impossible à supporter. Elle avait cru s’être détachée de lui, mais elle avait replongé en quelques instants. Et elle était en manque, chaque minute et chaque seconde.

Deux semaines après leurs étranges retrouvailles, Morgana s’était tant bien que mal habituée à vivre avec ces nouvelles interrogations, cette frustration intense qui la minait complètement. Et le fait qu’elle croise Alexander quasiment tous les jours n’était pas là pour arranger sa situation. Il évitait soigneusement son regard comme il l’avait fait depuis six mois, et elle s’efforçait de faire de même, prétendant que rien n’avait changé. Mais un jour ou l’autre, ils devraient faire face, peu importait la manière dont ils le feraient. Une chose était certaine pourtant : cela ne se ferait pas au Ministère. Pas alors qu’elle savait à présent les raisons de son départ et de son intégration aux Mangemorts … Mais elle ne savait même pas comment lui faire passer le moindre message sans risquer qu’il ne soit intercepté. Ils ne pouvaient pas prendre le moindre risque. Mais comme tous les jours à chaque fois qu’elle ne voyait, elle ne pouvait s’empêcher de souhaiter qu’il utilise son don pour la Légilimancie, juste un instant, juste pour savoir ce qu’elle pensait. Elle le lui avait formellement interdit et il ne brisait bien entendu jamais cette règle. Elle restait donc muette, et il restait terriblement loin d’elle. Mais aujourd’hui, bien qu’ils soient dans la même pièce depuis plusieurs heures déjà, elle avait réussi à enlever leur relation de son esprit pour se focaliser uniquement sur son travail. Ils se trouvaient dans une salle d’audience bourrée à craquer de hauts pontes du Ministère et d’autant de Mangemorts, le moment était donc plutôt mal choisi pour s’adonner à des rêveries futiles. Morgana ne se trouvait ici que dans un but purement administratif, mais cette proximité avec ceux qui avaient fait serment de traquer et massacrer les gens comme elle ne la mettait pas très à l’aise. Alexander, quant à lui, semblait parfaitement dans son élément. Elle ne lui jetait que de rares coups d’œil, quand il prenait la parole, mais cela suffisait pour comprendre qu’il appartenait à ce milieu, tandis qu’elle se sentait comme une totale intruse. Par chance, elle n’avait pas besoin de parler …

Toute son attention focalisée sur ses notes, Morgana releva une nouvelle fois la tête pour regarder un de ses collègues prendre la parole, puis ses yeux dévièrent machinalement vers Alexander quand il lui répondit. Il fit un geste de la main gauche, et Morgana cligna des yeux. Une autre voix s’éleva près d’elle tandis qu’un employé reprenait la parole, mais elle resta fixée sur Alexander. Sur l’endroit où sa main s’était trouvée quelques instants plus tôt, avant de disparaître rapidement sous la table. Elle sentit une chaleur tout à fait désagréable l’envahir, ne remarqua même pas qu’il avait tourné la tête vers elle, un instant, avant de la détourner pour reprendre la parole. Ce ne fut que quand une collègue à sa droite lui flanqua un discret coup de coude avant de lui souffler quelques mots, que Morgana réagit enfin et détourna les yeux. Elle sentait que ses joues avaient pris une couleur rouge soutenue, son cœur battait la chamade dans sa poitrine, et bien que ses yeux soient fixés sur ses notes, elle ne parvenait plus à y déchiffrer quoi que ce soit. Les dernières trente minutes de l’audience lui parurent durer des heures, et elle perdit complètement le fil, incapable de se concentrer plus de quelques secondes pour comprendre ce qui se disait autour d’elle. Quand enfin, la séance fut levée, elle fut la première à franchir les portes d’un pas pressé, bousculant au passage un vieillard qui se mit à grommeler furieusement. Mais elle ne voyait plus rien, ni personne. Fourrant rageusement ses notes en vrac dans son sac, elle franchit au pas de course la distance qui la séparait de l’Atrium, et se rua comme une furie vers la première sortie qu’elle trouva. Se retrouvant dans une ruelle moldue de Londres, elle continua de marcher sans aucun but, jusqu’à ce qu’elle se rende compte qu’un autre bruit de pas faisait écho au sien. Elle se retourna et se figea sur place, pas même surprise par l’identité de son poursuivant. Mais ce n’était pas du tout le genre de retrouvailles qu’elle avait imaginé ces derniers jours, et revoir son visage, loin de provoquer en elle le manque qu’elle avait pu ressentir depuis la dernière fois, faisait jaillir une vague de fureur sans précédent. « Qu’est-ce que tu fais là ? Je ne veux pas de tes explications, je me suis fait avoir une fois, ça me suffit amplement ! » Elle avança d’un pas furieux vers lui, posa ses mains sur son torse et le poussa en arrière autant qu’elle put, dans un geste certes futile mais qui représentait bien ce qu’elle souhaitait à présent. La plus grande distance possible entre eux, qu’il sorte de sa vie et qu’il ne revienne plus jamais. « Retourne profiter de ton mariage la conscience tranquille Callahan, tu as ma promesse que je ne viendrais plus jamais interférer ! »

La poitrine dans un étau, Morgana avait l’impression que chaque inspiration qu’elle prenait était plus laborieuse que la précédente. Si elle s’était fait de jolies illusions ces derniers jours, la réalité était revenue la heurter de plein fouet, et elle se trouvait stupéfaite devant cette douleur si familière qu’elle pensait pourtant n’avoir jamais oubliée. Apparemment, elle l’avait bel et bien oubliée pourtant. Naïve et optimiste, à moins que cela soit seulement du à sa sottise, elle avait cru, elle avait espéré. Depuis qu’Alexander avait prononcé les mots tant attendus, elle avait retrouvé un espoir ténu mais tellement puissant, qui avait fait circuler son sang avec une vigueur nouvelle, lui donnant un nouveau but pour éclairer son futur. Un futur certes toujours aussi sombre, avec bien peu de chances de fin heureuse, mais qui n’était plus barré par un mur infranchissable. Elle avait été aveugle de ne plus voir le mur derrière l’écran de fumée qu’Alexander avait créé avec ses mots. Et finalement, elle s’était jetée dessus, l’avait pris en pleine face, et se retrouvait brisée sur la chaussée. Mais pour l’instant, c’était la colère qui prédominait par-dessus la souffrance, une colère des plus satisfaisantes qui la protégerait encore un moment et qui l’empêchait de se laisser tomber au fond du précipice. Pas devant lui, surtout pas devant lui. En attendant de pouvoir laisser libre cours à sa peine, elle se dressait de toute sa taille, serrait les poings, attendait la moindre réaction de sa part qui puisse lui donner le feu vert pour exploser une bonne fois pour toute. Oubliés les risques qu’ils prenaient à se parler face à face – mais y avait-il réellement des risques, ou était-ce juste un nouveau mensonge ? – oublié sa condition de Mangemort tellement plus puissant qu’elle, oubliée même sa condition de sorcière. Si elle s’était écoutée, elle aurait réagi comme la moldue qu’elle était à moitié, et aurait sorti ses ongles pour lui lacérer le visage, l’aurait roué de coup, l’aurait provoqué jusqu’à ce qu’il la tue, sans doute. Elle avait encore assez de retenue pour s’empêcher une réaction aussi puérile, mais l’envie n’en manquait pas. Au lieu de quoi elle l’avait juste poussé, et se tenait maintenant à distance respectable.

« J'aimerais pouvoir te dire que c'est pas ce que tu crois mais c'est plus compliqué que tu le penses. » Il avait au moins le bon goût de paraître mal à l’aise, et bien que ses paroles ne soient en rien apaisantes – au contraire, car il avait ainsi confirmé ses doutes – son ton et son attitude firent baisser la colère de Morgana d’un cran. Un cran, c’était pourtant loin d’être suffisant, et elle croisa les bras sur sa poitrine pour empêcher ses mains de se porter à sa baguette magique pour lui tirer par la force les explications si compliquées qu’il semblait ne pas vouloir lui donner. Elle s’enferma dans le silence, estimant que la question évidente qui flottait entre eux n’avait vraiment pas besoin qu’elle la prononce. S’il tenait à elle comme il l’avait dit, s’il était venu jusque là, ce n’était pas pour lui dire que les choses étaient compliquées. Parce que ça, merci bien, mais elle le savait déjà. Et il fini bien par reprendre la parole … Et elle souhaita soudain ne jamais lui avoir laissé le temps pour parler. « Qu'est que tu veux que j'te dise de plus ? Tu pensais vraiment qu'en six mois j'aurais pas trouvé quelqu'un d'autres ? Que je te serais resté fidèle jusqu'à ma mort ? Il fallait que j'avance Morgana, c'est pas la même chose, mais elle arrive à me rendre heureux à sa façon. » L’ébahissement l’envahit, et elle le fixa comme si elle n’était pas sûre d’avoir bien compris. Comme s’il venait de prononcer une telle énormité qu’elle ne pouvait pas y croire. Et elle avait cru à son air désolé au premier abord … Quelle idiote elle faisait ! « C’est pour ça que tu m’as suivie jusque là ? Pour me dire ça ?!? » S’indigna-t-elle de toute la force de ses poumons. Cette fois elle du réellement faire un effort sur elle-même pour ne pas se jeter sur lui et le frapper. La condescendance avec laquelle il la traitait la mettait hors d’elle. Avait-il vraiment besoin de lui parler ainsi, lui expliquer les choses comme si elle était une demeurée ? « Je veux pas que tu me dois fidèle, j’en ai rien à foutre de ta fidélité ! Tu m’as laissée t’embrasser, tu m’as fait ton numéro de charme comme si j’étais encore la seule qui comptait ! Et je t’ai cru ! Non, c’est pas compliqué du tout, c’est même parfaitement clair ! » Elle recula à nouveau d’un pas raide et se passa une main dans les cheveux. Son cœur battait la chamade et menaçait d’exploser dans sa poitrine, mais elle bouillait, bouillait, et les mots se bousculaient à ses lèvres, brûlants comme de l’acide. Et dans sa tête tournait un mot, un seul : Mangemort. Comme si cela suffisait à tout expliquer, à tout justifier.

Mais elle se retrouva finalement à court, de mots comme de fureur. La réalité l’avait emporté, et elle ne pouvait plus rien dire, plus rien ressentir. Elle détourna le regard en sentant ses yeux se mettre à la piquer, inspirant profondément pour empêcher la moindre larme de couler, en vain … D’une main qui tremblait légèrement, elle essuya ses yeux et secoua la tête. « Six mois … » Gémit-elle finalement, toute colère ayant déserté ses cellules, ne restant plus qu’un désespoir total. « Six ans, j’aurais compris, même rien qu’un an … Mais six mois ? » Six mois, ce n’était rien. En six mois, qui pouvait donc trouver une femme, tomber amoureux d’elle et l’épouser ? A moins d’être sûr qu’elle soit la bonne, à moins qu’elle ne soit si merveilleuse que c’était une évidence, à moins … A moins qu’il ne la connaisse depuis bien plus longtemps, et que le mariage n’ait été qu’une suite logique après des années de relation passionnée. Cette pensée désagréable fit son chemin, l’emplissant d’une chaleur qui fut immédiatement remplacée par une sensation de froid glacial. Et le chagrin de savoir Alexander amoureux d’une autre n’eut pas le temps de faire son nid en elle que déjà il était balayé par une nouvelle vague de colère. « Alors j’étais quoi, moi ? L’agréable remplacement quand l’autre n’était pas là ? Ta putain ?? » Sa voix avait reprit de l’ampleur et elle cria le dernier mot, vibrante de rage.

Il avait changé, assurément. C’était évident à présent qu’elle le regardait de plus près, elle ne voyait pas le même homme que celui qu’elle avait aimé pendant toutes ces années. Des années. Cela avait duré des années et tout s’était écroulé en moins de temps qu’il ne faut pour le dire. Une relation qu’elle avait cru connaître si bien, qui semblait aujourd’hui basée sur des mensonges. L’horreur de la réalité frappait Morgana avec une violence qui la faisait suffoquer. Elle ne savait plus que croire, si toutes ces dernières années n’avaient finalement été qu’un jeu, alors sa vie se résumait à ça ? A avoir cru à un mirage, une illusion qui n’avait jamais été parfaite mais qui justement portait ces petites imperfections qui rendaient le tout si réel, si plausible. Elle avait toujours connu les défauts d’Alexander, du moins elle l’avait cru … Mais elle ne l’avait jamais vu tel qu’il était aujourd’hui. Impitoyable et cruel, sans une once de sentiment pour elle. Un vrai Mangemort, pour tout dire. Si elle n’avait pas su qu’il s’était enrôlé dans les rangs de Voldemort, elle aurait ou s’en douter avec son seul comportement. Alors maintenant, de là à le croire quand il disait qu’il avait fait ça contre son gré, juste pour la sauver … Cela en devenait risible. Il avait tout du parfait partisan du seigneur des ténèbres, et la seule chose qui plaidait encore en sa faveur, c’était le fait qu’il avait laissé Morgana en vie jusqu’à maintenant, tout en sachant qu’elle faisait partie de l’Ordre. Mais il avait forcément une arrière pensée, un dessein qui justifiait qu’il s’amuse encore avec elle comme un chat le ferait avec une souris, avant de lui briser le cou pour la déguster. Elle avait de moins en moins de mal à l’imaginer assez cruel pour profiter d’elle jusqu’à la fin … Mais elle était encore loin du compte. « Tu aurais préféré que je continue à te donner des illusions ? J'ai beau être secret, je n'aimerais pas que tu me mettes dans une position gênante à l'avenir, surtout si je suis en compagnie de ma femme. » Nouvelle pique lancée avec nonchalance, nouveau coup de poignard pour Morgana. Elle ne réagissait même plus à la façon dont il parlait de sa femme, la trahison étant bien trop énorme dans sa globalité pour qu’elle y prête encore la moindre attention. Il n’était plus question de sa femme, il était uniquement question de lui, de lui et de son comportement ignoble. Et il tentait encore de la faire passer pour celle qui n’avait pas de tact ? « Non, j’aurais préféré que tu ne commences jamais à me donner la moindre illusion ! Mais rassure-toi, je n’ai pas l’intention de ruiner ton mariage ni ta belle réputation, je ne veux plus rien avoir à faire avec toi ! » Elle se sentait infiniment blessée qu’il ait pensé qu’elle puisse se conduire de façon à jeter l’opprobre sur lui ou sur sa femme, et pas un seul instant elle ne songea qu’il pouvait lui dire ce genre de choses seulement pour l’insulter, et pas parce qu’il le pensait réellement. Mais qu’il ait l’intention de l’insulter ou qu’il la connaisse assez mal pour croire qu’elle en soit capable, le résultat était le même …

Peu à peu, Morgana commençait à saisir qui il était vraiment, mais il semblait vouloir la surprendre un peu plus à chaque fois qu’il ouvrait la bouche. « Que veux-tu, j'étais bien trop honnête pour utiliser mon don sur toi, mais des sources m'avaient dit que tu avais intégrée l'Ordre, je voulais simplement vérifier s'ils avaient raison avant d'annoncer à mes supérieurs que nous avons une taupe dans le Ministère. » Morgana fixa Alexander, une expression d’horreur plaquée sur le visage. Elle n’arrivait pas à y croire, et pourtant … « Honnête ? » Balbutia-t-elle d’un ton stupéfait. « Tu te trouves trop honnête ? Mais viens voir dans ma tête, je t’en prie ! N’aie pas peur de faire face à ce que je pense réellement de toi maintenant ! Assume-toi complètement et détruis-moi pour de bon plutôt que de tourner autour du pot comme si tu avais encore des principes ! Fais-le toi-même, n’attends pas que tes copains Mangemorts viennent me trouver chez moi. Fais preuve de courage, pour une fois ! » Sa voix était montée en puissance, alors qu’elle prenait pleinement conscience qu’il venait de lui annoncer la fin de sa couverture. Elle était morte. Pas aujourd’hui, peut-être pas demain, mais c’en était fini d’elle. Et même si elle avait lancé ses paroles sans y réfléchir un seul instant, elle se rendit compte que c’était ce qu’elle souhaitait vraiment. En cet instant, elle voulait qu’il lève sa baguette contre elle, et qu’il la tue. Il avait déjà détruit sa vie, sa famille, ses espoirs et ses rêves. Elle n’avait plus que sa vie, comme elle lui avait dit la dernière fois qu’ils s’étaient rencontrés. Et elle lui donnait le droit de venir la prendre, s’il en avait le cran. La boucle serait bouclée, il aurait exécuté son travail jusqu’au bout … Il n’avait pas le droit de le laisser inachevé. Elle était déjà détruite, de toute façon. Il lui rendrait service, s’il pouvait la tuer ce soir … Cette pensée la rassurait, étrangement, et elle n’eut pas un seul instant le réflexe de sortir sa baguette pour se défendre.

Mais cette résignation ne dura qu’un instant, jusqu’à ce qu’il lui révèle, enfin, ses vrais sentiments envers elle. Si elle se sentait toujours aussi dévastée, ses paroles eurent le bénéfice de lui donner un coup de fouet. Ses mots tournaient dans sa tête, lui donnant presque la nausée. Elle aurait presque préféré qu’il fasse d’elle sa putain, plutôt qu’il ne la considère que comme … cette espèce d’animal de compagnie inspirant uniquement la pitié. Mais elle ne voulait pas de sa pitié, qu’il ait consenti à avoir une relation avec elle uniquement parce qu’il la trouvait un peu pitoyable et trop fragile la mettait hors d’elle. Elle n’était pas un fardeau, elle était un être humain doué de sentiments, mais lui-même était loin de cette description. D’un geste souple, elle tira sa baguette de sa poche et l’abaissa vivement, créant une langue de feu qui claqua vers Alexander comme un fouet, lui laissant une marque sanglante sur la joue. Elle avait toujours eu envie de tester ce sortilège sans jamais oser le faire, stoppée par ses principes … Elle n’avait plus de scrupules à présent. La vue de son sang fit briller les yeux de la jeune femme. Elle ressentait cette envie primaire de se battre, de lui faire du mal autant qu’elle le pouvait avant qu’il ne l’arrête. Elle savait qu’elle n’avait aucune chance contre lui, mais elle avait envie de le provoquer jusqu’à ce qu’il consente enfin à la tuer, et elle espérait bien le blesser assez avant qu’il n’y parvienne. Elle n’était pas faible. Elle n’était pas inférieure. Elle fit un nouveau geste vif avec sa baguette, puis un autre, enchaînant les sortilèges offensifs. « Tue-moi, Mangemort ! Tue-moi une bonne fois pour toute, maintenant, et prouve-moi que je n’étais qu’un fardeau pitoyable et fragile ! »