I. TON PERSONNAGE ET LA SITUATION ACTUELLE ? A l'image d'un héros d'une autre époque, Aodhan n'est plus qu'un pantin déchu, tout juste bon à s'écraser sur le sol, à ne plus servir à rien. Ce qui lui a sauvé la vie, paradoxalement, c'est d'avoir fait partie des blessés de la bataille de Poudlard. Il se souvient très peu de ce qu'il s'est passé, la dernière fois qu'il a vu ses alliés de l'Ordre, tout ce qu'il sait, c'est que le temps qu'il se rétablisse, la plupart de ses amis avaient fui, étaient morts, ou enfermés à Azkaban. "Il n'y a plus rien à faire" a-t-il fini par se dire ; les choses avaient bien trop changé pour qu'il y trouve une quelconque place, et il porte en lui comme le sentiment qu'il a déjà trop sacrifié pour l'Ordre du Phénix. Encore affaibli par ses blessures, rendu amer par tout ce qui a pu lui arriver, les souvenirs incessants de ses anciens alliés lui revenant en mémoire, Aodhan se contente, sans en rêver pour autant, de la plénitude qui l'englobe à présent. Dans ce petit bled paumé où tout le monde a fini par l'adopter, on lui fiche la paix, aucun rafleur, aucun sorcier, aucun Détraqueur ne semble égarer son chemin jusque là-bas, et c'est tant mieux, il pourrait presque se croire en temps de paix.

II. TOUT-A-SAVOIR : s'il avait su apprécier le whisky pur feu à sa juste valeur en tant que sorcier, les écossais mordus lui ont fait découvrir diverses variétés de whisky local, qui sont excellentes, à vrai dire, et dont il se repait souvent pour oublier ses malheurs ◊ s'il n'a jamais été quelqu'un d'aisément démonstratif, l'on décrit aujourd'hui le sorcier comme quelqu'un de bourru, qui parle très peu et se contente parfois de regarder les gens d'un regard que l'on pourrait qualifier de "méfiant", dans le petit bled où il a élu domicile, il est vu comme quelqu'un de mystérieux, il ne parle pas de son passé, pas de son avenir, il se contente d'être, âme échouée dans le néant ◊ cela fait une éternité qu'il n'a plus le moindre contact avec le monde de la magie : sa baguette prend la poussière, il ne s'en sert plus et découvre peu à peu qu'on peut très bien s'en sortir sans ; cela fait depuis son réveil, après la guerre, qu'il n'a pas mis le nez sur une couverture de la gazette du sorcier ou de n'importe quel journal sorcier. Au fond, Aodhan reste persuadé que se tenir informé du monde magique ne fera que réveiller ses remords, compliquer les choses ◊ pour sa sécurité, par lâcheté, Aodhan a laissé derrière lui le prénom que sa mère lui avait choisi : depuis qu'il est à Stonehaven, on l'appelle Lorcain, qui est son deuxième prénom - il espère qu'ainsi tout Mangemort s'approchant trop près de sa piste ne lui mettra pas la main dessus malgré tout ◊ c'est un noctambule, il dort très peu la nuit, incessamment rattrapé par des songes et des cauchemars atroces : de la bataille de Poudlard à laquelle il a assisté, ou de tout ce à quoi il a échappé, des images que son cerveau construit de toutes pièces, il imagine ses compagnons d'armes, traversant mille tourments, il imagine Azkaban et les Détraqueurs, l'Enfer qu'est sans doute devenu le monde de la magie ◊ de la bataille de Poudlard, Aodhan porte de nombreuses cicatrices : victime d'un Sectumsempra important, il a frôlé l'amour, se retrouvant plongé dans un sommeil profond pendant des semaines, il s'est réveillé avec de nombreuses séquelles et cicatrices qui ne disparaîtront jamais ; en plus de cela, restent les traces de sa captivité sous le joug de Silas Hackett, autant de souvenirs cuisants que de marquages, un signe que sa vie est meilleure aujourd'hui ◊ à chaque pleine lune il sort, il erre, il "réfléchit", il pense à Isolde à vrai dire, elle a perdu la vie en partie à cause de lui, se plait-il à se fustiger sans cesse, Isolde et son sourire, son innocence. Irrémédiablement, en pensant à la jeune fille, son coeur se sert au souvenir de Shae-Layne ; il ne peut s'empêcher aujourd'hui que tout est perdu, de la considérer comme une meurtrière, un élément de cette machine imprenable qui a détruit le monde.

« On ferme, Lorcain... » Imperceptiblement, ce nom lui arracha une grimace, tandis que, le regard vide, il accomplissait les quelques pas le séparant de la porte du pub. La nuit était déjà tombée depuis bien longtemps, de profondes traces de fatigue marquaient le visage du sorcier : elles seraient là pour le restant de ses jours sans doute, traces indélébiles de ces espoirs brisés qu’il avait pu avoir autrefois. Aucun sommeil ne serait assez réparateur pour effacer ces marques qui se fondaient presque dans sa peau. Plus personne ne faisait attention à lui, ou à l’air lugubre qu’il affichait certains jours : difficile d’imaginer qu’ait pu un jour, s’inscrire sur ces traits, une allure moqueuse ou même aventureuse. Aodhan faisait partie de ceux qui avaient perdu la guerre, ceux qui, inlassablement, pensaient à un nom dans leur tête, pour finalement se demander si la personne à qui il appartenait était vivante ou morte. Il n’en savait rien. Il n’aurait sûrement jamais le courage de retourner à Londres, ou de faire le moindre pas dans le monde des sorciers pour s’en assurer. Alors son esprit se contentait de tourner sur des hypothèses, de supposer que, selon son courage, ses talents à la baguette ou son ingéniosité, un tel avait eu plus de chance de survivre que les autres. Pourtant, lui, il ne se serait pas donné beaucoup de chances de survie, il se serait dit trop têtu pour survivre, quitte à crever dans la pourriture d’Azkaban - mais il était là, toujours vivant, à ne pouvoir que ressasser son impuissance, son absence dans les jours fatidiques de la guerre. Il verrouillait à peine la porte qu’une douleur l’électrisa tout le long du bras, jusqu’à la moitié de son dos. Ces cicatrices, toujours les mêmes, « elles ne guériront jamais » avait dit Rose alors qu’il s’était observé dans le reflet d’un miroir : ces cicatrices, ces plaies, n’avaient pas été marquées de manière naturelle. La magie du sortilège qui les accompagnait était faite ainsi, il resterait toujours des traces. Aodhan se souvenait à peine de ce qui s’était passé ce jour-là, il se souvenait simplement que l’Ordre avait débarqué à toute vitesse à Poudlard, et que très vite, tout s’était enchaîné. Il avait vu des gens mourir, il avait tenté de survivre et c’était finalement grâce à... quelqu’un qu’il avait pu survivre. Il se souvenait à peine de son nom, ou de son visage. Quelqu’un qui l’avait amené ici - il avait appris plus tard que c’était Katrina qui l’avait amené ici, qu’elle était partie aussitôt et qu’elle n’était jamais revenue. Rose était la soeur de Katrina - une moldue sans histoire, elle ne savait pas quel sort avait été réservé à sa soeur, mais sans doute que jamais elle ne referait surface : était-elle à Azkaban ? L’un comme l’autre, silencieusement, s’étaient faits à l’idée qu’elle était morte ; juste morte. Ils ne l’avaient certainement pas accepté, le nom de la jeune femme avait du mal à passer leurs lèvres, mais elle était sans doute bel et bien morte. A Poudlard, autre part, ça n’avait pas d’importance. Qui avait survécu et qui était mort n’était plus important, ça ne comptait plus ; ils avaient tous perdus, où qu’ils soient.