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LA GENESE .
Aussi loin que je me rappelle, j’avais toujours été la préférée. En même temps, ce n’était pas difficile, puisque j’étais la seule. Paraissait-il que mes parents avaient désiré ardemment m’avoir, et ils y parvinrent, après quelques essais infructueux. Ils étaient même prêts à renoncer à leur désir d’avoir des enfants, lorsqu’un matin de janvier, je pointai pour la première fois le bout de mon nez. J’avais toujours été cette petite poupée au teint de porcelaine et aux longues boucles brunes soyeuses, qui jetait un regard avide sur le monde qui l’entourait. J’avais de grands yeux marron, pétillant d’une malice manifeste, grands ouverts sur le décor. J’engloutissais le monde entier d’un seul regard, je faisais fondre leurs cœurs d’un battement de cils, et j’obtenais tout ce que je voulais -mon regard de chien battu était ma spécialité. J’étais à peine née, que déjà, je les menais tous à la baguette, tous autant qu’ils étaient. Il me suffisait de formuler un seul vœu pour que je sois exaucée dans la seconde, et mes parents avaient tendance à me passer tous mes caprices. Pour autant, je n’étais pas une gamine prétentieuse et imbue d’elle-même. J’aimais commander, il est vrai, mais je n’étais jamais tyrannique, là se trouvait toute la nuance. Lorsqu’on me refusait quelque chose et que mon regard de chien battu restait sans effets, je finissais tout de même par les avoir à l’usure. Il s’agissait là d’un de mes nombreux travers, qui pouvaient parfois être perçus comme une qualité: j’étais extrêmement tenace, je ne lâchais jamais prise, sauf en cas de force majeure.
J’ai eu une enfance heureuse: deux parents aimants qui me choyaient et étaient attentifs au moindre détail concernant mon éducation. J’habitais dans un charmant pavillon dans la banlieue résidentielle de Dartmouth, et mes parents travaillaient tous les deux. Mon père était un avocat très réputé dans son milieu, et ma mère était médecin. Autant dire qu’ils gagnaient plutôt bien leur vie. Lorsqu’ils étaient absents, ils me confiaient à la nourrice, comme beaucoup d’autres enfants, je suppose. Ma nounou s’appelait Olga. C’était une jeune fille au pair, d’origine ukrainienne, si mes souvenirs étaient exacts. Je me souvenais de la drôle de façon qu’elle avait de rouler les r et de prononcer certains sons, mais à l’époque je ne comprenais pas encore qu’elle avait simplement un accent à couper au couteau. Malgré tout, j’aimais bien Olga, elle faisait des bons gâteaux et je m’amusais toujours avec elle.
Pourtant, un des nombreux après-midis passés avec elle faillit tourner au cauchemar -pour elle, tout du moins, puisqu’elle était en charge de me surveiller. Une fois n’était pas coutume, je jouais trop fort, moins bien calmement que d’habitude et ce malgré ses multiples injonctions. Comme d’habitude, je n’en faisais qu’à ma tête, poursuivant sur ma lancée comme si de rien n’était. J’étais effectivement en train de courir dans toute la maison, en train de brandir une espèce de bannière derrière moi. Olga avait des sueurs froides à chaque fois que j’approchais d’un peu trop près des objets fragiles -notamment un vase chinois hors de prix que mes parents avaient acheté à une espèce de vente aux enchères qui avait eu lieu à Londres. «
Mademoiselle Trrracey, cessez donc de courir partout! » Une fois de plus, je n’ai pas écouté, je n’écoutais jamais. «
Regarde, Olga! » m’écriai-je, de ma petite voix flûtée. «
Tous les pilotes sont sur le départ, je vais pouvoir abaisser le drapeau pour démarrer la course! » C’était donc ça, mon jeu. Je me prenais pour la personne qui brandissait le fameux drapeau à damiers sur les circuits de formule 1. Il fallait dire que j’avais été élevée avec les exploits de Michael Schumacher sur les circuits de Monte-Carlo, pour ne citer que lui. Effectivement, mon père était un fanatique de ces championnats, au grand dam de ma mère, d’ailleurs, qui ne l’écoutait s’extasier sur les voitures de course d’une seule oreille.
Qu’importe si cette discipline n’intéressait pas ma mère, une chose est-il, c’est qu’aujourd’hui, je me croyais sur un circuit de course. Et comme si de rien n’était, je continuais à brandir ma bannière tout en faisant de grands mouvements amples tout en tournant autour du précieux vase chinois de la dynastie Ming. «
Mademoiselle Trrrracey, vous allez casser quelque chose! » «
T’inquiètes Olga, je fais attention! » Tu parles. À six ans à peine, on avait à peine la notion de faire attention, alors, vous imaginez…Pourtant, ce qui devait arriver arriva. Ma bannière (qui était en réalité une écharpe à franges que j’avais nouée sur un manche de balai) accrocha le précieux vase de ma mère. La scène se déroula alors au ralenti: le vase chuta, chuta. Olga, derrière moi, avait poussé un cri perçant et avait commencé à jurer les grands dieux. Moi, je réalisais tout juste que j’avais fait tomber le vase de Maman et que j’allais me faire disputer lorsqu’elle reviendrait à la maison -une catastrophe. Comme il fallait s’y attendre, le vase se fracassa au sol en un bruit sinistre de porcelaine brisée -ou quelque autre matériau du même acabit. Je poussai un cri, avant de fondre en larmes. J’imaginais Maman en train de me crier dessus, puis me punir. J’allais être privée de dessert pendant des mois, et Olga allait être possiblement renvoyée! Et moi, je voulais continuer à jouer avec Olga, je l’aimais bien, moi.
Olga ne sut pas ce qu’était le pire: le vase en mille morceaux, ou moi en train de pleurer toutes les larmes de mon corps, agitée par un énorme chagrin sans précédents. «
Calmez vous, Mademoiselle Trrrracey, je vais rrrramasser les morrrrceaux et les mettrrrre à la poubelle. » Mais moi, je ne voulais pas que le vase parte à la poubelle, sinon, comment vouliez vous expliquer ça à mes parents? Puis, sous mes yeux ébahis, le vase s’était reconstitué de lui-même, comme s’il n’était jamais tombé. «
Olga, regarde! » m’exclamai-je, en poussant un petit cri. «
Mademoiselle Trrracey, que s’est il passé? » Je clignai des yeux, encore effrayée par le prodige qui venait de se produire, un vrai petit miracle, comme dirait ma mère. «
Je…je…le vase s’est réparé tout seul! » Olga nous regarda alternativement, le vase et moi. À présent, je pleurais parce que le vase s’était reconstitué de lui-même. Je ne comprenais pas comment ça a pu arriver, et j’avais eu peur. «
On va le rrrrremettrrrre surrr le meuble, et vous allez tâcher de jouer moins forrrt. » elle me tendit un mouchoir de tissu, pour que je puisse essuyer mes grosses larmes de crocodile. «
Tu ne le diras pas à papa-maman, hein Olga? » Je ne voulais pas qu’ils sachent ce qui s’était passé. Je ne voulais pas que maman sache que j’avais cassé son vase, pour ensuite le reconstituer à l’identique en un trait de temps, là où on aurait mis tout un après-midi à le réparer en s’armant d’un tube de colle extra-forte. De toute manière, ils ne me croiraient pas. .
[Seuls les administrateurs ont le droit de voir cette image]L'AMBITION - 11 y. o.
«
Oh, Maman, regarde, il y a une chouette à la fenêtre! » m’écriai-je, joyeusement, en me précipitant à la fenêtre de la cuisine. Maman cessa de beurrer sa tartine, et Papa cessa de lire le journal, qu’il posa délicatement sur la table où nous étions tous en train de petit-déjeuner. «
Une chouette en plein jour? C’est curieux! » s’étonna Maman, qui se leva tout de même. Ma mère s’approcha de la fenêtre, et désigna de l’index quelque chose qui était accroché à sa patte. «
C’est étrange. » répéta-t-elle, en appuyant son index sur son menton, comme à chaque fois qu’elle réfléchissait. «
On dirait qu’elle transporte une lettre. Oui, c’est bien ça, une lettre avec un sceau. Je me demande qui ça peut bien être. » «
C’est sûrement une carte d’anniversaire! » m’enthousiasmai-je, ravie. « J
’ai onze ans aujourd’hui, tu devrais pourtant le savoir! » «
Oui, je sais chérie. » répondit Maman, en ouvrant la fenêtre. La chouette hulotte s’engouffra à l’intérieur de la pièce, faisant sursauter Papa qui n’aimait guère les oiseaux. Moi non plus, d’ailleurs, je ne les aimais pas beaucoup.
Ce fut donc Maman qui s’arma de patience pour décrocher la patte du petit animal qui se débattait furieusement. Au prix de nombreux coups de bec, nous pûmes voir ce dont il s’agissait. «
Tracey Davis » lut Maman, en fronçant les sourcils. «
C’est pour toi! » «
Je te l’avais dit que c’était une carte d’anniversaire! » «
Regarde plutôt, ma chérie ». Me conseilla Maman avec sagesse. «
On ne sait jamais. » Précautionneusement, je pris la lettre, qui était au demeurant plutôt lourde. Elle avait une apparence quelque peu inhabituelle, elle semblait jaunie, comme si elle venait d’une époque lointaine. Le sceau à la cire, représentant un H entouré de quatre animaux semblait confirmer cette hypothèse. «
Euh…Maman…C’est quoi Poudlard? » demandai-je, en fonçant les sourcils. «
Je ne sais pas, chérie, pourquoi? » «
Parce que la femme qui m’a écrit, McGonagall, je crois, dit qu’une place m’y est réservée depuis la naissance! Une école de magie, Maman! » Maman soupira, et avec Papa, ils échangèrent un coup d’œil interloqué.
Moi, j’étais déconfite. Une école de magie…Et puis quoi encore? Je ne croyais pas à la magie. J’étais sceptique et réaliste, je n’étais pas de ceux qui se nourrissaient de leurs rêves. Certes, comme tout le monde, mon enfance avait été baignée par les contes fantastiques et des histoires de fées, mais l’enfance était derrière moi désormais, même si je n’étais encore qu’une fillette. Je ne croyais pas à la magie, ça ne
pouvait pas exister. De toute évidence, cette Minerva McGonagall se moquait de moi, et c’était sans doute cette impression qui me laissait particulièrement amère. Je n’avais pas de place qui m’était réservée depuis ma naissance dans cette fichue école de sorcellerie, j’allais suivre ma scolarité dans l’école privée de ma ville, comme Papa l’avait fait avant moi, il n’y avait pas de raison!
«
Je savais que ce jour allait arriver. » soupira mon père, en posant ses lunettes sur la table de la cuisine. «
Edward. » le réprimanda ma mère, les poings sur les hanches. «
Miranda…On a toujours su que notre petite Tracey était différente des autres filles de son âge…tous ces phénomènes étranges qu’il y avait autour d’elle s’expliquent si elle est vraiment…une sorcière. » Phénomènes étranges…Mon souffle se raréfia dans mes poumons, alors que je me sentais m’asphyxier sur place. L’épisode du vase de Ming m’était revenu en pleine tête, à l’instar d’un boomerang. Le vase de Ming qui s’était brisé, pour se reconstituer l’instant d’après. Je…j’étais une sorcière, un monstre. À une autre époque, j’aurais été portée sur le bûcher pour y être brûlée vive. «
Je ne veux pas être une sorcière! » m’écriai-je, avant de jeter la lettre sur la table, pour m’éloigner d’un pas raide vers ma chambre. Je m’y enfermai en claquant la porte.
Quelques instants plus tard, alors que j'étais allongée à plat-ventre sur mon lit, j'entendis toquer à ma porte. "
C'est papa." annonça la voix. "
je peux entrer?" Je serrai les dents, en sentant à nouveau la colère poindre en moi. Mes parents m'avaient caché que j'étais une sorcière, et ils osaient se ramener, la bouche en coeur, croyant que j'allais aussi facilement leur pardonner de m'avoir menti? "
Il faut qu'on parle." je tournai rageusement une page du magazine que j'étais en train de feuilleter, bouillonnant intérieurement. "
Je n'ai pas envie de parler." rétorquai-je, sèchement. "
Il faut que je t'explique certaines choses." répondit Edward d'un ton sans appel. "
Entre." finis-je par concéder, non sans soupirer lourdement. Alors, mon père entra. Il s'assit au bout du lit où j'étais allongée, et se lissait nerveusement ses cheveux. En soi, c'était plutôt inutile, puisqu'il était dégarni, et pas qu'un peu. Je dardai sur mon père un regard venimeux, attendant ses explications qui tardaient pourtant à venir. Je pinçais les lèvres et me mordais le bout de la langue, pour ne pas dire des mots qui à mon sens, seraient regrettables. "
Tu savais que j'étais une sorcière?" attaquai-je, de but en blanc. "
Tu n'avais pas l'air surpris quand j'ai reçu ma lettre pour...pour..." J'étais tellement énervée que je ne parvenais même pas à replacer ce fichu nom dans la conversation, c'était peu dire que je l'exécrais déjà. "
Poudlard." me dit mon père, sans aucune hésitation. "
Tu sais, j'ai reçu la même pour mes onze ans." Je clignai des yeux, tentant d'imprimer ce qu'il était en train de me dire. "
QUOI?" m'écriai-je brusquement. "
Tu étais un sorcier toi aussi et tu ne nous a rien dit, ni à Maman, ni à moi? Tu comptais mentir encore combien de temps?" "
Je comprends que tu sois furieuse contre moi, mais si nous ne t'avons rien dit, c'était pour te protéger." "
Je n'ai pas besoin d'être protégée." rétorquai-je, avec véhémence. "
Tu te rends compte que tu m'as trahie? Tu m'as trahie, papa!" "
Je sais, et je n'en suis pas fier." répondit Edward en baissant la tête. "
Je sais que m'excuser ne servirait à rien, mais je peux néanmoins te raconter une histoire." De mauvaise grâce, j'écoutais.
J'appris alors que mes grands parents étaient eux aussi sorciers. Edward avait étudié à Poudlard, à Poufsouffle. Ce n'était pas vraiment la voie royale, avait-il dit, mais il avait au moins la persévérance. Il a passé ses diplômes dans le monde magique, puis, il a rencontré ma mère. Ma mère qui était une Moldue, et qui n'était pas du tout familière avec le monde magique. Dans un premier temps, Edward avait décidé de lui cacher sa véritable nature, il appréhendait sa réaction. Puis, dans un second temps, alors que son secret était trop lourd à porter, Edward avait décidé de tout révéler à Miranda. Miranda avait pris peur, et elle s'était enfuie. Du jour au lendemain, elle n'avait plus donné de nouvelle. Edward, blessé dans son amour et dans son orgueil, avait commencé à sombrer, tout doucement. Il fut une époque où il buvait trop, pour oublier son chagrin d'amour. Puis, du jour au lendemain, tout aussi soudainement que Miranda était partie, elle est revenue. Elle avait eu le temps d'accepter, et de se faire à l'idée. Qui plus est, elle n'avait pas envie de renoncer à Edward. Alors, elle est revenue, ils ont construit leur histoire, et je suis arrivée. Même sans savoir que j'étais une sorcière, j'ignorais que mes parents avaient galéré autant avant de se trouver. Edward me révéla enfin qu'il n'avait plus voulu vivre comme un sorcier, et qu'il n'a pas utilisé sa baguette magique depuis de nombreuses années, depuis sa sortie de Poudlard en réalité. Lorsque je demandai où il l'avait conservée, il m'avait répondu: dans son secrétaire, là où il avait également entreposé tout le reste de ses affaires datant de Poudlard. Le voile sur mes origines avait été levée, mais j'était tout de même furieuse contre lui de m'avoir caché ça. Je n'avais toujours pas digéré sa "trahison".
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Papa et Maman avaient finalement réussi à me convaincre d’y aller. Ils pensaient que si je brimais ma véritable nature, je n’allais jamais avoir ma place dans une école normale. J’avais râlé, tempêté, pleurniché, mais j’avais fini par m’y résoudre, par me faire une raison: j’allais passer les dix prochains mois à Poudlard, avec d’autres sorciers. Et actuellement, je ne savais pas si je devais m’en réjouir, ou si je devais m’en inquiéter. Dans tous les cas, c’était de leur faute si je me retrouvais sur ce fichu quai 9 ¾, avec des valises dix fois trop lourdes. Oui, j’étais en train de râler, mais quiconque me connaissant un minimum savait que j’étais toujours en train de râler, récriminer, pour tout et n’importe quoi.
"ça me rappelle mon enfance!" s'enthousiasmait Papa, alors qu'il regardait autour de lui avec une curiosité que j'aurais pu trouver attendrissante si seulement je n'étais pas aussi en colère contre lui. Néanmoins, je ne dis rien, me contentant de pincer les lèvres et de détourner la tête, comme je savais si bien le faire.
«
Tu reviendras à la maison pour Noël, n’est-ce pas? » demanda ma mère, en m’embrassant affectueusement. «
Oui Maman, je reviendrai. Et je vous écrirai toutes les semaines. » soupirai-je, agacée. «
Toutes les semaines? Mais ça va être long, chérie. Une semaine sans avoir de tes nouvelles… » «
Maman, vous allez passer dix mois sans me voir, vous pouvez bien tenir une semaine sans m’écrire. » "
Voyons Miranda." tempéra Edward, en posant une main sur l'épaule de sa femme. "
Il y a tellement de choses amusantes et intéressantes à faire à Poudlard qu'elle n'aura pas forcément le temps de nous écrire. Et ce sera une bonne chose, parce que ça voudra dire qu'elle ne s'ennuiera pas." Je ne pouvais pas m’empêcher d’être désagréable. Mes parents étaient adorable, mais les faits étaient là, je détestais les adieux, et je brûlais de les abréger tout de suite. Je voulais m’exiler au fin-fond d’un compartiment, et m’y laisser mourir pendant toute la durée du voyage. Je voulais pleurer sur mon sort et surtout, que l’on m’oublie. Si j’avais su que mon vœu allait être exaucé au pied de la lettre, je me serais sans doute abstenue de le faire.
Le train siffla une fois. Les autres familles s’embrassaient, se disaient au-revoir. Certains commençaient même à converger vers les wagons, pour espérer trouver une place. Je traînai ma lourde valise derrière moi, avant de monter dans un wagon. Je refusai l’aide qu’on me proposa pour l’y hisser. Je n’étais pas une assistée, je savais encore me débrouiller seule, jusqu’à preuve du contraire. Et non, je n’étais pas ingrate, tout du moins, j’en avais pas notion. Je fus contrainte de remonter le train un minimum, avant de trouver un compartiment de libre. Je hissai ma valise dans le porte-bagages, avant de m’asseoir sur la banquette, jambes croisées, avec un manuel traitant de la métamophose sur les genoux. Puisque je n’allais rien faire jusqu’au soir, il fallait bien que je m’instruise, non? Pour autant, mes projets de lecture furent bientôt coupés court. Deux filles venaient de me rejoindre.
«
Salut! » m’adressa la fille au carré court, un peu ronde «
On peut se mettre là? » J’acquiesçai en silence. Comme si de toute manière j’avais le choix. Tôt ou tard, j’allais être dérangée, alors que ce soit elles deux ou bien des autres, cela revenait strictement au même. «
Tu t’appelles comment? » finit par demander l’autre fille, une brune aux longs cheveux. «
Tracey Davis. » me présentai-je, sans conviction. «
Tes parents, ils ne sont pas sorciers, n’est-ce pas? » m’interrogea-t-elle en m’adressant un regard presque hostile. «
Seulement ma mère. » répondis-je avec une franchise désarmante. «
J’ignorais que j’étais moi-même une sorcière jusqu’à peu. Mon père m'a tout révélé quand j'ai reçu ma lettre...c'était un choix qu'ils ont fait de ne rien me dire» Les deux filles se lancèrent un regard entendu. «
Et vous, puis-je savoir votre nom? » j’avais dit tout cela sans les regarder une seule fois, les yeux rivés sur mon livre, intéressée par la théorie transposée à travers ces quelques lignes. «
Millicent Bulstrode. » se présenta la fille au carré court. «
Et moi, c’est Daphnée Greengrass. » renchérit l’autre.
Pour la première fois depuis le début de la conversation, je parus m’intéresser vraiment à mes compagnes d’infortune, si je puis dire. La dénommée Daphnée avait tout de ceux qui désiraient monopoliser l’attention des autres sur elle, et je détestais les gens qui présentaient une telle mentalité. «
Et tu comptes aller dans quelle maison? » m’interrogea Daphnée, de sa voix qui m’insupportait déjà. «
J’irai où on me dira d’aller. » éludai-je, en croisant mes bras. «
Alors en fait, tu ne fais qu’obéir, c’est ça? » «
Non. » coupai-je, durement, laissant poindre mon agacement. «
Je suis quelqu’un de pragmatique, je ne fais pas dans l’expectative. » Lorsque je vis le regard chafouin de Daphnée se réduire comme peau de chagrin tant elle plissait les yeux, je sus que j’avais eu le dernier mot. Alors, je retournai dans ma lecture, un sourire gonflé d’autosatisfaction plaqué aux lèvres.
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J’avais fini par coiffer ce vieux chapeau miteux. Paraissait-il qu’il avait la capacité de voir en chacun de nous afin de déterminer quelle allait être notre maison. Pour le coup, j’étais tout de même sceptique, j’attendais de voir. «
Aha! » s’écria le vieux miteux, me faisant sursauter. «
C’est donc toi, Tracey Davis. Tu sais, j’ai réparti des générations d’élèves avant toi, et j’ai eu l’occasion de répartir bien des sceptiques. » Répartis moi, qu’on en finisse, me surpris-je à penser. Toute l’école avait le regard rivé sur moi, et je détestais être le centre de l’attention, vraiment. Tout ce que je voulais, c’était me réfugier auprès de mes camarades, loin de toute cette agitation, si possible. C’était un véritable supplice que je vivais là. «
Jeune Tracey, où vais-je donc te mettre? Je vois un esprit pragmatique et rationnel, réfléchi et posé, Serdaigle t’aiderait à trouver le chemin de la grandeur, tu sais? Mais je reste convaincu que Serdaigle n’est pas la maison qu’il te faut. Je vois beaucoup d’indépendance et d’ambition, je vois en toi le désir de te réaliser par toi-même, de prouver au monde ce que tu vaux. Je vois également une volonté d’acier et un fort tempérament. Tu iras loin, jeune Tracey, très loin si tu t’en donnes les moyens. Je vois également beaucoup de loyauté, mais surtout, de la prestance et un certain sens de l’honneur…Quelque chose me dit que tu ne te laisseras pas dominer par tes camarades. Je vois également un esprit bien cynique pour un si jeune âge, un détachement certain. Très bien, très bien. Pour toi, ce sera…SERPENTARD! » Alors, une déchirure apparut dans le couvre-chef, comme une
bouche. Il hurla le nom de la maison à laquelle j’allais désormais appartenir, et il y eut des applaudissements polis, ainsi que des exclamations plus ou moins enthousiastes. Lorsque je descendis du tabouret sur lequel j’étais juchée, je pus enfin respirer. Je filai vers la table des vert-et-argent sans demander mon reste.
[Seuls les administrateurs ont le droit de voir cette image]LA FORCE - 14 y.o .
«
Dégage, Sang-de-Bourbe » avait lancé froidement Goyle, alors que je me trouvais malencontreusement en travers de son chemin. Un frisson glacé me parcourut l’échine alors que je voyais son regard chargé de mépris, comme si j’étais quelque chose de particulièrement détestable. Pourquoi m’avait-il traitée de Sang-de-Bourbe? Je n’en savais rien. Je ne savais même pas ce que cela voulait dire. Contrairement à ce que j’avais pressenti, je me faisais rarement insulter, en fait, la plupart du temps, les autres se contentaient de m’ignorer, tout bêtement. Dans un sens, cela m’arrangeait qu’ils ne fassent pas attention à moi. Je n’étais pas comme Daphnée Greengrass qui ressentaient le besoin d’avoir des dizaines de personnes gravitant autour d’elle. Je n’étais pas comme ces pimbêches de Sang-Pur qui ne voyaient rien d’autre que leur gigantesque nombril. Je déambulais dans les couloirs de Poudlard, livres dans les bras, avec la tête haute et un pas de conquérant. La première fois que je m’étais fait insulter de sang-de-bourbe, j’étais en deuxième année. maintenant, je n’y prêtais aucune espèce d’attention, surtout si Goyle était à l’origine de l’insulte. Il était de notoriété publique que Goyle était un crétin fini, que son niveau d’intelligence équivalait à celui d’une palourde, alors, je n’avais pas à me foutre en l’air pour un type pareil. Même des années après, il n’avait toujours pas compris que je n’en aurais jamais rien à faire, qu’il m’en faudrait bien plus pour m’atteindre. En effet, au fil des années, je m’étais voulu froide et inaccessible, tellement, que j’en avais perdu toute chaleur humaine, pour m’isoler dans ma bulle protectrice, qui formait désormais un rempart impénétrable entre les autres et moi. J’avais été rebaptisée
la reine des glaces. Ce n’était certes pas la panacée, mais c’était toujours mieux que
la fille invisible. J'avais également renoncé à leur expliquer que je n'étais pas exactement une sang-de-bourbe, que mon père était lui aussi un sorcier, mais cette dernière donnée ne semblait pas s'être inscrite dans les moeurs, alors, j'avais laissé tomber. S'ils continuaient à me traiter de sang-de-bourbe, c'était qu'ils n'avaient strictement rien compris, et dès lors, je ne pouvais rien faire pour eux. Cela me prouvait en outre qu'ils étaient bornés et inintéressants. Surtout s'ils étaient tous des Crabbe en puissance.
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Le bal de Noël était sur toutes les lèvres. La nouvelle s’était répandue comme une traînée de poudre, et dans le dortoir des filles, on ne parlait plus que de ça. Les filles se vantaient d’avoir été invitées par tel ou tel garçon en vue de l’école. Moi, je m’arrangeais toujours pour éluder astucieusement la question, je ne voulais pas avoir la honte aux joues de ne pas encore avoir été invitée. Alors, j’étais restée silencieuse, allongée sur mon lit à baldaquin, les bras en croix. Une fois de plus, je ne prêtais pas attention à leurs commérages, j’étais bien mieux dans mon monde. Pour autant, il ne m’était pas permis de rêver, la voix criarde de Daphnée me ramena violemment à la réalité. «
Et toi Tracey, tu y vas avec qui? » La brune darda son regard chafouin sur ma silhouette chétive, enfoncée confortablement dans les draps et les édredons. Toutes, ici présentes, étaient avides de connaître le nom de mon partenaire. En cet instant, je les détestais, vraiment. Alors, avec indifférence, comme si le fait de ne pas avoir été invitée m’indifférait, je répondis en un haussement d’épaules «
On ne m’a pas encore invitée. Et au cas où vous auriez un doute, je m’en moque complètement, je ne comptais pas aller à ce fichu bal. » Elles pouvaient croire que je réagissais de la sorte parce que j’étais frustrée, que secrètement, je bisquais de ne pas pouvoir y aller, faute de cavalier, mais c’était bien mal me connaître, je ne m’arrêtais pas à de tels détails. Les soirées mondaines, c’était très peu pour moi.
Pour autant, malgré mon intention de ne pas y aller, j’attendais dans le hall, attendant mon partenaire qui commençait à tarder un peu trop à mon goût. Finalement, j’avais été invitée à la dernière minute, ce qui m’avait contrainte à me procurer une robe de soirée en vitesse. J’avais écrit à mes parents, pour leur demander de choisir à ma place. Ma mère connaissait bien mes goûts, puisque j’étais présentement vêtue d’une magnifique robe bustier en satin argenté, avec une longue traîne, qui faisait ressortir ma peau laiteuse. Mes boucles brunes avaient été réunies en un chignon déstructuré, d’où s’échappaient quelques mèches. Daphnée Greengrass déboula dans le hall, et me toisa de son sempiternel regard supérieur. «
Je croyais que tu ne comptais pas aller au bal? » minauda Greengrass, avec toute la fausseté dont elle était capable. «
Eh bien, j’ai changé d’avis. » répondis-je, froidement. «
il se trouve que j’ai été invitée à la dernière minute. » «
Oh » répondit-elle, piquée sur le vif. «
je ne serais pas étonnée qu’il s’agisse d’un Poufsouffle ou un Gryffondor. Qui d’autre voudrait passer la soirée avec une sang-de-bourbe à son bras? » Je levai les yeux au ciel, exaspérée. J’avais oublié à quel point Daphnée pouvait avoir l’esprit étroit, à quel point elle pouvait être bête à pleurer. Tout comme Crabbe, j'avais renoncé à lui expliquer que je n'étais pas une sang-de-bourbe. Alors, autant ne pas user de salive et la laisser s'enfoncer dans sa bêtise. «
Tu serais surprise de connaître la réponse. » me contentai-je d’éluder, en lui adressant le sourire le plus mystérieux qu’il soit. Puis, je me tournai vers mon partenaire, qui était finalement arrivé. Daphnée en resta bouche-bée. J’allais au bal de noël avec Caleb Warrington, un Serpentard de septième année, joueur de Quidditch, et qui avait mis son nom dans la Coupe de Feu au début du tournoi. Caleb était grand, brun et athlétique. Il avait un visage maigre, le teint pâle, et de grand yeux d’une curieuse nuance outremer. Physiquement, il n’était pas particulièrement beau, mais il me plaisait, et c’était tout ce qui m’importait.
«
Tu es resplendissante, ce soir. » me complimenta-t-il en m’offrant son bras, que j’acceptai sans me faire prier. Puis, j’adressai un sourire rayonnant à Daphnée, qui bisquait sur place. «
Plutôt que de te demander qui irait au bal avec une Sang-de-Bourbe, demande toi plutôt qui, des autres maisons, voudrait aller au bal avec un Serpentard. Parce qu’il me semble que ce ne soit pas le sang qui fasse obstacle, mais plutôt la maison » D’accord. Peut-être étais-je la seule fille de moldus à avoir été répartie à Serpentard, mais cela ne suffisait pas à me condamner à m’acoquiner avec une personne des autres maisons. À ce que je sache, les autres étaient toujours hostiles aux Serpentard, quels qu’ils soient. Ce n’était guère étonnant, ils faisaient souvent l’amalgame Serpentard=Mangemort en devenir. Sinon, les autres étaient forcément des traîtres à leur sang. Et tant de clichés me fatiguaient, parce que mettre tout le monde dans le même panier n’était pas, en soi, une preuve d’intelligence.
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On faisait tous des erreurs dans sa vie, et la mienne s’appelait Caleb Warrington. Certes, j’avais accepté d’aller au bal avec lui, mais pour loi, ça s’arrêtait là. Je n’étais pas disposée à vivre une quelconque relation, le jour où j’allais laisser quelqu’un entrer dans mon cœur n’était pas encore arrivé. Pourtant, j’avais cédé à Caleb. Une fois. Deux fois. Trois fois. Cela faisait plusieurs mois que l’on vivait une relation passionnée et purement sexuelle, et il avait suffi d’une fois passée entre ses draps pour être moi aussi atteinte du virus. Je détestais ce sentiment inconnu qui me rongeait de l’intérieur, qui ne faisait que rendre les choses plus compliquées qu’elles ne l’étaient déjà. Malgré tout, je continuais à m’en foutre, tout du moins, de faire semblant que ça ne m’atteignait pas. Je ne montrais rien de mes sentiments, je me contentais juste de le suivre lorsqu’il venait me chercher à la bibliothèque pour s’isoler un peu dans la salle sur demande, pour ne citer que cet endroit. Bien sûr, ce n’était pas le seul endroit où on se retrouvait, il y avait parfois aussi le dortoir des garçons. Comme hier soir, par exemple. Tout en soupirant, je coinçai une cigarette entre mes lèvres, sous son regard désabusé. «
Tu ne comptes pas fumer ici, tout de même? » «
Et pourquoi pas? » rétorquai-je avec humeur. Alors, j’allumai la cigarette d’un coup de baguette magique, avant d’en tirer une bouffée. J’avais commencé à fumer à l’approche des examens, pour calmer mon stress grandissant et ma peur de l’échec. Caleb, quant à lui, faisait courir ses doigts sur ma peau nue, me procurant de délicieux frissons le long de ma colonne vertébrale. Comme à chaque fois que je finissais dans ses bras, je me sentais sale. J’avais honte de lui céder facilement, mais qu’y pouvais-je s’il suffisait que je plonge mon regard dans le sien pour m’oublier, s’il suffisait qu’il m’embrasse pour sentir une nuée de papillons s’envoler dans mon ventre?
Pourtant, il fallait qu’on arrête, ne serait-ce que pour retrouver un semblant d’amour propre. Je ne pouvais pas continuer ainsi, c’était malsain. Cependant, je n’avais pas le courage d’y mettre un terme une bonne fois pour toutes. On avait beau dire, une fois confrontés à nos propres sentiments, on se retrouvait au pied du mur. «
Il faut qu’on arrête. » murmurai-je, fermement, alors qu’il embrassait mon épaule. «
Ce n’est pas bien. » Caleb n’écouta pas, et m’embrassa dans le cou, ce qui me fit violemment frissonner. Je poussai mon copain sur le côté, avant de me dégager de son étreinte. Il m’adressa un regard empli d’incompréhension. «
Ne me fais pas croire que tu m’aimes, Caleb. » lui assénai-je, durement. «
Je ne te croirais pas. Tu n’as jamais manifesté une seule marque de tendresse ou d’affection à mon égard. » «
Toi non plus. » fit-il remarquer, avant de me prendre ma cigarette pour en tirer une bouffée, puis la replacer entre mes lèvres closes. «
Moi non plus. » répétai-je en écho. «
Raison de plus pour arrêter. On va droit dans le mur si on poursuit sur notre lancée. » «
Qu’importe. Parce que si on doit aller dans le mur, moi, j’appuierai sur l’accélérateur. » Je soupirai lourdement. Caleb n’avait visiblement pas l’intention de me lâcher, ce qui compliquait les choses dans une certaine mesure. «
Pour moi, c’est terminé. » répondis-je, dans un souffle. «
Je ne répondrai plus à tes appels, je ne me compromettrai plus en me perdant dans tes draps. Ça fait plusieurs mois que c’est du grand n’importe quoi, et je veux arrêter le massacre. » Sur-ce, je me levai du lit, avant d’attraper mon uniforme, pour m’habiller. «
Tu sais quel est ton problème, Davis? » pas Tracey. Juste Davis. Il n’y avait plus rien de tendre dans ses mots. C’était bien ce que je voulais, non? Alors, pourquoi j’étais aussi amère? «
Ton problème, » poursuivit-il, imperturbable, «
c’est que si tu continues sur ta lancée, tu finiras toute seule. Tu n’es même pas fichue de t’attacher à qui que ce soit, ni même de prendre des risques. En vérité, c’est parce que tu as la trouille, Davis. Tu as la trouille de vivre, et c’Est-ce qui va t’handicaper pour le reste de ta vie. La vie n’est rien sans prises de risque, j’espère que tu le sais. »
Oui, je le savais, et même deux fois plutôt qu’une. Pour autant, je ne me sentais pas prête à faire le grand saut. Le saut de l’ange, celui qui me fera vivre mille vertiges. Je préférais avancer à tâtons, prudemment, comme je l’ai toujours fait. Alors peut-être que j’étais glacée, peut-être que je n’avais pas de cœur, mais le jour où quelqu’un s’immiscera sous ma carapace n’était pas encore arrivé, et ça n’allait sûrement pas être Caleb. Sans mot dire, je finis de remettre mes vêtements, avant de quitter le dortoir des garçons, la tête haute, malgré les larmes qui zébraient mes joues et faisaient couler mon maquillage. La solitude me seyait si bien, pourquoi m’encombrerais-je de sentiments inutiles et difficiles à gérer? L’amour, ce n’était pas pour moi. Je n’y pouvais strictement rien y faire.
[Seuls les administrateurs ont le droit de voir cette image] L'AFFIRMATION - 15 y.o .
Le temps s’étire à l’infini. L’air se raréfie dans mes poumons, tandis que j’asphyxie sur place. Je me sens presque trop à l’étroit dans ce monde qui n’est pas les miens, j’étouffe sous le poids de tous ces mensonges. Ces mensonges qui m’écoeurent, qui me révoltent, et pourtant, ils sont miens, je ne cherche pas à rétablir un semblant de vérité. Je crois bien que je suis perdue à travers toutes ces facettes qui sont moi sans être moi. Je me sens parfois perdre pied, avant de me ressaisir. Je cligne des yeux et le malaise passe, même s’il me reste sur le bout de la langue un goût amer, un vague sentiment d’inachèvement. Parfois, mes paupières me brûlent, mais aucune larme ne vient rouler sur ma joue et me ronger la peau. J’ai cette boule qui m’obstrue la gorge, mais je me dis qu’il faut que je respire, que ça va passer. Ça doit passer. Je suis toute seule, mais qu’importe, puisque la solitude me sied mieux que la compagnie. J’empeste le tabac, car il est vrai que je fume trop. Je suis toujours dehors parce que je fuis la salle commune, à l’intérieur, je me sens simplement étouffer. J’ai en moi ce cri, né au fond des tripes, qui ne demande qu’à s’exprimer. Je continue à me taire, tout en me disant que lorsque j’hurlerai, à m’en casser la voix, je leur briserai les tympans à tous. Et il s’agissait là d’une maigre consolation, au regard du fardeau qui pèse sur mes épaules.
Journal de Tracey Davis. Novembre 1995.
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J’avais toujours le cœur au bord des lèvres, cette impression permanente de malaise qui me tordait les tripes et me mettait la tête en vrac. Bien souvent, sans aucune autre raison, un goût cuivré venait m’envahir la bouche, et ce n’était pas parce que je m’étais tout bêtement mordue la langue. Le malaise était plus profond, plus oppressant encore. Damoclès, la menace, planait au dessus de ma tête, m’enveloppant toute entière de son aura mortel. J’avais le mal de vivre, je respirais à peine. Toute couleur avait quitté mes joues, et mon regard, autrefois si joyeux, s’éteint. Les Serpentard, c’était un peu comme l’antichambre de l’Enfer, on ne s’en sortait jamais indemnes. Je les croisais parfois au détour d’un couloir, mais ils ne me saluaient jamais, ils ont tout bonnement pris le parti de m’ignorer. Ils ne tenaient pas spécialement que ça se sache qu’une sang-de-bourbe venait souiller leur si noble maison, même si je répétais à qui voulait l'entendre que je n'étais PAS une sang-de-bourbe. Quant à moi, je ne cherchais pas à faire de vagues, le mieux pour moi était qu’on m’oublie, qu’on me laisse vivre ma vie en paix. Je n’aspirais à rien d’autre qu’un peu de calme et de tranquillité.
Parfois, je me surprenais à écouter les conversations. Écouter aux portes, par la force des choses, était devenu ma spécialité. J’étais devenue une ombre tant j’étais effacée. Demeurer invisible aux yeux du commun des mortels présentait quelques petits avantages non négligeables: je savais ainsi tout sur tout le monde, j’étais les yeux et les oreilles de Poudlard. Je savais tout sur tout le monde, mais personne ne savait rien sur moi en retour. À défaut de ne pas exister, lorsque l’on me demandait qui j’étais, je répondais que je n’en avais aucune idée. Ce n’était pas un mensonge, moi aussi il m’arrivait de ne pas savoir, de réfléchir. Je réfléchissais parfois des heures, et rien ne venait. J’étais aussi muette qu’une tombe, mon esprit était désespérément hermétique. Je cherchais des réponses, mais en vain. Au final, on me reprochait de trop réfléchir, de tout calculer en avance. Trop prudente, je ne me fiais jamais à mon instinct. J’avais été si prudente, que j’en avais même oublié de vivre. L’adolescence avait filé comme de l’eau entre les doigts, et je n’avais rien vécu. Le bilan, en soi, était consternant. Mais le pire, c’était que je m’en fichais. Éperdument.
Une fois encore, je tendais l’oreille. Comme d’habitude, il se murmure entre les rangs le nom d’Ombrage. Je serre les poings, encore révoltée de ses soi-disant punitions, qui relevaient plutôt de la torture. Moi aussi j’avais ces mots cruels gravés dans ma chair, pour avoir également subi les célèbres punitions roses. Rose, pas vraiment, puisque ma peau, désormais, présentait des stigmates rouge vif, à peine cicatrisées. Et à chaque fois, Daphnée me regardait d’un air navré, comme si j’étais irrécupérable. Sans doute devait-elle le penser, c’était marqué sur son front. Le pire, c’était qu’elle ne s’en cachait même plus. Daphnée tient le monde du bout de sa baguette, et elle le sait. De nouveau, j’avais mal au cœur. L’injustice trépidait dans chaque pore de ma peau. Un jour, Crabbe avait prôné la sélection naturelle: seuls les faibles tombaient en premier. Alors, j’avais juré par tous les saints que je ne serai pas faible. Crabbe me fixait encore, de son regard de prédateur. À chaque fois, il espérait que la toute petite fille que j’étais allait flancher mais à chaque fois, il se heurtait plutôt à un mur d’indifférence. Néanmoins, l’évènement avait vocation à s’inscrire dans l’histoire: Crabbe, en train d’essayer d’avoir une quelconque conversation intelligente, c’était sans aucun doute un jour à marquer d’une croix sur le calendrier. Comme il fallait s’y attendre, je n’avais rien pu en tirer. Je m’étais simplement contentée de hocher la tête, tout en lui adressant un regard naïf qui signifiait
oui, c’est ça garçon, tu as raison. Tracey Davis, ou l’art de la diplomatie.
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