I. TON PERSONNAGE ET LA SITUATION ACTUELLE ? Il y a encore trois ans, Charlotte s'imaginait fonder une famille, ouvrir son magasin de baguettes magiques, bref, construire quelque chose, avoir un futur. Puis, on a commencé à dire qu'Il était de retour, et même en France, on avait appris aux élèves à craindre Son Nom. Elle a regardé tout cela de loin, ne prenant guère partie alors qu'elle était précisément de ceux qu'on comptait traquer, comme si combattre, c'était accepter qu'Il était vraiment revenu, ou qu'elle avait quelque chose à craindre. Puis, les choses se sont envenimées rapidement après la mort de Dumbledore et elle n'a pas attendu qu'on vienne la chercher pour faire ses bagages et retourner en France, accompagnée de son mari. Pendant de longues semaines, elle a considéré que cette rébellion ne la concernait pas, et que les choses finiraient par s'arranger d'elles-mêmes. Sauf qu'Il a gagné, en tuant Harry Potter, et tout espoir avec lui. Aujourd'hui, elle ne se leurre pas : être à Paris ne la protège nullement, d'autant plus que son mari, lui, compte bien continuer à  mener bataille contre Vous-Savez-Qui. Chaque jour, elle lit les journaux avec appréhension, vit la boule au ventre et ne dort que d'une oreille. Elle redoute le moment où tout basculera encore, vers plus de noirceur et, quelque part, elle sait que ça arrivera, bientôt.

II. TOUT-A-SAVOIR : Charlotte a toujours été passionnée par le "pourquoi du comment", elle aime comprendre comment les choses marchent, afin de les appréhender au mieux. Elle a ainsi tendance à tout décortiquer, tenter de tout expliquer, de l'aérodynamique de l'Eclair de Feu à la mauvaise humeur de quelqu'un ◊ parallèlement à ça, Charlotte est une personne très intuitive et empathique, qualités essentielles à son avis pour appréhender la délicate fabrication des baguettes ◊ elle a toujours eu de grandes facilités dans ses études, brillant sans parfois même avoir à réviser... Alors, elle a choisi la voie qui lui semblait la plus difficile, la plus obscure, et pourtant, qui était le fondement de la magie. Peu de sorciers comprennent le lien qui les unit à leur baguette, beaucoup vont même jusqu'à s'en ficher. Elle, elle veut comprendre, perfectionner, former des couples idéals.  ◊ Charlotte est fière d'avoir des parents moldus et pense sincèrement que l'étude des Moldus devrait être obligatoire, et traitée plus sérieusement qu'elle ne l'est aujourd'hui. Cela éviterait bon nombre de préjugés et d'idées reçues ◊ si elle a conservé bon nombre de manies de son enfance moldue et aime parfois se replonger dans ce monde sans magie, elle sait qu'elle ne pourrait pas vivre sans magie. Pourtant, sa seule naissance lui fait craindre qu'on la prive de sa baguette un jour, de ce monde qui est le sien à présent, et surtout, de ce qu'elle y a construit. Elle tente de se rassurer en se disant que l'Angleterre n'est pas la France, mais elle n'est pas dupe : ce n'est pas la Manche qui arrêtera Vous-Savez-Qui ◊ Charlotte a toujours sur elle un carnet ou un cahier. Elle en possède plusieurs, puisqu'elle a pris l'habitude de tout noter : ses rêves, ses pensées, ses rendez-vous, une scène qui l'a marquée, ses recherches sur les bois et cœurs de baguettes... ◊ quand elle a quelque chose sur le cœur, elle se pince les lèvres ◊ elle accorde une grande importance aux valeurs et à la morale ; l'honnêteté, la fidélité ou encore la droiture sont des qualités qu'elle recherche dans ses relations ◊ si on lui avait demandé avant la Guerre, Charlotte se serait facilement qualifié de courageuse, et aurait affirmé vouloir se battre pour des idéaux, pour la justice et la liberté. Seulement, il y a un monde entre dire et agir ; aujourd'hui, elle craint surtout que combattre Vous-Savez-Qui lui fasse tout perdre. Et elle n'est pas prête à faire un tel sacrifice ◊ de ses cours de Divination à Beauxbâtons, Charlotte a gardé une forte superstition et la croyance que le destin est tracé à l'avance ◊ Charlotte a une sœur de quatre ans son aînée, dont elle s'est éloignée plus qu'elle ne l'aurait voulu. En même temps, un monde tout entier les sépare. ◊ Elle a une fille, Louise, de six mois et demi et plus que tout, elle craint qu'elle puisse grandir orpheline.

Cher Mr Ollivander,

Je m'appelle Charlotte Gautier et j'étudie à Beauxbâtons. Créer des baguettes m'a toujours attirée. Comment former un couple idéal bois et cœur ? Comment ressentir l'aura propre à chaque baguette ? A qui l'associer ? Puis voir comment le duo sorcier-baguette va évoluer. Pour tout dire, je me pose des centaines de questions auxquels mes cours et mes recherches ont bien du mal à répondre. J'ai toutefois été très intéressée par vos travaux et ceux menés par votre famille.

Je suis cependant d'avis que la théorie ne peut seule suffire et qu'il faut pratiquer pour se faire son propre avis. C'est pour cette raison que je souhaiterais entrer en apprentissage chez vous, afin de comprendre votre savoir-faire...

"Charlotte... Qu'est-ce que tu écris depuis tout à l'heure ?" lança une voix derrière elle.

Aussitôt, la sorcière s'arrêta et tourna la tête vers son amie. Instinctivement, alors que celle-ci s'approchait, sa main vint masquer la lettre qu'elle avait mis tant de cœur à rédiger. Mais cela ne leurra pas la jeune femme qui se saisit du parchemin pour le regarder.

"Ollivander ? Par Merlin, tu vises haut ! Mais ne te fais pas trop d'illusions, il ne prend quasiment personne..."

Piquée au vif, Charlotte se contenta d'hausser les épaules avant de récupérer sa lettre, pour la finir. Bien sûr, elle savait que des hiboux comme le sien, Ollivander devait en recevoir des dizaines par jour, mais quelque part, elle espérait se distinguer d'une manière ou d'une autre, le toucher, piquer sa curiosité. Il le fallait, c'était aussi simple que ça, et elle avait le pressentiment que ça ne pourrait pas se passer autrement.

Sauf qu'Ollivander ne daigna pas répondre à sa lettre, ni à la suivante qui l'informait qu'elle avait passé l'été chez un fabricant de baguettes du Sud de la France, ou encore celle qui s'indignait des idioties qu'avait racontées son professeur à l'Université, ni à celle qui lui demanda à nouveau de la prendre en apprentissage pour l'été, puis après ses ASM... En fait, elle lui a probablement écrit des centaines de lettres, pendant quatre longues années avant qu'il ne daigne répondre :

Miss Greenberg,

Vous comprendrez que je ne puisse pas prendre d'inconnue en apprentissage. Aussi je vous propose de nous rencontrer mardi prochain, au Chaudron Baveur, à quatorze heures.

Sincères salutations,

Mr Ollivander


"Voilà quelque chose que je ne comprends pas : comment la baguette choisit son sorcier ?
- C'est assez simple, en fait - ou plutôt, assez similaire à la façon dont tu peux accrocher avec quelqu'un en échangeant simplement quelques mots, commença Charlotte. Chaque baguette a sa propre personnalité, ses qualités, ses défauts mais surtout, ses ambitions. Et quand un sorcier prend une baguette en main, c'est un peu comme si elle le sondait, lisait ses capacités et ses propres aspirations. Parfois, c'est le rejet total - les deux sont trop opposés et la baguette le montrera de suite - et d'autres fois, c'est la révélation.
- Tu parles comme si les baguettes étaient des personnes... Ce ne sont que des objets !
- Bien sûr que non ! S'il suffisait d'un bout de bois et d'un crin de licorne pour faire une baguette, n'importe qui serait capable d'en fabriquer... Je peux t'assurer qu'on en apprend bien plus sur un sorcier grâce à sa baguette qu'en discutant avec lui. Il faut juste savoir s'y prendre."

Comme il restait silencieux, la fixant avec un léger sourire, elle finit par ajouter :

"Quoi ?!
- Je ne te crois pas... répliqua-t-il avec un air amusé.
- D'accord. Est-ce que je pourrais voir ta baguette ?" demanda-t-elle en tendant la main, comme pour répondre à son défi.

Après une seconde ou deux, il porta la main à sa poche pour en sortir sa baguette et la lui donner. Elle l'examina rapidement, passant ses doigts sur le bois, cherchant à ressentir l'aura qui s'en dégageait, et notant au passage que, comme neuf sorciers sur dix, il n'en prenait pas vraiment soin. Après une petite minute, elle se décida à se lancer dans un exercice qu'elle avait fait des dizaines et des dizaines de fois :
"Bois de peuplier. 28,5 centimètres. Assez rigide... Plume de Phénix ? Comme il confirmait d'un signe de tête, elle continua : Une combinaison peu habituelle, on reconnaît bien la créativité d'Ollivander. Je peux voir que tu es quelqu'un d'intègre, de droit, de fidèle et de courageux... Cette baguette t'est très dévouée, tu as de la chance, et elle restera, tant que tu seras fidèle à ta morale et suivras tes instincts, acheva-t-elle en lui rendant sa baguette.
Il la regarda, perplexe, avant de finalement lancer :

"Et tu peux vraiment dire tout ça à partir de ma baguette ?
- Oui, répondit-elle avec un sourire amusé. Mais pas que...
Sur quoi, elle s'approcha pour déposer ses lèvres sur les siennes.

Lui, c'était Adam et ils s'étaient rencontrés trois mois plus tôt. Après s'être tournés autour un moment, avoir flirté et rougi tour à tour sous les compliments de l'autre, il avait finalement sauté le pas en l'invitant à dîner, chez lui. Alors, la moindre des choses, c'était qu'elle se lance aussi en l'embrassant pour la première fois.

Trois ans plus tard, ils se mariaient.


"Il est de retour, Charlotte. Tu-Sais-Qui. Arrête de faire comme si tu ne comprenais pas ce que cela signifie !"

Bien sûr qu'elle comprenait ce que cela signifiait : elle avait étudié cette sombre époque lors des cours d'histoire de la magie. Même en France, on craignait (ou on respectait) le nom de Voldemort. Charlotte, ne serait-ce que par sa naissance, faisait partie de la première catégorie. Seulement, elle avait toujours pris ceux qui parlaient de son éventuel retour pour des fous, ou des pessimistes : pour elle, le Mage Noir était détruit, un simple mauvais souvenir dont l'ombre planait toujours sur le monde magique. Accepter qu'Il soit de retour était inconcevable pour elle, c'était comme un cauchemar éveillé. Pourtant, les signes étaient là, partout ; ils lui sautaient aux yeux, au point de la rendre malade d'inquiétude. Mais ce qu'Adam attendait, c'était autre chose : qu'elle s'engage, qu'elle combatte, tout comme lui. Elle ne se sentait pas en mesure d'entrer en guerre, de risquer sa vie ; ils avaient été si puissants la première fois, et en avaient décimé tellement. Elle avait d'autres projets en tête que celui de finir sur une stèle commémorative, où l'on saluerait son courage et sa pugnacité. Elle voulait vivre, tout simplement. Mais même présenté de cette manière, cela semblait horriblement lâche. Aussi n'arrivait-elle pas à expliquer tout cela à son mari, préférant se cacher derrière diverses excuses, ou détourner la conversation. Mais aujourd'hui, il la mettait au pied du mur et c'est avec colère qu'elle lui répondit :

"Je sais. Je sais exactement ce que ça veut dire, même si mes parents à moi ont tout ignoré de son existence et ne sont certainement pas morts pour sauver le monde magique ! Et plus que tout, je sais ce que cela signifie d'essayer de le combattre, tu le payeras de ta vie, Adam...
- La belle affaire ! Tu penses qu'on serait mieux lotis si je prétendais m'en ficher comme toi ? Tu penses qu'ils passeraient à côté de l'occasion de s'amuser un peu avec une Sang-de-Bourbe comme toi ?
- J'ai pas besoin d'un héros qui vienne à mon secours. Je veux juste qu'on ait un avenir, ensemble...
- Et c'est exactement ce dont je m'assure. Tu devrais en faire de même" lâcha-t-il avec un mépris non déguisé.

Le regard qu'il lui lança en quittant la pièce creva le cœur de la sorcière. Quelque part, elle était persuadée de l'avoir déçu, d'avoir perdu son estime, peut-être même son amour. Il n'en fut rien, toutefois, et quand ils s'excusèrent plus tard de s'être emportés de la sorte, Adam concéda qu'il ne pouvait pas exiger d'elle qu'elle combatte - et elle reconnut que l'Ordre avait besoin de personnes qui croyaient en sa cause, et qu'il était le mieux placé pour le faire. Le sujet devint toutefois tabou, à la fois pour éviter les conflits que pour protéger Charlotte, jusqu'à ce qu'un hibou arrive. Le Ministère venait alors de tomber aux mains des Mangemorts et la tension à Londres était à son comble. Quand elle ouvrit le parchemin, Charlotte se sentit dangereusement pâlir. Son mari dut bien le remarquer, puisqu'il lui demanda ce qui n'allait pas.

"C'est une convocation. Je dois me présenter au Ministère jeudi afin d'être interrogée sur mes origines et prouver que je suis une sorcière... Qu'est-ce que ça veut dire, au juste ?" demanda-t-elle, craignant qu'Adam ne confirme ses pires craintes. Comme il se levait pour lui prendre la lettre des mains, elle lança : "Je peux pas y aller. Ils vont m'arrêter ? Me confisquer ma baguette ? Je...
- Ne t'inquiète pas. Je vais voir avec l'Ordre, on devrait pouvoir te cacher, ou...
- Ou quoi, fuir ? Je..." elle regarda autour d'elle, cherchant quelque chose à quoi s'accrocher, quand soudain, l'évidence la frappa : "Je vais retourner en France, chez ma sœur..." Face au regard surpris de son mari, il lui fallut deux bonnes secondes pour ajouter : "Et je veux que tu viennes avec moi.
- Je... Tu sais que je ne peux pas, Charlie... J'ai des choses à faire ici. Des choses importantes...
- Parce que je ne suis pas importante, peut-être ?" argua-t-elle, ses joues rougissant sous le coup de la colère.
"Me fais pas dire ce que je n'ai pas pensé. Bien sûr que tu es importante, simplement, on a besoin de moi ici. Encore plus avec tout ce qui s'est passé."

Elle sentit son cœur se serrer, et les larmes lui monter aux yeux. Ils avaient besoin de lui, oui, mais elle aussi. Plus que tout. Est-ce que ça faisait d'elle quelqu'un d'égoïste ? Elle s'écarta finalement et secoua la tête et se décida à se jeter à l'eau. Cela faisait bien trop de jours qu'elle reculait cette difficile annonce, ayant bien trop conscience de ce que cela signifierait dans la situation actuelle.

"Tu ne comprends pas, Adam. Je suis enceinte."


"Et Clara, qu'est-ce que tu penses de Clara ?" demanda-t-elle d'un air distrait.
"J'aime bien, c'est pas mal.
- Et Emma ?
- J'en sais rien, Charlie..." soupira-t-il finalement.

Depuis leur arrivée à Paris, ils s'étaient installés dans une sorte de routine où Charlotte se sentait à l'aise, mais où Adam semblait prisonnier. Elle le voyait bien, et cela l'inquiétait. Plus que tout, elle avait voulu fonder sa famille loin du conflit qui sévissait en Angleterre, loin de la violence qui y régnait - elle se serait presque sentie en sécurité ici mais elle ne se leurrait pas. Même en France, Adam aidait l'Ordre, mettant par là sa vie en danger. Tout était devenu plus compliqué, et tout le devint encore plus quand on annonça la chute d'Harry Potter. Comme beaucoup, tous ses espoirs avaient reposé sur la probabilité qu'un adolescent parvienne à tuer le plus grand mage noir des temps modernes. Qu'est-ce qu'elle avait été naïve...

Les temps devinrent plus durs, plus sombres, en Angleterre. L'Ordre fut défait et la résistance perdit tout espoir, même si certains s'entêtaient à vouloir combattre. Adam le premier. Cela lui valut de paraître un jour sur la liste des fugitifs recherchés. Pour l'instant, la France s'opposait au nouveau régime... Mais jusqu'à quand ? Après un moment, Charlotte passait ses journées la boule au ventre, à sursauter au moindre bruit ou à lire La Gazette avec appréhension.

Puis un jour, Adam rentra, alors que la nuit était déjà bien avancée. Elle sut immédiatement que quelque chose clochait.

"Je sais qui a tué mes parents" lança-t-il d'un air sombre, quand elle demanda ce qui n'allait pas.
"Et qu'est-ce que tu vas faire, au juste ?
- A ton avis ? répliqua-t-il sèchement.
- Te venger ? Tu peux pas faire ça... Ce n'est pas toi.
- Arrête de me dire ce que je dois faire, ou ce que je ne suis pas...
- Tu vas seulement t'attirer plus d'ennuis, et...
- Par Merlin, cette ordure a tué mes parents. Il est la raison pour laquelle j'ai grandi sans eux. Tu penses vraiment que je peux lui pardonner ?!
- Non. Ce que je veux, par contre, c'est que notre fille ne soit pas orpheline à son tour. Et toi plus qu'un autre devrait le comprendre !"

Il se tut un instant avant de finalement lâcher :

"Je n'ai pas besoin de tes conseils, Charlotte." Puis de Transplaner sans même un regard.