« Elle t'emmène de l'autre côté de la Terre, juste quand elle ouvre les paupières. »
Elle observait du coin de l'oeil Eliott qui terminait ses dernières valises. Un sourire dessiné sur ses lèvres, celui-ci ne semblait aucunement prêter attention à la présence de sa petite soeur. En réalité, il n'y faisait plus attention, elle qui depuis son plus jeune âge, le suivait comme son ombre. Plus jeune, elle répétait ses faits et gestes, tandis qu'il se devait de la supporter toute la journée, sans pouvoir rien y faire. Il l'avait agacé avec ses sourires innocents, il l'avait énervé avec ses mimiques de petites filles capricieuses. Et pourtant, il l'avait aimé dès sa naissance, comme le frère trop protecteur qu'il était devenu malgré lui. Avec le temps, il s'était fait à cette petite gosse, qui le prenait comme son modèle, cherchant à devenir le même homme qu'elle admirait depuis toujours. Il l'avait pris sous son aile et avait forgé à sa même vision de la vie. De l'amusement. Prendre la vie comme elle était, avec ses bas, mais surtout avec ses hauts. Et leurs parents en avaient bavé. Le duo diabolique, qui ne cessait d'en faire toujours un peu plus, tandis que le couple ne pouvait se résoudre à les séparer.
« Tu n'as rien à faire ? »Demanda-t-il soudainement en se tournant vers elle. Alexis était pensive. Elle n'avait pas bougé de l’entrebâillement de la porte, un léger sourire sur ses lèvres.
« Je profite de tes dernières heures... » Répondit-elle dans un souffle, alors que son ainé lâchait un soupir de lassitude. C'était toujours la même chose. Depuis qu'il avait découvert Poudlard, les deux jeunes gens n'avaient plus l'occasion de se voir. Et lorsque les vacances rendaient Alexis folle de joie, Eliott passait son temps auprès de ses nouveaux amis, délaissant peu à peu sa première fan, sans pour autant s'en rendre compte.
« Allez, l'année prochaine, on s'verra tous les jours ! » Ca, Alexis le savait ! Et elle comptait bien rattraper tout ce temps perdu avec celui qu'elle considérait comme son héros. Elle était prête à s'incruster dans son groupe d'amis pour pouvoir le voir tous les jours et retrouver cette complicité qui lui manquait tant. Ils avaient gardé cet amour fraternel, certes, mais ce n'était plus la même chose. Il sembla soudainement comprendre le mutisme de sa sœur et le sourire qu'elle affichait.
« Oh non j'crois pas ! » S'exclama-t-il en l'attrapant par la hanche pour la jeter sur son lit. Elle riait aux éclats, tandis qu'il la chatouillait, la tenant fermement contre lui pour ne pas qu'elle puisse s'enfuir.
« Arrête, arrête, j'en peux plus ! » Et c'était bien vrai, elle risquait de suffoquer s'il continuait à la faire rire autant. Un ricanement narquois se fit entendre de la part du jeune homme, alors qu'il cédait à son caprice.
« Sérieusement Alex, promets-moi que tu n'approcheras pas mes amis ! » C'était une supplique qui venait du cœur et qui étonna particulièrement la demoiselle.
« Et pourquoi pas ? T'as honte d'une fille aussi parfaite que moi ? » Eliott leva les yeux d'une manière particulièrement théâtrale, tandis qu'il se relevait pour refermer ses valises après avoir entendu le hurlement de leur père, qui leur sommait de se dépêcher s'ils ne voulaient pas arriver en retard à la gare.
« Non mais j'vous connais vous, les petites soeurs. Vous tombez tout le temps amoureuse des mecs plus âgés et j'ai pas envie de te retrouver à poil dans un de leurs lits. » L'élégance qui caractérisait Eliott. Le rouge monta aux joues de sa petite soeur, alors qu'il se mettait à rire. Avant même qu'elle n'eut le temps de répondre, leur mère les interrompit.
« Eliott ! Ta sœur n'a aucunement besoin de connaitre ta vie sexuelle, elle n'a que dix ans, bon sang ! » Celui-ci ne put s'empêcher de se remettre à rire à gorges déployés, rejoignant le couple dans le hall de l'entrée. Il ne leur fallut qu'une dizaine de minutes pour atteindre la gare. En chemin, les deux enfants continuèrent à se chamailler, chacun y mettant sa réplique cinglante, que leurs parents ne crurent pas un seul instant, aux vues de leurs regards complices échangés.
« N'en profite pas trop pour t'entrainer au quidditch. Je refuse que tu sois plus douée que moi à ton entrée à Poudlard ! » « Je crois que c'est trop tard. » Répliqua leur père en riant, passant une main dans la crinière désordonnée de son fils. Ils échangèrent un dernier regard et Eliott rejoignit son meilleur ami, qui l'attendait un peu plus loin, qu'Alexis remarqua immédiatement par sa carrure. Celui-ci entoura son bras autour d'Eliott et lança un sourire malicieux à la blondinette, qui baissa immédiatement la tête et se retourna vers ses parents. Oh oui, elle avait hâte !
Tomber amoureuse du meilleur ami d'Eliott ? Alexis vous répondrait un magnifique « ah, si vous saviez » sarcastique, ponctuée d'un roulement de yeux vers le plafond. Il s'appelait Olivier Dubois. Tout le monde le connaissait comme ayant été le gardien mais aussi le capitaine de l'équipe de quidditch de Poudlard. Il était gentil, certes, mais il était d'une arrogance ! Il voulait être le meilleur, dans absolument toutes les activités sportives, et surtout lorsque cela concernait le quidditch. Elle se rappelait parfaitement de ses années à Poudlard, alors qu'il cherchait constamment à écraser les autres durant les matches. Il n'avait peur de rien, risquait parfois sa vie pour quelques heures de gloire très vite oubliés. A vrai dire, il avait pour ambition de passer professionnel après ses études et c'était sans doute pour cette raison qu'il pouvait être aussi irritable. Et justement, son rêve s'était réalisé. Non, vraiment, elle ne lui trouvait absolument rien !
« Dis-moi, pour un joueur de quidditch, t'es pas si imposant que ça ! » Et Alexis en jouait. Elle aimait particulièrement le provoquer sur ce terrain-là, elle qui avait également quelques aptitudes au quidditch qui n'avaient donc rien à lui envier. Elle n'était pas aussi douée que lui, mais elle réussissait à se défendre. A quinze ans, elle avait réussi à se faire une place de choix dans l'équipe de sa maison.
« Oh, mais c'est que la p'tite Breckenridge joue les grandes. Ravie de te revoir, p'tit lutin ! » Et pourtant, il avait toujours gardé cette bonne humeur avec elle. Lui qui avait passé toute sa scolarité avec son ainé, considérait à présent Alexis comme sa petite sœur. Une petite sœur qui devenait de jour en jour une femme. Et pas la plus moche ! Il savait qu'elle était un peu jeune, qu'elle avait ce côté immature et irresponsable qui la menaient dans les situations les unes plus farfelues que les autres et qu'en plus de tout cela, elle était la petite sœur de son meilleur ami. Tout lui prouvait donc qu'il n'y aurait décidément rien entre eux. Pourtant, il avait bien remarqué les regards appuyés qu'elle lui envoyait fréquemment lors des dîners de famille. Alexis ne se l'avouerait jamais, mais lui, l'avait bien compris. Elle n'était pas indifférente. Et cela l'amusait beaucoup. Beaucoup trop.
« On en reparlera cet après-midi, après le match. » Dit-elle d'un ton sournois, non sans lui lancer l'un de ses sourires énigmatiques. Il n'eut pas le temps de répondre qu'Eliott les rejoignait pour saluer son meilleur ami. Celui-ci remarqua immédiatement le regard qu'ils s'échangeaient mais ne fit aucun commentaire. Jouant les aveugles, il jeta négligemment sa petite sœur dans les cuisines, tandis qu'il attirait Olivier un peu plus loin. Alexis ne les retrouva que quelques heures plus tard, volant sur leurs balais, s'amusant à réaliser quelques figures qu'elle admira avec émerveillement, comme une gosse qui découvrait ses cadeaux le jour de Noël.
« Dis Eliott, y'a papa qui te cherche depuis trois ans. » Dit-elle calmement, embrochant son propre balai pour rejoindre Olivier, alors que son frère rejoignait la demeure, après un regard particulièrement méfiant vers ces deux-là.
« C'est mignon, tu sais. » Cela faisait quelques minutes qu'ils virevoltaient sans un mot et l'ancien gryffondor avait fini par briser ce silence qui devenait pesant.
« J'peux pas en dire autant de toi. » Répondit-elle dans un sourire narquois, alors qu'elle n'avait aucune idée d'où est ce qu'il voulait en venir.
« Mademoiselle mord. » « Si tu savais... » Souffla-t-elle. Un simple murmure. Léger, qui fit sourire un peu plus Olivier.
« Et si tu me montrais ? » Il y eut un léger silence, qui ne dura que quelques instants, avant qu'elle lui propre de la rattraper pour en savoir plus. Le défi sembla simple pour lui. Trop peut-être, et pourtant, il se trompa lourdement. La guerre dura plusieurs minutes, avant qu'Eliott ne revienne, retrouvant les deux acolytes dans les airs, riant aux éclats et ne se souciant absolument plus de rien.
« Mais alloooo quoi ! T'es même pas discrète ! » S'exclamait l'ainé depuis vingt minutes, tandis que sa sœur fermait ses dernières valises pour sa dernière année à Poudlard. Elle se doutait que son frère viendrait la questionner dès qu'il aurait fait le rapprochement entre ses visites régulières durant leurs entrainements au quidditch, et son meilleur ami, Olivier Dubois, elle ne fut donc aucunement étonnée de la remarque de son ainé. Celui-ci ne bougeait pas de l'entrée de sa chambre, bras croisés, regard tourné vers sa petite sœur, qui ne comptait pas aborder ce sujet particulièrement sensible.
« Tu sais qu'en gardant ce silence, tu ne fais que confirmer mes soupçons ? » Eliott lui semblait calme pour quelqu'un qui refusait l'idée de voir l'un de ses amis en couple avec Alexis. Bon signe ? Peut-être bien... pourtant, elle ne préféra pas tenter le diable et se tourna doucement vers lui et dans un sourire innocent, lui répondit un simple
« Ce n'est pas ce que tu crois » particulièrement convaincant. Mais Eliott n'était pas dupe. Il n'était pas son frère pour rien. Il lui avait lui-même appris les phrases types à ressortir aux parents lorsque la situation leur imposait de sauver leurs peaux.
« Ah ouais ? C'est quoi alors ? » Bonne question. Elle-même n'en avait aucune idée. Il ne s'était jamais rien passé avec Olivier et il ne se passerait sans doute jamais rien entre eux. Il était vrai qu'elle n'était pas indifférente à ses sourires malicieux, ses regards complices et ses répliques parfois cinglantes. Et puis, il était plus âgé qu'elle et ça, c'était le rêve de toutes les filles de sortir avec un mec plus vieux, n'est ce pas ? Oui, elle était tombée dans son propre piège. Lui, ne ressentait rien pour elle, si ce n'était une grande affection. En couple depuis quelques années, il tenait à sa petite-amie, même s'il avouait parfois à Eliott sa lassitude pour la routine. Il lançait quelques sous-entendus, mais rien de bien sérieux. Ils ne se croisaient, de toute façon, que pendant les grandes occasions. Son rôle dans l'ordre de phénix était un point culminant dans sa vie et il ne souhaitait pas se laisser déconcentrer par autre chose. Impossible donc, que cex deux-là, finissent un jour ensemble...
« C'est un jeu. C'est tout. Et puis, j'ai déjà un petit-ami ! » Mensonge ! Alexis s'attachait très vite aux autres, elle qui avait un grand cœur, mais elle tombait tellement vite amoureuse qu'elle n'avait aucune difficulté à passer de garçons en garçons, sans réellement s'en faire. Pouvait-on réellement appeler cela de l'amour ? Elle n'en avait aucune idée mais elle ne s'en faisait pas, elle s'amusait et puis c'est tout. Eliott fronça les sourcils, intrigué, et s'approcha un peu plus d'elle.
« Pourquoi j'le sais pas ? » Et pour toute réponse, Alexis haussa des épaules et attrapa de nouvelles affaires pour les jeter négligemment dans sa valise. Son cœur battait la chamade, l'angoisse montant peu à peu en elle, tandis qu'elle cherchait une excuse valable. Et soudainement, la solution lui vint comme une illumination.
« Il s'appelle Adrian. Il est en septième année. A serdaigle. Tu sais, il est plutôt timide comme mec ! » Son ainé la fixa un instant, avant de se mettre à rire bruyamment. Alexis fronça des sourcils, mais n'eut pas le temps de réagir, qu'il attrapait l'une de ses valises et quittait déjà la pièce.
« Toi, avec un coincé ? Je rêve, on aura tout entendu. » Non, il était vrai qu'elle avait toujours eu une nette préférence pour les hommes ambitieux et sûrs d'eux, qui n'avaient aucunement peur de se mettre en travers d'une personne pour montrer son opinion. Pas cet Adrian, qu'elle croisait plusieurs fois vers la bibliothèque et qui n'était pas capable de se montrer un temps soit peu ouvert avec les autres. Le trajet jusqu'à la gare lui permit de tenter de convaincre Eliott, en vain.
« J'espère que tu nous le présenteras pendant les prochaines vacances ! » S'exclama-t-il joyeusement.
« T'en fais pas pour ça, poussin ! » Et au fond d'elle, elle espérait qu'il soit trop occupé avec l'ordre durant ces prochains mois pour se souvenir d'un détail si futile. Elle-même avait d'autres chats à fouetter. Elle comptait bien faire partie de cette organisation. Tête brulée, Alexis n'était décidément pas une fille qui comptait se tourner les pouces pendant la guerre qui se préparait très prochainement.