“ in the darkness of our thoughts ”

DAEDRA E. MILLS & THEODORE NOTT
La nuit venait de tomber sur le château. Les couloirs étaient silencieux et calmes, on y sentait presque encore la présence des derniers élèves qui les avaient traversés pour se rendre à leurs dortoirs. C’était à ce moment là de la journée que Theodore appréciait le plus le château. Cette paix éphémère lui donner l’occasion de se retrouver seul avec ces murs, de profiter des moindres recoins de la bâtisse, sans jamais qu’on le dérange. Il était chez lui, se promenait dans sa propriété, privilégié parmi le millier d’étudiants. Quelques fois, il lui arrivait d’imaginer Poudlard quelques années auparavant. Au temps de son père, du Seigneur des Ténèbres. Il était étrange de se dire qu’ils avaient tous les deux franchis ces mêmes portes, sous les regards des mêmes tableaux. Peut-être qu’un jour, quelqu’un se promènerait aussi dans ces mêmes salles, imaginant Theodore Nott à dix-sept ans, insigne de préfet-en-chef épinglé sur la poitrine. Un sourire se dessina sur ses lèvres. Il aimait bien cette idée.
Le Serpentard dévala les escaliers qui menaient au deuxième étage. Voilà bientôt cinq mois que tous les soirs, il descendait effectuer sa ronde de minuit, baguette en main. Il avait eu le temps de se préparer un petit itinéraire, qu’il n’oubliait pas de modifier légèrement au gré de ses envies, ce qui lui permettait d’éviter d’être repéré. Évidemment, à cette heure-ci, rares étaient les élèves qui osaient s’aventurer en dehors de leurs dortoirs. La plupart dormaient, les seuls qui sortaient s’étant déjà fait attrapés par les préfets, lors des rondes précédentes. Il était – avec Hester, bien entendu – le dernier à contrôler le bâtiment avant l’aube, si l’on excluait les fantômes ou le vieux Rusard, qui était parfois prit d’insomnies. Et c’était dans ces moments là qu’il aimait réfléchir sur toutes sortes de choses. Il pensait à son père, à sa défunte mère. Il pensait à l’Ordre du Phénix et à Harry Potter. Il réfléchissait à son avenir dans ce monde incertain. Enfin quelques fois, il lui arrivait de songer à Skyler Mills, une jeune fille de Serpentard avec qui il s’était lié d’amitié l’année dernière. C’'était sans doute l’une des personnes avec qui il était le plus proche ici, à Poudlard. Enfin, ce n'était pas bien difficile : il n'y avait jamais eu de véritables compagnons, et ce depuis ses premières années. Il avait abandonné toute tentative d’explication. Les autres ne lui inspiraient pas confiance et en retour, se méfiaient de lui. Mais elle lui semblait différente des autres et même s’ils n’étaient pas d’accord sur plusieurs points, il avait cru comprendre qu’ils se ressemblaient beaucoup plus qu’aucun d’entre eux ne l’aurait jamais avoué.
Skyler. Il n’y avait pas qu’elle. En Juin dernier, alors que le monde sorcier se déchirait entre les fidèles de Vous-Savez-Qui et ceux qui désormais étaient de l’opposition, Theodore avait apprit l’existence de sa jumelle. Il avait d’abord était abasourdi par la nouvelle. Pendant un an, il avait fréquenté une fille sans jamais savoir qu’elle avait une jumelle. Il y avait de quoi se poser des questions. Mais par la suite, il avait comprit. Daedra était chez les Gryffondors et n’avait rien de semblable à sa sœur, si ce n’était son physique. En un sens, elle était un peu le mouton noir des Mills. A l’époque, il n’y avait pas prêté attention, mais c’était avant de découvrir ce que son père lui avait préparé.

Des fiançailles. La promesse d’un mariage. Une union avec une demoiselle dont il ignorait jusqu’alors l’existence même. Diable, il ne s’en était pas encore complétement remit. Une fois de retour dans le Hampshire, Alistair lui avait annoncé qu’il lui avait « dégoté une jolie gamine ». Sans préciser son prénom. « Elle est de bonne famille, ne fais-tu donc pas confiance à ton vieux père, Theodore ? » lui avait-il craché. Il rigola doucement en repensant à sa première visite chez les Mills. Il avait cru voir Skyler, avant de comprendre. Un fiasco. Aujourd’hui, il avait cette terrible impression d’être coincé, prit au piège. On ne lui laissait pas le choix. Et encore, ce n’était même pas comme s’il s’entendait bien avec sa prétendante. Il ne s’était même pas adressé la parole et ce depuis le mois de Septembre. Les regards qu’ils s’échangeaient en disaient long sur leur ressenti. Il ne voulait d’une inconnue qu’on lui aurait refilé de force, elle refusait de se marier à un imbécile de Serpentard. D’ailleurs, il était prêt à mettre sa main au feu qu’elle sympathisait aux idées de Potter et Cie. Il avait vu ses fréquentations. Le pire, c’était que ça ne lui faisait ni chaud, ni froid.

Theodore chassa Daedra de son esprit et continua jusqu’au premier étage. Alors que l’escalier s’éloignait du couloir dans un grondement assourdissant, il se glissa vers la Salle des Trophées.
Elle était faiblement éclairée, mais le seul rayon de lumière qui traversait la fenêtre était réfléchi par une énorme coupe argentée, ce qui donnait une dimension céleste à la pièce. Il se sentait bien ici. C’était encore une fois un lieu chargé d’histoire, rarement visité des autres. Le plus silencieusement possible, Nott contourna les montagnes de médailles pour se rendre vers le coté opposé de la pièce. Il laissa promener son regard sur les divers badges qui ornaient les vitrines. Un écusson en particulier attira son attention. Il leva doucement sa baguette vers la glace, essayant de lire l’inscription qui était gravé dans l’or.

Le Serpentard frissonna. Décidemment. Préférant ne pas s’attarder sur cette récompense, il continua à parcourir les vitrines, essayant de reconnaître les noms qui avaient eu le privilège de se retrouver gravés à tout jamais dans le métal. Il croisa Dumbledore, McGonagall, Jedusor encore une fois, Potter et ce qui semblait avoir été son père. Bientôt il eu visité tous les recoins de la Salle, et se résigna donc à s’en aller, afin de terminer sa ronde et enfin d’aller se coucher.
Mais tandis qu’il se dirigeait vers la sortie, un bruit attira son attention. C’était comme un frottement, ou un bruissement si léger qu’il pensa avoir rêvé. Il l’entendit encore une fois. C'était bien réel. « Peeves… » murmura-t-il, furieux. Ce maudit esprit frappeur rendait chaque nuit sa tâche un peu plus contraignante. Bien décidé à le surprendre cette fois, il se fit demi-tour sur la pointe des pieds.

Mais ce n’était pas Peeves. Sauf si le Poltergeist s’était fait poussé une longue chevelure blonde, il ne s’agissait pas de lui. Et Theodore, malgré la faible luminosité, avait reconnu la silhouette fine et gracieuse de la Gryffondor qui lui tournait le dos. Il grimpa avec précaution sur une table, près de la porte. Prêt à assurer son effet. « Bonsoir Daedra. » dit-il d’une voix doucereuse. « Je pensais que toi et tes camarades de Gryffondor n’osiez plus vous promener dans les couloirs, par les temps qui courent. Quel bon vent t’amène ? » Son ton était calme, presque affectif. Il lui adressa un sourire faussement jovial. Avec un peu de chance, il se coucherait en ayant tiré un peu d’amusement de cette soirée.