"UNE CITATION ICI"
« Miss Selwyn, pouvez-vous venir un instant ? »Tessa sourit poliment pour s'excuser auprès du Médicomage avec qui elle parlait et partit retrouver l'homme qui l'avait appelée, un Guérisseur, tout comme elle. Mieux même, puisqu'il était chef du département de la Pathologie des Sortilèges. Elle travaillait donc sous ses ordres depuis plusieurs mois déjà. Dans les couloirs, il lui parla d'un de ses patients, faisant mine de lui demander son avis. La sorcière répondait volontiers mais elle savait pertinemment que ce n'était pas pour cela qu'il l'avait convoquée. Ce n'était pas non plus pour lui remonter les bretelles ou lui annoncer une promotion quelconque. Non, la raison était beaucoup plus simple et tout à fait insoupçonnable - du moins, ils avaient tout fait pour qu'elle le soit. Ils arrivèrent dans son bureau et, la porte à peine fermée, il lui sauta dessus pour la plaquer contre le mur, l'embrassant avec passion. Après de longues secondes, il se détacha pour lui souffler :
« Tu m'as tellement manqué. »
Elle sourit avant de poser à nouveau ses lèvres sur les siennes. Eli, puisque c'était son nom, venait tout juste de rentrer d'une sorte de séminaire à l'autre bout du monde. Cela faisait plusieurs jours qu'elle ne l'avait pas vu, encore moins qu'elle avait pu se réfugier dans ses bras. Et à présent, la demoiselle ne voulait qu'une chose : le retrouver tout à fait. Mais pas ici. Ici, c'était trop dangereux puisque leur idylle devait rester secrète. En parlant de secret, d'ailleurs :
« Tu viens toujours ce soir, chez moi ? J'ai une surprise pour toi... »Tessa se sentit aussitôt rougir et elle répéta bêtement :
« Ce soir ? Je dois dîner chez mes parents, tu sais. Comme tous les jeudi. »Il secoua la tête, apparemment déçu et agacé. La guérisseuse s'empressa donc d'ajouter avec un sourire taquin :
« Je peux venir après, ceci dit. » Ses mains se glissèrent le long de son torse pour appuyer ses propos mais l'homme s'écarta avec un soupir :
« Non. Je déteste la façon dont tu te comportes après les avoir vus.
- Oh, du calme. Ce sont quand même mes parents ! Et qui sait, un jour...
- Ne rêve pas, Tess. Ton père préférera me tuer que de te laisser épouser un Sang-de-Bourde.
- Ne dis pas ça...
- Quoi ? Parce qu'il parlerait différemment de moi peut-être ? D'ailleurs, au départ tu pensais bien la même chose, je me trompe ? »Elle grimaça légèrement mais ne tenta pas de nier. C'était inutile. Elle avait passé des mois à le mépriser, le contredire et casser du sucre dans son dos lors de ces fameux dîners familiaux. Encore aujourd'hui, elle avait du mal à admettre qu'un Né-Moldu puisse avoir un poste aussi important à Sainte-Mangouste. Et plus encore, faire battre son coeur de cette façon si particulière. Mais elle l'aimait, peu importe son sang. Pire : de plus en plus, elle était persuadée qu'elle pourrait rompre avec sa famille juste pour pouvoir rester avec lui. Ils n'en étaient pas encore là, toutefois. Eli fit quelques pas vers son bureau, se désintéressant tout à fait d'elle, visiblement en colère. Elle n'aimait pas cela et ouvrit la bouche pour dire quelque chose. Il l'interrompit toutefois en lâchant :
« J'ai du travail. On verra ça un autre jour. »Le tout sans lever les yeux vers elle. Le coeur serré, elle sortit du bureau tentant de garder la tête haute avec ce qui lui restait de dignité.
◊
Depuis quelques mois, des bruits couraient. Des bruits que le Ministère s'efforçait d'étouffer. Mais Tessa savait que toutes ces rumeurs étaient fondées : Il était de retour. Le Seigneur des Ténèbres. Ses parents, Mangemorts confirmés, y avaient fait de nombreuses allusions et se pliaient en quatre pour le satisfaire, ce qui leur avait valu quelques blessures qu'elle avait guéries dans le plus grand secret. Si les Selwyn évoquaient régulièrement la période dorée qu'avait été le règne de Voldemort, ils semblaient moins enchantés par son retour. Et pour cause : si l'oncle de Tessa était mort à Azkaban il y a des années, ses parents avaient toujours démenti toute implication. Ils avaient grandement plaidé et avaient échappé à la prison. C'est en grande partie pour cela que le nom de Selwyn était connu de tous les camarades de Tessa à Poudlard (ceux qui, en tout cas, avaient grandi parmi les sorciers) : craint par certains, méprisé par d'autres, respecté par les derniers. Toujours est-il que leur attitude à la chute du Seigneur des Ténèbres les mit sur la sellette - pas besoin d'être intelligente pour le comprendre. La jeune femme tenta de nombreuses fois d'en discuter avec sa mère, bien plus abordable que son père, mais chaque tentative se révéla infructueuse : tout allait bien, il ne fallait pas parler de cela, de quoi se mêlait-elle... Bref, un mur. S'ils avaient pu lui cacher le retour de Vous-Savez-Qui, ils l'auraient fait sans hésiter. Malheureusement pour leur petit plan, elle avait rapidement remarqué que leur Marque avait réapparu sur leur avant-bras. Et elle ne s'était pas gêné pour fouiner un peu partout afin d'en savoir plus. Bien vite, faute de pouvoir faire autre chose, ses parents lui expliquèrent la situation, tout en affirmant ne pas vouloir la mêler à cela. Chose qu'elle trouva après coup horriblement hypocrite quand elle découvrit que son frère était devenu un Mangemort lui-même. Mais elle respecta le souhait de ses parents et resta aussi éloignée que possible du Seigneur des Ténèbres, se contentant de leurs réponses évasives, ou, quand la curiosité la piquait trop, d'épier leurs conversations.
Tout cela dura quelques temps. Jusqu'à ce qu'on découvre que plusieurs missions avaient été sabotées par l'Ordre du Phénix. Des informations filtraient et les Selwyn devinrent apparemment très vite suspects. C'est du moins ce que Tess comprit quand elle vit un jour son père rentrer, pâle comme un linge, marmonnant à tout va qu'il devait y avoir une explication. Il fouilla la maison, lançant plusieurs fois des sorts. Et puis soudainement, il s'approcha, pointa quelque chose au niveau de la poitrine de Tessa en demandant ce que c'était. Surprise, la sorcière mit quelques secondes à comprendre de quoi il parlait. Elle attrapa alors le pendentif qui se trouvait autour de son cou et son sang ne fit qu'un tour. Elle se sentit pâlir et mit quelques secondes à recouvrer ses esprits afin de répondre :
« Je... C'est un cadeau. D'une amie. Qu'est-ce qu'il se passe... ? »Sans dire un mot, il lui arracha le collier du cou et lui dit de rester ici avant de transplaner. Une bonne heure plus tard, il réapparut, en compagnie de sa mère, sonnée, qui tenait à peine debout. Son père, les dents serrées lui tendit son collier, noirci par un sortilège et lança :
« Le nom de cette amie, Tessa. »Elle fixa quelques secondes le pendentif en question, incertaine, avant de finalement l'attraper, l'arrachant des mains de son père en répliquant :
« Je m'en occupe moi-même. »Le regard noir qu'elle lui adressa le dissuada de l'en empêcher. Enfin, ça, et le fait qu'elle transplana presque aussitôt, direction un endroit qui lui était familier.
La pluie tombait à torrent dehors et elle fut trempée en l'espace de quelques secondes. Cela ne l'empêcha pas de tambouriner à la porte d'entrée de Eli, peu importe qu'il soit absent ou qu'il dorme. Elle commença à douter après presque une minute mais, finalement, la lumière s'alluma à l'intérieur. Quand la porte s'ouvrit, elle découvrit la tête de son amant, à moitié endormi et surtout, surpris. Mais, cette fois-ci, son coeur ne battit pas la chamade à sa vue. Non, cela ne fit en fait que renforcer la colère qu'elle éprouvait à son égard. La voix de l'homme s'éleva alors :
« Tess ? Qu'est-ce que... ? »Bam. D'un geste de sa baguette, elle l'envoya valser dans son entrée, l'empêchant tout net de poursuivre. Tessa fusa aussitôt à l'intérieur, lui tombant dessus avant de lui jeter ce collier qu'il lui avait offert tout en hurlant :
« Qu'est-ce que tu as fait ? »La sorcière avait du mal à penser clairement mais elle était sure d'une chose : il lui avait offert ce collier. Ce collier avait servi par un quelconque moyen à les espionner, ses parents et elle, et donc, les Mangemorts. Cela les avait tous mis en danger et, surtout, ne signifiait qu'une chose : il s'était servi d'elle. Et, certainement, il faisait partie de ce fameux Ordre du Phénix. Il n'y avait aucune autre explication possible - de toute manière, elle ne voulait en voir aucune autre. D'un coup de baguette, elle lui lança un nouveau sortilège puis demanda simplement :
« Depuis quand ? »Comme il ne répondait rien, elle l'attaqua à nouveau. Sauf que cette fois-ci il avait sa baguette à la main et réussit à parer le sort. Il se redressa avec un sourire qu'elle ne lui connaissait pas. Sa réponse fut horriblement évasive :
« Tu le sais très bien. »Ces mots la rendirent folle de rage. La suite est plutôt confuse, entre sorts et contre-sorts, règlements de comptes et insultes en tout genre, jusqu'à ce que finalement, il la jette dehors. Blessée, aveuglée par la rage et pleine de haine pour cet homme qu'elle avait eu la faiblesse d'aimer, Tessa ne rentra pas chez elle. La sorcière comptait faire un arrêt avant. Elle avait trouvé quelque chose qui pourrait lui faire aussi mal que sa trahison.
Elle transplana une nouvelle fois et se retrouva au milieu d'un cottage anglais, face à une maison bien particulière. Elle n'y avait été qu'une fois, et savait parfaitement qui y vivait. Elle découvrit que Eli avait protégé le bâtiment grâce à des sorts qu'elle n'eut aucun mal à annuler. Puis pénétra dans la maison sans aucune délicatesse. Elle réveilla la famille qui dormait profondément, au vue des bruits qu'elle entendit à l'étage. Sans attendre, Tessa s'y rendit. Dans le couloir, un petit garçon la vit et poussa un cri avant de filer dans une pièce. Elle hésita une seconde avant de le suivre dans ce qui s'avéra être une chambre. Le gamin se trouva face à elle, tremblant de la tête aux pieds, elle dégaina sa baguette et le tua d'un simple sort. Sa soeur subit le même sort, tout comme les parents. Aussi facilement que cela, elle avait rayé de la surface de la Terre la seule famille qui restait à Eli. Cet imbécile avait commis l'erreur de le lui dire. Et elle avait utilisé cette faiblesse contre lui. Point.
◊
Depuis cette nuit, elle n'a jamais revu Eli. Il n'était plus revenu à Sainte Mangouste, ayant mystérieusement disparu. Tessa en était bien contente, sa seule déception, presque, était de ne pas avoir vu son visage quand il avait compris qu'elle s'en était pris à sa soeur chérie. Une pauvre Moldue. Après cet épisode, elle demanda à intégrer les rangs des Mangemorts et dut passer pas mal d'interrogatoires. Sa liaison avec ce Sang-de-Bourbe fut bien entendue révéler, sans quoi, les soupçons sur sa famille n'auraient jamais été levés. Son père ne réagit pas face à cette information. Enfin, c'était ce qu'elle croyait jusqu'à ce fameux dîner.
C'était un jeudi, encore. La conversation n'avait rien de bien flamboyant, comme d'habitude. Du moins, la sorcière s'ennuyait jusqu'à ce que sa mère lance gaiement :
« Tessa, chérie, il faudrait songer à te marier, tu ne crois pas ? »La brune faillit bien s'étouffer avec son rôti de boeuf en entendant cela. Elle fixa son frère aîné qui souriait déjà, ce qui lui confirma que cette phrase lui était bien destinée. Elle s'efforça de sourire comme elle le put avant de demander simplement :
« Comment ça ? »Elle était raide comme un piquet, signe de sa nervosité. Tout le monde autour de cette table savait parfaitement pourquoi elle n'était pas mariée et, plus encore, qu'elle n'avait aucune envie d'une histoire si proche de... toute cette histoire. Elle vit sa mère se parer de ce sourire embarrassé qui était sa marque de fabrique avant de lui expliquer prudemment :
« Eh bien... Ton père a cet ami qu'il connaît depuis longtemps. Harvey Callahan, une bonne famille, les Callahan. Et il a un fils...
- De quoi est-ce que vous parlez, au juste ? »Son regard se balada de sa mère à son père, mi-anxieuse, mi-colérique. Ce fut le chef de la famille qui prit la parole après s'être essuyé la bouche avec sa serviette :
« Son fils, Alexander, est célibataire. Vous avez le même âge et lier deux familles de Sang Pur...
- Vous voulez que je me marie avec... un inconnu ? »Bien sûr, les mariages arrangés étaient commune mesure dans les familles comme les Selwyn. Seulement... Tessa pensait que cette pratique était dépassée et que, si ses parents avaient leur mot à dire sur un éventuel mari, ils n'iraient pas jusqu'à lui en imposer un. Au moins, il avait son âge, et pas trente ans de plus, c'était déjà une bonne chose. Toutefois, cela ne l'empêchait pas de froncer les sourcils et s'agiter sur sa chaise. Son père poursuivit, implacable :
« Il travaille comme Juge au Ministère de la Magie, on dit qu'il dirigera certainement un département entier sous peu. Il est très prometteur, surtout qu'il est Legilimens. Et puis sa famille... Disons qu'ils auront une place tout aussi importante que nous dans le futur. »Toutes ces informations ne détendirent pas la sorcière. S'il était encore célibataire, il y avait forcément anguille sous roche. Peut-être lui manquait-il une case ? Ou alors, il était laid comme un pou ? A bien y réfléchir, le nom d'Alexander Callahan ne lui était pas familier du tout, pourtant, il était bien à Poudlard, peut-être même dans sa promotion... Et à force de froncer les sourcils de la sorte, elle finirait par être ridée prématurément. Finalement, son frère vint à sa rescousse en lançant d'un air toujours aussi amusé :
« Et quand est-ce qu'on rencontre son prince charmant ?
- Oh ils peuvent venir manger chez nous, la semaine prochaine ! » répondit sa mère avec un sourire horriblement faux.
Tessa ne répondit rien. De toute manière, il n'y avait rien à dire, du moins, pas à ce stade. Elle aurait certainement plus de contre-arguments après l'avoir vu.
La semaine passa bien sûr à une vitesse folle et c'est avec une immense nervosité qu'elle retourna manger chez ses parents le jeudi suivant. Il s'avéra qu'Alexander était... discret ? Peut-être renfermé. Mais il était plutôt séduisant et semblait facile à amadouer voire, à diriger. Au final, à l'issue du dîner, ce mariage ne la gênait plus autant que cela. Bien sûr, elle aurait préféré tomber amoureuse, des déclarations romantiques et des baisers sulfureux. Cela dit, c'était stupide. Elle avait été amoureuse et cela n'avait rien amené de bon. Au fond, il y avait de la raison dans ce genre d'unions, tout devenait également plus simple : s'ils finissaient par s'aimer, tant mieux, au pire, ils feraient juste se supporter jusqu'à la mort de l'un des deux. Des dizaines de familles vivaient ainsi, mariage arrangé ou non. Et puis, tout de même, pour un fiancé imposé, elle aurait vraiment pu tomber sur pire ! Le mariage fut donc scellé. Tout était soigneusement ficelé et, quelques semaines plus tard à peine, ils se passèrent la bague au doigt. C'était il y a bientôt quatre mois.
La vie depuis ? Eh bien, elle se fait à deux. Et franchement, Tessa regrette souvent d'avoir accepté aussi facilement ce fichu mariage. Alexander ? Au départ, elle s'est franchement demandé s'il n'était pas tout simplement muet. Puis si cet air ennuyé disparaissait parfois de son visage. Ou encore, s'il n'était pas gay, étant donné qu'il n'a jamais fait le moindre geste vers elle. En même temps, elle non plus. Il a beau être séduisant, rien chez lui ne l'attire, tout l'agace à un point inimaginable : elle en arrive même à se demander s'ils finiront par se supporter un jour. Au départ, leurs disputes secouaient un peu les murs de leur maison (à défaut d'autres sortes de cris) mais depuis peu, ils font juste s'éviter et s'ignorer royalement. Un ennui sans nom. Pour ne rien arranger, ses parents - sa mère, surtout - ne cessent de lui demander quand ils auront des petits-enfants. La blague...