MANOIR DES HARKISS, ANNÉE 1974.
Je regarde ma mère faire tandis qu'elle ferme un à un les boutons de ma veste, laissant les trois derniers défaits. Elle passe ensuite un peigne dans mes cheveux défaits, les démêlant rapidement de façon experte. Elle ressert ensuite le nœud papillon autour de mon cou, avant de se reculer de quelques pas pour admirer le résultat. « C’est bon, ça doit aller. » Elle m’adresse alors un sourire avant de me faire signe du fait que je peux partir. Je lui adresse un léger signe de tête. « Merci. On reçoit qui déjà ? » je lui demande, l’air mal à l’aise. Je n’ai de cesse d’oublier le nom de nos invités et je trouve cela quelque peu agaçant. « Les Williams. Tu verras, la petite Charlie a ton âge. » J’acquiesce avant de m’écarter. Au moins, cette fois je vais pouvoir côtoyer quelqu’un de mon âge qui vient du monde sorcier, ce qui se fait de plus en plus rare ces derniers temps. J’attends donc avec impatience l’arrivée de la jeune demoiselle.

MANOIR DES HARKISS, ANNÉE 1975.
« C’est bon, je l’ai trouvé ! » je hurle sans même me rendre compte du fait que j’ai parlé si fort. Aussitôt, mon père se redresse à l’autre coin de la pièce, me faisant signe de baisser le ton. Je baisse légèrement la tête, honteux d’avoir à me faire rappeler à l’ordre pour une chose aussi basique, sachant que ma mère dort dans la pièce voisine. Mais mon sourire réapparait bien vite sur mon visage tandis que mon regard retombe sur le grimoire que je tiens entre les mains. « Tu es sûr que c’est celui-là ? » me demande alors mon père. J’acquiesce d’un bref signe de tête avant de relever les yeux dans sa direction. « Oui, il est marqué dessus. » En effet, une gravure sur la couverture de cuir du grimoire, confirme bien que celui-ci regroupe l’ensemble de la généalogie de ma famille. Et mine de rien, je suis fier de tenir tout mon passé entre mes mains, car grâce à ce grimoire tout poussiéreux, je suis sûr de savoir d’où je viens précisément. Sûr d’avoir une identité. Je m’assois en tailleur sur le sol et souffle un bon coup dessus pour en enlever un maximum de poussière, avant de l’ouvrir pour en parcourir les dernières pages. Mon père vient aussitôt s’asseoir à côté de moi, me tendant une plume et un pot d’encre. « A toi l’honneur de prouver que tu existes. » me dit-il en souriant. Je ne peux m’empêcher de laisser mon sourire s’agrandir sur mes lèvres tandis que je me saisis de la plume et que je la trempe dans l’encre. Revenant sur le grimoire, j’y trace alors mon nom et mon prénom, sous l’accolade qui rejoint mes deux parents, d’une façon quelque peu maladroite. « Voilà. » je souffle finalement en relevant la plume, la langue légèrement tirée à cause de la concentration. J’ai peur de faire tâche au milieu de tous ces noms écrits de manière élégante et aux tracés nettes. Mon paternel me rassure aussitôt : « C’est parfait. Le plus original de tous. » Je redresse les yeux vers lui, ne pouvant m’empêcher de laisser un sourire reprendre place sur mon visage. Me voilà déjà un peu plus rassuré, c’est certain. Je reçois le sourire de mon père en retour. Je referme alors le grimoire avant de me relever, le reprenant avec moi. « Je peux le garder un moment ? » Mon père acquiesce alors d’un léger hochement de tête et je lui adresse un dernier sourire avant de tourner les talons, m’enfonçant dans le couloir du manoir, afin de regagner ma chambre.

CHEMIN DE TRAVERSE, ANNÉE 1976.
Mon père et moi regardons ma mère s’éloigner en direction d’un magasin de vêtements sorciers, avant de nous tourner l’un vers l’autre, nous interrogeant mutuellement du regard pendant un instant. « Farces et attrapes ? » me demande-t-il finalement en haussant un sourcil. J’acquiesce en silence. Après tout, je ne vais pas dire non à l’idée de pouvoir me rendre dans l’une de mes boutiques préférées, ce serait contre nature. Mon père se tourne alors vers l’autre côté de la rue et se met à avancer ; je reste sur ses talons, peu désireux de me perdre dans la rue sorcière en cette période de fin d’année. Je ne m’arrête donc pas aux vitrines qui me font de l’œil, préférant continuer à avancer à sa suite. La ville moldue dans laquelle nous habitons durant la majeure partie de l’année, n’est jamais aussi bondée, même en période festive. Mais bon, pour une fois que mon père rentre de son travail – lui qui tient le rôle de professeur à Poudlard durant une bonne partie de l’année –, ma mère accepte que je sois confronté au monde sorcier. Ce qui est assez inhabituel, étant donné qu’elle souhaite me préserver le plus possible de la guerre qui fait rage à cause de Lord Voldemort. Je suis tellement perdu dans mes pensées, que je n’ai pas remarqué que mon père s’est arrêté. Je percute son dos de plein fouet. « Papa, qu’est-ce que… ? » Il me fait signe de me taire et je m’exécute aussitôt, faisant quelques pas sur le côté pour observer ce qu’il se passe. Je remarque alors cinq adolescents qui défient mon père du regard. « Malefoy. Greengrass. Panderman. Nott. Parkinson. » les salue tour à tour mon père d’un ton relativement froid. « Hé ! Mais ce sont tes élèves ! » je ne peux m’empêcher de m’exclamer, avançant un peu plus dans leur direction, un sourire flottant sur les lèvres. Je suis content d’enfin rencontrer de véritables élèves de Poudlard. « Phineas… » tente alors de me rappeler à l’ordre mon père. Trop tard, le dénommé Panderman s’accroupit face à moi, me fixant tandis qu’un sourire vicieux apparaît sur son visage. « Alors, voici donc le petit Harkiss. Que c’est mignon. » lâche-t-il d’un air mauvais. Il lève alors la main et j’ai le temps d’apercevoir un tatouage constitué d’un serpent et d’une tête de mort, sur son avant bras. Il s’apprête à me toucher, mais mon père m’attire vivement en arrière, avant qu’il n’ait pu finir son geste. « On s’en va. » Il grince des dents, l’air visiblement énervé, mais ce n’est pas la principale chose qui me perturbe. « Et maman ? » Mon père fixe son regard dans le mien, semblant oublier la présence de ses élèves. « Elle nous rejoindra plus tard. » me souffle-t-il avant de transplaner, m’entraînant avec lui.

MANOIR DES HARKISS, ANNÉE 1977.
Alors que les vacances d’hiver touchent à leur fin, je ne peux m’empêcher de me tourner et de me retourner dans mon lit, incapable de m’endormir. Je sais que bientôt, mon père va devoir repartir pour Poudlard, et je ne peux me retirer de la tête l’idée qu’il ne s’y sent pas à son aise. Rien que de me souvenir de la rapide entrevue avec quelques uns de ses élèves, me donne des frissons dans le dos à cause de sa réaction et me laisse penser que cela doit être encore pire dans l’école de sorcellerie elle-même. Les éclats de voix que j’entends monter du rez-de-chaussée, m’incitent à sortir de mon lit pour ensuite descendre les escaliers. Je m’arrête finalement derrière la porte de la cuisine, de sous laquelle filtre un rayon de lumière, signe que mes deux parents s’y trouvent. Sans compter que j’entends leurs voix s’élever de derrière le battant en bois. « Mais tu ne peux pas comprendre ! Ne veux pas comprendre ! » « Si, je comprends très bien… » « Ces gamins sont pire que leurs parents ! De véritables monstres. » « Calme toi enfin ! Que veux-tu qu’ils te fassent ? Ce ne sont que des gamins justement. Ils font les malins mais ne feront rien de plus. » « Tu n’as pas vu son sourire malsain lorsqu’il s’est approché de Phineas, ni les regards malsains qu’échangeaient les autres à l’arrière. On ne leur a jamais appris ce qu’étaient des limites. Ils règnent en roi dans leur petit monde. » « Cela ne peut pas être si dramatique. Et puis, cette discussion ne mène à rien, ce n’est pas la première fois… » « Si je t’assure. En fait, je ne suis pas convaincu que ce soit une bonne idée de le laisser aller à Poudlard. » « Tu ne peux pas lui annoncer ça maintenant. Cela fait dix ans qu’il attend avec impatience d’y aller, c’est son rêve. Et tu lui as toujours rabâché que c’était l’endroit le plus sécurisé sur terre. Il reste Dumbeldore. » « Oui, c’est vrai, il reste Dumbeldore mais… » Mon père ne finit pas sa phrase, tournant la tête en direction de la porte derrière laquelle je suis caché. En effet, je viens de lâcher un hoquet de surprise, l’idée de ne pas pouvoir aller à Poudlard traversant finalement mon esprit. Mon père soupire tandis qu’il fait s’ouvrir la porte d’un coup de baguette magique. « Que ce passe-t-il ? » intervient aussitôt ma mère. Et je me doute qu’elle m’a ainsi sauvé de l’énervement que mon père aurait facilement pu laisser retomber sur moi. « J’ai peur pour papa. » je ne peux m’empêcher de pleurnicher, avant de venir me réfugier dans les bras de ma mère.

MANOIR DES HARKISS, ANNÉE 1978.
Je soupire une nouvelle fois alors que je remarque la tâche d'encre présente sur le parchemin sur lequel je suis en train d'écrire. Je le pousse sur le côté avant d'en prendre un autre. Cela doit bien faire la vingtième fois que je recommence à essayer de reproduire le bout d'arbre généalogique inscrit sur la page du grimoire, ouvert face à moi. C'est presque devenu une obsession depuis que l'idée de ne pas pouvoir allé à Poudlard s'est ancrée dans mon esprit. J'ai besoin de reproduire sans arrêt ce bout de famille, de laquelle je fais parti. Pour moi, c'est comme une façon de mieux réaliser que j'en fais réellement partie intégrante, comme j'ose le prétendre depuis ma naissance. Alors que je m'apprête à reposer ma plume sur le nouveau morceau de parchemin face à moi, je sens la présence de mon père à mes côtés, ce qui me stoppe tout de suite dans mon geste. Je l'observe tandis qu'il manipule avec délicatesse, les fixant tous avec attention. Il relève finalement la tête, son regard rencontrant le mien. « J'ai peut-être mieux pour toi. » me souffle-t-il à mi voix. Je lève un sourcil, légèrement perplexe, ne m'attendant pas à cette réaction. Je m'attendais plus à des reproches, soulevés par un sentiment de regret certain - après tout, c'est lui qui souhaite m'empêcher de rejoindre l'école de sorcellerie. Mais non, pas du tout. « Attends-moi là. » Il tourne alors les talons pour s'enfoncer dans le couloir. Pendant quelques instants, je reste là, l'attendant sagement comme il me l'a demandé. Je l'entends enfin revenir, un léger cliquetis l'accompagnant. Lorsqu'il revient enfin dans la pièce, je remarque qu'il tient deux gros pots de peinture dans ces mains et que ceux-ci lui battent les mollets lorsqu'il avance. Il me fait un signe de tête, m'incitant ainsi à le suivre, ce que je fais sans opposer la moindre résistance. Arrivés dans une pièce dans laquelle je n'étais jamais entré, il pose finalement les pots sur sol. « Regarde. » me dit-il en me désignant le mur blanc face à lui d'un geste du menton. « On va le faire ici, en grand, ce sera mieux non ? » J'approuve d'un hochement de tête. Il me tend alors un pinceau, avant de faire sauter le couvercle de l'un des pots, à l'aide d'un tournevis. Nous nous appliquons alors à reproduire l'arbre généalogique, avec le grimoire pour modèle, pendant plusieurs heures. Une fois le travail fini, nous nous reculons tout deux pour admirer notre œuvre. Je suis assez satisfait de notre façon de l'avoir reproduit, pas très originale certes, mais tout de même assez valorisante pour moi et mes envies de reconnaissance d'identité. « J'aime bien, on l'a pas mal réussi. » je souffle à mi-voix, impressionné par notre travail. J’observe mon père tandis qu’il va s’asseoir face à une table, seul meuble de la pièce. Il pose ses deux coudes sur la surface de bois avant d’enfouir son visage dans ses mains. Cette vision m’attriste réellement et je le rejoins donc, m’asseyant face à lui. « Quel que chose ne va pas ? » je lui demande avant de me mordre la lèvre inférieure, ayant un peu peur de la réponse. Je le vois finalement relever la tête avant de m’adresser un léger sourire. « Non non, tout va bien, je réfléchissais juste. » Je hoche doucement la tête, guère convaincu. Il sort alors une enveloppe de sa poche avant de la tendre dans ma direction. Je lève un sourcil, assez perplexe. « C’est pour moi. » Il ne répond pas, se contenant de pousser l’enveloppe un peu plus dans ma direction, l’air résolu. Je m’en saisis et remarque tout de suite mon nom et mon adresse, écris tous deux de façon manuscrite à l’encre couleur vert émeraude. Je déglutis avant de relever la tête vers mon paternel. « Poudlard ? » Il hoche doucement la tête. « Je n’ai pas le droit de t’empêcher de vivre tes rêves. Par contre, je ne suis plus professeur là-bas. J’ai démissionné. » Mes yeux s’emplissent de larmes. Je ne sais pas si ce sont des larmes de joie à l’idée de pouvoir de nouveau me dire que je vais entrer dans l’école de sorcellerie ou des larmes de tristesse par le fait de voir mon père si anéanti. Sans réfléchir, je fais le tour de la table pour venir l’enlacer, enfouissant mon visage dans son cou.

CHEMIN DE TRAVERSE, ANNÉE 1978.
Mon cœur bat à tout rompre dans ma poitrine. Ce n’est pas la première fois que je me rends sur le chemin de traverse, mais cette fois c’est différent. Je n’y vais pas pour les courses de noël ou pour me balader pendant les grandes vacances, cette fois c’est réellement pour préparer ma rentrée à Poudlard. J’ai toujours rêvé de ce jour à vrai dire. Alors que nous sortons de chez Ollivanders, je tiens fièrement la boite contenant ma toute nouvelle baguette sous le bras, ne souhaitant pas laisser ma mère mettre dans son panier, l’objet qui est à présent celui étant le plus précieux à mes yeux. Après avoir essayé de me raisonner pendant quelques instants, elle laisse finalement tomber, se contentant de hausser les épaules tandis que nous nous remontons en route, en direction de Fleury&Bott. Nous sommes obligés de nous arrêter à peine quelques mètres plus loin, en pleine rue cette fois. Ma mère semble avoir reconnu quelqu’un dans la rue. Mon père et moi restons dans son sillage, nous frayant un chemin jusqu’à elle, à travers la foule toujours plus dense au fur et à mesure que les heures défilent. Je viens me placer aux côtés de ma mère, tandis qu’elle sourit à une fille blonde d’à peu près mon âge, dont les traits me sont familiers. « Tiens, mais c'est la jolie petit Charlie ! Ça doit bien faire quatre ans qu'on ne l'a pas vu ? Tu te souviens de Phineas ? Vous serez peut-être dans la même maison ! » dit-elle d’une voix enjouée avant de placer sa main dans mes cheveux pour les ébouriffer. Je me dégage aussitôt de son emprise, faisant un pas en avant pour cela. Je me rapproche ainsi sans m’en rendre compte de la fille qui m’est familière. Charlie. Je me trouve un peu gêné de me trouver ainsi face à elle. Je baisse un peu la tête, commençant à me triturer les mains de manière nerveuse. Je ne sais pas quoi dire. Je relève finalement la tête, laissant mon regard rencontrer le sien. Je laisse un léger sourire apparaître sur mes lèvres tandis que je continue de la fixer. Puis, je me tourne vers ma mère et lui glisse : « On finit de faire les courses avec eux, dis ? » Je ne sais pas si je le demande parce que j’ai peur que ce soit ce qu’il va se passer ou si au contraire, c’est parce que j’ai envie que cela se passe ainsi. En tout cas, l’idée semble bien plaire à ma mère qui s’empresse de le proposer à la famille de Charlie. Au moins, je connaitrais quelqu’un en entrant à Poudlard.

GRANDE SALLE DE POUDLARD, ANNÉE 1978.
« SERDAIGLE ! » hurle finalement la voix du choixpeau au dessus de ma tête. Je me lève et me dirige à grandes enjambées vers la table à laquelle tous les élèves se sont levés en hurlant et en tapant des mains. Je ne peux empêcher un sourire béat apparaître sur mon visage. Après tout, je suis enfin à Poudlard, avec une maison. Et je n’ai pas atterri à serpentard au moins – j’ai retenu que ce sont les élèves de mon père que j’ai croisé, qui y sont allés et je ne veux absolument pas leur ressembler. D’ailleurs, mon père n’est plus à Poudlard, ce qui m’attriste tout de même assez. Mon rêve le mettait aussi en scène, mais j’apprendrais bien à me débrouiller sans lui. Je n’ai pas le choix en même temps. « SERDAIGLE ! » hurle une nouvelle fois le choixpeau. Je redresse la tête, me mettant à applaudir avec les autres élèves de ma nouvelle maison, avant de me rendre compte de qui s’approche enfin de nous. Pourtant, ses traits de visage ne trompent pas. Après tout, je suis resté dans le Poudlard Express avec elle tout à l’heure, puisque je ne connaissais personne d’autre. Encore une fois, elle semble chercher où s’asseoir et je lui fais un léger signe pour qu’elle avance dans ma direction. Ce qu’elle fait. « Au moins, on ne sera pas totalement perdus… » je lui glisse alors qu’elle enjambe le banc pour venir s’asseoir à côté de moi. Elle acquiesce d’un hochement de tête. En fait, j’ai juste peur de me retrouver seul alors que j’ai toujours été surprotégé par mes parents jusque là, mais cela, je ne l’avouerais à personne et surtout pas à Charlie.

COUR INTÉRIEURE DE POUDLARD, ANNÉE 1981.
Je marche sans réellement savoir où je vais, un peu à l'aveuglette dans les couloirs de Poudlard. Je n'ai rien d'autre à faire de toute façon. Alors que je m'approche de la cour intérieure du château, je remarque une silhouette assise sur un banc, solitaire. Ces cheveux blonds ne peuvent appartenir qu'à une seule personne, je ne peux m'y tromper. « Un problème Charlie ? » Je continue à m'approcher d'elle tandis que je la vois essuyer une larme sur sa joue, du dos de la main. Je n'aime pas la voir ainsi. Arrivé face à elle, j'hésite un instant entre rester face à elle où m'asseoir. Je décide finalement de m'asseoir à ses côtés, passant mon bras autour de ses épaules, espérant pouvoir la réconforter un minimum. Un peu maladroit, je retire finalement mon bras d'autour de ses épaules, jugeant ce geste légèrement puérile au final. « Phineas... Tu m'as fait peur. Je viens juste de recevoir une lettre de mon père... Les nouvelles ne sont pas réjouissantes...» Je remarque alors le bout de parchemin qu'elle tient dans ses mains, et m'en saisis sans lui demander son avis. Je me mets alors à la lire en diagonale, essayant d'aller le plus vite possible pour en venir à ce qui est le plus choquant. Mais au fur et à mesure que les lignes défilent sous mes yeux, je trouve les choses de plus en plus effroyables. Je laisse mes lèvres se pincer tandis que je relève finalement la tête dans la direction de Charlie. « Hum ouais, mes parents sont dans la même situation... Dans le même bateau quoi... T’inquiètes pas, tout finira bien. » Je lui adresse un sourire qui se veut réconfortant. Loin de moi l'idée de tout ramener autour de ma petite personne en fait, mais c'est le seul moyen que j'ai trouvé pour essayer de trouver quelque chose de réconfortant. Et puis, ce n'est pas non plus comme ci c'était faux. En tant que partisans de l'Ordre du Phénix, mes parents ne se trouvent pas vraiment en situation favorable ces derniers temps. Tout comme ceux de la blonde en fait. « Tu dois avoir raison... » soupire-t-elle finalement, l'air pas très convaincue. Je baisse la tête, ne sachant pas trop comment m'y prendre pour la réconforter autrement. Je suis bien plus doué pour faire le pitre qu'autre chose, mais quelque chose me dit que ce n'est pas le moment pour faire ce genre de choses. Après tout, il y a bien des moments où il faut être sérieux dans la vie, même si ce ne sont pas forcément les moments qui enchantent le plus.

MANOIR DES HARKISS, ANNÉE 1982.
Doucement, je caresse le mur du bout des doigts, m'amusant des bouts de peinture qui me piquent la peau. Je pourrais presque me souvenir avec exactitude de chaque coup de pinceau que j'ai donné sur ce même mur, il y a quelques années de cela en reproduisant le bout d'arbre généalogique dessus. La bonne vieille époque. Je ne peux m'empêcher de rire légèrement en pensant cela, on dirait un vieux qui parle. « Phineas ! Qu’est-ce que tu fais là ? » gronde la voix de mon père derrière moi. Je fais rapidement volte-face pour le regarder, étonner de ne pas avoir remarqué que les éclats de voix du rez-de-chaussée se soient rapprochés. Je baisse légèrement les yeux, honteux de m’être fait attraper en dehors de mon lit à la manière d’un débutant. Comme-ci c’était la première fois que cela m’arrivait de dépasser le couvre-feu et de me balader hors de mes draps alors que l’heure annoncée et bien dépassée pour cela. « R… Rien. » je bégaye légèrement tandis que mon cœur tambourine à toute vitesse contre ma poitrine. Montée d’adrénaline, très certainement. Il faut dire que j’ai du mal à faire confiance à mon paternel ces derniers temps, je ne vois donc pas comment il pourrait en être autrement. « Je venais juste apporter quelques petites retouches, comme me l’a appris mon professeur. » je lui lance innocemment en lui désignant ma baguette. Il la toise du regard quelques instants avant de s’approcher de moi d’un air qui se veut menaçant. Je déglutis tout en me mettant à reculer, légèrement nerveux. Quoi que, c’est un euphémisme. Tandis que je recule pour me mettre hors de la portée de mon père, je laisse tomber ma baguette au sol. Mon paternel s’avance alors jusqu’à elle et, posant son pied dessus, la brise en deux à l’aide de son talon. « Pour t’apprendre à être aussi lâche qu’un né moldu. » me souffle-t-il méchamment avant de faire volte-face pour s’éloigner. Je tombe alors à genoux sur le sol, prenant les restes de ma baguette entre mes doigts. Tout cela m’a un peu anéanti, c’est terrible. Sans ma baguette, j’ai l’impression de ne plus rien être.

COUR INTÉRIEURE DE POUDLARD, ANNÉE 1982.
Assis côte à côte sur le banc face à la cour intérieure de Poudlard, Charlie et moi fixons les plantes qui se mettent à onduler leurs feuillages devant nous, au gré du vent. Le silence qui règne entre nous n’est pas particulièrement pesant, même si je dois dire qu’il n’est pas forcément agréable non plus. C’est juste un silence tout ce qu'il y a de plus banal finalement. « Ça fait un an déjà... Ça va mieux ton père ? » Je tourne aussitôt la tête dans sa direction, légèrement perplexe. Après tout, je ne m'attendais pas à cette question. Je me mets à repenser à ce qu'est en train de devenir mon père, tandis que je tourne ma nouvelle baguette entre mes doigts. Ma gorge se noue automatiquement, et je me trouve obliger de basculer ma tête légèrement en arrière pour éviter que mes larmes ne se mettent à rouler le long de mes joues. J'essaye tout de même de faire passer ça pour un instant de réflexion, question de principe. « Non pas vraiment, il semble même de pire en pire... » je me décide finalement à souffler avant de baisser de nouveau ma tête sur mes mains. Je fais une légère moue avant de jeter un nouveau coup d'œil du côté de la blonde. Le nouveau silence qui vient de s'installer entre nous et beaucoup plus dérangeant que le précédent. Je l'apprécie beaucoup moins et je me sens donc obligé de combler le vide de la conversation. « De ton côté ? » Charlie lâche un soupire, ce qui m'emplit un peu plus de tristesse. On dirait que le monde est en train de s'écrouler sur ses épaules et je n'aime pas du tout la voir dans cet état là. Je ne suis plus simplement triste pour moi, je suis à présent surtout triste pour elle. Je ne peux cependant pas compatir totalement à ce qui lui arrive. Après tout, même si j'étais dans la même situation qu'elle il y a un an de ça, aujourd'hui nous nous trouvons dans des situations complètement différentes. Car là où son père est toujours persécuté pour faire partie de l'Ordre du Phénix, le mien est en train de tourner mangemort. « Tu te souviens, avant notre première année à Poudlard, on s'était rencontré sur le chemin de traverse... » Je lève un sourcil, perplexe, tandis que je me demande où est le rapport avec ma question. Je finis tout de même par acquiescer d'un bref hochement de tête, attendant la suite. « ... Mon père et moi, on avait oublié la plus part des fournitures parce que nous avions passé notre journée dans les magasins de farces et attrapes... Cette journée me manque... Les stupides jouets de ces boutiques me manquent. » Comme amenée à bout par cette déclaration, elle pousse un soupire de tristesse encore plus profond que le précédent. Je pince un instant les lèvres face à cette image affligeante, ressentant soudain le besoin de détendre l'atmosphère. « Tu sais quoi... J'aimerais bien ouvrir un magasin de farces et attrapes, moi. Je pourrais être ton fournisseur officiel ! » je lui souffle en m'étirant, un souvenir venant de nouveau flotter sur mes lèvres tandis que je vois son visage s'illuminer un peu plus. « Idiot... » me souffle-t-elle en continuant de rire légèrement.

PRÉ-AU-LARD, ANNÉE 1987.
Arpentant les rues recouvertes d'un épais manteau blanc de Pré-au-Lard, j'ai l'impression de retrouver les joies de la fin de mon enfance ainsi que de mon adolescence. Car même si les vacances d'hiver laissent les rues bien moins encombrées que lors des sorties de classe prévues par l'école de sorcellerie qu'est Poudlard, la magie de l'endroit est toujours présente, accompagnée de son lot de souvenir. Après avoir croisé plusieurs groupes d'adolescents, sûrement restés à Poudlard pour l'hiver, je m'engouffre finalement dans une vieille bâtisse à l'aspect quelque peu miteux, que j'ai acheté quelques années auparavant, en mémoire de ce que j'ai bien pu dire à Charlie. Aujourd'hui est un grand jour, puisque je vais enfin venir à bout de cette promesse. J'aurais peut-être pu attendre le retour de l'ensemble des élèves de Poudlard pour cela, mais je préfère favoriser une ouverture tranquille en fin de compte. Réajustant mon chapeau haut de forme sur le haut de mon crâne, je m'approche finalement d'une manette et d'un micro, seuls objets éclairés dans la pièce. Mon cœur bât à tout rompre tandis que je pose ma main sur la manette, c'est le moment de vérité. « Approchez chers habitants de Pré-au-Lard, car aujourd'hui est un grand jour ! » je glisse en direction du micro, entendant ma voix se répercuter en écho à l'extérieur. J'enclenche alors la manette et aussitôt, à l'intérieur du magasin, des objets s'illuminent d'un seul coup et de la musique se met à retentir. Mais ce n'est pas là que se trouve le vrai spectacle. Sortant en trombe de la boutique, je me joins à l'attroupement des quelques badauts s'étant arrêter face à mon magasin, pour admirer le travail. Moi aussi je l'admire. La vieille bâtisse n'a plus rien à voir avec ce à quoi elle ressemblait auparavant. Elle s'est instantanément revêtue de couleurs flashs tandis que diverses animations mécaniques se mettent à bouger de-ci de-là. Les mois passés à chercher l'endroit idéal pour mettre en œuvre mon projet et l'agencé, prennent finalement un sens pour moi. « Charlie, tu serais fière de moi... » je murmure, un sourire radieux collé aux lèvres. Après tout, je suis fier de moi en cet instant. Je vois d'ailleurs la blonde entrer dans la boutique quelques heures plus tard, un sourire également collé aux lèvres, on dirait qu'elle retombe en enfance. « Alors comme ça tu l'as vraiment fait... Idiot... » C'est bizarre, j'ai l'impression d'aimer de plus en plus le fait qu'elle me qualifie d'idiot.

PRÉ-AU-LARD, ANNÉE 1987.
Le seigneur des ténèbres refait de plus en plus surface dans le monde magique. Mon père ayant montré jusqu'alors un certain changement de caractère flagrant, se range peu à peu du côté des forces du mal. Tiraillé entre le fait de rejoindre le reste de ma famille dans l'Ordre du Phénix et celui de décevoir mon père, je décide finalement de rester neutre. Ce qui ne semble pas être au goût de Charlie, qui me toise méchamment. « Alors tu vas rester sans rien dire et sans rien faire ? Pendant que ceux qui ont tués nos parents recommencent ? » Je hausse les épaules, ne sachant que faire d'autre. Après tout, elle a sûrement raison, même si je ne préfère pas vraiment voir les choses de cette façon. « Et toi, ça te branche de prendre de risques ? Tu as pensé au fait que tu pourrais mourir toi aussi ? » je ne peux m'empêcher de hausser le ton, réflexe humain sans doute. « Je préfère mourir digne que de me planquer dans une petite boutique à deux pièces ! » Je lève un sourcil, ne pouvant cacher plus longtemps à quel point je trouve ses paroles vexantes. Après tout, c'est pour elle que j'ai ouverts cette boutique. Sans elle, je ne serais sans doute pas là, peut-être aurais-je même favorisé un emploi au ministère. « Une petite boutique à deux pièce hein ? Ça ne t'es même pas passé par la tête que certains pourraient souffrir si tu mourais ?! » Je regrette aussitôt mes paroles, lorsque je remarque qu'elles ont pour effet de faire partir la blonde, sûrement sous l'effet de la rage. Ce qui n'empêche que j'ai un mauvais pressentiment à ce moment-là.