"LOSING CONTROL"
«
Ils sont pitoyables … pitoyable … » Elle marmonne, tête baissée, fendant la foule qui encombre sa marche. Eclair d’irritation. Volcan menaçant d’exploser, elle ne s’excuse pas lorsqu’elle pousse sans vergogne ces gens qui lui bouchent le passage. Elle se voit pourtant obligé de s’arrêter lorsque l’impétueux agrippe son poignet avec vigueur. «
Mais lâche moi ! » Elle hurle sa phrase comme s’il avait eut dans l’idée de lui faire du mal. Tous se tournent vers eux, les yeux ronds de stupéfaction mais elle ne cille pas, aucunement gêné, son regard sombre s’abat sur l’homme qui, malgré son âge, possède une carrure imposante de part sa grande taille. Il fixe son regard avec intensité, esquissant un sourire amusé avant de lâcher le poignet de la jeune femme d’un geste théâtrale et de la laisser faire quelques pas pour s’éloigner de lui. «
Je tenais simplement à te signaler qu’à priori, tu as fait tomber ton bracelet dans ta course. » Elle s’arrête, se retourne avec lenteur et fulmine. Bouillonne silencieusement. Ses pas martèlent le sol avec rage et son regard sombre s’abat à nouveau sur l’homme avec moins de virulence que précédemment. Une pointe de gêne aussi. Pourtant, si tel est le cas, elle n’en pipe rien, ramasse la babiole et repart plus pressée que jamais. Les gens ont cessé d’épier, il chuchote à propos de cette blonde sulfureuse. Parce que oui,
on raconte qu’elle entend des voix. Qu’elle est un peu folle.
Adossé au mur, prit d’une migraine dévastatrice, la blonde ferme les yeux avec force, comme si elle tentait de chasser les démons qui l’obsèdent. Sa schizophrénie la rattrape, que ce soit chez elle ou dans cette école. Et lentement, elle perd l’espoir d’être un jour sereine. Ses poings serrés remonte jusqu’à son visage ou, ses mains détendues appuies sur ses tempes. Haletante, sa tête est plaquée contre le mur, elle implore le silence, un silence qui ne vient pas. S’écroulant sur le sol, elle perd le contrôle, ses supplications sont vaines et les voix se muent en un brouhaha déstabilisant. Marshall observe, silencieux, sans comprendre. Sans savoir quoi faire. C’est le pas mal assuré qu’il se permet d’avancer, approchant la furie qui continue sa complainte en se tenant fermement la tête. Il pose une main sur son avant bras et ne voit pas l’autre main qui arrive à la vitesse de la lumière pour s’écraser sur sa joue désormais voilée d’une plaque rougeâtre soulignant le choc du coup. Sans se démonter pourtant, il arbore un visage inquiet, tentant de faire revenir la blonde à la raison, attrapant ses bras chétifs avec vigueur. Son regard apeuré se pose sur celui de Marshall et les larmes coulent d’elle-même sur son visage si fin. Elle murmure une nouvelle fois. «
Pitié, taisez-vous. » Elle se débat, tentative vaine d’échapper au sauvetage malhabile de Marshall qui, sans savoir quoi faire d’autre, l’attire à lui, enserrant la jeune femme avec force, sans non plus lui faire mal, espérant ainsi calmer les craintes qui la happe. Il lui parle calmement, espérant que son esprit s’apaise enfin et que les soubresauts de son corps meurtrit par la maladie cessent. Elle finit par se calmer, ne bougeant plus. Elle reste là, longuement niché dans les bras de Marshall, sans plus rien dire, se délectant du silence imposé dans son esprit.
«
Attends Marshall, t’en vas pas. » Elle s’agrippe à son bras comme si elle était effrayée à l’idée d’être seule, son regard céruléen implore le jeune homme de ne pas la quitter, comme si, en partant, il s’en allait pour toujours. Son sourire se veut réconfortant, pourtant, le regard de la belle demeure inchangée. «
Je peux pas rester Lula. Si on me trouve ici, je suis bon pour nettoyer toutes les salles de classe jusqu’à la fin de l’année. » Ses yeux brillent d’une peur que Marshall ne lui connaît que trop bien. Elle devient cette gamine chétive effrayée à l’idée d’entendre s’insinuer dans son esprit ses voix cruelles qui marmonnent des inepties. «
Quand tu es là, je ne les entends plus. Elles disparaissent. » Si, pour toute réponse, Marshall ne dévoile qu’un visage impassible, il sait toutefois à quoi Lula fait allusion. Il demeure stoïque, sans savoir s’il doit malgré tout la laisser tomber et retourner dans sa chambre ou prendre le risque de rester auprès d’elle. «
Je t’en prit, ne m’abandonne pas. J’ai besoin de toi. » Une simple allusion à ses voix qui envahissent son esprit ou bien plus que cela ? La question taraude le jeune homme qui pourtant n’en montre rien. Cette ultime requête suffit à le faire abdiquer. Que ne ferait-il pas pour Lula ?
Sa Lula. Au fil des mois, leur relation n’avait fait qu’évoluer. Un lien désormais indéfectible les liaient. Inséparable, deux faces d’une même pièce, si différente et si proche pourtant. Il avait vu naître dans son ciel autrefois si sombre cette étincelle de lumière qui désormais égayait sa vie entière. Pourtant, le statut de couple n’était pas encore celui qui les qualifiait. Ils n’étaient encore que des amis proches. Les meilleurs amis. Et pourtant, ils demeuraient évidents dans leurs esprits à tout deux qu’un avenir plus grand se profilait pour eux. Pour leur relation. Affichant un sourire bienveillant, il se permet de prendre place sur le lit, Lula se plaçant dos à lui, laissant son bras robuste enserré sa taille avec affection. Les seuls moments ou elle est sur de ne pas entendre ces voix, c’est lorsque Marshall est prêt d’elle. Il lui apporte un réconfort que nul autre n’a su lui apporter.
«
Je crois que tes parents ne m’aiment pas. » Il esquisse un sourire à cette pensée tandis que Lula vient s’asseoir sur les marches du perron à son côté, passant son bras sous celui de Marshall dans un sourire affectueux. Elle approche son visage du sien, son regard brille, comme souvent en sa présence, étincelle de bien-être qui lui fait oublier qu’autrefois, elle n’était accompagnée que d’un brouhaha dérangeant. «
Et je crois que je m’en fiche. » Il connaît la frêle relation qu’entretient Lula avec sa famille. Les Wildworth n’ont pas tardés à mettre la jolie blonde en retrait lorsqu’elle eut la mauvaise idée d’évoquer les voix qui faisaient irruption dans sa tête. La folie était une tare que ceux-ci n’acceptaient pas. Depuis, rien n’avait jamais plus été simple pour Lula. «
Ils ne viendront pas au mariage non plus. » C’est l’amertume qui perle au creux de ces paroles. Attristé de voir que la famille de Lula n’est pas à sa hauteur. Que la peur qu’ils ont au sujet de la folie de leur fille attise leur animosité cruelle. «
Mais c’est avec toi que je me marie. Pas avec eux. Ca m’embête évidemment, mais je suis résignée depuis bien longtemps déjà. Vous êtes ma famille, toi et ce bébé » La main sur son ventre en dit long. Il esquisse un nouveau sourire, tournant la tête vers Lula dont le regard brillant luit cette fois-ci d’une légèrement tristesse que, d’un tendre baiser, Marshall tente de faire disparaître.
«
Lula ? Lula je t’ai appelé toute la journée j’ai eut aucune réponse ! » Inquiet, Marshall déposé dans l’entrée sa veste et sa sacoche, passant par la cuisine puis le salon, en quête de sa femme et sa fille. Il marque un mouvement de recule prononcé lorsque dans l’ombre de la chambre de leur fille se dessine la silhouette légèrement bossu d’une vieille femme. «
Oh monsieur … non vous n’devriez pas v’nir mettre un coup d’œil par là. J’vais vous l’dire moi, c’qui s’est passé et … » La panique s’insinue dans les veines de Marshall qui tente vainement de passé, n’osant toutefois pas trop pousser la vieille voisine qui continue pourtant de lui faire obstinément obstacle. Son regard sombre d’abbat sur la vieille femme qui ne semble pas touché par la fureur qui émane de l’homme. «
Laissez moi passer Greta. » Il fixe intensément la femme et, comme pour appuyer ses propos il réitère : «
Laisser moi passer, maintenant » Las de voir cette détermination qui ne s’effrite pas, la vielle dame pousse de tout son point le grand dadet qui lui fait face, refermant un instant la porte, l’obligeant à se pencher pour arriver à sa hauteur. Elle fixe ses yeux avec intensité avant de s’écarter. «
Mon p’tit, Mme Hastings elle est pas en état d’vous laissez la voir. Et vous êtes pas prêt à affronter ça non plus. » Il ne cille pas. Finalement, elle s’écarte, le visage grave, sans ajouter un mot de plus, se contentant d’écouter, peinée, Marshall qui se rue dans la chambre de la petite. Le spectacle le glace d’effroi, le corps gisant de son épouse demeure inerte, écroulé sur le sol, leur fille dans ses bras mous, leurs visages pâles contrastes avec l’habituel teint halée qu’elles arborent toutes deux. Leurs yeux sont clos et, intérieurement, il sait que cela n’est dû qu’à la bienveillante femme qui l’a précédé. Tel l’automate, il s’extirpe de la chambre, ses gestes sont saccadé, tout comme sa respiration. Il ne parvient plus à savoir ce qu’il ressent et, face au choc qui lui martèle l’esprit, il ne parvient même pas à pleurer. «
J’t’avais dit t’pas y aller mon p’tit. V’là qu’ils sont tous de retour. Moi j’te l’dis, ils nous font d’jà un carnage là-dehors. J’sais pas pourquoi ils s’en sont prit à elles. S’qu’y’est sur, c’est qu’ils l’emport’ront pas au paradis celle-là. » Elle secoue la tête, peinée. «
C’est pas ta faute mon p’tit. Les mangemorts, ils frappent toujours ceux qu’faut pas. » Son regard offre une compassion qui ne suffit pas à combler le fossé qui vient de se creuser dans la poitrine de Marshall. Il fixe la femme d’un air hébété, comprenant alors les propos qu’elle tient. «
Les mangemorts. » Voilà dont les fautifs. Les bourreaux qui ont détruit sa vie. La vieille approche de Marshall, posant une main affectueuse sur son avant bras. Le contact humain électrise le jeune homme, comme des électrochocs qui le feraient revenir à la raison. Il se cabre un instant, ses yeux s’embuant d’un flot de larmes qui ne tarde pas à couler sur ses joues. Il s’abaisse au niveau de la vieille qui le tire à elle et le prend dans ses bras, suivant le corps qui tombe à genoux sur le sol dans un flot de complainte désespérée pour voir revenir à la vie les deux femmes de sa vie.
Il fixe l’horizon, blasé, indifférent au monde qui l’entoure. Il est là, assis sur le rocking-chair, prêt de la fenêtre qui inonde la pièce d’un soleil qui lui semble fade. Bière à la main, il la porte à ses lèvres, il n’est que neuf heures. La pièce sent le renfermer. Les deux corps qui gisaient là il y a quelques mois déjà ont désormais disparût, remplacer par un tas de bibelots insignifiants qui paraissent important aux yeux du veuf. La tétine de sa fille. La dernière paire de boucle d’oreille qu’à mit Lula. Rien n’était obsolète désormais que ni l’une ni l’autre ne pouvait en faire usage. Derrière lui, le grincement de la porte ne le fait pas réagir. L’odeur de menthe poivrée qui lui parvient ne laisse aucun doute sur la personne qui vient de faire irruption dans la chambre. Cette même femme qui continue de venir le voir chaque jour tandis qu’elle tente de lui montrer que le monde continue de tourner. «
Allez p’tit gars. On va faire un tour ? L’soleil a pas été aussi beau d’puis plusieurs s’maine. » Marshall marque un temps d’arrêt prononcé, signe qu’il a bien écouté les paroles de la femme. Pourtant, il a beau observé l’astre, il ne parvient pas à y déceler la beauté qu’il y voyait autrefois. Cette beauté et cet éclat qu’il disait être les reflets de Lula. Lula qui s’étend. Son reflet avec elle. Lula qui, disparue emporte toute la gaieté de ce monde si terne. Il ne répond pas à la vieille, n’en voit pas l’utilité, se contente de boire encore une fois. «
Bon sang gamin, t’vas quand même t’laisser décrépir sur c’te chaise ? Ca fait onze mois d’jà. Onze moi qu’tu fous rien. » Elle râle comme bien souvent, pourtant, il perçoit dans sa voix une détermination qu’elle ne possédait pas auparavant. «
R’garde l’monde. Il continue d’tourner gamin. T’as perdu Lula et Jane mais t’crois qu’tu leur rend hommage à rien foutre dans s’te pièce ? Va plutôt d’battre et montrer à ces mangemorts d’pacotille qu’leur cruautés surpa’sra jamais la vivacité des gens bien. T’es un gars bien. J’le sais. » Elle appuie chacun de ses mots avec conviction. Derrière lui, le bruissement se fait entendre mais il ne prend pas la peine se retourner. Jusqu’à ce que le tintement d’objet se face entendre. Intrigué, il se retourne, marque un temps d’arrêt, surprit par l’initiative de la femme qui, elle aussi cesse de bouger un instant, souriant. «
Ah ! T’vois qu’tu peux encore t’bouger ! » Elle hausse un sourcil amusée avant de reprendre son ménage de printemps, balançant dans le sac poubelle chaque objet de la pièce qu’elle sait ne pas appartenir à Marshall. «
Arrêtez ça Greta. Lâcher ce sac. » La vieille ne prête pas attention aux mots de Marshall et continue son ménage, esquivant chaque tentative de l’homme qui tente d’arrêter l’ouragan qu’est cette petite vieille tout en gardant ses distances pour ne pas lui faire de mal. Il entend son rire amusé qui lui parvient. «
T’vois gamin, être vieille comme moi c’qu’un avantage. Les grands dadet d’ton genre ose plus m’toucher. J’suis en sucre à leur yeux. Maintenant tu t’recale dans ton fauteuil, sirote ta p’tite bière et finit ta p’tite vie comme un d’meuré. » Il se fige, fixant la vielle qui le défit de son regard inquisiteur. Cette bonne femme, il n’y avait jamais fait réellement attention autre fois. Pourtant, depuis la mort de Lula, elle semblait être la seule personne à qui il pouvait se fier et ce, malgré son manque de sympathie. «
Alors gamin, t’veux pourrir tout seul dans c’te piaule, ou t’veux continue d’vivre, au moins pour elles ? » Posé comme ça, la question semblait simple. Il soupire, attrapant la serviette de bain de sa fille, qu’il plia soigneusement et rangeant dans la commode. «
Vous êtes pire que qu’un ouragan Greta. » Elle sourit, amusé, l’étincelle de malice qui brille dans ses yeux lui donnent l’air jeunot. «
J’sais bien gamin. J’sais bien. »
«
Désolé gamin, j’pensais pas qu’tu viendrais si tard, l’repas doit être froid maint’nant. » Elle esquisse un sourire amicale, en face de l’assiette de pâte, en train de faire un des nombreux tarots qu’elle apprécie de faire. Marshall esquisse un sourire amical à la vieille femme. «
C’est pas grave. Merci Greta. » Greta, elle avait rapidement fait de la maison de Marshall son second lieu de résidence. Elle dormait chez elle mais revenait ici tout les jours, pour faire le ménage, la cuisine, passer du temps avec ce veuf qui lentement remontait la pente pour reprendre le cours d’une existence plus belle que l’année de déprime dont il sortait peu à peu. Mais l’intrusion de Greta dans son existence n’était, dans le fond, pas pour lui déplaire. Sympathique, enjouée, vraiment bornée, parfois un peu chiante, elle demeurait toutefois un pilier considérable. Elle s’était révélé être un soutient sans faille depuis la mort de Lula et Jane. Devenue comme un membre de sa famille qu’il avait mis du temps à connaître. «
Dit gamin t’es sur qu’tu veux t’engager dans s’truc ? j’veux dire … Tu t’protèges pas des masses en choisissant c’te voix. » Il soupire, jouant avec les pâtes qu’il a préalablement réchauffé et esquissant un sourire, dans le fond, les inquiétudes de cette petite vieille lui fait chaud au cœur, même s’il prétend n’en avoir rien à faire. «
C’est dangereux, je sais. Mais Greta, il faut des gens pour faire front. Ma place n’est pas ailleurs. C’est ma vengeance, mon but. » Au travers de l’ordre du Phoenix, il peut exercer sa vengeance. Faire honneur à Lula et Jane. Une manière d’être encore proche d’elle en contrecarrant les plans de Voldemort et ses sbires aux côtés d’autres personnes tout aussi déterminée. «
J’m’inquiète juste pour toi p’tit gars. J’voudrais pas qu’il t’arrive des bricoles dans c’te guerre. T’as d’jà bien assez morfler. » Il sourit de nouveau, avalant la fourchette de pâte qu’il a enfourné dans son bouche, son regard est doux. Greta est sans doute la seule personne envers qui il a encore un semblant de sympathie. Pour le reste, ce n’est qu’une certaine froideur, une distance qu’il garde tout le temps, comme s’il avait peur d’apprécier les gens. Pire, de s’attacher à quelqu’un d’autre qu’à Lula. «
Je suis sur que ça ira. Même vos cartes doivent le dire. » Greta saisit rapidement l’invitation implicite à lui parler de son tirage. D’habitude, il s’en fiche et, sans doute est-ce encore le cas présentement mais elle ne peut s’empêcher d’apprécier l’intérêt qu’il montre parfois pour des choses dont il se fichait avant, juste histoire de garder un lien avec la vieille. «
Rien à ton sujet gamin. Juste qu’la guerre s’profile. Un vrai carnage mon p’tit. Va falloir s’protéger. Avant qu’les canards soient tous laqués. » Marshall arque un sourcil, il a toujours trouvé les expressions de Greta assez étrange, mais à force, il s’y est habitué. Il hausse une épaule et continue de manger. «
En tout cas r’joindre l’ordre s’très courage gamin. Ta femme s’rait fière. Ta gamine aussi. » Sa gorge se serre devant ce compliment, son cœur semble se gonfler et, une nouvelle fois, il se contente de répondre par un sourire. Voilà son nouveau but : faire la fierté de ceux qu’il a perdus. Se battre, pour faire vivre leurs souvenirs.