Estherby. Andrea était déjà la quatrième d'une fratrie de cinq enfants, alors le choixpeau devait être habitué à ce nom désormais. Mais il ne savait jamais d'avance dans quelle maison les répartir. La petite blonde du haut de ses onze ans ne ressemblait en rien à son aîné, beaucoup plus turbulente et audacieuse. Andrea représentait le calme incarné, la gentillesse et la douceur. Elle avait tendance à profiter des moindres petits détails que la vie lui offrait et de ne retenir que les moments agréables. Un comportement qui agaçait beaucoup trop Maebhe, la considérant beaucoup trop ennuyeuse ou même ringarde. Elle était bien mieux avec ses aînés, occupée à faire les quatre-cent coup et préparer des blagues de très mauvais goût. La grande Mae n'était pas du genre à se promener dans les couloirs et devenir amie avec la petite chose insignifiante beaucoup trop droite et coincée qu'elle représentait. La petite fille espérait naïvement que son entrée dans la cour des grands, comme elle se plaisait à appeler son passage à Poudlard, changerait les choses mais ce ne fut pas le cas. Studieuse et contrôlée, on l'envoya chez les serdaigles, ce qui était à l'exact opposé des serpentards que sa sœur fréquentait. Tant pis, il valait mieux supporter son indifférence qu'être la victime de l'une des ses nombreuses blagues.
« Andrea ! » Perdue dans ses pensées, la blonde avançait en serrant fort les livres qu'elle tenait, sans même entendre la personne derrière. Elle venait de sortir de la bibliothèque et se dirigeait vers la grande salle pour le dîner. Une main se posa alors sur son épaule, ce qui eut le mérite de la faire sursauter.
« C'est la troisième fois au moins que je t'appelle, tu vas bien ? » Avoir Morgana à ses côtés suffisait à lui arracher un sourire, balayant rapidement ses pensées négatives. Elles s'étaient rencontrées pendant un cours de deuxième année et depuis près d'un an, leur amitié devenait de plus en plus importante. Plutôt proches, la rousse était la première personne vers qui elle se tournerait en cas de besoin.
« Oh tu sais, toujours la même chose. » répondit-elle d'une petite voix. Elle ne saurait dire si c'était la fatigue ou simplement la peine qui la rendait si morose. Depuis plusieurs jours maintenant Andrea se tuait au travail, révisant ses cours jusque pas d'heure pour obtenir les meilleurs résultats possibles aux buses. Elle était loin d'avoir des capacités pour intégrer les cours et avait clairement besoin de bien les travailler pour obtenir des résultats à la hauteur de ses attentes. Alors quitte à se lancer dans des semaines intensives de révision, autant tourner cela à son avantage.
« Encore une dispute avec Charlie, pour changer. Je regrette le temps où nous étions amis. C'était plus simple. » lâcha-t-elle dans un soupir, mais elle retrouva rapidement son sourire légendaire et passa un bras autour sur l'épaule de son amie.
« Heureusement que je t'ai toi, et Jonah ! D'ailleurs, où est-il passé ? » Il devait être quelque part, parmi la foule d'élèves qui se ruait vers la salle, à garder un œil sur elle. Ils se connaissaient depuis tant d'années maintenant. Leur amitié avait commencé bien avant Poudlard, par l'intermédiaire de leurs parents. Il était l'une des rares personnes avec qui Andrea se sentait entièrement libre et pleinement heureuse.
« Il doit être quelque part à guetter l'arrivée des septièmes années » répondit Morgana en lui donnant un léger coup de coude. Pourtant loin d'être possessive, elle ne supportait pas cette nouvelle lubie, celle de séduire des sorcières plus âgées avec ses amis gryffondors. Les hormones, sûrement. Il rigolait souvent lorsqu'elle lui faisait la remarque. Jonah estimait qu'il n'avait rien à perdre, tout comme le reste de sa joyeuse bande, la fin de l'année approchant à grands pas.
« Sûrement, oui. » Conversation intéressante, mais son estomac criait famine. Reprendre quelques forces en se gavant de jus de citrouille et de desserts jusqu'à n'en plus pouvoir lui ferait le plus grand bien.
« On se voit après le repas ! » Elle rejoignit alors la table des serdaigles à la recherche des camarades de chambrées. En tant que grande gourmande, elles aimaient toutes un peu trop les sucreries et en abusaient souvent avant de s'endormir. Alors que leur cinquième année touchait presque à sa fin, elle se sentit nostalgique, redoutant le jour où elles devraient toutes se séparer. Les portes pratiquement refermées, un groupe de quelques personnes se glissèrent dans la grande salle au dernier moment. Ignorant les remarques du professeur McGonagall, Jonah faisait évidemment parti du lot des retardataires et arborait ce sourire si fier. Instinctivement, il posa son regard sur la table des jaunes, pour faire un signe de victoire à son amie de toujours. Jonah avait toujours cette habitude, celle de toujours repérer Andrea avant de retourner à ses occupations. La visage sérieux, elle leva discrètement son poignet et tapota la montre qui s'y trouvait, avant de se perdre dans un éclat de rire. Elle n'arrivait jamais à garder son sérieux trop longtemps avec lui.
Il faisait tard et le ciel s'était bien assombri. Andrea avait pris du retard et en ces temps troubles s'aventurer seule la nuit n'était pas vraiment conseillé. De sortie du quartier général de l'ordre du phénix, elle rejoignit une ruelle peu éclairée pour transplaner près du chemin de traverse. C'était bien plus rapide que de s'y rendre à pieds et plus discret qu'utiliser son balai. Une fois arrivée dans la partie sorcière de la ville, elle entendit un craquement non loin d'elle. La jeune femme aussitôt alertée préféra ignorer ce détail et faire comme si de rien n'était pour ne pas attirer en plus l'attention. Accélérant le pas, elle rejoignit un chemin engouffré entre quelques vieux appartements avant de transplaner devant l'appartement de son meilleur ami. Une chose était sûre, Andrea ne pouvait plus rejoindre son appartement tranquillement. Elle travaillait au ministère dans le département de la coopération magique internationale depuis plusieurs années maintenant et avait même obtenu un poste important. Mais son efficacité et son goût pour le travail bien fait ne suffiraient pas à la protéger de la menace des mangemorts. Quelqu'un devait avoir des doutes sur elle, ou alors elle s'était fait dénoncée. La première option était bien plus envisageable selon elle, puisque très peu de personnes étaient au courant de son adhésion dans l'ordre. Elle lança un regard rapide autour d'elle avant de serrer à nouveau sa baguette. La blonde ne pouvait pas partir sans lui rendre une dernière visite. Elle frappa trois coups. Il ne devait pas s'attendre à recevoir de la visite et à en croire l'ombre qu'elle apercevait sous la porte, il l'observait à travers le judas optique.
« Jonah, j'ai besoin de te parler. C'est important. » dit-elle maintenant son calme, alors qu'intérieurement la panique la gagnait. La seconde d'après, il l'invita à entrer.
« Que se passe-t-il ? » Les sourcils froncés, il avait bien senti que tout ne tournait pas rond. Elle ne pouvait pas le lui cacher et c'était la raison même de sa visite. Elle baissa les yeux quelques instants avant de s'installer sur le canapé.
« Je n'ai pas trop de temps. Enfin, je suppose... » commença-t-elle avec un léger bégaiement. Lui annoncer qu'elle l'abandonnait, qu'ils ne se verraient plus comme avant n'était pas si facile. Après tout, ils se connaissaient depuis le plus tendre enfance.
« On m'a suivie. Dès ma sortie du quartier général, j'en doute. C'est en approchant du chemin de traverse. On devait sûrement m'attendre, ou me surveiller. Enfin je sais pas trop. » Légèrement perdue, elle ne savait pas comment amener la chose. Andrea n'était pas connue pour son assurance mais plutôt pour son manque cruel de confiance. Elle pensait que rejoindre l'ordre, œuvrer pour la bonne cause l'aurait aidée mais ce ne fut pas le cas. La jeune Estherby avait toujours l'impression d'avoir du retard par rapport à ses collègues alors que ce n'était pas le cas.
« Enfin voilà, je ne peux plus rester ici. Je ne sais pas où aller, très loin d'ici en tout cas. Retrouver Morgana aussi, ça serait déjà mieux avec elle. » Seule dans la nature trop longtemps, Andrea ne se débrouillerait pas bien longtemps. Etre auprès de son amie serait déjà bien plus rassurant. Les bras croisés, elle fuyait son regard. Elle n'avait pas envie d'y lire de la déception ou une quelconque émotion qui risquerait fort bien de la blesser. Mais suite à son silence, elle n'avait pas d'autre choix que de jeter un petit coup d'œil.
« Alors ? » demanda-t-elle, presque désespérée alors qu'elle n'avait même pas eu de réponse de sa part. Il était totalement transparent, ce qui ne rendait pas sa déclaration plus facile.
« Je viens avec toi. » répondit-il avec autant de sérieux possible. La jeune femme fut bien surprise de cette affirmation, d'autant plus qu'il semblait bien déterminé.
« Pardon ? » « Tu ne peux pas rester seule à fuir les mangemorts. C'est trop dangereux. A deux on sera plus forts. » Il afficha un léger sourire avant de venir la serrer dans ses bras. Jamais il ne la laisserait s'éloigner d'elle, c'était bien connu. Jonah devait
toujours garder un œil sur elle.
« Merci beaucoup. T'es un ami merveilleux. » ajouta-t-elle tout en serrant légèrement leur étreinte. Elle s'y rendait sans grande conviction, mais elle espérait bien que Jonah réagisse de cette manière. Une preuve de plus que leur relation était solide, bien plus qu'une simple amitié.
On leur avait volé leur amie. En fuite depuis plusieurs mois maintenant, ils avaient pourtant réussi à s'en sortir correctement. Mais leur situation devenait de plus en plus difficile. Voldemort avaient fini par vaincre, instaurant un nouveau régime des plus stricts. Il n'y avait clairement plus de place pour eux, et même si elle songeait à un retour après la bataille de Poudlard, cette possibilité n'était plus envisageable. Elle croyait dur comme fer en l'ordre et Harry Potter, persuadée que le bien triompherait. Sa sœur se serait sûrement moqué d'elle en voyant son visage se décomposer suite à cette nouvelle. Mae était en France, bien en sécurité et loin de toutes ces horreurs. Au moins, Andrea savait que rien ne lui arriverait. Enfin, rien de plus. Puisque vivre là-bas après la mort de son mari devait être vraiment douloureux. Elle pensait la rejoindre pour lui apporter son soutien, mais le moment n'était pas encore venu. Le mois d'août venait de se terminer. L'enfant de Morgana était en sécurité alors que cette dernière vivait dans le manoir d'Astrid Adler, une femme aussi impitoyable que le reste de sa famille. Ou du moins, une grande partie. Elle remarqua rapidement que sa nièce, une certaine Treassa dont les parents avaient disparus de la surface de la Terre, était elle-aussi prisonnière. Jeune et seulement sortie de Poudlard, Andrea avait appris de source sûre que la nièce était digne de confiance.
« On ne peut pas la laisser là-dedans. Tu le sais bien ! Je pense qu'on peut lui faire confiance. » chuchota-t-elle à Jonah, qui n'était que très peu convaincue par la gentillesse de la jeune fille. Andrea savait très bien comment la petite Adler fonctionnait, puisqu'elle lui ressemblait en beaucoup de points. Alors si elle se disait prête à les aider, elle le ferait. Il ne leur fallut pas moins d'un mois pour élaborer un plan des plus précis et qui ne présentait presque aucune faille. Cela faisait plusieurs minutes maintenant qu'Andrea surveillait le départ de la maîtresse des lieux en compagnie de son meilleur ami. Cette dernière devait se rendre au ministère, laissant ainsi le manoir sans aucune surveillance. Ils avaient préféré congédier Treassa, ne voulant pas la mêler plus à cette histoire et la remerciant mille fois de son aide indispensable.
« C'est part.. » Se lançant vers la maison, une main la tira brutalement en arrière.
« Pas maintenant, Andrea ! Evite de te précipiter. » Il n'avait pas tort, mais elle avait tellement hâte de la sortir de cette prison qu'elle ne pouvait plus attendre. Au lieu de capituler, elle mit fin à leur contact physique en faisant un mouvement d'épaule.
« Elle est partie. On peut y aller. » L'instant d'après, la voilà se faufilant derrière les buissons jusqu'à atteindre une porte laissée ouverte par leur fidèle alliée. Enfin, ils le déduisirent. S'engouffrant dans la maison, elle sortit sa baguette pour en faire jaillir un léger faisceau lumineux. Aucune trace de son amie dans le coin.
« Morgana ? » commença-t-elle à demander, brisant ainsi le silence des lieux. Elle le répéta une fois de plus, haussant même légèrement le ton de sa voix. Ils n'avaient rien à craindre, puisque Madame Adler s'en était allée. Elle visitait chaque pièce pendant que son ami s'assurait de la sécurité des lieux. Elle allait beaucoup trop vite et oubliait les précautions à prendre.
« Doucement, Andrea. » dit-il en guise de rappel, mais la blonde semblait ignorer les moindres de ses paroles depuis au moins dix bonnes minutes. Elle n'était plus très loin, elle le sentait à mesure où les battements de son cœur s'accéléraient. Puis ils entendirent un grincement. De légers pas, comme si la personne cherchait à rester discrète. Ils se mirent rapidement dans le coin de la pièce, retenant leur souffle pour éviter de ce faire repérer.
« Je ne savais pas que Treassa viendrait ! » chuchota-t-elle avant que Jonah ne plaque une main sur sa bouche.
« Ce n'est pas elle. Garde bien ta baguette en main. » Ils entendaient les pas se rapprocher d'eux, jusqu'à ce que la personne ne s'arrête de l'autre côté du mur. Un sortilège informulé suffit à faire exploser le mur d'en face, les projetant violemment à même le sol. Devant eux s'avançait triomphante leur hôte, un sourire clairement satisfait sur le visage.
« Vous pensiez sérieusement me berner de cette manière ? » Hautaine et doté d'un certain sarcasme, Astrid Adler se fichait bien de deux jeunes adultes lui voulant du mal. Elle était bien au-dessus de cela.
« Toi, la blonde, tu devrais suivre les conseils de ton ami et apprendre ce qu'est la discrétion. Pas étonnant que le Seigneur des Ténèbres ait vaincu avec des sorciers comme vous en face. » Toujours au sol, elle rattrapa sa baguette tentant une attaque. Mais Andrea était bien plus douée lorsqu'il s'agissait de sortilège de défense et son adversaire mit rapidement fin à sa tentative. Désormais piégés, il n'avait plus d'autre choix que de s'enfuir, laissant leur amie de nouveau livrée à elle-même.
« Ce n'est pas fini. Non. On reviendra. » dit-elle les poings serrés. Mais ils n'avaient plus le temps de s'attarder. Alertée par les bruits, elle aperçut rapidement la tignasse rousse de son amie s'approcher de son bourreau.
« Je suis tellement désolée... » ajouta-t-elle avant d'être tirée par Jonah pour transplaner un peu plus loin.
Elle courrait. Elle courrait le plus vite possible accrochée à sa main. L'obscurité de la nuit et la hauteur des arbres rendaient la visibilité dans cette forêt quasiment nulle. Ce n'était pas l'endroit idéal pour se cacher, mais ils espéraient se reposer quelques heures avant de reprendre le chemin. Mail ils avaient eu l'immense chance de tomber sur un groupe d'exécuteurs. Apparemment, ils n'étaient pas les seuls fugitifs à s'exiler dans la forêt. Son visage et ses bras étaient écorchés par les obstacles qu'ils peinaient à contourner. Ils n'avaient ni le temps de s'attarder ni le temps de transplaner plus loin. Ils étaient beaucoup trop près, à quelques mètres seulement et les premiers jets de sorts éclairaient les lieux. Elle suivait difficilement le rythme et craignait ne plus pouvoir le supporter. Le souffle coupé, un sort finit par l'atteindre, laissant son corps s'écrouler au sol. Elle n'avait plus la force de se battre. Elle ne voulait plus fuir. Atteinte à la jambe, elle fit signe à Jonah de s'en aller. De l'abandonner au milieu de cette forêt.
« Cours ! Pour une fois, pense à TOI ! » Le sang ne cessait de couler et elle étouffa difficilement un cri de douleur.
« Pas sans toi. Debout ! » Il ne voulait pas la laisser là, livrée à elle-même et destinée à une mort certaine. Il essayait de la relever mais elle alignait difficilement un pas devant l'autre.
« Pars, je t'en supplie. » Elle voulut se détacher de son emprise, mais elle n'y parvint pas. Les quelques secondes qu'ils perdirent ce moment-là se révélèrent fatales, puisqu'un nouveau sortilèges finit par l'atteindre lui. Rapidement, le groupe restreint les rattrapa, fiers de leur nouvelle prise.
« Tiens, une Estherby. Accompagnée, qui plus est. » Discrètement, elle tenta de rattraper sa baguette alors que Jonah avait la sienne dans sa veste, prêt à l'attraper.
« On cherche ton frère, en fait. Ronan. » Ils avaient déjà assez causé de mal à leur famille et maintenant ils voulaient s'attaquer à leur grand-frère. Les bras croisés, il attendait sa réponse. Comme s'il allait l'avoir, pensait-elle.
« Même si je le savais, je ne dirais rien. » répondit-elle aussi sèchement que possible. Elle voulait simplement en finir et s'en aller le plus vite possible. A ses côtés, Jonah semblait en bonne position pour lancer une attaque alors que la blonde tentait de capter leur attention.
« Stupéfix ! » Sans plus attendre, ils tentèrent de fuir, rassemblant leurs dernières forces pur ignorer ce mal qui les handicapait. Face à trois exécuteurs ils n'étaient pas en position de force, et encore moins blessés. Le temps de prendre le rythme, la sorcière généra un bouclier de protection, leur offrant quelques mètres précieux. Mais cette avance ne servit strictement à rien. Alors que la bataille était perdue d'avance, ils voulaient croire en leur bonne étoile, celle qui leur permettrait de s'en sortir cette fois encore. Mais apparemment, cela ne fonctionne pas à tous les coups. Ils s'étaient trop longtemps reposés sur leur chance qui ne durerait pourtant pas indéfiniment. Cette journée en était la preuve.
« Très mauvaise idée. Endoloris. » Il répétait son sortilège de nombreuses fois avant d'atteindre sa cible. Mais il avait fini par l'avoir. Et il n'allait pas se gêner pour lui faire comprendre que l'on n'attaquait pas une personne de son rang. Que cela n'arrivait pas sans conséquences.
« Non, non, non. Vous ne pouvez pas ! » commença-t-elle à hurler. Sa voix se mit à trembler alors que des larmes coulèrent le long de ses joues. Une main dans les cheveux de ce dernier, elle ne le quittait plus du regard, s'offrant le luxe d'oublier la présence de leurs agresseurs quelques instants. Mais une nouvelle attaque finit par écourter ce moment. Plus puissant, du sang commençait à s'imprégner de son pull déjà bien sali par leur course effrénée. Le sang coulait bien trop vite et une main plaquée sur son le côté droit de son ventre ne suffisait pas à l'arrêter. De l'autre main, elle tapotait sa veste, cherchant désespérément cette baguette qu'elle avait laissé quelques mètres plus loin.
« C'est pas possible. Non. » lâcha-t-elle, comme résignée. Le regard fixé dans le sien, elle le sentait partir, se vider de toute vie. Il lui échappait et elle ne pouvait rien y faire. Elle n'avait même pas cette fichue baguette pour lui venir en aide, pour guérir ses plaies. Des larmes coulèrent de nouveau, beaucoup trop difficiles à retenir. S'il ne vivait pas, elle ne le voulait pas non plus. Qu'ils la tuent de sang froid, elle aussi, elle n'avait plus la force de poursuivre. Puis elle aperçut le visage de son frère, comme un mirage. Il s'approchait d'eux, multipliant les attaques vers les exécuteurs. Puis il lui attrapa la main, Jonah. Un geste qui lui arracha de nouvelles larmes.
« Tu ne peux pas me laisser. Comment je vais m'en sortir sans toi ? » Elle généra un dernier bouclier de protection, le dernier avant sa capitulation. Le dernier avant la fin.
« Je suis perdue sans toi. Jonah, tu ne peux pas... Accroche-toi. » La main dans la sienne, elle resserra son étreinte avant de poser délicatement ses lèvres contre les siennes. Elle voulait goûter à la sensation de ses lèvres contre les siennes une première, et dernière fois.
« Attrapez ça ! » Ronan était assez proche d'eux à présent pour balancer ce semblant de sac au sol. Un portoloin, sans aucun doute. Un nouvel espoir, celui d'une échappatoire. Ronan ne les aurait jamais laissé mourir dans cette forêt. Ce n'était pas leur moment.
« Ne me lâche pas ! » Un grand sourire venait d'illuminer son visage et l'instant d'après, elle était loin de toute cette horreur. Loin de la forêt dans laquelle ils s'étaient perdus quelques heures avant. Ils avaient atterris dans un petit parc qu'elle ne parvint pas à reconnaître. Ronan, Andrea et... personne d'autre. Il avait lâché sa main au dernier moment. Parce qu'il voulait la protéger. Parce qu'ils remonteraient tôt ou tard à eux et il voulait les en empêcher. Mais ce n'était pas de malheureuses secondes qui les aideraient. Une main dans les cheveux, elle s'était levée d'un bon, faisant des allers et retours.
« Je veux y retourner. » commença-t-elle.
« On doit aller le chercher. Il ne peut pas rester là-bas. Je veux y retourner, Ronan ! » Elle avait haussé le ton, insistant sur sa dernière phrase.
« T'as pas le droit de lui faire ça, pas à lui. Pas après tout ce qu'il a fait. On y retourne. » Devant elle se tenait son frère, complètement immobile. Il semblait impassible. Comme s'il se fichait de ce qui venait de se passer. Et cela l'énervait au plus haut point. Comment pouvait-il rester si calme ? Elle s'approchait rapidement à lui, hurlant et lui donnant des coups au niveau de l'abdomen. Des poings qu'elle finit par lâcher. Il passa les bras autour de son corps fragile, avant de la serrer contre lui.
« Andrea, je suis désolé... Mais c'est fini. » « Bonne soirée, Andrea ! » La journée enfin terminée, elle le remercia tout en lui souhaitant à son tour une bonne soirée, dans un français hésitant. Elle avait l'habitude de travailler avec la France au département de coopération magique internationale et donc connaissait un peu la langue. Mais pas assez pour se considérer comme bilingue.
« On mange au restaurant, tu veux venir ? » Sa collègue dut répéter sa proposition et lui laisser quelques secondes de réflexion avant qu'elle ne comprenne vraiment ses paroles. Elle ne vivait à Paris que depuis quelques semaines. A peine arrivée, elle s'était lancée à la recherche d'un petit boulot pour faire passer le temps. Elle ne pouvait se résoudre à rester dans cet appartement toute la journée à tourner en rond ou scotchée devant la télévision. Ce n'était pas son truc à elle, mais plutôt celui de Mae. Elle n'avait pas envie d'être une charge pour le jeune homme qui les hébergeait. Sûrement à contre cœur, mais assez généreux pour faire plaisir à son ami, Ronan. Alors pour le remercier, elle faisait le maximum de son côté. Si aujourd'hui elle travaillait dans ce musée, c'était bien grâce à lui. Parce que dans l'immense ville qu'était Paris, elle était complètement perdue. Elle avait toujours voulu visiter ses rues, en compagnie de sa famille ou des ses amis. Et maintenant qu'elle y vivait, elle n'en profitait même pas. Tout avait un goût amer depuis le décès de Jonah. Elle se sentait comme vidée de tout son bonheur, laissant apparaître un sourire bien moins joyeux et vrai qu'il ne l'était avant. Parce qu'elle essayait de se monter un minimum agréable pour les autres. Son travail au musée et le contact avec le public l'aidait beaucoup dans cette démarche. Mais elle avait besoin d'être forte pour sa sœur. Sa sœur qui avait perdu un mari, l'amour de sa vie. Son chagrin n'était rien comparé à celui de sa sœur. Elle ne voulait pas oublier leurs moments heureux, ils étaient beaucoup trop nombreux. Mais les ressasser encore et encore se révélait bien trop difficile. Cette vie-là, c'était une véritable torture.
« Non merci, on m'attend. Au revoir. » conclut-elle timidement avant de s'éloigner. C'était son troisième jour et elle n'était pas vraiment à l'aise. Même si elle ne s'étalait pas sur sa vie, et elle ne le pouvait pas la barrière de la langue l'en empêchant, ses collègues se doutaient bien qu'elle avait vécu des moments difficiles. On pouvait le lire sur son visage. On pouvait voir cette tristesse dans ses yeux qu'elle essayait en vain de dissimuler derrières ses sourires. Elle avait fait un trait sur la magie. Plus de sortilèges, incantations ou potions. Qu'ils soient pratiques ou non, elle préférait mettre cette partie de sa vie entre parenthèse. En réalité, la magie avait toujours été présente chez elle, alors elle devait se réadapter. Faire comme si elle n'était qu'une simple moldue. Cependant, elle préférait garder sa baguette. Son frère l'avait ramassé dans la forêt avant de lui venir en aide. Elle se sentait plus en sécurité, malgré tout, même si elle ne s'en était pas servie depuis son arrivée en France.
« Bonsoir, c'est Andrea ! » lança-t-elle toute joyeuse à travers l'appartement. L'ambiance n'était franchement pas agréable et elle voulait y remédier. Autant pour oublier sa peine que pour venir en aide à tout le monde. Mais Maebhe ne s'était jamais montrée aussi agressive avec elle. Elle ne supportait pas ce cinéma. Cette fausse image qu'elle essayait de se donner. Comme si c'était facile. Elle aussi vivait des moments difficiles, mais elle essayait de l'ignorer pour se concentrer sur sa sœur. Elle préférait toujours faire passer les problèmes des autres avant les siens. C'était dans sa nature. Trop gentille, trop généreuse.
« Mae, je t'ai trouvé une petite robe sur le chemin. Elle est vraiment magnifique, viens voir. » Toujours aussi enjouée, le silence de son aînée en disait long. Elle devait sûrement se retourner dans son lit er frapper des poings sur sa couverture. Alors elle décida de la rejoindre là-bas.
« Mae... tu m'entends ? » Debout face à la porte, elle affichait cette expression qui montrait qu'elle n'allait pas tarder à exploser.
« Mae ? » « Mais j'en ai rien faire de ta fichue robe, tu m'entends ? Laisse-moi tranquille merde, et sors de là ! Et toi, derrière la porte, je sais que tu nous écoutes alors t'as intérêt d'arrêter ça tout de suite. » Au moins, c'était clair. Elle déposa le sac dans un coin de la pièce avant de sortir sans un mot. Elle avait l'habitude. Elle encaissait, encore et toujours. Parce qu'elle avait besoin de déverser sa colère sur quelqu'un.
« Je suis désolée. Pour les hurlements et tout le reste. Je vais préparer à manger. » conclut-elle avant de prendre le chemin de la cuisine. Au moins, les carottes ou encore les steaks ne lui hurleraient pas dessus, c'est déjà ça.