Les années passèrent et furent riches en émotions qui purent laisser pantois Mister et Miss Wagner. D'abord, ils apprirent que Ceadda était en réalité un jeune sorcier, invité par hibou à rejoindre les rangs de la très prestigieuse école de sorcellerie qu'était Poudlard. Et bien que l'aîné n'eut pu contenir sa joie, il laissa derrière lui des parents d'abord réticents, et finalement soulagés lorsqu'ils le virent gagner en maturité au fil des mois. Quoique l'absence d'un pragmatisme aiguisé put également les aider à accepter cette secouante nouvelle, le couple Wagner vit dans cette étrangeté une formidable opportunité de recadrer leur enfant trop énergique. Là où l'exercice fut plus délicat, fut bien sûr du côté de Pacôme dont l'autisme s'effaçait au fil du temps sans pour autant s'évaporer pleinement de sa personnalité : une intelligence obtuse, une réactivité soufflante, mais un manque total d'intéractions sociales marquèrent le pli de ce qu'il était devenu. Renfermé, peu souriant et rarement bavard, le jeune garçon n'avait de cesse, du haut de ses huit ans, de se plonger dans ses livres comme pour s'échapper de la réalité du monde. Réalité glaçante dont il prenait conscience peu à peu, grâce à un travail de longue haleine destiné à se débarrasser d'un autisme qui n'était pas irréversible mais qui laisserait, de toute évidence, des séquelles psychologiques.

Ainsi se passa l'enfance de Pacôme, entouré d'une mère ayant arrêté le travail pour mieux veiller sur son enfant, un père conciliant et un grand frère s'extasiant chaque semaine et par missive, de la magie que représentait Poudlard. Par ailleurs ces correspondances furent vite propices à un rituel entre les deux frères : tous les lundis, Ceadda adressait à Pacôme une lettre toute personnelle où il lui livrait un secret de Poudlard, qu'il soit avéré ou fantasmé, et lui promettait qu'à onze ans, lui aussi viendrait en rejoindre les rangs. La curiosité du cadet eut tendance à se développer à cette époque, là où rien ni personne si ce n'étaient ses précieux livres d'aventures ne pouvaient se targuer d'attirer son attention. Ainsi Pacôme s'ouvrit peu à peu au monde grâce à la puissance de l'imaginaire – bien que toujours engoncé dans sa solitude sacralisée – et se plut à errer en pensées dans les couloirs de Poudlard. Là où beaucoup échouèrent pour le sortir de sa léthargie, Ceadda réussit à éveiller chez son frère les premières étincelles qui purent l'épanouir. Et plus le temps passait plus le jeune garçon s'ouvrait au monde, jamais de manière frontale qui puisse être trop brute, toujours en douceur, mais gagna du terrain contre une maladie qui ne sut que lui fermer les yeux sur le monde.

Ce qui put plaire aux premiers abords eut tôt fait d'alerter les parents : et si Pacôme ne recevait jamais sa lettre ? Ils ne doutaient pas que cela pourrait affecter l'enfant, et pire encore le plonger de manière définitive dans les tréfonds de son autisme. Ah, mais quel ne fut pas leur soulagement de voir, après avoir guetté longuement par la fenêtre l'arrivée d'un hibou, quelques heures avant celle qui sonnait les onze ans de Pacôme, un volatile apporter la lettre tant attendue. Le cadet était bel et bien invité à Poudlard, et cette grande nouvelle lui arracha ce que personne auparavant ne sut lui prendre : un éclat de rire, sinon relativement discret, mais bien présent.


Ne nions pas que les premières années furent bien difficiles. Si Pacôme était parvenu entre temps à guérir son étrange manie de ne jamais intégrer les autres dans son environnement, et qu'il put tout à fait intéragir avec ses comparses, il n'en demeurait pas moins asocial, reclus dans une solitude volontaire et aussi sombre que les nuits hivernales. L'arrivée chez les Gryffons lui fut aussi brutal que bénéfique : il dut apprendre à vivre en groupe (quoique ce ne fut pas sans difficultés), à répondre lorsqu'on lui adressa la parole, et finalement à apprécier les moments passés avec ses camarades. Si ses rires demeuraient rares, ses sourires se clairsemèrent et son épanouissement personnel également. Car malgré une personnalité inspirant contre son gré l'antipathie, Pacôme vit son charisme s'amplifier au fur et à mesure que les années passèrent. Le vilain petit canard raillé par d'autres, sous couvert de ses différences, devint un jeune homme dont les traits anguleux et sombres vinrent attiser l'envie des jeunes filles en fleur. Et c'est là que le comique de situation put s'implanter.

« T'as vu Pacôme, y a un bal de Noël. » Elisa, fraîche et pétillante, avait accéléré le pas pour mieux venir à hauteur du Gryffondor dont la marche cadencée avait toujours été rapide. Comme s'il espérait s'extirper au plus vite de la foule. « Je sais. » se contenta-t-il de souffler comme il tourna ses yeux de braise vers la demoiselle, plein de flegme. « Et, t'as prévu d'y aller ? » Etrange question que voilà, et qui lui valut bien de sourciller. « Non. » Un frisson parcourut le dos de la demoiselle comme elle interpréta sa réplique comme un refus catégorique, là où Pacôme pensait simplement s'exprimer normalement. Elle se força donc à sourire tristement avant de tourner les talons, laissant Pacôme seul avec son étonnement, jusqu'à ce que son frère aîné – alors âgé de dix-sept ans à l'époque – ne le rattrape. « Pacôme, Pacôme, Pacôme... Hey, tu nous fais quoi là ? » Ceadda posa un bras sur l'épaule de son frère, aussi décontracté que pouvait lui accorder sa réputation. Don juan affirmé mais apprécié, il avait su se forger une renommée conséquente. « La belle Elisa t'invite, et tu lui fous un râteau. » « C'est ce que j'ai fait ? » siffla alors un Pacôme sceptique. « Je lui ai juste dit que je ne comptais pas y aller. » « Parfois, faut apprendre à lire entre les lignes, frangin. » Et Ceadda de lui tapoter virilement l'épaule avant de se lancer dans une diatribe mêlant filles, relations sociales, et importance d'un bal lorsqu'il s'agissait d'un premier rendez-vous.

Ainsi les années passées à Poudlard furent bénéfiques à Pacôme qui dut apprendre à maquiller son manque d'empathie en des faux semblants qui plurent à la société. A son tour, on en vint à l'apprécier et à gommer ses différences devenues de plus en plus ténues tant le Gryffondor était parvenu à bien s'intégrer malgré une personnalité relativement froide. Il eut par ailleurs ses diplômes haut la main – grâce à sa manie toujours présente de se réfugier dans les livres lorsqu'il fut contrarié – , vécut sa vie d'adolescent normalement avec ses déboires amoureux et ses conneries prépubères, et s'engagea même à devenir médicomage dès lors qu'il fut sorti de Poudlard. Animé par un profond désir d'annihiler les maladies comme il put endormir la sienne, Pacôme était destiné à un brillant avenir.

Chapitre trois :

seven pounds