Daisy a la blondeur des blés et semble en avoir le quotient intellectuel. Et pourtant… Fille à Papa devenue à sa sortie de Poudlard fille à garçons, elle évolue comme elle peut dans ce monde de misogynes. Elle oscille lamentablement entre folie dépensière chez Madame Guipure et rédaction d’essais sur la décadence de la qualité littéraire contemporaine. Oui, Daisy est un subtil paradoxe de superficialité féminine et de finesse intellectuelle. Laissez-moi donc vous faire pénétrer dans le monde poudré de blush et d’alexandrins de Lady Macbeth.

[ Le vent giflait ses jolies joues rosées. C’était vivifiant et, selon sa collègue de la rubrique « beauté magique », très bon pour la circulation du sang.Avec un long soupir de lassitude, Daisy Macbeth poussa la porte branlante des Trois Balais et entra. Rapidement, elle énuméra mentalement les hommes présents dans cette pièce qui avaient déjà partagé sa couche. Sept. C’était un bon jour. Elle s’avança vers une table, tout au fond du bar, sans un regard pour ces anciens amants d’une nuit. Bien que cela n’ait aucunement été visible sur les traits fins et pimpants de son visage, ce masque d’indifférence lui coûtait. Incapable de s’engager parce qu’amoureuse de l’Amour lui-même, elle collectionnait les aventures depuis quelques années. Elle se souvenait de chaque soupir soufflé au creux d’une oreille endormie, de chaque griffure vigoureusement infligée au creux d’une aine masculine et, surtout, de chaque déception de ne jamais sentir son cœur s’emballer.
Elle posa avec soin son étole blanche sur le dossier en bois de sa chaise. Bien que très reconnu, l’établissement n’avait rien de très propre et Daisy craignait pour ses vêtements. Le serveur arriva, sous les sifflements excités d’une vieille sorcière ivre. Gêné, il secoua la tête et eut un regard de complicité avec notre jeune blonde avant de lui demander le traditionnel :
« Vous prendrez ? »
Elle hésita. Un court instant. Elle avait envie d’un alcool fort. Très fort. D’une liqueur qui lui arracherait la moitié du visage en même temps que tout sens de la réalité. Vilaine, vilaine réalité… Elle opta plutôt pour une boisson saine et raffinée, après tout, elle était en milieu connu, mieux valait faire bonne figure.
« Un jus de courgette glacé. S’il vous plait, jeune homme. »
L’emploi du « jeune homme » la contraria. Cela faisait vieille fille condescendante. Ses épaules s’affaissèrent, offrant à sa mine chagrinée une ampleur presque tragique. Il fallait qu’elle se ressaisisse. Qu’elle sorte de cet immobilisme dépressif qui la rendait si vulnérable. Perdue dans ses rêveries lugubres, elle ne se rendit compte de l’arrivée de sa commande que trop tard et ne put pas même remercier le serveur. Elle y trempa ses lèvres.
Elle haïssait le jus de courgette, surtout glacé.]