Le silence qui régnait dans la maison semblait s’épaissir à mesure que passaient les secondes, jusqu’à ce que l’atmosphère soit aussi figée que la gelée verdâtre qui trônait sur la table, entre Morgana et sa mère. Le thé s’était refroidi dans les tasses depuis bien longtemps, et aucune des deux n’avait touché à la part de gelée qui tremblotait dans leurs assiettes – mais Morgana n’en avait accepté une part uniquement par pure courtoisie. Sa mère n’avait jamais su faire le moindre dessert, et ce truc gélatineux sortait sans doute tout droit d’un emballage plastique. Un emballage moldu. Et si les moldus avaient sans doute énormément de qualités, la jeune femme ne leur accorderait pas celle-ci. Ils avaient eu des inventions bien plus brillantes que celle du gâteau gélatineux vaguement parfumé à la menthe. Mais au moins, ce simulacre de dessert les avait fait sourire quelques secondes quand sa mère l’avait sorti du placard … Mais la magie apportée par la gastronomie moldue n’avait pas fait long feu. Et à présent, les deux sorcières contemplaient chacune leurs doigts, dans ce silence qui s’allongeait, encore et encore … Jusqu’à ce que Morgana repose sa tasse, un peu trop brutalement sans doute, et repousse sa chaise. Cela n’avait que trop duré. « Merci, maman. Je repasserais ce soir, d’accord ? » Sa mère leva à peine les yeux, hocha la tête … Mais alors que Morgana avait déjà attrapé sa veste et lacé ses chaussures, un dernier sursaut maternel sembla la traverser et elle se leva pour la rejoindre. La jeune femme feignit de ne pas remarquer ses mains parcheminées, ses lèvres tremblantes – sa mère semblait avoir vieillit de plusieurs décennies en quelques mois à peine. « Ne traîne pas trop en route. On ne sait jamais. » Les lèvres de Morgana s’étirèrent en un sourire narquois. « Merci de la précision. » Sa mère fronça les sourcils, tirant un nouveau sourire moqueur à Morgana. « Disparaît, mauvaise graine ! » Soupira-t-elle finalement avant de refermer la porte derrière elle.

Disparaître, oui, mais pour aller où ? Elle avait quitté le salon familial pour échapper à cette inertie qui la frappait à chaque fois qu’elle franchissait le pas de la porte, chez ses parents, mais maintenant qu’elle était dehors, elle se sentait plus vide que jamais. Le seul endroit où Morgana souhaitait se rendre, c’était le passé … Et malgré tout ce que Poudlard lui avait appris, elle n’avait pas encore trouvé le moyen pour renverser le temps. Dommage. Car le présent n’avait plus grand intérêt quand elle se retrouvait, comme aujourd’hui, désespérément désœuvrée. Elle se mit en marche sans enthousiasme, traversant les quartiers moldus de son enfance sans les voir. Elle avait grandi ici, parmi des enfants qui lui ressemblaient en tout point et pourtant si différents … Et jamais ils ne lui avaient semblés aussi opposés à elle qu’aujourd’hui, alors qu’elle pénétrait dans le parc où elle avait joué plus de fois qu’elle ne pouvait s’en souvenir. Dans cette atmosphère grisâtre et glaciale, les familles moldues continuaient de vivre avec insouciance, les mères surveillant leurs enfants du coin de l’œil sans pourtant que leur vigilance ne faiblisse un seul instant, les gamins se couraient après en poussant de grands cris, les jeux s’enchaînaient sans relâche et elle les regardait faire en se demandant comment ils pouvaient encore être aveugles à la guerre qui faisait rage à quelques centaines de mètres d’ici, à peine … Mais leur présence était également un réconfort pour la jeune sorcière.

Tous ces gens qui menaient leur vie en ignorant le monde parallèle qui les effleurait chaque jour, avaient un effet étrangement apaisant sur Morgana. Ce n’était finalement pas un hasard si ses pas l’avaient menée ici, loin du monde des sorciers qui ne pouvaient que lui rappeler que ses jours étaient comptés. Qu’à un moment, elle finirait par tomber sur un Mangemort et qu’elle ne s’en sortirait sans doute pas, comme tous ces sorciers dont les noms étaient égrenés quotidiennement à travers la radio clandestine. Mais pour l’heure, elle était bien vivante, et pouvait profiter de cet après-midi comme si elle faisait partie de ces familles de moldus, à nourrir les canards au bord du lac sans penser à rien. Elle s’écarta pour laisser passer une petite fille qui courait vers l’eau, et recula vers le chemin pour ne pas se faire éclabousser par les canards qui s’envolèrent brusquement.

« Papa, regardes dans le lac ! » Par réflexe, Morgana tourna la tête vers la petite fille qui venait de crier, mais ses yeux stoppèrent à mi-chemin, sa bouche s’entrouvrit légèrement, et elle haussa les sourcils. Surprise. Stupéfaction, même. Elle en resta interdite une fraction de seconde, incapable d’avoir la moindre réaction, puis son visage se fendit en un large sourire soulagé. Son meilleur ami … Du moins, celui qui avait été son meilleur ami durant toute sa scolarité se tenait devant elle, dans ce parc moldu. Qu’il se promène ici, habillé comme un habitant du quartier, cela ne signifiait qu’une seule chose à ses yeux, et c’était la meilleure nouvelle qu’elle avait eue depuis bien des semaines. Envolée, la rancœur qu’elle avait eue envers lui après qu’il ait coupé plus ou moins les ponts avec elle. Ne restait qu’un profond soulagement et le souvenir d’une affection qui refaisait surface à grande vitesse. Une affection qui la fit réagir de façon tout à fait spontanée, irréfléchie. Un réflexe datant de bien longtemps : elle s’élança vers lui et le serra dans ses bras, comme s’ils étaient encore deux étudiants de Poudlard et que deux mois de vacances venaient de les séparer. « Par Merlin, qu’est-ce que tu fiches ici ? » S’exclama-t-elle avec un enthousiasme sans borne.

Mais soudain, un deuxième appel retentit, de la même petite voix qui avait appelé son papa quelques secondes plus tôt. Les yeux de Morgana allèrent de Daley à la petite fille du lac, et son sourire vacilla légèrement alors qu’elle reculait de quelques pas, remettant une distance convenable entre eux. Cette petite fille qui le regardait en criant "papa". Quel âge devait-elle avoir ? Au moins six ans, au bas mot. Six ans, voire un peu plus, soit à peu près le nombre d’années depuis lesquelles son meilleur ami était devenu un simple nom. Un souvenir. Le soulagement qu’elle avait ressenti en constatant qu’il n’était pas plus Mangemort qu’elle se transforma en un goût amer de déception. « Toutes mes félicitations, papa. » Lui lança-t-elle finalement d’un ton railleur. Oh non, il ne fallait pas qu’elle joue à la vieille fille aigrie. Pas avec lui, pas alors qu’elle avait craint qu’il n’ait rejoint les camps du Seigneur des Ténèbres. Qu’il ait une fille, finalement, ce n’était pas si grave. Elle reposa les yeux sur la petite, esquissa un sourire. Au fond d’elle, elle était contente pour lui. Cela n’effaçait pas son silence radio, mais c’était sans doute une assez bonne raison. « Je suis ravie de constater que tu as merveilleusement réussi ta vie depuis ton dernier hibou. » Bon, ce n’était pas franchement une approche aimable, car son ton démentait ses paroles, mais elle ne pourrait pas faire mieux tant qu’elle n’aurait pas eu d’excuses en bonne et due forme.

La réaction de Morgana était complètement inappropriée au contexte, elle ne s’en rendit compte que trop tard. Sept ans s’étaient écoulés depuis la dernière fois où ils avaient fait ensemble quelque chose qui puisse justifier qu’elle l’appelle encore son ami, il n’était même plus une connaissance pour lui, mais un étranger. Pourtant, cela n’avait pas empêché Morgana de se conduire comme s’il était encore le meilleur ami qu’elle avait jamais eu, en se jetant dans ses bras avec un débordement d’enthousiasme tout à fait caractéristique de celle qu’elle avait été à Poudlard. Elle avait eu peur pour Daley, depuis le jour où il avait cessé de répondre à ses hiboux jusqu’à celui, pire encore, où elle avait entendu son nom au milieu d’une liste de Mangemorts potentiels identifiés par l’Ordre. Des années elle s’était inquiétée pour lui sans savoir ce qu’il en était, bien plus qu’elle ne saurait lui avouer à présent, et cette peur justifiait sans doute un peu sa spontanéité. Elle était de retour dans son élément, ici. Ce parc était son enfance, son innocence. Et Daley avait fait partie de son enfance, lui aussi, d’une certaine manière. Qu’il l’appelle Swan, ce petit surnom affectueux qu’il lui avait collé dès qu’il avait appris que c’était son deuxième prénom, l’avait confortée, pendant un petit instant ô combien béni, dans l’idée que les choses étaient redevenues à la normale. Comme si c’était réellement possible … Certes, il flânait dans un parc de moldus, semblait en pleine forme et n’avait rien d’un partisan de Voldemort. Mais elle n’était pas naïve au point de s’imaginer que cette étreinte fugace pourrait effacer le passé, supprimer son amertume et renouer avec leur amitié. Et effectivement, le présent était revenu la heurter de plein fouet, avec cette révélation tout à fait inattendue. Il était papa.

« Sw… Morgana, écoutes … » Son hésitation, puis l’usage de son prénom courant fit l’effet d’une nouvelle douche froide à la jeune femme, qui se sentit d’autant plus gauche d’avoir cédé à un geste intime quelques secondes plus tôt. De leur amitié, il ne subsistait plus grand-chose. Oh, elle le savait depuis bien longtemps, mais cette constatation officielle creusait un trou douloureux dans sa poitrine. Il ne restait que cette question qu’elle s’était posée, toutes ces années : pourquoi ? Elle n’était même pas sûre de réussir à obtenir une réponse, depuis le temps. « Papa, t’as pas vu dans le lac, y a un cygne qui attaque les gens ! » Morgana tourna la tête vers la petite, qui réclamait l’attention de son père. Son ingénuité et sa verve propre aux enfants de son âge tira un nouveau sourire à la sorcière, qui ne pu s‘empêcher de remarquer la façon dont Daley semblait à l’affût du moindre de ses gestes – un vrai papa poule. Une image qui aurait été terriblement mignonne dans un autre contexte, mais qui se révélait plutôt déstabilisante. « Si j’ai vu ma belle, mais laisses moi te présenter une vieille amie, Morgana, voici Liadan. » Morgana, à nouveau. Toujours ce prénom qu’elle ne s’habituait pas à entendre dans sa bouche, comme s’il n’était plus vraiment le sien quand il se l’appropriait, mais celui d’une totale étrangère. « Bonjour madame ! Dis Pa’, y a un terrain de jeux là-bas, je peux aller jouer et, tu vas le finir ton hot-dog ? » « Enchantée, Liadan … » Lui répondit la jeune sorcière, sans avoir le temps d’en ajouter plus – la petite avait filé sans demandé son reste vers le terrain de jeux, le hot-dog de son père dans le creux de sa main. Morgana se retourna vers Daley, ouvrit la bouche pour faire une remarque attendrie à propos de la façon dont il se faisait mener par le bout du nez, mais elle renonça. Après tout, qui était-elle pour faire une remarque de ce genre ?

Elle n’avait de toute façon pas besoin de ça pour ouvrir les hostilités, il s’en chargea très bien tout seul. « Si tu veux savoir personne n’est au courant à part ma famille, je ne l’ai dit à personne… » Morgana haussa les sourcils, lui jetant un regard des plus sceptiques. Que pouvait justifier l’usage de telles précautions ? Et comment diable avait-il fait pour garder ça secret pendant aussi longtemps ? Ce n’était qu’une chose de plus qu’il lui aura cachée, mais cela ne cessait pas de l’intriguer. Elle nota mentalement de chercher à connaître le fin mot de cette histoire, même s’il était malaisé de poser la question dès maintenant. « J’emporterai le secret dans ma tombe, si ça peut te rassurer. » Lâcha-t-elle froidement, lui rappelant par là qu’il n’avait jamais eu à se plaindre de sa discrétion, du temps où ils étaient encore amis. Le peu de foi qu’il lui avait accordé en lui cachant ça la blessait profondément, quelles que soient les raisons qui l’avaient poussé à le faire. « Seulement je ne pense pas que tu puisses juger de ma vie sans m’avoir vu ces six dernières années, qui peut bien réussir sa vie dans des circonstances pareilles ? » Elle eut un petit rire de gorge, pas vraiment surprise d’une telle réplique. « La faute à qui, hein … » Marmonna-t-elle, en réponse à son accusation : elle l’avait jugé un peu vite, c’est vrai, mais il n’avait tenu qu’à lui de faire en sorte qu’elle soit tenue au courant. Par contre, pour ce qui était des circonstances … Elle ne pouvait que le rejoindre sur ce point. Elle poussa un soupir, essayant d’imaginer ce que pouvait être d’élever un enfant au beau milieu de cette guerre. Elle-même ne cessait de s’inquiéter pour son père, sa mère, ses amis … Mais la peur qu’on devait ressentir pour son propre enfant, voilà quelque chose qui devait surpasser tout le reste.

Elle lui emboîta le pas quand il proposa de marcher le long du sentier, un peu soulagée qu’il ait fait cet effort de ne pas la congédier immédiatement – ce qu’elle aurait de toute façon refusé – et lui jeta un coup d’œil en coin tandis qu’ils parcouraient en silence les premiers mètres. Elle le connaissait encore assez pour remarquer qu’il restait sur le qui-vive, malgré un admirable contrôle de soi, et elle ne put s’empêcher de compatir à nouveau pour lui. Non, elle ne connaissait rien de sa vie depuis bien des années, mais elle imaginait son angoisse quotidienne pour la sécurité de sa fille. « Qu’est-ce que tu fais par ici ? Ce n’est pas très prudent de traîner dans les parages, avec le ministère pas loin, on sait jamais. » Morgana tourna la tête vers lui, un peu surprise d’une telle affirmation, puis haussa les épaules. « Je me sens bien plus en sécurité ici qu’au Ministère. Là-bas, tu ne peux pas faire la différence entre un Mangemort, un sorcier basique et un espion. Ici au moins, je sais qui sont les gens. Ils ne prennent pas part à la guerre, et ça les rend d’un coup beaucoup plus sympathique. » Elle reprit sa marche, les yeux fixés sur le bout de ses chaussures, avant de reprendre : « Et puis, ici ou en banlieue, c’est la même chose : si tu mets le pied dans un quartier moldu, tu peux t’attendre à avoir de mauvaises surprise. Mais je suis bien ici, alors j’y reste. » Ajouta-t-elle avec un sourire espiègle. Elle préférait cent fois mourir ici, dans le lieu de son enfance, plutôt que dans une espèce de trou où elle aurait tenté de se cacher. Et quitte à se faire tuer, autant que ce soit en essayant de sauver la vie de gens qu’elle connaissait, même si eux ne la connaissaient pas. Ces pensées, elle les garda pourtant pour elle. Elle avait eu assez de preuves pour être convaincue qu’il n’était pas un Mangemort, et elle s’était montrée bien assez bavarde comme ça, mais elle ne le connaissait plus assez pour pousser les confidences à ce point. « Et toi ? Pourquoi amener ta fille ici, si tu crains qu’il n’y ait une attaque ? Il ne vaudrait pas mieux que vous quittiez la ville ? » La question était posée tout à fait sincèrement, cette fois. Il prenait des risques inutiles en restant ici, et il semblait même en être conscient. Elle ne voulait pas qu’il lui arrive quoi que ce soit, malgré la distance qu’il lui avait entre eux …

Il était loin, le temps des adolescents de Poudlard. Les temps avaient changé, pour tous les deux. Si la situation avait été autre, Morgana aurait pu même être jalouse de Daley, sans même en savoir plus sur sa vie. Mais il avait une fille, et il était évident que ces deux là s’adoraient vraiment. Avant que sa vie ne soit bouleversée et qu’elle n’entre dans l’Ordre, Morgana souhaitait avoir des enfants exactement comme cette petite … Mais la vie était loin d’être aussi simple. Daley était papa – elle ne s’était pas attendu à ce qu’il le devienne avant elle, mais soit – et pourtant il semblait avoir caché cette nouvelle à tout le monde, comme une honte, ou un danger potentiel … Ca, ce n’était pas quelque chose que Morgana pouvait lui envier. C’était insensé, incompréhensible, et surtout terriblement vexant. Elle avait cru qu’ils avaient partagé assez de chose pendant leurs sept ans d’amitié à Poudlard pour qu’il la mette au courant … Comme quoi, cette amitié n’avait peut-être pas été si réciproque. « Ce n’est pas ce que j’ai voulu dire… tu sais que j’ai toujours eu confiance en toi, il n’était pas question de cela ! » « Mais de quoi est-il question, alors ? » S’emporta-t-elle brusquement, furieuse d’entendre que ce n’était pas une question de confiance. Cela aurait du la rassurer, mais bien au contraire, elle ne s’en sentait que plus blessée. Et qu’il rajoute, en plus de cela, que son silence avait été nécessaire … Ce fut la goutte qui fit déborder le vase. « Ah oui ? Tu as eu une fille Daley, puis tu as cessé de m’écrire, et voilà que tu m’emmènes marcher avec toi dans ce parc comme s’il ne s’était rien passé ? » Elle s’arrêta brusquement de marcher et croisa les bras autour de sa poitrine avant de le toiser, ses cheveux roux voltigeant autour de sa tête. Tout ce secret lui semblait de plus en plus obscur, et de plus en plus inquiétant à mesure qu’il s’évertuait à le lui cacher, et elle devait se retenir pour ne pas lui envoyer au visage tout ce qu’elle pensait à cet instant. Elle ne parvenait pas à douter de sa parole quand il disait qu’il avait toujours eu confiance en elle, malgré les sept années qui les avait séparés elle se souvenait toujours de lui comme la personne en qui elle avait toujours eu le plus confiance, qui avait toujours été là pendant ses hauts et ses bas – du moins à Poudlard. Elle l’avait aimé de tout son cœur, il avait été pour elle aussi précieux qu’un frère, ils avaient partagé une amitié rare … Alors au nom de ces souvenirs, elle souhaitait vraiment y croire. « J’espère que ça en vaut la peine. » Finit-elle par lâcher avant de reprendre sa marche. Non, elle ne poserait pas de questions, pas pour l’instant, mais elle sous-entendait ainsi qu’il avait intérêt à avoir une très, très bonne raison pour lui cacher ça et ne rien lui révéler, même maintenant. Même alors qu’il n’y avait plus rien entre eux, il avait intérêt à ce que son secret soit assez énorme pour qu’elle continue à lui faire confiance. Puisqu’il ne voulait pas parler, elle n’allait pas le forcer, mais elle espérait qu’il se rendait bien compte de l’effort qu’elle fournissait, au nom de leur ancienne amitié.

Parler de la guerre … C’était sans doute une meilleure alternative à une dispute qui ne les mènerait à rien : après tout, ils ne pouvaient pas gâcher une amitié qui n’existait plus. Autant faire comme toutes les vieilles connaissances reprenant contact, et parler de l’actualité. « Tu crois vraiment qu’il n’y a ici que des gens qui ne prennent pas part à la guerre ? » Elle tourna la tête vers lui, pas certaine de comprendre ce qu’il sous-entendait par là. Qu’elle estime ce parc moldu comme plus sûr que le Ministère semblait être une idée qui l’amusait beaucoup, et dans un sens il n’avait pas tout à fait tord … Mais elle se sentirait toujours plus en sécurité ici qu’ailleurs. « C’est vrai … Il y a aussi les gens comme toi et moi. » Commença-t-elle, en s’empêchant de poser la question qui lui brûlait la langue : et lui, dans quel camp se situait-il ? « Sans oublier tous les Mangemorts qui viennent nourrir les canards en attendant le signal qui les autorisera à raser le périmètre dans les flammes. On n’est plus en sécurité nulle part. » Ajouta-t-elle d’un ton moqueur. Elle avait sans doute une vision stéréotypée des choses, ou une trop grande confiance en la nature humaine. Après tout, elle ne voyait plus en lui un Mangemort potentiel parce qu’elle ne concevait pas qu’un partisan de Voldemort puisse se conduire aussi normalement, d’autant plus dans un parc moldu, avec un amour visible pour sa petite fille qui jouait une dizaine de mètres plus loin. Les Mangemorts ne pouvaient pas avoir une vie aussi normale, aussi paisible, n’est-ce pas ? Une façon de voir qui la mènerait peut-être à sa perte un jour si elle ne parvenait pas à nuancer sa vision du bien et du mal, mais elle avait toujours donné trop de crédit aux gens, ne voyant que leur meilleur part jusqu’à ce qu’ils la déçoivent … Même Daley la mettait en garde d’une certaine façon, en reconnaissant qu’ils pouvaient avoir de mauvaises surprises dans les parages.

« Qu’est ce qui te fait croire que je crains une attaque ? » Cette question la pris de court, et elle fronça légèrement les sourcils. Que pouvait-il craindre d’autre, en cette époque où il n’y avait plus un seul lieu de Londres qui soit en sureté ? « Rien, c’est simplement ce que la plupart des gens craignent en sortant de chez eux. » Seuls ceux qui n’avaient absolument rien à se reprocher pouvaient encore sortir le cœur léger, et encore. Plus personne n’était à l’abri de rien, mis à part … Morgana jeta un nouveau coup d’œil en coin à Daley, une désagréable impression au creux de l’estomac, et son regard se posa furtivement sur son bras avant de remonter vers son visage. Il ne pouvait pas être l’un des leurs, c’était impossible. « Si quitter la ville était ma seule option, je l’aurais fait il y a six ans ! » Cette nouvelle affirmation était un mystère aussi épais que le reste, et ne la rassurait pas vraiment sur ses occupations. « J’ai bien cru que tu t’y étais résolu, en tout cas … » Murmura-t-elle en se souvenant de ce silence radio qu’il lui avait infligé. Un sujet qu’elle n’avait pas envie de remettre sur le tapis, et lui non plus visiblement … « Qu’est-ce que tu es devenue Morgana ? » Voilà une manière vraiment subtile pour détourner une conversation ! Lui qui s’était si peu soucié d’elle ces dernières années lui manifestait d’un coup un intérêt nouveau … Mais même si elle avait réellement souhaité partager avec lui sa vie comme elle l’avait fait quand ils étaient encore étudiants, elle n’aurait pas pu. Sans doute que ses secrets n’avaient pas l’étoffe de ceux de Daley, mais ils n’étaient pas du genre à être révélés à tout va. « Oh, pas grand-chose … Je travaille au Ministère, mais j’ai bien peur que les nouvelles lois ne finissent par supprimer mon poste, je n’ai plus beaucoup d’utilité maintenant. Après ça, je reprendrai peut-être la boulangerie de mon père, vu que … » Vu qu’il ne reviendrait sans doute jamais d’Azkaban, mais ces mots-là ne voulaient pas sortir de sa bouche. « Enfin, voilà. Mon monotone petit quotidien, si on oublie la guerre ! » Triste constatation : elle n’avait finalement pas construit grand-chose dans sa vie, ou en tout cas rien qui soit encore debout aujourd’hui. Ses anciens plans avaient tous été mis en pièce par le retour de Voldemort, et les plans à venir étaient tellement fragilisés par la guerre qu’elle préférait ne pas en faire. L’Ordre était devenu son quotidien, son futur et sans doute la seule chose qui lui restait. Elle aurait aimé pouvoir lui en parler, elle tirait tant de fierté à les avoir rejoints … A l’ancien Daley, elle en aurait parlé. A celui-ci, elle n’était plus très sûre de pouvoir le faire. « Et toi, tu deviens quoi ? Est-ce que je peux te demander qui est l’heureuse maman de la petite Liadan ? » Après tout, elle la connaissait peut-être … Ou peut-être était-ce une nouvelle part du secret qu’il ne fallait pas évoquer.

« Tu aurais préféré que je t’ignore pour continuer ma route comme si de rien n’était ? Comme je te l’ai dit, toute cette histoire n’avait rien avoir avec toi et cela me fait plaisir de te revoir mais je ne peux rien te dire parce que tu ne pourrais pas comprendre… » Cette nouvelle réplique, elle la prit comme une gifle qu’il lui assénait sans pitié, et elle détourna le regard pour ne pas montrer à quel point elle s’en trouvait blessée. Elle ne voyait pas grand-chose là-dedans qui montre à quel point il prenait plaisir à leurs retrouvailles, ce n’étaient que des mots creux qu’il utilisait pour combler les vides entre chacune de ses insinuations brumeuses. D’autant plus quand il sous-entendait qu’elle ne pourrait pas comprendre … De tout ce qu’il aurait pu trouver pour marquer la fin de leur amitié, c’était sans doute la pire démonstration, avec l’abandon de son ancien surnom. Elle ne se souvenait pas d’une fois où il ne se serait pas confié à elle parce qu’elle ne pouvait pas comprendre, au contraire. Elle cherchait toujours à comprendre, parce qu’il y avait toujours une explication. Tous les choix, même les mauvais, pouvaient s’expliquer. Et il n’y avait que ceux dont on avait honte qui se retrouvaient soudain incompréhensibles, inexplicables. Alors, c’était ça ? La honte ? La peur qu’elle comprenne un peu trop ? Ou complètement autre chose … ? « Ce que je préfère n’a plus d’importance depuis bien longtemps, ça n’aurait pas changé grand-chose que tu m’ignores. Mais je t’en supplie, ne me dis pas que je ne pourrais pas comprendre. » Termina-t-elle d’un ton amer. Qu’il ne veuille pas lui en parler, pour une raison ou une autre, très bien. Mais qu’il ne se réfugie pas derrière une excuse aussi mauvaise. « De mon point de vue, ça en vaut la peine. » Elle le regarda avec tristesse, puis haussa les épaules. Bien sûr que cela en valait la peine pour lui. Il ne semblait pas en être affecté, elle était la seule à souffrir de cette situation. Après tout ce temps, il était normal que ça ne l’empêche plus de dormir. « J’en suis ravie » répondit-elle avec raideur.

Changer de sujet avait semblé une bonne idée, et pourtant la conversation devenait de plus en plus étrange à mesure qu’elle avançait. Morgana devait faire des efforts pour exprimer son point de vue sans trop dévoiler le fond de sa pensée, et elle avait l’impression que Daley en faisait de même. Ils ne discutaient pas, ils échangeaient des lieux communs, des blagues dépassées, mais cela ne ressemblait en rien aux confidences et autres débats qu’ils avaient du temps de leur amitié. Ce qu’il lui cachait prenait une place de plus en plus énorme entre eux, et cela ne faisait qu’augmenter le malaise de Morgana. « Il faut bien qu’ils s’amusent aussi un peu de temps en temps ! » Il avait fait un effort pour répondre et elle lui adressa à son tour un petit rire poli, de ceux qu’elle servait à son grand-père quand il racontait une blague cent fois rabâchée, qui ne faisait plus rire personne. Juste histoire de ne pas le vexer, mais elle aurait préféré lui rétorquer qu’elle voulait les voir tous brûler en enfer plutôt que les voir nourrir les canards. Le genre de réponse qui ne seyait guère à la conversation, malheureusement. On ne pouvait pas exprimer ce genre d’opinion en public, même chez les moldus, même devant un ancien ami. Pas à moins de dévoiler clairement son camp, ce qu’elle n’était pas encore prête à faire. Une précaution qui n’était peut-être pas si inutile que ça, en voyant comment Daley se conduisait, et la façon dont il répondait à ses questions … « C’est vrai mais nous sommes tous deux de sang mêlé, nous n’avons pour l’instant rien à craindre de particulier. » Morgana haussa un sourcil dubitatif en entendant sa réponse, qu’elle trouva pour le moins inappropriée. Elle ne voyait pas du tout les choses de cette façon, et elle avait la très nette impression qu’il ne lui disait cela que pour noyer le poisson, afin qu’elle passe à autre chose. Ainsi il voulait lui faire croire qu’il estimait n’avoir rien à craindre ? Cela contredisait son attitude toute entière. « Tu n’as pas l’air serein, pour un sang-mêlé qui n’a rien à craindre. » Lança-t-elle en étudiant avec plus d’attention ses réactions, son comportement. Plus les minutes passaient, et plus elle doutait de lui, ce qui était un sentiment extrêmement désagréable, mais elle ne pouvait pas prendre de risque. Même pas pour lui, malheureusement.

« Vu que … ? » Morgana regarda Daley, essayant de deviner s’il retournait sciemment la situation contre elle ou s’il posait la question par simple curiosité. Chacun son tour d’avoir des questions auxquelles ils ne voulaient pas répondre, alors … « Mon père est né moldu, Daley. » Un détail qu’il semblait avoir oublié depuis le temps, mais qui n’avait jamais eu autant d’importance que depuis le retour de Voldemort. Et cela ne nécessitait aucune autre explication … Il était soit mort, soit en passe de l’être – dans tous les cas c’était une pensée intolérable à Morgana, et elle espérait que Daley s’en rendrait compte avant de la questionner un peu plus. Il lui semblait étrangement détaché, comme s’il avait perdu une part d’humanité, et ce sentiment persistait depuis le début de leur rencontre. Il n’avait plus grand-chose du garçon qu’elle avait connu, c’était certain. En tout cas, il se montrait bien plus insistant qu’elle sur certains aspects : ce qu’elle avait passé sous silence ne lui avait pas échappé, et il tenait visiblement à en savoir plus. Il avait raison, dans un sens, car elle était incapable de regarder le monde s’écrouler sans rien faire. Mais cette curiosité, qui aurait pu passer pour un relief de leur complicité, sonnait bizarrement aux oreilles de Morgana. Elle ne pouvait s’empêcher d’y entendre un interrogatoire masqué, une tentative pour lui soutirer des informations. Et même en espérant que ce ne soit qu’un effet de la paranoïa ambiante, elle ne pouvait pas ignorer l’alarme que cela déclenchait. Elle haussa les épaules en prenant un air contrit. « Tu as un peu trop embelli tes souvenirs de moi, je crois. Qu’est-ce que tu voudrais que je fasse dans cette guerre ? Je n’ai jamais eu l’âme d’une rebelle. Ca, c’était toi. » Elle détestait mentir aussi directement, mais elle ne pouvait plus faire autrement. Et il ne restait plus à espérer qu’il se satisfasse de cette réponse, même s’il n’y croyait pas …

« C’était Heather, elle est morte en mettant Liadan au monde. » La nouvelle fut un véritable choc pour Morgana, et elle ne put cacher sa surprise. Ce n’était pas tant l’identité de la mère qui la surprenait, après tout, il l’avait aimée passionnément, et les dates collaient pas mal. Mais c’était justement qu’elle se souvenait avec netteté de Daley amoureux de Heather, et ce qu’elle avait sous les yeux, c’était tout sauf lui. Il venait de lui annoncer sa mort avec un aplomb atroce, faisant ressortir ce manque d’humanité qu’elle avait déjà ressenti en lui, comme si rien ne pouvait plus le toucher. Elle n’eut même pas le réflexe de lui présenter ses condoléances, tant cela ne ressemblait pas à l’annonce de la mort de sa bien-aimée. Et le temps qu’elle trouve une phrase adaptée, il avait enchaîné. « J’ai eu la garde de la petite, cette année, mon père m’aide à la garder quand je donne des cours à Poudlard … » Un poste à Poudlard, c’était une nouvelle géniale. Un poste à Poudlard cette année, c’était la pire chose qu’il puisse lui annoncer. Même lui sembla s’en rendre compte, tandis que Morgana s’arrêtait lentement de marcher pour le fixer. Elle entendait encore Tonks dire le nom de Daley parmi ceux des partisans de Voldemort, et elle s’entendait prendre sa défense avec force, refusant le fait qu’il puisse être un Mangemort, se raccrochant au souvenir de leur amitié en guise d’argument. Mais le Daley qu’elle connaissait avait disparu, remplacé par cette espèce d’étranger qui parlait de la mort de sa femme avec un détachement remarquable, et qui cachait des secrets plus gros que lui en tenant des discours bancals. Les seuls professeurs qui avaient été renouvelés depuis qu’ils avaient quittés Poudlard avaient été recrutés pour leurs compétences très spéciales et leur affection toute particulière pour le nouveau gouvernement. Pouvait-elle se voiler la face plus longtemps ? Elle attrapa soudain le bras de Daley, sans toutefois se résoudre à lui soulever sa manche de force. Se rapprochant de lui jusqu’à ce que leurs visages ne soient plus qu’à quelques centimètres l’un de l’autre, elle dut faire un énorme effort sur elle-même pour effacer tout tremblement de sa voix quand elle reprit la parole. « Mes félicitations. Pour le poste. » Elle lui lâcha le bras aussi soudainement qu’elle l’avait agrippé, ses yeux toujours rivés dessus, et recula de quelques pas. Mais elle avança à nouveau vers lui avant qu’il ne puisse réagir, et lui souleva la manche d’un geste vif. Une bonne fois pour toute. Son visage se décomposa quand elle vit la marque, et elle le relâcha, le cœur au bord des lèvres. « Daley … »

Morgana ne savait pas vraiment ce qu’elle attendait de cette conversation, car il était clair que rien ne changerait entre eux après une si longue période d’absence. Alors pourquoi s’entêter à lui faire comprendre qu’elle lui en voulait, qu’elle avait souffert, voire même qu’elle voulait comprendre le fin mot de l’histoire ? Cela n’aurait pas du avoir d’importance. Puisqu’il était indifférent, elle aurait du préserver son amour-propre et arrêter de s’entêter. Mais elle se rendit compte qu’elle se rattachait encore beaucoup à ses souvenirs, et qu’elle tenait à entendre des excuses. Cela n’effacerait rien, mais cela la réconcilierait avec l’image qu’elle avait de Daley. Elle ne pouvait pas le laisser partir et tacher sa mémoire aussi facilement. « Je t’ai connu et même si les gens changent, je connais tes opinions, ta façon de penser, je sais que tu ne pourrais pas me comprendre si je t’avançais les arguments qui m’ont conduit à prendre les décisions que j’ai pris ! » Au temps pour les excuses, ce n’était pas sur ce coup qu’elle les obtiendrait. Un peu plus et ce serait à elle de devoir s’excuser pour vouloir comprendre la situation ? Le monde à l’envers ! Elle était estomaquée qu’il puisse avoir si peu d’estime pour elle – et qu’il l’exprime sans aucun remord ! – mais cela avait au moins le mérite d’être clair. Le Daley de son adolescence n’existait plus. « C’est plus facile de voir les choses comme ça, c’est certain. Tu es sûr de ma réaction alors autant se l’épargner d’avance. Tu es devenu un peu lâche sur les bords, ou je me trompe ? » Lui lança-t-elle, non sans se sentir légèrement puérile. Mais il n’y avait pas de raison qu’elle soit la seule à se faire insulter, dans cette conversation. Et elle ne pourrait sans doute pas descendre plus bas dans son estime, alors autant se lâcher.

Il avait sans doute énormément changé depuis leur dernière rencontre, mais il y avait certaines choses qui ne changeaient pas chez lui, et elle restait capable de déchiffrer le langage que son corps exprimait pour lui. Certains signes étaient subtils, d’autres bien moins. Comme ce regard qu’il lança à sa fille quand elle évoqua son comportement alerte : cela valait tous les discours du monde. « J’ai mes propres démons.. » Des démons qui touchaient à sa fille, visiblement. Cela, Morgana pouvait le comprendre, et elle ressentit un pincement de compassion pour lui, à nouveau. Elle aurait voulu le presser de plus de questions, creuser plus loin pour découvrir ce qui se cachait derrière son regard hanté. Une part d’elle-même aurait même voulu lui proposer son aide, évoquer l’Ordre et le système de protection qu’ils avaient mis en place pour ceux que le Ministère ou les Mangemorts avaient pris en chasse. Quoi qu’il lui cache, il y avait toujours quelque chose à faire pour améliorer les choses … Mais il ne voulait pas parler et elle ne pouvait pas lui forcer la main. Elle n’était pas sûre de vraiment le souhaiter, d’ailleurs … Comment l’aider, alors qu’il faisait si peu d’efforts ? Et qu’il lui semblait toujours si distant ? Quand elle évoquait ses propres problèmes, il semblait à peine en être affecté. « J’avais oublié… » Encore une excuse qui se perdait dans la mare aux canards sans être prononcée à haute voix, quoi que celle-ci soit d’un autre ordre. N’importe qui se serait excusé, ce n’était même pas une question de lui avoir menti ! Juste une question d’humanité. De sentiments. Il avait le bon ton de paraître contrit, mais l’apparence ne faisait pas tout. Il évitait les mots qu’elle voulait entendre, et il le faisait avec une telle application que cela ne pouvait être un hasard. Par contre, il exigeait d’elle une sincérité qui était absolument déplacée. Sacrée ironie. « Tu mens très mal, ou alors ce que tu dis est tellement faux que je n’arrive pas à y croire. » Cette fois, Morgana le dévisagea carrément, outrée qu’il ose rire avec tant de cœur au mensonge qu’elle lui avait donné. Bien sûr que c’était un mensonge, elle n’avait pas espéré qu’il le gobe, mais elle l’avait servi pour ne pas présenter un silence pesant, ce qu’il ne se gênait pas pour faire, lui. « Ca te va bien de me donner des leçons, alors que tu me mens depuis tout à l’heure. Je ne te demande pas de me croire, juste d’accepter que tout le monde n’est pas comme toi, Daley. » Un hypocrite, un menteur ou un lâche, voire même un mélange des trois … Triste constatation, qui donnait à Morgana envie de souhaiter s’être cassée une jambe plutôt que de l’avoir retrouvé.

Et pourtant, elle était encore loin du compte sur son cas. Même en soupçonnant de plus en plus vivement son appartenance aux Mangemorts, même en ayant eu une quasi-confirmation par l’annonce qu’il travaillait à Poudlard, cela ne pouvait pas la préparer à ce qu’elle vit quand elle souleva finalement sa manche. Elle avait bien faillit se retenir, attendre qu’il l’avoue de lui-même, mais il était inutile d’attendre un tel geste de sa part, et elle ne pouvait pas laisser passer cette occasion. Une seconde de plus et il se serait mis hors de sa portée en comprenant ce qu’elle voulait faire. Mais il s’était laissé faire, la sous-estimant peut-être, sans réagir alors qu’elle lui soulevait sa manche. Tatouage noir sur blanc, le symbole de l’horreur la plus pure, le mal incarné s’était posé sur sa peau en une marque indélébile. Une vision insupportable – pour la seconde fois. Comme si tous les hommes qu’elle décidait d’aimer un jour dans sa vie devaient finir par embrasser le camp des forces du mal, ou périr de leur main. Et à choisir, il valait peut-être mieux mourir plutôt que d’arborer cet immondice à même sa peau. « Écoutes, je sais que je n’ai pas le droit de te demander cela mais peux-tu continuer à te conduire normalement ? Si tu réagis trop violemment, Liadan va finir par se poser des questions et je souhaiterais la préserver... » La voix de Daley ramena Morgana à la réalité, et elle se rendit compte qu’elle avait complètement bloqué sur cette vision, alors même qu’il l’avait recouverte immédiatement après qu’elle l’ait vue. Elle cligna des yeux, stupéfaite, alors que les paroles de Daley prenaient lentement un sens dans son esprit. Protéger Liadan. Réagir normalement. Pardon ? Tous ces mots ne pouvaient avoir été prononcés dans la même phrase par la même personne. Elle tourna lentement la tête vers la petite fille qui les fixait d’un air interrogateur. Elle se sentait vide, terriblement vide, mais c’est cette image de l’enfant encore innocente qui ramena un semblant de consistance en elle. Il lui demandait d’épargner sa fille. « Tu n’as aucune pitié pour moi, ni pour les gens que tu vas tuer ou torturer chaque jour, mais tu voudrais que ta fille te regarde encore comme un gentil papa. Mentir, faire couler le sang, détruire des familles entières, ce n’est pas un problème, mais il ne faudrait pas que Liadan apprennes ce qu’est réellement le monde derrière la mare aux canards. Les Mangemorts viennent donc vraiment manger des hot-dogs. Il est au courant, ton maître, que tu fais tous ces efforts au milieu des moldus pour une simple gamine ? » Elle se mordit la lèvre, tarissant le flot de paroles qui menaçait encore de la submerger. Cela n’avait aucun sens, aucun but. « Et moi je vais encore accéder à ta requête. Stupide petite Morgana qui va faire un joli sourire pour que Liadan retourne jouer sans se soucier de rien. » Ce faisant, elle souriait effectivement. Elle se détestait d’avoir encore cette faculté à sourire. De lui obéir, à lui, alors qu’elle aurait du lui envoyer son poing à la figure et se mettre à hurler. Tout ça pour une foutue gamine qu’elle ne connaissait pas depuis cinq minutes et qu’elle ne reverrait jamais de sa vie. Tout ça pour préserver la sensibilité d’un homme qui ne lui était plus rien ! Juste parce qu’elle aurait tant aimé elle aussi connaître le bonheur d’être maman, mais qu’un Mangemort avait décidé qu’il en serait autrement … Et qu’elle laissait cette réceptivité l’envahir, la submerger.

« Et bien, je pense que cela remet quelques pièces du puzzle en place au moins. » Cette fois, ce fut le tour de Morgana de se mettre à rire franchement. Génial, encore une réaction gratuite pour Liadan, elle avait intérêt à les regarder encore ! « Non. Ca, ce n’est pas une explication. C’est une conséquence. Mais ça ne justifie rien du tout, ça ne me dit pas comment tu as pu arriver là. » Ca expliquait certaines de ses réponses, mais cela ne faisait qu’obscurcir les autres. Le seul fait qu’il soit effectivement un Mangemort semblait prendre toute la place dans sa tête, c’était trop énorme et inconcevable. Mais en plus de ça, il y avait des dizaines de questions qui restaient elles aussi sans réponses. S’il était passé du côté de Voldemort, il n’aurait pas du se montrer aussi méfiant, aussi secret. Pourquoi cacher la naissance de sa fille, pourquoi vouloir la protéger du monde entier s’il avait la protection du seigneur des Ténèbres ? Et pourquoi avoir pris ces précautions déjà sept ans plus tôt, alors que Voldemort n’était encore qu’un nom sur un livre d’histoire ? Tout cela n’avait pas de sens, rien ne tenait ensemble, le puzzle ne ressemblait à rien et elle ne possédait aucune pièce pour l’éclaircir. Elle n’avait qu’un fil conducteur, ténu mais certain. « Est-ce que tu pourrais me tuer, Daley ? Est-ce que tu en serais capable, si cela devait assurer la protection de ta fille ? » Demanda-t-elle finalement d’une voix douce. Il lui avait révélé son secret, sans le vouloir. Il lui avait donné un pouvoir. Et il ne voudrait sûrement pas qu’elle s’en serve contre lui.

« Parfaitement. Je suis devenu lâche, tu pourras penser tout ce que tu veux Morgana mais notre amitié n’a pas été que du vent pour moi et je préfère te voir en colère après moi, furieuse même si tu le souhaites mais je ne pourrais pas voir la honte et le mépris dans ton regard alors oui, je suis lâche mais tu ne pourras rien y faire ! » Touché. Elle avait frappé à un endroit sensible, visiblement, et cela la désolait de le voir réagir avec autant de violence, car elle aurait préféré éviter en arriver là. Ils avaient été les meilleurs amis du monde, et elle ne pouvait pas mettre en doute ses paroles sur ce point. Mais elle n’en démordait pas, elle restait persuadée que quoi qu’il ait fait par le passé, si elle l’avait su plus tôt ou s’il avait su s’expliquer, leur amitié aurait pu être sauvegardée. Mais elle ne voyait pas bien où était la différence à présent, car même en ignorant la vérité elle était en colère contre lui et il la repoussait de toutes ses forces pour qu’aucun lien ne puisse plus se développer entre eux. La conséquence finale était donc la même, qu’elle sache son secret ou non : ils ne pourraient plus jamais être proches comme ils l’avaient été par le passé. Mais Daley semblait y attacher de l’importance, et elle se demanda une nouvelle fois ce qui méritait une telle attitude … Le résultat était un sacré gâchis, en tout cas. Elle préféra ne pas jeter d’huile sur le feu et ne répondit pas, mais elle n’en pensait pas moins. Elle ne savait pas ce que Daley attendait de tout cela, pourquoi il continuait même à marcher avec elle. En voyant le degré d’exaspération qu’il atteignait à chaque minute supplémentaire passée en sa compagnie, elle s’attendait presque à ce qu’il fasse volte face sans demander son reste. « Tu ne te prives pas de me faire remarquer que tu ne crois pas en mes mensonges, je n’ai pas exigé de toi une réponse, je te disais simplement que je ne croyais pas en ton mensonge, tu as parfaitement raison, chacun a ses secrets, tu peux donc garder les tiens. » Cette réplique lui donna envie de rire malgré son ton blessant, mais elle se garda bien de le faire. Son secret ne tiendrait pas bien longtemps, il la connaissait trop bien pour ça. Il se doutait déjà du camp qu’elle avait pris, et s’il ne savait pas qu’elle faisait partie de l’Ordre, il devait également s’en douter. « Ca a le mérite d’être clair. » Lâcha-t-elle finalement dans un soupir un peu agacé, avant de détourner la tête. Mensonges, encore des mensonges, et chacun en train de reprocher à l’autre de mentir. Quelle charmante discussion, vraiment.

Mais il avait raison, finalement. Elle était déçue, elle se sentait trahie. Il l’avait pourtant mise en garde. Il avait fait suffisamment de sous-entendus pour qu’elle ne cherche pas plus loin. Elle l’avait traité de lâche, mais elle comprenait soudain ce qu’il voulait dire en parlant de vouloir leur épargner des sentiments pires encore. Ce n’était pas toute la vérité, il manquait encore un immense trou à combler par des explications qui ne viendraient sans doute jamais, mais ce simple fait, cette marque sur son bras, voilà qui ruinait tout. Elle avait envie de pleurer comme s’il venait de lui apprendre que son vieil ami était mort, elle avait envie de le frapper comme si cela pouvait effacer ce qu’il avait fait, elle avait envie de hurler au monde entier pour que tous se réveillent et prennent conscience de l’horreur qui les entourait, et elle avait envie de mourir pour mettre un point final à cette gangrène que Voldemort faisait grouiller un peu plus loin chaque jour. Comme si quoi que ce soit pouvait arranger les choses. Même mourir ne serait qu’un acte égoïste, qui la couperait du malheur mais n’arrangerait en rien celui des autres. A la place, elle souriait. Elle ne pouvait pas empêcher ses mains de trembler, ni son cœur de se briser, mais elle souriait tout de même. Et Daley ne semblait pas fichu de s’en rendre compte. « Ce n’est pas une simple gamine Morgana, le jour où tu auras un enfant, tu pourras reparler de ces choses que l’on est capable de faire pour eux ! » L’usage de ce dénominatif légèrement condescendant pour désigner sa famille ne plaisait pas à Daley, c’était tout à fait normal, et elle l’avait fait dans ce but précis. Mais bien sûr qu’elle n’était pas une simple gamine, Morgana était incapable de la voir de cette façon, quand bien même elle le souhaitait de toutes ses forces. Cela aurait été tellement plus facile qu’elle ne soit qu’une gamine, moins qu’un nom ou un visage, si elle ne s’était pas souciée de ses sentiments elle aurait pu traverser les quelques mètres les séparant pour briser les illusions de cette petite, mais c’était impensable, impossible. Quel monstre était capable d’une chose pareille ? Il portait peut-être la marque des ténèbres sur son bras, mais Liadan n’y était pour rien. Et il avait raison, tellement raison en mettant son ignorance en avant : non, elle ne savait pas ce qu’avoir un enfant pouvait signifier, et elle ne savait pas ce qu’elle serait capable de faire si elle en avait eu. Mais cette idée, comme le reste, était un nouveau revers cuisant, une conséquence de cette marque atroce qui ornait le bras des Mangemorts … Elle baissa les yeux, ses paroles acides restant coincées au niveau de la boule qui se formait dans sa gorge. Un point pour lui.

« Ce n’est pas moi que je veux qu’elle voit comme un gentil père mais le monde, je me fiche qu’elle sache plus tard ce que j’ai fait, je l’assumerai toujours et ne m’en cacherai jamais mais elle a sept ans ! Te sens-tu la force d’aller lui dire ce qui se passe dans ce monde et ce que j’y fais ? » Elle le regarda en fronçant les sourcils, troublée par ses paroles. Voilà qui avait bien moins de sens. « Comment est-ce que tu peux continuer à faire ça, alors ? En sachant qu’un jour elle te regardera comme moi, et qu’elle t’accusera de ces crimes ? Tu es prêt à supporter ce regard-là, alors que le mien te semblait déjà trop à porter ? » Vu l’adoration qu’il avait pour elle, elle avait du mal à comprendre qu’il accepte de continuer à se conduire comme ça, en prenant le risque qu’un jour elle l’apprenne. Pas maintenant, elle était bien d’accord. Liadan était trop jeune pour ça. Mais cela ne faisait que repousser l’échéance. « A moins que tu ais l’intention de la façonner à la vision étriquée de tes pairs ? » Ajouta-t-elle, horrifiée par cette idée. Quand même pas ! Mais il était Mangemort, elle ne devait plus s’horrifier de rien venant de lui … « Si je me ballade dans le monde moldu, c’est pour maintenir son existence secrète et le principal reste ma loyauté envers les mangemorts ! » Elle lui répondit avec une grimace écœurée, représentant bien tout ce qu’elle pensait de cette soi-disant loyauté. Entendre ces mots de sa bouche était une vraie torture. « Mais merci, d'avoir joué le jeu.. » Morgana dévisagea Daley, soupçonneuse, essayant de déterminer s’il se fichait d’elle. Mais il avait l’air sincère, pour la première fois sans doute. Des remerciements, voilà qui était presque inespéré. Elle appréciait cet effort qu’il avait fait, parce qu’elle ne doutait pas que cela avait du lui arracher la bouche. Ce n’était qu’un mot, mais il semblait répugner à prononcer les formules de politesse d’usage – celle-ci passait donc pour un vrai élan de générosité. Dommage que cela arrive trop tard. « Autant que ta fille profite des quelques années d’insouciance qui lui restent à vivre. La chute sera douloureuse. » Elle se faisait l’effet d’une vieille fille aigrie, et c’était sans doute un peu ce qu’elle était. Mais elle connaissait l’effet qu’on ressentait en tombant de si haut, et elle ne souhaitait ça à personne. Surtout pas à Liadan, si mignonne et candide à jouer dans ce parc … Mais Daley avait choisi le mauvais chemin, elle ne pourrait pas éviter la désillusion cruelle que serait la découverte de la vérité.

« Et je n’ai pas l’intention d’en parler, mes choix sont ce qu’ils sont, je n’ai pas à les justifier ou à m’en expliquer, tu devras te contenter de ta petite découverte. » Cela non plus, ce n’était pas une surprise. Néanmoins, elle avait espéré au fond d’elle-même qu’avoir découvert cette énormité le pousse à parler, à se justifier. Puisqu’elle savait déjà le pire, peut-être pouvait-il essayer de se défendre … Sauf s’il n’y avait rien à défendre. Peut-être qu’il avait changé à un tel point qu’il n’avait pas de justification à cette marque sur son bras. Juste une conviction qui n’existait pas du temps où ils se connaissaient. Pourquoi chercher plus loin ? « Tu es libre de ne rien me dire, après tout c’est ta décision. La pire que tu puisses prendre, mais la tienne. Mais … J’aurais bien aimé comprendre, quand même. » Oui, elle insistait, elle ne pouvait pas s’en empêcher. Parce que ce n’était pas logique, il ne pouvait pas avoir changé si profondément ses convictions, il devait avoir une bonne raison !

En tout cas … Il y avait quelque chose qu’elle avait parfaitement saisi. Etait-ce sa raison, une conséquence, ou quelque chose de complètement extérieur, elle n’en savait rien. Mais Liadan était son point faible, le seul qu’elle lui connaisse à ce jour. La réaction qu’il eut quand elle l’évoqua se passait de commentaire, et elle en fut presque effrayée. Mais cela confirmait ce qu’elle pensait, malheureusement. « Qu’est-ce que tu cherches ? A savoir si je suis devenu à ce point monstrueux ou à découvrir jusqu’où je suis prêt à aller pour ma fille ? Ne cherches pas la réponse, tu risquerais d’être déçue, tout comme si tu me menaces ! » Elle se força à rester stoïque, la tête bien droite, alors que cette menace à peine voilée lui provoquait des sueurs froides. Voilà où ils en étaient arrivés, après leurs sept années d’une amitié fusionnelle. Bien qu’elle ne sache rien de la maternité, Morgana comprenait le comportement défensif de Daley, et l’amour qu’il portait à sa fille. Mangemorts, sorciers anonymes ou même moldus, ils étaient tous logés à la même enseigne sur ce point. Et il était presque rassurant de voir que malgré le tatouage qu’il avait sur le bras, il y avait quand même une personne qui continuait à provoquer en lui une étincelle d’amour … Néanmoins, cela n’adoucissait en rien les faits : il était le responsable de tout cela, et il était descendu plus bas que terre en se rangeant du côté de Voldemort. Et s’il y avait une seule façon de l’en sortir … C’était par sa fille. « Ce n’était pas une menace, c’était une question. L’amour que tu portes à ta fille ne te rend pas monstrueux, c’est la seule chose qui te maintienne encore un peu humain. » Elle soupira, enfonça ses mains tremblantes dans ses poches. Elle se sentait mal, vraiment mal. Quoi qu’elle dise, il restait monstrueux. Et elle le voyait sans doute dans un de ses meilleurs jours, forcé d’agir normalement à cause de sa fille. « Je ne veux pas être ton ennemie. »

Se pouvait-il qu’à quelques mètres d’eux, des familles soient encore en train de jouer tranquillement avec leurs enfants ? Se pouvait-il qu’ils ignorent la nature de cet homme devant lequel ils passaient tous, le meurtrier qui viendrait un jour frapper à leur porte et massacrer leurs enfants parce que le hasard les avait désignés, parce que le Maître voulait se divertir ? La vie continuait, autour d’eux. Personne ne se souciait de Morgana et personne ne se souciait de Daley. Même Liadan s’était détournée d’eux, elle avait repris ses jeux une fois rassurée sur les intentions de la sorcière rousse qui avait semblée si proche de faire une bêtise. C’était à Morgana de faire un effort pour la rassurer, mais ce n’était pas elle la méchante de l’histoire … Mais Liadan n’en avait cure, car son papa avait magistralement sauvegardé les apparences depuis sa naissance. Il avait entouré sa vie de mensonges et continuait à le faire chaque instant. Depuis que Morgana s’était jetée dans ses bras jusqu’au moment où il lui avait demandé de ne pas réagir violemment en découvrant sa marque, il avait joué son rôle, un rôle parfaitement maîtrisé et polit par des années d’expériences. Dans un sens, elle l’enviait de savoir si bien faire semblant. Ce n’était sans doute pas si facile, à l’intérieur. Elle espérait que cela ne soit pas si facile. Mais elle enviait sa maîtrise, cette absence factice d’émotions. Voilà ce qu’elle aurait aimé avoir en cet instant, pour ne pas lui montrer à quel point cela l’affectait. Il était le Mangemort et elle était de l’Ordre du Phénix. Elle n’aurait du montrer que de la haine, elle aurait même du être capable de tourner les talons. Bon, c’était raté. Au lieu de ça, elle tentait toujours de comprendre, par tous les moyens à sa disposition. Il devait y avoir une faille dans la logique de Daley, et elle la trouverait.

« Le jour où elle sera en âge de comprendre ce que j’ai fait, je ne serais plus de ce monde pour voir le mépris que je lui inspire… elle pourra refaire sa vie, renier son nom et se reconstruire… » Cette nouvelle donnée la laissa sans voix, et tout le dégoût qu’elle pouvait ressentir pour lui laissa pendant un bref instant la place à une souffrance tout à fait sincère. Il parlait de sa mort avec une telle indifférence, la planifiant pour un avenir proche sans même sourciller, et évoquant dans la volée la potentielle réaction de sa fille … Mais bientôt, la colère refit surface, et Morgana serra les poings. « Tu n’as pas beaucoup de foi en votre victoire, pour un Mangemort. » Ce fut bien la seule chose qu’elle fut capable d’exprimer à haute voix, parmi les dizaines de phrases plus personnelles qu’elle aurait aimé lui dire. Sa mort lui était une pensée insupportable, mais l’avouer était impensable maintenant qu’il avait changé de camp. Elle ne pouvait pas non plus le rassurer sur son avenir, car elle se doutait bien que peu d’entre eux s’en sortiraient … Mais il pouvait survivre, surtout si Voldemort finissait par gagner la guerre. « Jamais. » Une nouvelle fois, Morgana le regard avec surprise. Il ne cessait de se contredire, décidemment. Ce simple mot, prononcé avec tant de ferveur, signifiait à lui seul le contraire de cette si belle loyauté envers les Mangemorts dont il se targuait depuis le début. Un Mangemort affirmé ne refuserait pas de transmettre ses convictions à ses enfants, dut-il les aimer avec tout son cœur. Morgana baissa les yeux sans rien dire, mais il venait de lui offrir une nouvelle part du puzzle et elle la conserva avec soin. L’homme qu’elle avait connu ne pouvait pas avoir complètement disparu, pas avec ce genre d’affirmation. Pourtant, chaque indice qu’il lui donnait restait bien maigre à côté du reste. Cela n’éclairait pas beaucoup Morgana sur le mystère de cette marque sur son bras. « Ça ne changera rien Morgana, je ne veux même pas que tu comprennes, même si cela me semble peu probable, je ne veux pas, j’ai pris ma décision, comme tu l’as dit, je ne reviendrais jamais dessus, cela m’est impossible et aujourd’hui, rien ne pourra changer cela. » Elle hocha la tête, tentant d’accepter ce fait une bonne fois pour toute. Il ne souhaitait pas lui expliquer et il ne le ferait pas, pouvait-elle enfin se plier à sa décision ? C’était difficile, extrêmement difficile. Elle détestait être laissée dans l’ombre, et elle ne supportait pas de soupçonner l’existence d’un secret sans être mise dans la confidence. Mais cela dépassait de loin les petites cachotteries de leur adolescence, et elle ne pouvait plus prétendre à la moindre confiance venant de lui.

Et il semblait qu’il ne pouvait plus lui faire confiance lui non plus … Elle ne savait pas encore ce qu’elle tirerait de cette information, ni si elle en tirerait jamais quelque chose. Mais il aimait Liadan plus que tout, et il la protégeait même des Mangemorts. Morgana n’avait pas la moindre intention de faire du mal à la petite, tout comme elle ne souhaitait pas en faire à Daley. Mais il était l’ennemi, et s’il advenait qu’elle doive agir contre lui … Elle se mordit la lèvre, une désagréable angoisse lui tordant le ventre à cette seule idée. Elle n’était pas comme lui, elle ne voulait pas monter de plans tordus pour ruiner des vies. Pourtant, elle y pensait, et elle savait que c’était une information que l’Ordre aimerait avoir. A savoir maintenant si elle la leur donnerait … Ou si elle se plierait à la menace du Mangemort – de son ancien meilleur ami. Ce n’était pas le moment pour y penser. Elle ne pouvait pas faire ça. « C’est également ce qui me rend plus faible. » Il ne pouvait pas avoir plus raison en cet instant, vu toutes les pensées qui venaient de traverser l’esprit de Morgana et qu’elle s’efforça de tenir éloignées. Mais comme elle le lui avait dit, elle ne voulait pas être son ennemie … Les mots lui avaient échappé et elle avait dit à haute voix ce qu’elle souhaitait tout bas, se dévoilant de façon tout à fait stupide. Non, elle ne voulait pas être son ennemie, ils ne l’avaient jamais été et même à présent qu’elle connaissait sa vraie nature, elle ne réussissait pas à le voir entièrement comme un ennemi. Parce qu’ils avaient un passé commun, mais également parce qu’ils discutaient depuis tout à l’heure sans réussir à s’éloigner l’un de l’autre malgré la colère et les mensonges, et que rien, jusque là, n’avait menacé leur sécurité … Enfin, presque rien, si on oubliait le petit incident à propos de Liadan, qui serait peut-être le déclencheur ou la clé de leurs affrontements futurs. Mais même ça, elle ne le considérait pas comme une vraie menace. Elle n’avait eu ces pensées que dans l’intérêt de Daley et de sa fille, et elle ne ferait peut-être jamais rien. Elle n’avait pas la volonté pour ça. « J’avais raison alors, tu t’es engagée dans l’Ordre. » Cette affirmation ne la surprit pas, et elle hocha la tête pour confirmer ce qui n’était même pas une question. Il était un peu tard pour démentir ou essayer de se rattraper, elle s’était trahie elle-même. Mais elle n’en ressentit pas vraiment de culpabilité à dire la vérité : au moins, les choses étaient claires à présent. « Tu es incapable d’attendre l’issue d’une guerre sans t’en mêler Morgana, tu mets ta vie en danger pour en sauver des milliers d’autres, tu n’as pas changé… » Elle eut une petite grimace à cette assertion, mais elle ne put s’empêcher de sourire à moitié. « Je n’ai pas grand-chose à perdre en faisant cette guerre. Et comment veux-tu que je reste les bras croisés alors que les Man… » Elle s’arrêta au beau milieu de sa phrase, se rappelant à qui elle parlait. « Enfin, au moins je n’ai plus l’impression d’être inutile ou de me cacher. » « Malheureusement, cela fait de nous des ennemis… » Elle hocha la tête, la gorge nouée. Ils ne pouvaient pas être plus éloignés l’un de l’autre qu’à présent, dans deux camps qui se livraient une guerre sans merci, où victoire et mort étaient si intimement mêlées. Et elle ne pouvait pas se permettre de sentiments envers un Mangemort, peu importe leur passé commun. Elle le savait depuis le jour où Alexander lui avait dévoilé son camp, et ce n’était qu’un rappel aujourd’hui. Pas d’amour, pas d’amitié possible entre eux. Tout comme il ne ferait preuve d’aucune pitié s’il devait se retrouver devant elle, elle devrait se blinder et agir selon ses convictions, non selon ses désirs. Mais elle était faible, ses sentiments prendraient toujours le dessus. Elle eut un sourire un peu vacillant, puis baissa la tête. Elle se détestait, elle le détestait, et elle détestait encore plus cette situation. « Je sais. Mais j’espère qu’on ne finira jamais l’un en face de l’autre, parce que ce sera à toi de faire le sale boulot. Je n’ai pas de motivation aussi forte que toi pour réussir à te tuer sans sourciller. » Elle essaierait sans doute, mais y parvenir ? Impensable. Mais quitte à se faire tuer par un partisan de Voldemort, elle préférait que ce soit par un autre que lui. Un parfait inconnu, quelqu’un sur qui elle pourrait coller la mention de bourreau sans avoir à se souvenir des fois où il ne collait pas à cette description manichéenne. Mais elle ne choisirait pas sa mort, tout comme il ne choisirait pas la sienne …

Un sourire, et Daley parut presque amusé par la remarque de Morgana sur sa foi en la victoire des Mangemorts. Malgré la gravité du sujet et le gouffre infranchissable qui les séparait, Morgana vit revivre pendant un bref instant la complicité qui les avait unis pendant leurs études. L’illusion disparut aussi rapidement qu’elle était apparue, mais cela réussit à emplir la jeune femme de nostalgie. Et pourtant, c’était d’une guerre dont ils parlaient, et de la mort quasi-inévitable de Daley … « Il faut être préparé à toute éventualité et ne pas sous-estimer l’ennemi… » Bien entendu, mais elle le connaissait assez pour savoir qu’il ne lui donnait pas toute l’explication. Il suivait sa ligne directrice et elle commençait presque à s’y faire, entrevoyant une logique dans ses paroles et ses actes, bien que certaines de ses motivations soient toujours aussi obscures pour elle. Son allégeance allait aux Mangemorts, mais pas sa foi, du moins pas entièrement. Etait-ce question de ne pas sous-estimer l’ennemi, ou de souhaiter la défaite de son propre camp afin de se libérer de cette marque en sautant directement en enfer ? Un peu des deux, peut-être … A cette question, elle savait qu’elle n’aurait pas de réponse, mais elle espérait avoir raison : cela aurait signifié qu’il restait en lui une part de la personne qu’elle avait connue à Poudlard. Ce n’était peut-être pas réel, après tout. Il lui avait donné assez de raisons de croire qu’il avait irrémédiablement changé.

« Tu peux dire ce que tu veux tu sais, je sais ce que nous faisons et je te l’ai dit, je l’assume totalement. » Un éclat de colère passa dans les yeux de Morgana à ces paroles, et elle hocha la tête avec rage. Encore un petit rappel de ce qu’il était vraiment, comme s’il tenait à ce qu’elle ne l’oublie pas malgré tout. Avec lui, tout prenait un double sens, à moins qu’elle soit la seule à imaginer tout ça. Mais à ses yeux, il semblait constamment osciller entre le Mangemort et l’humain doué de sentiments. Il aurait été bien plus simple qu’il se décide à choisir une seule facette, qu’elle sache elle-même sur quel pied danser. Elle le détestait de soutenir son allégeance de cette façon, tout en laissant apercevoir des sentiments qui ne cadraient pas avec sa marque. « Tu pourrais y perdre la vie… » A nouveau, il avait changé de masque, provoquant un nouvel élan de colère chez la jeune femme, qu’elle ne put pas passer sous silence. « Merci de cette information ! Je vais sans doute y perdre la vie, moi aussi, tu crois que je n’y ai jamais réfléchi ? Mais je n’ai plus que ma vie, et qu’est-ce qu’elle vaut encore ? S’il n’y avait pas de gens comme toi, qui assument leurs actes avec un aplomb stupéfiant, mon père serait encore à la maison, ma mère ne serait pas en train de se laisser dépérir, et je serais encore ... » Heureuse avec Alexander, peut-être, peut-être pas. Ce point là n’était peut-être pas imputable uniquement aux Mangemorts, elle n’en savait rien. Et Daley serait encore son meilleur ami, sans doute … Elle poussa un soupir rageur, et continua sur sa lancée. « Vous avez tous vos justifications, et elles vous semblent sans doute très nobles, mais je n’en vois pas une seule qui soit suffisante pour détruire ma vie et celle de toutes les autres personnes que vous jugez inférieures ! » Elle se détourna vivement, se passa une main sur le visage, prit une grande inspiration. Du calme. Quoi qu’elle pense des Mangemorts et de leurs méthodes, elle ne devait pas les exprimer ainsi, pas devant lui. Cela ne changerait rien. Elle jeta un coup d’œil à Liadan, mais la petite fille ne les regardait pas. C’était déjà ça … « Il est évident que je le mérite amplement. » Morgana poussa un petit « ha ! » ironique, et secoua la tête. Piètre consolation que l’entendre dire qu’il le méritait. Et elle ne voulait pas apprendre ce qu’il avait déjà fait, depuis qu’il avait sa marque sur le bras, pour mériter ça. Elle n’avait pas besoin de connaître son palmarès, franchement pas. Mais elle ne s’attendait pas à la suite, et elle en resta muette pendant quelques secondes. Ce temps ne fut pas suffisant pour décider si elle le croyait ou non : son cœur voulait y croire, sa tête s’y refusait. Il avait menti sur beaucoup de points, et elle aurait aimé croire au moins en celui-ci … Mais elle n’avait plus confiance en personne et elle ne pouvait pas jouer sa vie sur ce point si précaire. Il lui avait bien fait comprendre que leur amitié était terminée. « Effectivement … Ne te fatigue pas à essayer de me convaincre. » Ces mots étaient une torture à prononcer, et elle détourna le regard pour ne pas croiser ses yeux. Peut-être était-ce à elle de faire preuve d’un peu de froideur, afin de se préserver des déceptions à venir. S’il se rendait à l’Ordre au lieu de la tuer, ce serait fantastique. S’il la massacrait sans sourciller, et bien … Au moins, elle n’aurait pas entretenu trop d’espoirs sur son compte. Mais déjà, elle savait que cette phrase la hanterait pendant longtemps.

« Je suppose que tu es fidèle à ton camp. » Morgana fronça les sourcils et le regarda avec circonspection. Où donc voulait-il en venir ? Bien sûr qu’elle était fidèle à son camp, il le savait parfaitement. « Et que ce même camp serait ravi d’apprendre qu’un mangemort a une faille, une faille de taille… » Ah. Bien sûr, il soupçonnait les pensées qui avaient traversé son esprit … Elle retint une grimace et se composa un masque impassible, attendant la demande inévitable. Mais elle aurait voulu pouvoir l’empêcher de parler, pour que jamais ces mots ne franchissent ses lèvres. Elle dut pourtant bien les écouter, et elle ferma les yeux, abattue. Il n’avait pas le droit de lui demander ça, il le savait très bien. Il avait déjà abusé de leur lien et de son indulgence pour préserver Liadan et maintenant … Il attendait d’elle plus encore. Et elle sentit la culpabilité revenir au galop, lui broyant la poitrine sans pitié. Que répondre à ça ? Elle-même ne savait pas ce qu’elle ferait de cette information, tout dépendrait de la tournure que prendrait la guerre, ainsi que l’évolution de ses propres états d’âme. Aujourd’hui l’idée même de donner cette information à l’Ordre la révulsait, mais demain ? Si elle voyait Daley tuer un de ses amis, aurait-elle encore des scrupules à le trahir et à enlever sa fille ? Si elle finissait par ne plus avoir de pitié, à force de voir la mort frapper ? Mais pour l’instant, elle n’arrivait pas à le haïr avec assez de vigueur pour réussir à se décider. Elle avait sourit pour la petite fille et pour lui éviter des inquiétudes inutiles. Elle avait avoué à Daley qu’elle ne pourrait pas le tuer, et qu’elle ne souhaitait pas l’avoir comme ennemi. Non, elle ne pouvait pas être cruelle et sans pitié, tout le monde n’avait pas la même capacité à retourner sa veste ! Même confirmer à l’Ordre son appartenance aux Mangemorts lui semblait être une trahison. Elle rouvrit les yeux et tourna la tête vers Liadan. Pendant un bon moment, elle la regarda jouer sans répondre à Daley, puisant dans cette vision paisible un certain réconfort. Mais il fallait bien qu’elle réponde à un moment ou à un autre … Elle finit donc par regarder Daley, la mine défaite. « Est-ce vraiment nécessaire ? Quoi que je dise, dès que tu seras rentré chez toi tu prendras toutes les dispositions pour qu’elle soit en sécurité et que l’Ordre ne puisse pas la trouver. Mais je ne sais pas ce que je vais faire, Daley, sincèrement je n’en sais rien. Ta fille ne mérite pas ça, et j’aimerais qu’elle ne soit pas impliquée là-dedans. Mais si je le savais, crois-tu que je te le dirais ? Je ne te dois rien, surtout pas la promesse que je ne ferais rien à ta fille. Si jamais je décide de parler d’elle à l’Ordre, un jour … Ce sera dans votre intérêt, à toi et à ta fille. Garde ça en tête. » S’il devait partir en chasse contre elle un de ces jours, elle espérait qu’il se souviendrait de ça. Mais elle avait encore peu d’espoir à ce propos. Si elle touchait à Liadan, elle ne donnait pas cher de sa peau, peu importe ses motivations.

« Tu as parfaitement raison, nous avons tous nos raisons de faire ce que nous faisons. Tu penses te battre pour une noble cause, en risquant ta vie pour empêcher l’inévitable ? Saches que je fais la même chose de mon côté, nous ne sommes pas différents, seuls les chemins que nous avons emprunté le sont. » C’était la guerre, il n’y avait aucun doute là-dessus. Et comme dans toute guerre, il y avait ceux qui se battaient pour leur camp en étant convaincu d’avoir raison. Morgana était convaincue d’avoir raison, elle l’était bien avant d’avoir rejoins l’Ordre. Il n’y avait pas plus absurde que les idéaux que défendaient le camp adverse, et rien ne pourrait jamais la convaincre du bien-fondé de leur pensée. Par nature, ils étaient contre les gens comme elle, simplement à cause de leur naissance. Son père avait-il choisi de naître parmi les moldus ? Avait-il choisi d’avoir des pouvoirs magiques ? Non, bien sûr que non. Et avait-il, par là, fait une faute fondamentale ? La façon de penser des partisans de Voldemort, ainsi que du nouveau gouvernement, était une aberration pour Morgana. Mais elle ne pouvait pas croire un instant que Daley puisse partager le point de vue des extrémistes. Pas une seule fois, depuis qu’elle le connaissait, il n’avait montré de prédilection pour le culte du sang-pur. Il était d’ailleurs assez mal placé pour ça. La si noble cause qu’il défendait ne pouvait pas être celle-ci, à moins qu’il ne lui récite un discours soigneusement appris, le même qu’il servait aux Mangemorts et à tous ceux qui le questionnaient sur sa foi. La seule chose qu’elle lui accordait, c’était l’énergie qu’il mettait à épargner sa fille. Peut-être était-ce ça, la clé. C’était la seule chose qui soit cohérente, alors qu’il se contredisait sur tout le reste. « C’est précisément ce qui nous rend si différents. » Lâcha-t-elle tout de même. Il restait un Mangemort, malgré toutes les excuses qu’elle pouvait lui trouver. Et elle avait vraiment envie de lui en trouver, des excuses … Mais à ce point de la conversation, elle avait baissé les bras. « Bien. » Le message était passé, ce sujet était clos. Il n’essaierait pas de lui prouver sa bonne foi, et elle cesserait de chercher des explications quand il ne voulait pas en donner. Ils n’avaient plus confiance l’un dans l’autre, et s’il advenait qu’ils doivent se battre l’un contre l’autre … Morgana était bien en peine de dire ce qu’ils feraient.

Elle avait mis longtemps avant de formuler une réponse à la question de Daley, ne tenant pas compte du délai qui pouvait mettre sa patience à l’épreuve. Elle avait besoin de mettre ses idées en place, mais même ainsi, elle ne lui avait donné aucune vraie réponse. Elle ne pouvait pas le faire, et elle n’avait même pas espéré qu’il se contente de ça. Mais même en s’attendant à ce qu’il réagisse mal, elle n’aurait pas pu se préparer au véritable éclat de fureur qui passa dans ses yeux. Il n’y avait quasiment rien, dans sa posture ou même sur son visage, qui indiquait ce qu’il pensait – mais ses yeux parlaient pour lui, et la distance qu’il prit soudain avant de revenir, tout en respirant profondément, étaient autant de signes qui ne trompaient pas. Il faisait des efforts plus que visibles pour garder son sang-froid, néanmoins elle plongea sa main dans sa poche pour serrer sa baguette. Ils étaient dans un endroit public, moldu qui plus est. Il ne lui ferait sans doute rien, mais elle ne voulait pas prendre le moindre risque. Elle avait franchi une limite, et l’amitié qu’ils s’étaient porté n’existait tout bonnement plus. S’il avait pu l’attaquer maintenant, elle était presque certaine qu’il l’aurait fait. Mais son attitude était finalement bien peu de chose, face à ce qu’il avait à lui dire. Morgana accusa chacun des coups qu’il porta, reconnaissant la légitimité dans ses paroles et pourtant désolée qu’il prenne les choses de cet angle. Il ne pouvait pas les prendre autrement, mais il ne comprenait pas ce qu’elle avait essayé de lui dire, il ne tentait pas une seule seconde de se mettre à sa place à elle. En lui demandant ce qu’elle comptait faire, il l’avait mise dans une situation impossible. Sa colère était justifiée, mais comment voulait-il donc qu’elle réagisse ? Elle le laissa décharger son venin sans rien dire, après tout, il avait autant besoin qu’elle de prononcer ces phrases. « Tu trouves que j’ai du culot de te parler comme ça ? Je crois que tu ne te rends pas bien compte de ce que tu es en train de faire. Tu me demandes clairement d’omettre que tu es un Mangemort, pour sauver ta vie et celle de ta fille. Je suis fidèle à l’Ordre, quand je me suis engagée je savais pourquoi je le faisais. Mais tu voudrais que je les renie pour que tu ne sois pas inquiété ? Cet après-midi tu joues au papa modèle mais ce soir tu vas retourner à la traque des ennemis de tu-sais-qui. Et ça, ça ne va pas te poser de problème moral parce que tu fais ça pour protéger ta fille, très bien ! Mais moi, ça me pose un problème. Et ça me posera un problème d’aller donner ton nom à l’Ordre de la même façon, mais des deux maux, je suis censée choisir lequel ? Fermer les yeux sur ce que tu fais ? Ou essayer de t’arrêter avec les seuls moyens que j’ai à ma disposition ? » Il protégeait sa fille à tout prix, c’était devenu extrêmement clair pour Morgana. Il était absolument terrifié de ce qui pouvait arriver à Liadan, et elle venait de suspendre une épée de Damoclès au-dessus de sa tête. Même avec le contrôle admirable qu’il avait sur ses nerfs, il ne pouvait pas cacher ça. Elle avait un pouvoir certain sur lui, et elle aurait tout donné pour que ce ne soit pas le cas. Mais c’était un fait, elle pouvait le détruire de la pire façon qui soit si elle décidait de parler à l’Ordre. « C’est précisément pour ça que je ne sais pas ce que je vais faire ! Je ne souhaite pas que tu meures, et ta fille encore moins. Tu crois que je jouirais de t’envoyer en prison ? Qu’utiliser des petites combines tordues pour t’arrêter, ça ne me dérange pas ? Si j’étais vraiment comme ça, je ne serais pas restée à discuter avec toi, je serais déjà en train de donner ton matricule à l’Ordre et l’affaire serait réglée. » Morgana serra les poings et prit une profonde respiration, dans l’espoir de calmer le rythme affolé de son cœur. Comment avaient-ils pu en arriver là ? Elle était en train de le menacer ouvertement, et il la regardait avec un mépris sans égal. « Je ne me cache pas derrière des excuses, j’essaye de faire ce qui me semble le plus juste, pas seulement pour moi, pas seulement pour ta fille. Mais oui, je l’avoue, c’est à ça que je penserais si je vous livre à l’Ordre, parce que j’espère bien qu’en te dénonçant, cela ne signera pas ta mort. Il y a toujours une solution, c’est en ça que nous sommes différents des Mangemorts. On ne cherche pas à tuer sans distinction. Ta fille ne mourra pas, et peut-être que toi non plus. Mais si elle est menacée, tu seras peut-être moins enclin à jouer ton rôle de Mangemort. » Elle soupira, et regarda à nouveau Liadan qui jouait un peu plus loin. Il restait un point flou dans tout ça, une phrase qu’il avait prononcée et qu’elle ne comprenait pas. S’il ne pouvait pas mettre sa fille en sécurité, s’il n’avait même pas ce pouvoir … « Ce sont les Mangemorts qui tiennent ta fille ? » Demanda-t-elle soudain, prise d’un doute. Si elle avait raison, ils n’étaient sans doute pas seuls ici. Elle tourna la tête, scrutant les alentours sans déceler personne qui lui paraisse suspect, mais cela ne signifiait absolument rien. Elle resserra sa prise sur sa baguette : l’idée que d’autres Mangemorts puissent se trouver ici l’inquiétait bien plus que la présence de Daley.

« Tu le crois parce que tu as oublié qui j’ai été. » Morgana haussa les sourcils, avant de laisser échapper un petit rire incrédule. « C’est toi qui as oublié qui tu étais, Daley. Pas moi. » Bien au contraire, elle se souvenait avec précision de celui qui était devenu son meilleur ami, et elle se souvenait des raisons qui l’avaient séduite et persuadée à être si proche de lui. Il n’y avait plus rien de l’ancien Daley dans celui qu’elle voyait aujourd’hui, et elle savait parfaitement que ce n’était pas parce qu’elle avait enjolivé ses souvenirs. Il était impossible qu’elle se soit trompée à ce point sur son compte, elle n’aurait pas supporté bien longtemps de l’avoir dans les parages s’il avait toujours eu le même caractère, et surtout le même comportement. C’était d’ailleurs pour ça qu’elle ne le croyait pas quand il disait embrasser la cause des Mangemorts, mais elle n’avait aucune envie d’entrer dans un débat déontologique avec lui, car il n’en ressortirait absolument rien. Il n’avait pas envie de discuter et elle n’avait pas envie d’insister. La seule chose qui la convaincrait, ce serait ses actes, et elle n’était pas prête de voir quoi que ce soit de sa part venant renier son statut de Mangemort. S’il voulait croire qu’elle avait oublié qui il était vraiment, grand bien lui fasse. Mais elle n’avait absolument pas oublié le Daley qui allait de paire avec Swan, et dont la compagnie avait été la meilleure pendant sept ans. Mais elle n’était plus Swan … Et il n’était plus Daley.

Et comme ils n’étaient plus les même, le plaisir d’être ensemble s’en trouvait considérablement amoindri. Voire même supprimé … Morgana se sentait atrocement mal de devoir prononcer de telles paroles, comme si une part d’elle s’insurgeait encore qu’elle puisse trahir son meilleur ami de la sorte. C’était une trahison, elle en avait bien conscience. Et elle se sentait ni plus ni moins comme une traîtresse, avec la seule envie de disparaître très loin pour ne plus avoir à faire face à ses actes. Il était tellement dur de supporter le regard de Daley … Un visage qu’elle avait aimé et qui était le miroir de tant de souvenirs agréables, mais dont les yeux aujourd’hui n’étaient plus qu’un puits de haine sans fond. Elle était la responsable de ce revirement, du moins en partie. Il n’y avait pas eu de haine tant qu’elle n’avait pas prononcé les mots fatidiques. Mais il avait choisi le mauvais camp, il avait posé les mauvaises questions … Et elle n’avait pas pu se résoudre à mentir, peu importe l’amitié qu’elle lui avait porté. A quoi cela aurait-il servi qu’elle mente ? A pars à ne jamais voir Daley la regarder de cette façon … Elle ne l’aurait pas trahi, mais elle se serait trahie elle-même, et au fond, elle en aurait ressenti autant de honte. Ils étaient dans une impasse. Et elle était dos au mur, sans autre choix que de faire face à sa légitime colère, tout en entretenant la sienne propre afin de ne pas se laisser consumer par ses paroles venimeuses. Elle se raidit en l’entendant à nouveau évoquer la vie de sa fille, et elle plissa les lèvres en une moue agacée. « Si tu t’imagines que je risque d’oublier que ta vie ou celle de ta fille est en jeu, c’est que toi aussi tu as oublié qui j’étais, Daley. » Mais elle était allée trop loin en évoquant à haute voix les suppositions qu’elle aurait du garder pour elle, et elle vit le visage de Daley se décomposer sous le coup de la colère. Un instant, elle cru qu’il ne prendrait même pas la peine de lui répondre, et le regard qu’il lança à sa fille avant de revenir à elle sembla confirmer ce qu’elle pensait … Mais il n’en fit rien. A la place, il reprit la parole, d’une voix qui glaça le sang de la jeune femme dans ses veines. La façade qu’il avait conservée jusque là pour ne pas affoler Liadan s’était envolée, et il laissa ressortir toute sa colère contre la sorcière. Elle ferma les yeux quelques secondes, avant de les rouvrir pour faire face, l’estomac noué. Daley attira même l’attention d’un passant, et Morgana s’empressa de lui faire un sourire crispé afin qu’il déguerpisse au plus vite – se mêler de leur querelle était la dernier chose sensée à faire. Et elle était parfaitement capable de gérer ça toute seule ! Du moins … Elle l’espérait. « Qu’est-ce que tu veux ? Que je m’excuse ? Je vais t’épargner de la salive, je reconnais que j’ai eu tord de me mêler de ce qui ne me regarde pas. Mais tu as baissé les bras Daley, ta fille vit dans l’ignorance et elle est heureuse comme ça pour l’instant, mais regarde-toi ! Tu me demandes de jouer la comédie, c’est bien qu’elle commence déjà à se douter de quelque chose, non ? Elle te posera des questions bien avant que tout ça ne soit terminé. Très bien, tu la gardes en vie comme ça, et tu vas encore me dire que je ne comprends rien à rien, mais je ne pense pas que ce soit la meilleure façon de la préserver. Alors oui, excuse-moi si j’ai eu l’audace de chercher une solution, parce que tu n’en as trouvé aucune de ton côté et que tu t’es fait à cette idée ! Tu ne veux pas sauver ta fille, tu veux l’épargner jusqu’à ce que tu puisses la fuir en te faisant tuer. Ce qui lui arrivera ensuite, ce sera à ton Maître d’en décider, ou est-ce que tu lui as déjà trouvé une porte de sortie ? » Elle se détestait d’agir ainsi, de sous-entendre qu’il agissait comme un lâche et que son comportement était pitoyable. Mais en réalité, elle comprenait sa façon d’agir, et elle supposait que si elle avait été à sa place … Elle aurait fait la même chose. Pour sauver quelques années de tranquillité avec sa fille, en espérant que l’issue de la guerre lui soit favorable. Mais si Voldemort triomphait, et que Daley mourrait, pensait-il vraiment que la petite serait laissée de côté ? Fille de Mangemort, elle ne serait pas destinée à quoi que ce soit d’autre qu’à rejoindre les rangs du mage noir. Surtout si les Mangemorts s’occupaient déjà d’elle, comme il le lui confirma immédiatement.

Le regard qu’il jeta alentour quand elle-même vérifia s’ils étaient seuls confirma ses soupçons, et elle sentit une pierre lui tomber sur l’estomac. Génial, il ne manquait plus que ça ! « Tu comprends les choses très vite. » Elle eut une grimace amère. Cela ne simplifiait pas du tout les choses, que de savoir Liadan aux mains de ces forcenés. Mais cela expliquait pas mal de points obscurs … Comment Daley pouvait-il supporter ça ? « Détends-toi, il n’y a pas de mangemort dans ce parc, quelqu’un surveille mes faits et gestes mais il s’est éloigné depuis un moment, il n’attaquera personne dans un parc moldu et se fiche de toute façon des personnes avec qui je parle. Ce qui l’intéresse, c’est que je reste là avec la petite. » Morgana haussa les sourcils. Il était donc épié pendant ses sorties avec sa fille. Pas étonnant qu’il soit aussi chatouilleux quand elle évoquait une quelconque menace sur la petite … Il devait en avoir bien assez du côté des Mangemorts pour ne pas vouloir s’occuper en plus de l’Ordre. Elle ressentit un élan de compassion envers lui, et soupira. Comment avait-il réussi à se mettre dans une telle situation ? Elle en serait devenue folle, à sa place … Ou alors, elle aurait massacré tout le monde. « Qu’il se rassure alors, tu fais très bien ton travail de protecteur. » Fit-elle avant de jeter un coup d’œil à la petite. « Si jamais … » Commença-t-elle, sans terminer sa phrase. Si jamais quoi ? Elle avait faillit lui proposer son aide "si jamais" il souhaitait revenir sur ce qu’il avait dit, ou s’il se rendait compte qu’il avait besoin d’elle pour quoi que ce soit … Mais elle se rendit compte que cela n’arriverait sans doute jamais. Elle n’avait pas envie qu’il recommence à l’agonir de commentaires ironiques sur son incapacité à agir. « Profite bien de ta fille, Daley. » Tant que tu le peux encore, se retint-elle d’ajouter. Il aurait à nouveau vu cela comme une menace, mais elle pensait surtout aux Mangemorts, à cet instant.

« Alors cesses de faire comme si nos vies pouvaient être des jouets dans les mains de l’Ordre, on lui retire sa fille pour qu’il retourne sa veste, est-ce que tu t’aies seulement soucié des conséquences en suggérant une chose pareille ?» Le reproche était tout à fait justifié, mais il déplut fortement à Morgana. Sans doute parce qu’il pointait directement ce qu’elle essayait de ne pas regarder depuis le début : elle marchandait la sécurité de la fille de Daley comme s’il s’agissait d’un objet, tentant de réfléchir comme pourrait le faire un des Aurors de l’Ordre, avec fermeté et une certaine sorte d’insensibilité. Elle se sentit comme une petite fille prise en faute, en train d’essayer de singer les adultes mais sans parvenir à saisir tous les tenants et aboutissants de ses actes, sans se douter un seul instant du mal qu’elle pouvait créer. Ce n’était pourtant pas tout à fait vrai, elle avait bien conscience que chacune de ses paroles étaient un crève-cœur, autant pour Daley que pour elle d’ailleurs … Mais elle n’était pas un Auror, et encore moins une sorcière aguerrie, qui pouvait prendre des décisions déchirantes pour le bien d’une communauté entière, sans en ressentir d’états d’âme. Elle n’avait pas le caractère nécessaire pour considérer la vie de Liadan comme un dommage collatéral, mais elle essayait de faire semblant aux yeux de Daley, et c’était peut-être pire encore. Elle lui donnait une image cruelle qu’elle n’avait aucune envie d’assumer, même en sachant qu’entre eux deux, il était sans doute bien pire qu’elle sur le plan de la cruauté. Mais le Mangemort sans pitié avait une toute autre facette avec sa fille, et Morgana ne parvenait pas à en faire abstraction … « J’essaye de me soucier des conséquences, mais tu ne me facilite pas franchement la tâche. De nous deux, je ne suis pas sûre d’être celle qui se soucie le moins des conséquences de ses actes. » Répondit-elle avec raideur, parfaitement consciente de la futilité de ses paroles. Lui rejeter au visage le fait qu’il était Mangemort était aussi inutile que puéril, mais elle n’avait plus aucune autre arme à sa disposition. Il était un peu tard pour se soucier de ce qu’il pouvait penser d’elle, de toute façon. Elle n’avait plus qu’une envie, et c’était de mettre fin au plus vite à cette conversation qui avait tourné au cauchemar éveillé.

Plus leurs échanges s’envenimaient, et plus il devenait difficile pour Morgana de garder une attitude stoïque. Mais comme il jouerait son rôle de Mangemort jusqu’au bout, elle était forcée de tenir celui de membre de l’Ordre, maintenant qu’ils savaient tout deux à quoi s’en tenir. Elle était arrivée jusque là et il n’était plus question de faire machine arrière, mais cela la déchirait complètement de devoir trouver de nouveaux arguments pour essayer de toucher Daley, tout en sachant qu’elle le blessait un peu plus à chaque fois. En répétant qu’il avait une attitude lâche, par exemple … Elle n’avait aucun droit à lui envoyer ça dans les dents, et pourtant elle s’y attelait comme si cela importait encore. Et elle devait supporter le regard blessé qu’il lui renvoyait, lisant avec facilité les émotions qui se peignaient sur son visage, malgré les efforts qu’il faisait pour les cacher. Elle récoltait ce qu’elle avait semé, elle n’avait pas à être surprise. Mais elle ne s’attendait par contre pas à ce qu’il lui dévoila soudain. « J’ai fait le serment de rester fidèle à mon père et au cas où tu ne l’aurais pas compris, c’est lui qui tient les ficelles, c’est lui qui tient Liadan, c’est lui qui me tient. Dis-moi comment tu pourrais m’apporter ton aide Morgana ? En m’enlevant ma fille sachant que je ne pourrais jamais trahir les mangemorts ? » Les épaules de Morgana s’affaissèrent légèrement tandis que le jour se faisait enfin dans son esprit, obscurcissant par la même occasion toutes les voies de sortie qu’elle avait pu échafauder pour Daley et sa fille. Un serment, dans ce contexte, cela ne pouvait signifier qu’une seule chose. La mort de tout espoir. Instinctivement, Morgana tourna la tête vers Liadan, avant de revenir rapidement vers Daley. Elle hocha la tête, la gorge nouée. Ca changeait tout, absolument tout. Il avait fait un Serment Inviolable à son père, il s’était enchaîné à la cause de Voldemort jusqu’à ce que la mort le libère. Elle comprenait soudain pourquoi il ne voyait que sa mort comme porte de sortie, car il n’y avait finalement rien d’autre qui puisse le sauver … Elle enfouit à nouveau ses mains dans ses poches, poings serrés, mais ce ne fut pas dans un geste de défense cette fois, plutôt pour réfréner un vieux réflexe qui aurait sans aucun doute finit par lui faire faire un mouvement d’affection vers lui, quelque chose qui puisse lui montrer à quel point elle était désolée, et combien elle compatissait … Mais s’il y avait une chose qu’elle avait pu comprendre depuis le début de leur discussion, c’était que les marques d’affection ne feraient qu’attiser sa colère. Il n’accepterait pas sa compassion, plus maintenant. De plus, cela ne servirait strictement à rien … « Tu aurais pu commencer par me dire ça, on aurait gagné du temps. » Elle s’en voulut immédiatement de prononcer ces paroles, qui la faisaient passer pour quelqu’un de bien plus insensible qu’elle ne l’était en réalité. « Désolée. » Marmonna-t-elle brusquement, sans savoir vraiment si elle s’excusait pour ses paroles ou pour sa situation désastreuse.

« Ils se fichent de sa protection, la seule chose qu’ils veulent, c’est que je ne m’éloigne pas trop. » Elle plissa les lèvres, mais ne répondit rien à cette pique agacée. Les Mangemorts avaient tous pouvoirs sur lui, jusqu’à venir lui empoisonner ses moments avec sa fille. « J’en ai bien l’intention ! » Cette fois, le ton de la phrase tira un sourire à Morgana, lui rappelant pendant une seconde qu’il était papa, et que l’amour qu’il portait à sa fille était décidemment quelque chose qu’elle n’aurait jamais imaginé voir chez lui. Mais son sourire disparu rapidement, gommé par la réalité de la situation. Il n’y avait rien de très mignon dans tout cela. « Je te dirais bien de prendre soin de toi mais je pense que tu le prendrais comme une insulte. » Elle eut un sourire ironique. Effectivement, venant d’un Mangemort, il y avait de quoi douter sur le sens d’une telle phrase. Mais venant de lui ? Elle ne lui faisait certes plus confiance, mais il avait levé le voile sur beaucoup de questions, et elle ne savait absolument plus comment se comporter avec lui. « Je ferais de mon mieux quand même. » Elle prit une inspiration. « Je te retournerais bien le conseil mais je ne suis pas sûre que tu le suives … Alors prends soin de ta fille. Et même si je ne sais pas ce que je pourrais faire pour toi … Ou pour vous … Si jamais … » Elle avait été prise d’une inspiration soudaine mais le blocage refaisait surface au même endroit que quelques secondes plus tôt. Elle fronça les sourcils, mécontente contre elle-même. « Tu sais où me trouver. » Termina-t-elle tout de même, en espérant qu’il comprenne ce qu’elle avait laborieusement essayé de lui exprimer. Ils n’étaient plus amis … Mais elle espérait quand même qu’un miracle traverse le monde, qu’une solution apparaisse. Et à ce moment là, peut-être qu’ils pourraient retrouver un semblant de ce qu’ils avaient partagé dans le passé. Mais elle doutait fortement qu’il apprécie une telle supposition, et elle se hâta de tourner les talons avant qu’il ne puisse exprimer son scepticisme. C’était terminé. Si elle voulait être réaliste, elle n’avait plus qu’à souhaiter qu’ils ne se croisent plus jamais.