Je monte tranquillement les escaliers, rejoignant le dortoir, un peu morose aujourd'hui. Hannah ne va pas très bien et sa mauvaise humeur obscurcit la mienne. Je pense à mes parents, en Grèce, si loin de moi... au moins, ils sont en sécurité. Je sais que je n'aurais pas pu abandonner mes camarades à leur sort ici à Poudlard, mais lorsque les temps sont si durs, je me demande parfois si j'ai fait le bon choix. Je soupire alors que j'entre dans le dortoir, pinçant des lèvres lorsque je t'entends Hannah sangloter. On a tous peur, mais je ne veux pas qu'elle se laisse happer par le désespoir. Il ne faut pas se laisser abattre. « Hé », je murmure doucement, m’installant à ses côtés dans le lit aux couvertures jaune foncé. « Ca va aller, un jour tout ça sera fini et cela voudra dire qu’on a réussi, qu’on a réalisé notre but. Et on pourra enfin partir à la recherche de notre prince charmant », je souris alors que je l’entends rire doucement. Elle se tourne vers moi, les yeux embués de larmes, mais un sourire aux lèvres. « Tu ne penses pas qu’on va mourir ? » me demande-t-elle d’une petite voix incertaine. Je lui souris, moi aussi, réconfortante. « Non, je ne crois pas. Nous sommes des Poufs après tout, non ? » Elle secoue la tête, toujours amusée par la fierté que j’éprouve envers ma maison. « Et Neville nous défendra. N’est-il pas devenu juste.. waouh ? » On se sourit, complice, et je me lève, lui caressant doucement les cheveux. « Repose-toi. Moi, je crois que je vais regarder mon album photo… me remémorer ce pourquoi je me bats, ce pourquoi je dois garder espoir… » Elle hoche la tête et se retourne, fermant les yeux, espérant rejoindre un sommeil réparateur et des rêves où la réalité n’a pas sa place. Je rejoins mon propre lit et attrape l’album, posé sur ma table de chevet. C’est devenu une habitude pour moi depuis que je suis revenue à Poudlard. Je n’ai pas de pensine pour revoir tous les souvenirs joyeux, mais j’ai des photos ; et c’est amplement suffisant.

J’ouvre l’album, accueillant la première photo avec un sourire paisible. La Grèce. Notre petit village. Mes parents y habitent depuis que j’ai onze ans et, quand je peux, je vais les voir - ils me manquent quand même terriblement, surtout que j’ai peur qu’on les retrouve. Ma mère est une moldue, et si j’étais effondrée lorsque j’ai appris qu’elle était mutée en Grèce, je pense maintenant que c’était la meilleure chose qui puisse nous arriver. J’aurais tellement aimé que ma tante Amélia parte avec eux… C’est chez elle que j’habitais et lorsqu’elle est morte… Je secoue la tête, essayant de me concentrer sur les souvenirs heureux, sur ceux qui m’aident à créer mon patronus - un ours, et bien que je ne comprends pas encore sa signification, je l’adore. Il me réconforte, et il m’arrive parfois de le lancer sans raison, juste pour le voir tourner autour de moi, insouciant et magique. Je souris, et plonge mon regard dans la photo, m’immergeant par la même occasion dans les profondeurs de ma mémoire. Je vois le soleil qui me brûle la peau, les balades à minuit, mes parents qui sont heureux, mon père qui séduit ma mère avec sa magie… Je vois les beaux garçons à la plage. Je pense que c’est la Grèce qui a éveillé en moi cet instinct de séductrice, cet amour des hommes. Je n’ai jamais véritablement sauté le pas, j’ai déjà eu des petits copains et échangé quelques baisers, la Grèce me libérant de toute pudeur. C’est amusant de flirter. A Poudlard ce n’est pas pareil. Il y a beaucoup de choses que je ne me permets pas à Poudlard, surtout en cette période sombre. J’avais pensé que ma dernière année à l’école serait passionnante, la consécration de mon adolescence… Je change de page et je tombe sur mon cheval, Inconnu. Je suis la personne qui a aidé sa maman a accouché, c’est comme mon bébé. C’est la chose la plus précieuse à mes yeux. J’aime faire du cheval, j’aime me balader avec Inconnu ; et mon rêve est de galoper sur le territoire entier de Poudlard avec lui, explorer et redécouvrir ce qui fut ma maison pendant six ans. J’espère vraiment pouvoir vivre ce rêve et je défendrai cette école jusqu’au bout pour qu’elle ne soit pas détruite. La photo suivante m’amène la larme à l’œil et je vois mes parents posant avec ma tante. Ma mère est si belle dans sa robe blanche… Je ne comprends pas qu’on puisse vouloir tant de mal aux moldus, je ne saisis pas pourquoi on les pense inférieurs aux sorciers alors qu’ils sont tellement intéressants et enrichissants. Je ne comprends pas pourquoi on voudrait du mal à une femme aussi intelligente et souriante que ma mère.

La photo suivante me fait d’autant plus sourire que les autres lorsque j’aperçois la Grande Salle de Poudlard décorée pour Noël. Je ris doucement lorsque je vois Harry et Ron. C’était notre premier Noël au château, j’avais absolument voulu prendre une photo avant de partir chez ma tante Amélia afin qu’on se rende toutes les deux en Grèce. On était si jeunes, si insouciants. Nous n’avions pas le poids de la guerre sur nos épaules, nous pensions même que Harry nous avait débarrassé à tout jamais de Voldemort. Pauvre Harry. Je ne sais pas ce qu’il fait en ce moment, mais comme mes camarades, j’ai décidé de lui confier ma vie. Je lui fais confiance. J’espère que, l’année prochaine, le Noël à Poudlard ne ressemblera pas à celui que nous avons eu cette année. Je ne serai pas là pour le voir, mais les plus jeunes le méritent, surtout les pauvres premières années qui découvrent l’école en cette période… Heureusement que ce n’était pas comme ça lorsque je suis arrivée. Je me souviens l’émerveillement, l’anticipation, mes grands yeux ébahis en découvrant la Grande Salle. J’entends encore le Choixpeau crier « Poufsouffle! » et les gens m’applaudir, alors que j’accueillais mon destin le sourire aux lèvres. Lorsque j’ai rejoint le dortoir des jaunes, je m’y suis de suite sentie comme chez moi. Les couleurs chaudes, le feu de cheminée, les portes de dortoir arrondies et mes camarades… Je les ai rapidement adorés. J’ai adoré les anecdotes des plus vieux pour se rendre dans les cuisines, j’ai adoré les nuits blanches au coin du feu alors que les années défilaient, j’ai adoré les cours et les professeurs, certains moins que d’autres bien sûr (oui, j’avoue avoir eu le béguin pour le professeur Lockhart, ça me gêne toujours autant alors chut !), j’ai adoré les festins, les sorties à Pré-au-Lard, les flirts, rentrer chez ma tante et chez mes parents après des mois sans les avoir vus, j’ai adoré notre rébellion contre Ombrage, j'ai adoré l’Armée de Dumbledore, j’ai adoré me sentir plus forte au fil du temps et j’ai adoré apprendre de Harry comment créer un patronus corporel. Tous ces souvenirs sont ceux pour lesquels je peux me réveiller le matin sans me laisser envahir par le chagrin. Car ce sont des choses pour lesquelles ça vaut la peine de se battre. Les amis, les bons moments, la réussite, les sourires, les cours, et juste… les bonnes choses. Les bonnes valeurs.

Je tourne la page du bout des doigts, sachant déjà que la prochaine photo n’est pas un souvenir aussi joyeux que je l’aurais voulu, mais bien une piqûre de rappel : j’ai vécu des choses terribles, qui m’ont changée et m’ont montrée la force que je pouvais posséder, le courage dont je pouvais faire preuve pour affronter les épreuves. Je ne suis pas une Gryffondor mais je n’en suis pas moins brave et je l’ai découvert en cinquième année. Cette photo date de cette époque. C’est la Forêt Interdite, sombre et dangereuse, comme l’ambiance qui s’installait petit à petit dans le monde sorcier. Je croyais Harry lorsqu’il disait que Voldemort était de retour - comment ne pas le croire ? Je ne pouvais décemment pas penser que Cédric était mort comme ça, sans raison. Je l’ai cru, mais peut-être pas soutenu comme je l’aurais espéré. J’étais perdue dans mon petit monde, ma tante avait beaucoup de soucis au ministère et mes parents ne voulaient pas que je revienne à Poudlard. Je devais gérer ma propre adolescence aussi, les garçons, Ernie, Justin… Mais j’observais de loin le trio, et lorsqu’on m’a demandée de rejoindre l’AD, j’ai accepté sans hésiter, souhaitant apprendre à me battre, à me défendre. Je commençais à comprendre ce que Harry ressentait, surtout lorsque les mangemorts qui ont tué mon oncle et sa famille se sont échappés d’Azkaban. J’avais peur qu’ils s’en prennent à ma tante ou qu’ils recherchent mon père ; et puis, d’un seul coup, tout le monde s’intéressait à moi et à mon histoire. C’était gênant, presque dégradant de se voir appréciée à cause d’une telle tragédie. J’en ai parlé à Harry et il m’a soutenue. C’est vraiment une belle personne. Je ne sais pas ce qui s’est passé à la fin de cette année, pas en totalité en tout cas, mais ça a changé Harry - et surtout le monde. Plus personne ne pouvait nier le retour de Voldemort et la peur m’a assaillie, bien plus que lorsque son retour, bien que réel, n’était qu’une vague image dans nos esprits. J’ai même voulu rentrer en Grèce. Mais j’ai pensé à tout ce monde, à ce qu’on avait déjà perdu dans cette guerre, à ce qu’on perdrait encore, alors je suis revenue. Cette sixième année à Poudlard fut la plus sombre pour moi. Amélia fut tuée par ce bâtard de Voldemort alors que les vacances d‘été finissaient, parce qu’elle était trop importante au ministère, trop influente. J’étais, heureusement ou pas, chez mon amie Hannah lorsque c’est arrivé. Je n’ai même pas pu lui dire au revoir… L’attention qui m’avait été accordée l’année précédente fut décuplée, et j’avais envie d’exploser. Heureusement que mes amis furent présents, heureusement que j’étais entourée, aimée. L’année fut mouvementée. Je me souviens ce cours de transplanage aussi, durant lequel j’ai été désartibulée. Cela me donne encore des frissons de terreur lorsque j’y repense. Et, bien sûr, je me souviens des mangemorts envahissant Poudlard alors que l’année touchait à sa fin, même si je n’ai appris que plus tard ce qui était arrivé. Je pense que j’aurais eu la force de combattre avec mes amis contre ces monstres, ma tante avait après tout tenu un long duel contre Voldemort et j’aurais voulu honorer sa mémoire en faisant de même, en la vengeant, mais je n’avais pas été mise au courant… Quand j’y réfléchis, je me dis qu’il m’aurait fallu beaucoup de courage pour me lever et aller me battre contre des sorciers aguerris, mais je pense que j’aurais pu le faire. Vraiment.

Oh, cette image. Starry Night, de Van Gogh. Mon tableau préféré, celui qui m’inspire le plus de choses, celui qui arrive à faire de moi une poète lors des jours moroses, celui qui m’a fait croire en la magie bien plus que les sorts de mon père, celui qui m’a donnée envie d’étudier le vaste ciel et les étoiles. Je veux devenir professeur d’astronomie et, même si cela peut sembler idiot, je me bats aussi pour ce rêve, pour transmettre aux plus jeunes ma passion de l’univers. Je veux vivre aussi pour essayer de changer les choses, pour améliorer les lois, pour donner des droits aux créatures magiques, comme aux centaures par exemple. Combien de fois me suis-je rendue dans la Forêt Interdite pour parler étoiles et future avec les centaures, quand même bien cela pouvait être dangereux ! Les étoiles m’appellent, elles me disent de suivre leur lumière, la lumière, et de me fier à la beauté de la nature lorsque je ne vais pas bien. Ca fonctionne, aussi étrange que cela puisse paraître. Je vois Albus Dumbledore, sourire sereinement aux élèves, je vois ma tante, protégeant de son regard sévère le château, et je vois tous ces sourires perdus à jamais mais gravés dans nos cœurs… Oh, que je dois paraître niaise et folle ! Ca doit être vrai. Luna Lovegood n’a pas le monopole de l’originalité. Mes amis disent de moi que je suis une grande rêveuse, une fidèle au cœur généreux, une lunatique aux envies étranges, une personne exigeante, droite, confiante, joueuse, taquine, un peu trop dynamique peut-être - et c’est grâce à ce qu’ils pensent de moi, c’est grâce à ce qu’ils voient en moi que je me sens forte et que je vais réussir à me dresser contre tout ce qui nuit à notre futur paisible.