Une seule mission. Une mission mission qui avait commencé comme n'importe quelle autre mission. Une mission plutôt simple à première vue. Les mangemorts avaient repéré un repère de fugitifs, le but était d'autant plus simple : débarquer, tuer la résistance, capturer ceux qui se rendaient, combattre l'Ordre s'ils se trouvaient sur place, faire ça rapidement, faire couler le sang, répandre la terreur, lancer la marque au dessus du repère pour appuyer leur action, repartir et s'en vanter auprès des autres mangemorts. Ce n'était pas la première fois, c'était très loin d'être la première fois qu'ils faisaient ça, ils le faisaient régulièrement et Daley n'avait jamais eu ce pressentiment qui lui compressait l'estomac, qui lui broyait le cœur comme si quelque chose allait mal tourner. Mais c'était peut-être parce que c'était la première fois qu'il faisait une mission en présence du couple Callahan. D'habitude, il travaillait avec Alexander, il ne bossait pas énormément avec Tessa mais avec les deux ensemble, il avait eu vite fait de vouloir les étriper. En désaccord sur beaucoup de choses, à commencer par le déroulement de cette mission, le couple n'avait pas arrêté de se provoquer, de se faire comprendre mutuellement qu'ils se détestaient en tout points, à tel point que lui et les deux autres mangemorts qui les accompagnaient les avaient menacé à de nombreuses reprises de leur lancer un sortilège de mutisme, ils n'auraient plus qu'à se débrouiller avec des sortilèges informulés. Tapis dans l'ombre en attendant le signal de leur éclaireur, Daley écoutait Alexander et Tessa continuer inlassablement de se disputer sur la marche à suivre et il était sur le point de craquer, ainsi coincé entre les deux mangemorts pour éviter qu'ils ne commencent à se taper dessus. Il manquerait plus qu'ils s’entre-tuent, ils faciliteraient drôlement le travail de l'Ordre. Il était d'ailleurs sur le point d'en prendre un pour taper sur l'autre lorsque leur signal apparut au loin. Daley laissa Tessa se rendre à son point stratégique pour se tourner vers Alexander. « Évitez de nous faire tuer tous avec vos disputes ! » Lança-t-il avec ironie puisqu'il savait que son ami supportait mal sa femme et il pouvait comprendre qu'un mariage arrangé n'était pas évident à gérer. Il se demandait vaguement si c'était ce qui menaçait Daley et Pandora si un jour leurs vies s'unissaient. Ils avaient déjà bien commencés à se pourrir la vie, ils n'avaient pas été loin de se détester à l'image de son meilleur ami et de sa femme. Mais l'heure n'était pas aux réflexions sur sa vie future et ce qui n'avait pas encore lieu d'être, il finit par quitter son ami pour se rendre à son point à lui avec quelques secondes de retard. Ça ne pouvait pas être un si minuscule détail qui avait fait foirer leur mission, Daley se refusait à y penser, il ignorait encore combien leur action allait être avortée de la plus innattendue des façons. Ils avaient coordonné leur attaque avec une précision saisissante, rien ne pouvait mal tourner, il en avait la conviction. C'est donc sûrs d'eux que les cinq mangemorts pénétrèrent dans le refuge des nés-moldus à différents endroits, prenant par surprise les occupants des lieux. Daley ne fit aucun quartier, il réussit à neutraliser certains sorciers, leur but n'était pas de tuer tout le monde mais beaucoup réussirent à s'enfuir. Ils devaient capturer, pas courir après ceux qui s'enfuyaient. Daley fit sa part, il empêchait les fugitifs de s'enfuir par ce qu'ils avaient supposé être une sortie de secours et qu'ils avaient découvert après quelques séances de torture sur des fugitifs et quelques questions bien placées au bon moment et avec quelques gallions dans les bourses. En tant de guerre, certains vendraient leur mère pour de l'argent ou encore pour avoir la vie sauve encore quelques instants. Et pour empêcher les fugitifs de sortir, Daley était assisté d'un autre mangemort, ils neutralisaient rapidement quelques-uns d'entre eux quand un des leurs réussit à transplaner, ce qui jusque-là avait été impossible. Le charme qui retenait le transplanage pour empêcher les attaques avait été retiré. L'Ordre avait débarqué. Daley et le mangemort n'eurent pas à se concerter pour se replier au point de rendez-vous, il leur fallait toutes leurs forces pour vaincre les membres de l'Ordre envoyés pour les contrer. Et il réussit à arriver à la pièce principale avant l'organisation créée pour leur pourrir la vie, si bien qu'ils purent prêter main forte aux autres pour les débarrasser de quelques fugitifs récalcitrants et entraînés. Il n'y avait pas que des gamins paumés dans la planque apparemment. Daley entra dans la pièce rapidement et contra immédiatement une attaque avant d'entendre une scène qui se déroulait dans un coin.

« Tessa qu'est-ce que tu fais ? » Daley tourna la tête violemment en entendant la voix de son meilleur ami emplie d'inquiétude. Il vit alors Tessa qui regardait en direction d'une rousse que Daley reconnut immédiatement. Bon sang, Tessa venait de piéger Morgana dans un coin, que faisait-elle ici ? Est-ce que le hasard avait décidé de les piéger tous autant qu'ils étaient aujourd'hui ? Pourquoi Morgana était dans un refuge pour sorciers en fuite ? Était-elle là en tant que membre de l'Ordre ou en tant que fugitive ? Il fronça les sourcils mais n'eut pas le temps de réfléchir, un sortilège passa trop près de lui pour qu'il l'ignore et il reprit son combat avec le fugitif qui se défendait pour survivre. Daley perdit l'attention sur l'action non loin de lui et prit quelques secondes pour éliminer son adversaire. Quand il tourna la tête, la vision qu'il eut lui retourna l'estomac et ses jambes l'amenèrent à courir sans qu'il s'en rende compte. « Avada kedavra. » « Alex, non ! » Daley courut vers son ami au moment où il leva sa baguette et tenta de l'intercepter lorsqu'il prononça le sortilège. L'éclair vert frappa Tessa en pleine poitrine et Daley stoppa sa course en dérapant légèrement sur le parquet, sûrement dans une tâche de sang mais il n'y prêta aucune attention, stupéfait, choqué, pétrifié par le comportement de son ami. Il venait de tuer sa femme pour une autre, lui qui avait soutenu que cette relation n'avait pas tant d'importance, qui avait presque laissé entendre que si la croiser au ministère était difficile, il prenait sur lui pour la croiser. Peu de choses étaient capable de choquer Daley mais voir un homme, son meilleur ami, tuer sa femme de sang-froid venait de lui provoquer un choc immense. Il resta figé quelques secondes tandis que le corps de Tessa semblait tomber vers le sol au ralenti, comme si la scène avait été filmée puis repassée plus lentement. Daley avait l'impression d'être en plein cauchemar en voyant Tessa retomber sur le sol, le corps sans vie, les yeux grands ouverts. La scène sembla alors se figer l'espace de quelques secondes supplémentaires avant que tout ne se remette violemment en mouvement, les ramenant à la dure réalité dans laquelle ils étaient. Parce qu'à la même exacte seconde, le groupe de l'Ordre fit son apparition à grand fracas et immédiatement, Daley se détourna de la scène quelques secondes, le cœur battant à tout rompre qu'une sensation désagréable comprimait dans sa poitrine, il adressa un regard à Alexander, un regard dans lequel il demandait une explications pour son geste, il ne comprenait pas et il ignorait combien cette décision que son ami venait de prendre allait changer sa vie. Il eut presque l'impression de voir dans les yeux d'Alexander une excuse, il crut voir ses lèvres bouger mais n'entendit aucun son et refusa de penser que son ami venait de lui dire adieux. Il détourna les yeux plus rapidement qu'il ne l'aurait voulu et se tourna vers les deux membres de l'Ordre qui venaient de pénétrer dans la pièce. Il engagea le combat sans même se rendre compte que la scène qui se jouait n'était pas terminée.

La culpabilité que ressentait Morgana était normale, légitime et si Daley ne ressentait pas la même, il aurait facilement pu tourner sa haine contre elle, lui reprochant de s'être trouvée ici au mauvais endroit, au mauvais moment. Il aurait pu lui reprocher de n'avoir rien fait ou simplement d'avoir aimé Alexander et d'avoir été aimé par lui. Si tout cela ne s'était passé, rien ne se serait produit aujourd'hui, à une exception, Morgana serait morte à la place de son ami et la simple idée le dérangeait, parce qu'il n'aurait voulu voir aucun des deux mort. Peut-être qu'il serait intervenu à la place de son meilleur ami et que ce serait lui qui aurait été tué par les mangemorts. Non, l'amour de Alexander pour Morgana n'avait été qu'une nuance, qu'un seul scénario parmi la centaine d'autres qui auraient pu se dérouler si les choses avaient été différentes. Mais il n'arrivait pas à savoir ce qu'il préférait, ce qu'il aurait préféré vivre parce qu'il ignorait encore ce qu'il ressentait vraiment. Il enfouissait ses sentiments si profondément en lui qu'il ne parvenait pas à les identifier, à mettre un mot dessus. Il ne se laissait pas aller de la même manière que Morgana mais il n'avait pas aimé Alexander de la même façon qu'elle et il se demandait ce qu'il ressentirait le jour où il perdrait Liadan, si ce jour devait venir. La simple idée le fit frissonner, Daley ne survivrait pas à sa fille, il le savait parfaitement, il ne perdrait pas une heure à savoir ce qu'il avait à faire : il la suivrait sans la moindre hésitation, plus rien ne le retiendrait et il lui était facile de mourir, il lui suffisait de rompre son serment, ce serait certainement moins douloureux que s'il tentait de le faire par lui-même. Mais Liadan était sa chair et son sang, il ne pouvait imaginer sa vie sans elle mais il empêcherait Morgana de faire la moindre bêtise, il n'allait pas la laisser mourir sans rien faire, elle allait s'en remettre, il le savait parce qu'elle avait toujours été forte et qu'elle savait se battre. Il savait également qu'il avait réussi à lui rendre un peu de raison en la confrontant à la réalité, pure et dure. Alexander n'avait pas donné sa vie pour qu'elle traîne la sienne dans la boue comme une épave en quête de mort. « Tu savais qu’il allait tuer sa femme ? Tu savais que j’étais là, et que j’allais vous déranger ? Tu ne savais rien, je suis sûr qu’il ne savait pas lui-même ! Pourquoi vous seriez venus, si vous aviez su, hein ? Tu aurais du laisser d’autres Mangemorts venir s’occuper de nous, c’est ça que tu aurais du faire ! Tu n’avais pas d’autres planques à détruire ? » Il la regarda sans réagir pendant quelques instants, il savait que ses critiques étaient légitimes et étrangement, elles lui faisaient un bien fou, comme un baume contre son cœur, parce que cela lui confirmait qu'il était responsable de tout cela et même si cela ne faisait qu'accroître sa culpabilité, il s'en trouvait soulagé, et la rage de Morgana allégeait sa conscience éteinte. Mais très vite, la jeune femme se décomposa et le regarda comme si elle avait soudain peur qu'il se volatilise, vexé par ses réflexions. « Je suis désolée … » Il ferma un instant les yeux plus longuement qu'il ne l'aurait dû. Il les rouvrit pour les planter dans ceux de la jeune femme. « Je pouvais prévoir qu'une mission impliquant Alexander et sa femme pouvait mal terminer, et j'ai quand même pris ce risque en pensant qu'ils auraient le même but. Si je ne pouvais pas prévoir que tu serais là, j'aurais dû réagir autrement lorsqu'il a tué sa femme. » Il parlait doucement, loin de s'énerver contre elle comme il l'aurait fait en temps habituel face à ses critiques. Il s'en fichait, il savait que quelque part, il aurait dû faire quelque chose, il aurait dû agir quand il l'aurait fallu et il ne l'avait pas fait. Si la rage de la jeune femme lui faisait mal, ce n'était rien en comparaison à la propre haine qu'il se portait. Il ajouta, toujours aussi doucement. « Ce que je cherche à te faire comprendre, c'est que tu n'es pas responsable de tout ça, tu étais là et ce n'est pas ça qui te rend fautive de quoi que ce soit. » En réalité, tout cela était de la faute des mangemorts et de leur désir constant de vouloir tout détruire et tuer le plus de nés-moldus possible. C'était sa faute à lui, il en était persuadé. Il eut un sourire en pensant à la façon dont tous les trois avaient été liés sans le savoir et le fin sourire qui apparut sur les lèvres de Morgana lui donna un peu d'espoir. « C’est normal … Même si vous finissez tous par devenir Mangemorts, je sais bien pourquoi je vous ai choisi au début. Ca ne m’étonne même pas que vous étiez amis, finalement. » Il baissa légèrement les yeux, même s'il aurait voulu regarder Alexander, il s'en empêcha et il finit par hocher la tête légèrement, même si leurs sourires disparaissaient de leurs visages à mesure que la réalité de la situation reprenait sa place dans leur conscience, ils n'oublieraient pas ce qui les avait rapproché. « Tu dois être maudite. » Au fond, c'était plutôt la vérité. Son meilleur ami et l'homme de sa vie étaient tous les deux devenus mangemorts, elle les avait perdu à cause de cela, Morgana ne devait pas avoir la chance de son côté. Il ne préférait pas s'étendre sur l'amitié qui l'avait uni à Alexander, cela lui nouait complètement la gorge et il devait prendre une décision pour les emmener loin de cet endroit sinistre.

Et c'est chez lui qu'il décida de conduire la jeune femme, sans avoir réfléchi bien longtemps, il devait s'y rendre pour prendre soin de Liadan et l'endroit était sûr. Il le savait mais Morgana l'ignorait et il sentit immédiatement ses réticences, qu'il tenta de calmer du mieux qu'il le pouvait. Il la vit hocher la tête même s'il se doutait que ce n'était pas ce qui allait la réjouir. Elle avait probablement raison de craindre son père, cet homme énigmatique qu'elle n'avait jamais rencontré puisqu'il ne l'avait jamais amené à la gare de King Cross pour ses rentrées scolaires. Il n'avait jamais réellement avoué les sévices qu'il avait subi étant enfant, taisant à demi-mots ce qu'il ressentait mais il savait qu'il en avait suffisamment dit pour que la jeune femme craigne de se retrouver en face du mangemort. « Et c’est là que ta fille grandit. » Daley se redressa et se raidit instantanément, parce qu'il aurait préféré qu'elle n'ajoute pas cela à la conversation. Ce n'était guère ce qui rendait cette demeure plus gaie à ses yeux mais plutôt la raison pour laquelle il la voyait comme sa prison personnelle puisqu'elle était celle de sa fille, de son cœur. Il hocha la tête douloureusement pour confirmer les dires de la jeune femme mais resta silencieux, mal à l'aise à cette idée, comme à chaque fois qu'il évoquait sa fille et le fait qu'elle était retenue sous le joug sévère de son paternel. Il préféra largement la conduire à l'intérieur et lui offrir la chaleur des lieux. Contrairement aux idées reçues, les mangemorts n'étaient pas des serpents qui vivaient dans la fraîcheur et le noir. La maison était éclairée et chaude grâce aux différentes cheminées allumées à cette heure. L'endroit n'était pas aussi froid qu'on pouvait l'imaginer, même s'il ne respirait pas la joie de vivre et n'était pas très coloré. Mais lui-même n'avait jamais vraiment été fan des couleurs vives, ce qui l'avait toujours arrangé avec son blason bleu et noir, il n'avait pas à porter du jaune ou du rouge, ce qui l'avait toujours arrangé. Il eut l'intention de nourrir Morgana mais à la place, elle lui fit un aveu qui lui fit oublier son désir de la voir manger et reprendre des forces par la même occasion. Elle était enceinte et cet état de fait le cloua sur place, l'obligeant pourtant à la rejoindre et à poser ses mains sur son ventre, comme un geste inné, instinctif, presque paternel puisque c'était ce qu'il était avant toute chose. Il savait ce que c'était qu'avoir un enfant, il n'allait lui faire aucune leçon de morale et il comprenait ce sentiment qu'elle ressentait. Elle était seule à présent. Il se mit à parler, avec incertitude, il ne savait ni quoi dire ni quoi faire pour la rassurer, pour lui montrer que ce petit être qui grandissait en elle était plus beau qu'elle ne le pensait. Il n'était pas un poids pour elle mais simplement la plus belle chose qu'elle aurait pu faire avec Alexander et pour lui. Il lui avoua même sa propre histoire avec Sélène, la mère de Liadan. « Tu étais si amoureux d’elle … » Il eut un petit rire ironique à ses paroles, cela lui semblait tellement déplacé, l'amour qu'il lui avait porté pendant cette dernière année à Poudlard. Il secoua légèrement la tête lorsqu'elle ajouta. « Je savais bien que c’était une garce. » Cette fois, il rit un peu plus franchement, comme libéré d'un poids trop lourd pour sa conscience. « Tu l'as toujours détesté, j'aurais mieux fait de t'écouter. Ça me paraît si loin tout ça. » Il passa une main dans ses cheveux, comme fatigué, comme s'il avait cinquante ans et un lourd passé derrière lui, comme s'il était réellement épuisé par sa vie et il l'était. Les coups du sort, les épreuves, tout cela, il en avait plus qu'assez, il aurait préféré vivre une vie calme et accueillir la nouvelle d'un enfant dans la vie de Morgana comme un jour de fête. Au lieu de cela, il préférait lui dire que c'était probablement le plus bel hommage qu'elle pouvait rendre au père de cet enfant. Il sentit les mains de Morgana serrer les siennes et il releva la tête vers elle, comme par automatisme. « Merci. » Il continuait de la regarder mais il ne voulait surtout pas de sa gratitude, il ne supporterait pas qu'elle s'accroche à lui alors qu'il n'avait rien à lui offrir. « Tu es plutôt poétique, pour un Mangemort. » Il eut un sourire en coin, répondant à celui de Morgana, il allait répondre quelque chose mais la réalité le rattrapa et il perdit son sourire et lâcha la jeune femme. Il ne pouvait pas faire ça, il ne pouvait pas être comme ça, ce n'était pas lui.

« Ne dis pas ça. Ne dis pas que tu as insisté pour qu’il vienne. » Il se passa une nouvelle fois la main dans les cheveux, tendu à l'extrême, il commença à faire les cent pas dans la pièce, nerveux. « Pourquoi ? La réalité serait trop dure ? Parce que tu ne veux pas me voir comme responsable de tout ça ? Tu as besoin de moi alors tu ne veux pas avoir à me blâmer ? » Il exprimait un peu de sa colère et de sa frustration parce qu'il se savait coupable mais Morgana refusait de le voir de la même façon et il ne pouvait pas accepter qu'elle se voile la face de cette manière. Il ignorait réellement pourquoi il insistait, pourquoi il voulait de sa haine alors qu'il voulait plutôt l'aider mais il n'arrivait pas à résonner clairement, il était déconnecté, comme s'il n'arrivait pas à décider ce qu'il voulait faire. « Si ce n’est pas de toi dont j’ai besoin, alors qui me faut-il ? Le seul que je voulais est mort, et même lui n’aurait pas pu faire quoi que ce soit. Je n’ai pas besoin qu’on me dise que tout ira bien, parce que plus rien n’ira bien, et tu ne peux rien faire de plus que ce que tu as déjà fait. Tu ne m’as pas laissée toute seule là-bas … » Il la regardait, il savait qu'elle avait raison, il avait fait plus qu'il n'était capable de faire et c'était justement cela qui le dérangeait, il avait l'impression de ne pas être à sa place à ses côtés, ce n'était pas lui qui aurait dû être là mais celui qui était mort pour elle. Et elle le lui disait clairement. Elle commença par lui dire qu'il ne s'en sortait pas aussi mal qu'il le pensait mais tout à coup, sa phrase se transforma en reproche et il fronça les sourcils en la regardant, parce qu'il ne voyait pas ce que cela venait faire dans la conversation. Elle s'interrompit pourtant et il croisa son regard. « Je suis désolée, je ne voulais pas dire ça. » Il ferma les yeux un instant avant de répondre. « Arrêtes de t'excuser parce que tu dis ce que tu penses. Je ne vais pas te chasser, je ne vais pas te laisser te débrouiller seule. Je suppose que je mérite ces réflexions, puisqu'elles sont vraies alors arrêtes de dire que tu es désolée. » Il était plus brutal qu'il ne l'aurait voulu mais sa façon de s'excuser pour dire des choses qu'elle pensait pleinement commençait à l'agacer légèrement. Il avait envie qu'elle s'exprime, et sa colère avait un effet apaisant sur lui, étrangement. « Finalement, je ne dirais pas non contre une tasse de thé. Ma mère disait que ça pouvait résoudre n’importe quel problème, et je suis prête à la croire sur parole, si seulement ça pouvait effacer ma mémoire quelques heures. » L'elfe de maison qui avait disparu dès qu'ils avaient commencé à parler réapparut comme par magie et s’affaira à préparer ce que Morgana venait de demander. Daley se passa une main nerveuse dans les cheveux avant de se rasseoir, un peu plus loin de la jeune femme qu'il précédemment. « Si cela parvient à effacer ta mémoire quelques heures, j'en prendrais bien une aussi. » L'elfe interpréta ses paroles immédiatement et bien vite, deux tasses de thé chaudes apparurent devant eux. Ce n'était pas vraiment le truc de Daley, le thé, mais il allait se contenter de cela pour l'instant. Un léger silence se fit à l'intérieur de la cuisine avant que Daley ne le rompe, pour pointer du menton le ventre. Il était à nouveau calme, une véritable girouette qui ne savait comment se comporter. « Tu dis que je suis plutôt poète mais ce que je t'ai dit, ce n'est pas de moi. C'est une infirmière qui m'a dit ça en déposant Liadan dans mes bras. Qu'elle était le plus beau cadeau qu'une femme puisse faire à un homme. » Il prit la tasse placée devant lui et en but une gorgée avant de finalement la reposer. Il leva vers yeux vers Morgana, il ne savait plus quoi faire face à elle. « Et c'était vrai. C'est pourquoi je te l'ai répété ce soir. » Il fit une pause avant de poursuivre. [color=lightslategray]« J'ai l'impression qu'il s'est passé une éternité depuis la dernière fois qu'on s'est vus au parc. »[/colr] Il se rappelait pourtant de cette rencontre comme si c'était hier, il en avait gravé chaque souvenir comme s'ils s'étaient déroulés récemment et c'était le cas dans un sens, même si des semaines s'étaient écoulées, des mois même, cela ne faisait pas si longtemps que ça et il avait pourtant l'impression qu'un gouffre séparaient leurs deux moments.

La culpabilité, que ce soit celle de Morgana ou celle de Daley, allait les poursuivre pendant encore très longtemps après ce qui venait de se passer devant leurs yeux. Et ils pouvaient en débattre pendant des heures, cela ne changerait pas les faits. Le déroulement d’évènements qui avait eu lieu pour les conduire précisément à cet endroit, à ce moment. Si Morgana n’avait pas décidé de venir aider dans cette maison pour quelques jours … Si Daley avait préféré avoir une mission avec d’autres Mangemorts … Si Tessa n’était pas tombée sur Morgana en premier et si Alexander avait retenu son geste, et si, et si … Avec des Si ils pouvaient mettre Gringotts en bouteille mais ils ne rendraient pas sa vie à Alexander, ni à tous les nés-moldus qui étaient tombés en même temps et auxquels ils ne pensaient même pas. « Je pouvais prévoir qu'une mission impliquant Alexander et sa femme pouvait mal terminer, et j'ai quand même pris ce risque en pensant qu'ils auraient le même but. Si je ne pouvais pas prévoir que tu serais là, j'aurais dû réagir autrement lorsqu'il a tué sa femme. » Morgana baissa la tête, une grimace amère sur les lèvres. Elle se sentait extrêmement lasse, et totalement hors de cette conversation. Elle commençait à comprendre que Daley ressentait la même culpabilité qu’elle et qu’il essayait de prendre sa part pour l’en délester, ce qu’elle trouvait admirable de sa part. Tout à fait digne de lui quand ils étaient plus jeunes et encore les meilleurs amis du monde. Mais ça ne servait à rien, ça non plus … Si ce n’est à prouver à Morgana qu’il n’était pas seulement un Mangemort et qu’il était encore capable d’actes désintéressés – bien qu’il n’en ait sans doute même pas conscience. Elle, au moins, appréciait cet effort. « Ce que je cherche à te faire comprendre, c'est que tu n'es pas responsable de tout ça, tu étais là et ce n'est pas ça qui te rend fautive de quoi que ce soit. » Ca se confirmait, elle avait l’impression que si elle fermait les yeux, elle pourrait l’imaginer dans son uniforme de Quidditch aux couleurs de Serdaigle, sur la pelouse du château ou dans les couloirs de Poudlard … Avec rien de plus sur le cœur que des petits problèmes d’étudiants, qui se résoudraient avec tellement plus de facilité que ceux qu’ils avaient aujourd’hui. Un frisson désagréable remonta le long du dos de Morgana, et elle ferma réellement les yeux, mais il n’y avait ni château ni souvenirs du passé – uniquement la mort qui se moquait d’elle. Elle posa son front contre le torse de Daley. « Et toi non plus. Ni moi, ni toi, seulement les Mangemorts qui ont tiré sur lui, d’accord ? Ca ne sert à rien de débattre là-dessus, ça ne le fera pas revenir … » Et ça ne changerait jamais ce dont ils étaient intimement convaincus au fond d’eux-mêmes. Ils porteraient ce fardeau et sans doute avaient-ils besoin de sentir qu’ils le partageaient, même si ça ne les aiderait pas pendant les longues nuits d’insomnie à venir. « Tu dois être maudite. » Un son étrange sortit de la gorge de Morgana, mélange de rire jaune et de sanglot étouffé. Combien de fois s’était-elle répété cette phrase, depuis qu’elle avait vu la marque sur Alexander, et ensuite sur Daley ? « Ouais, je crois bien. J’ai le don pour repérer les futurs Mangemorts et m’y attacher. J’ai de la chance. » Lâcha-t-elle entre ses dents, se demandant encore une fois comment tout cela avait pu arriver, alors que la vie semblait si idyllique quelques années plus tôt.

Ils quittèrent finalement les lieux, et Daley la conduisit chez lui – ou du moins chez son père. Morgana ne put que constater que l’évocation de sa fille, grandissant ici, loin de lui et en présence d’un homme qu’il haïssait, avait crispé Daley, et elle se garda bien d’ajouter le moindre commentaire, sa propre main se posant une seconde sur son propre ventre. Elle n’avait pas encore d’enfant, ni même encore de signes visibles qu’elle en attendait un, et pourtant elle savait déjà qu’elle serait plus protectrice pour lui que pour quiconque d’autre, capable de tous les sacrifices pour lui. Et voir Daley ainsi, imaginer ce qu’il devait ressentir au quotidien, loin de sa fille, obligé de se plier à d’injustes et cruelles contraintes pour avoir le simple droit de la voir … Elle ne comprenait pas que quelqu’un puisse se montrer impitoyable et pervers au point d’inventer un tel chantage, mais pourtant c’était le cas, et elle ne pouvait que détourner le regard en espérant qu’un jour, cette situation change. Mais ce soir, elle avait l’impression qu’il n’y avait plus d’espoir, nulle part. Que tout ce qu’elle avait cru jusqu’à maintenant n’était qu’une illusion infantile et que la réalité était une horreur bien pire que tout ce qu’elle avait pu imaginer. Il y avait des pères assez tordus pour infliger à leur propre enfant un serment inviolable, il y avait des innocents privés de parents, il y avait des morts qui ignoreraient toujours qu’ils auraient pu avoir une famille s’ils avaient vécu quelques mois de plus … Et il y avait des femmes prêtes à mentir jusqu’au bout pour obtenir un héritier, visiblement. Morgana n’en revenait pas que Selene ait été de cette trempe, mais encore une fois, ce soir elle avait perdu foi en l’humanité et les nouvelles de ce genre semblaient presque normales. Dans le court naturel des choses. « Tu l'as toujours détesté, j'aurais mieux fait de t'écouter. Ça me paraît si loin tout ça. » Morgana hocha lentement la tête. Oh que oui, ça paraissait loin, et plus que jamais hors d’atteinte, comme un beau rêve qui s’étiolait après le réveil, pour ne laisser qu’une impression de bonheur, mais également de regrets … C’était une autre vie, presque irréelle par rapport à ce qu’ils venaient de vivre. « On n’écoute pas quand on aime, on se contente de suivre ses sentiments et d’en profiter … Et il vaut mieux en profiter tant qu’on le peut. Malgré tout, elle t’a donné ta fille, et elle est morte, on ne peut pas trop lui en vouloir. » Elle n’avait sans doute pas planifier de mourir si vite, comme quoi, même avec les pires intentions et les meilleurs machinations, on restait à la merci de coups du sort … Même les pires Mangemorts ne savaient pas de quoi demain seraient fait, c’était une piètre consolation, mais la vie pouvait être injuste pour eux aussi, et les rôles pouvaient s’échanger … Les Mangemorts ne pouvaient pas savoir que leur coup de ce soir serait aussi fatal pour leur camp, et Daley n’avait sans doute pas prévu qu’il finirait sa soirée en invitant Morgana chez lui … A parler de l’enfant qu’elle attendait de son meilleur ami. Et Morgana n’aurait pas pu espérer, non plus, qu’il reste auprès d’elle ainsi. Après ce qu’elle avait déjà vu de lui, elle avait abandonné leur amitié et tout espoir de le voir revenir vers elle, même s’il semblait plus ou moins réticent à l’attaquer de front. Mais il était là, elle était chez lui, et elle ne s’étonnait même pas qu’il ait posé la main sur son ventre, qu’il tente de la rassurer sur son sort. Mais il semblait tout de même inconfortable dans ce rôle, et essaya de s’en défaire, maladroitement. Et d’un coup, sa colère surgit, sans que Morgana n’ait pu la voir arriver. « Pourquoi ? La réalité serait trop dure ? Parce que tu ne veux pas me voir comme responsable de tout ça ? Tu as besoin de moi alors tu ne veux pas avoir à me blâmer ? » Elle prit ses paroles comme des reproches, et sentit le feu lui monter aux joues. Elle abattit soudain ses poings sur la table, faisant tressauter les verres devant elle. « Et à quoi ça servirait, que je retourne tout ça contre toi, hein ? Tu peux me dire ? Que je te prenne pour responsable et que je tire ma baguette contre toi, parce que c’est de ça dont j’ai besoin, j’ai besoin encor de tuer quelqu’un, j’ai besoin de tuer le second Mangemort qui s’est échappé ! Tu voudrais qu’on se batte ? C’est comme ça que tu résous tes problèmes, en les combattant et en les exterminant, mais je ne suis pas comme ça ! J’en ai marre, de vous voir comme des tueurs ! Et je ne veux pas être comme vous ! Juste pour une fois, je voudrais que tu ne sois pas responsable de tout ça ! Je veux pouvoir te regarder dans les yeux sans me demander ce que tu as encore fait ! Mais oui, c’est ça, la réalité est sans doute trop dure pour moi, mais j’ai eu ma dose avec la mort d’Alex et je n’ai pas envie d’en rajouter ! Pour une fois, Daley, tu ne pourrais pas me laisser ça ? » Elle avait haussé le ton au fur et à mesure, et s’était finalement levée pour faire face à Daley, tremblante de colère et les poings serrés. Elle n’était pas cohérente dans ses paroles, mais c’était le dernier de ses soucis. Etait-ce si difficile à comprendre, même pour un Mangemort comme lui ? Elle était au bord de la rupture, elle avait eu son quota de mauvaises nouvelles et d’émotions fortes pour la soirée et pour l’éternité à venir, mais elle voulait simplement qu’il n’en rajoute pas, et qu’il soit son ami pour ce soir ! « Pourquoi est-ce que tu as besoin d’être comme ça ? Tu es capable d’être différent, pas pour toujours, je ne te demande pas de changer, mais juste ce soir, arrête de vouloir tout prendre pour toi, de vouloir être responsable ou de reprendre le rôle du Mangemort. Tu es aussi blessé que moi, même si tu le caches mieux que moi. On peut en rester là, tu peux redevenir celui que tu étais il y a dix secondes sans essayer de me convaincre que c’est de ta faute. S’il te plaît. » Elle se rassit, pantelante, et se prit le visage entre les mains pendant un instant. La colère n’était même pas salvatrice, elle faisait mal, comme le reste.

Pourtant, elle avait besoin de laisser exprimer ces pensées qui se battaient en elle, cette violence qu’elle retenait depuis trop longtemps et qui ne demandait qu’à sortir. Sans en ressentir aucun bien, elle se sentait tout de même soulagée – mais elle était alors en prise avec la culpabilité de s’être laissée emporter, d’avoir blâmé Daley ainsi. Il n’y avait pas d’issue, pas de solution miracle. Elle ne savait même pas pourquoi elle voulait dire tout ça. Pour le culpabiliser lui aussi ? Elle se doutait bien qu’il n’avait pas besoin de ça … Mais elle s’en excusa tout de même. « Arrêtes de t'excuser parce que tu dis ce que tu penses. Je ne vais pas te chasser, je ne vais pas te laisser te débrouiller seule. Je suppose que je mérite ces réflexions, puisqu'elles sont vraies alors arrêtes de dire que tu es désolée. » Elle releva la tête et le fixa un instant, avant de détourner les yeux. Elle était douée pour dire ce qu’elle pensait, ben trop même. Elle choisissait toujours les mauvais moments pour s’exprimer, mais ce soir était un mauvais moment dans son ensemble. Pourtant, elle se sentait un peu mieux qu’il le prenne comme ça plutôt que de réellement se mettre en colère. Elle allait essayer de ne plus s’excuser, mais elle essaierait également de mettre un bâillon sur ses paroles irréfléchies, elle n’avait pas besoin de causer plus de dégâts dans cette situation déjà bien trop désespérée. Elle regarda en silence l’elfe de maison apparaître subitement, dès qu’elle eut parlé de son envie de thé, et le fixa tandis qu’il s’affairait dans la cuisine. « Si cela parvient à effacer ta mémoire quelques heures, j'en prendrais bien une aussi. » Elle reporta son attention sur Daley, un maigre sourire aux lèvres, puis attrapa la tasse qui se matérialisa devant elle. Elle plaça ses mains de chaque côté, en absorbant la chaleur, comme si cela pouvait réchauffer ses os glacés. « Je ne garanti par le résultat, mais c’est mieux que rien. » Finit-elle par répondre, avant de porter la tasse à ses lèvres. Sans surprise, le thé brûlant n’effaça ni ses souvenirs, ni la douleur sourde dans sa poitrine, mais il la réchauffa un peu … Et puis, c’était la première chose agréable avec laquelle elle entrait en contact depuis des heures, ce n’était pas négligeable. « Tu dis que je suis plutôt poète mais ce que je t'ai dit, ce n'est pas de moi. C'est une infirmière qui m'a dit ça en déposant Liadan dans mes bras. Qu'elle était le plus beau cadeau qu'une femme puisse faire à un homme. » Elle eut un léger sourire à cette image. Elle n’en avait jamais douté, après tout, elle avait toujours souhaité un enfant. Seulement, pas dans ces conditions. Mais elle devrait accepter ce cadeau plutôt que de souhaiter en vain que les choses soient différentes. « Et c'était vrai. C'est pourquoi je te l'ai répété ce soir. » Morgana reprit une gorgée de thé, puis posa les coudes sur la table et posa le menton sur ses mains jointes, sans quitter Daley du regard. « Je me demande comment il aurait réagi, Alex. Si je le lui avais dit. Il aurait peut-être été content, il aurait peut-être vu ça comme un cadeau, comme tu dis, mais on ne pouvait pas être ensemble, de toute façon … Ca n’aurait pas fonctionné. » Elle sentit que sa gorge se nouait à nouveau, à l’évocation d’Alexander, et elle détourna le regard, en faisant de son mieux pour empêcher les larmes de se mettre à couler. « J'ai l'impression qu'il s'est passé une éternité depuis la dernière fois qu'on s'est vus au parc. » Elle ne pouvait pas être plus d’accord avec lui. « Ca m’avait fait tellement bizarre de voir que tu étais papa … Mais maintenant, ça me semble normal. Tu as l’air fait pour ce rôle, c’est tout de même étrange ! Je n’aurais jamais pu t’imaginer comme ça, mais je suis contente pour toi. » Mais dans un sens, elle préfèrerait qu’il n’ait jamais connu les joies de la paternité, plutôt que de subir cette situation atroce avec son père, mais ce n’était pas leur choix. Et Liadan était ce qui le raccrochait à son humanité, elle l’avait vu au parc, et ça, ça n’avait pas de prix.

Daley savait que Morgana n'accepterait jamais de la blâmer totalement, parce qu'elle était bien trop gentille, bien trop compatissante pour ça, elle se sentait coupable et refusait qu'il endosse la responsabilité de la situation mais elle semblait ignorer combien il en avait besoin à cet instant, combien il devait se sentir coupable pour pouvoir avancer. Étrangement, savoir que tout était sa faute lui ferait plus de bien que de chercher à se défaire de la situation, il avait besoin d'encaisser, qu'on lui reproche ce qui venait de se passer, parce qu'il préférait être en colère contre lui-même qu'abattu de chagrin, il ne voulait pas de cette douleur supplémentaire, il ignorait comment il pourrait vivre avec, il y avait trop longtemps qu'il ne l'avait pas ressenti, depuis la mort de sa mère, il n'avait pas pleuré, il n'avait jamais été démonstratif mais il savait au moins ressentir les choses correctement mais à cet instant précis, il en était tout simplement incapable. Il se sentait vide, il se sentait mal et il voulait s'échapper de ces sentiments désagréables qui couvaient en lui comme un feu lui brûlant les entrailles. Il vit Morgana fermer les yeux et appuyer le front contre son torse, se laissant aller à sa fatigue, à sa peine et il aurait tellement aimé faire la même chose, il aurait tant voulu se laisser aller mais quelque chose l'en empêchait et lui comprimait l'estomac à chaque fois qu'il sentait qu'il allait flancher. « Et toi non plus. Ni moi, ni toi, seulement les Mangemorts qui ont tiré sur lui, d’accord ? Ca ne sert à rien de débattre là-dessus, ça ne le fera pas revenir … » Il la regarda pendant de longues secondes sans rien dire. Il ne savait pas quoi répondre, ce n'était pas ce qui allait l'aider à mieux dormir et il était presque sûr que c'était la même chose pour Morgana. Ils ne faisaient que reculer, que repousser le problème et enfouir leur culpabilité n'était pas la solution pourtant elle avait raison, rien ne le ferait revenir, pas plus leur haine que leurs reproches, leur douleur ou leur désir de vengeance. Parce qu'il avait, il ressentait le besoin, de massacrer absolument tout ce qui allait se trouver à proximité dans très peu de temps. La mort des membres de l'Ordre ne l'avait pas satisfait, il n'avait pas assouvi sa soif de sang, son désir de tuer, de faire du mal comme on lui en faisait au quotidien. Jamais encore il ne s'était senti aussi proche de son point de rupture, le moment où il allait définitivement basculer et seule Morgana, qui s'accrochait encore à lui, parvenait à le maintenir dans la réalité de la situation. Il finit par hocher la tête, non sans avoir hésité et sans rien répondre, il en était incapable. Il ne pouvait pas arrêter de débattre et pourtant il le fit, parce qu'il devait accepter la triste réalité. Morgana devait avoir une mauvaise étoile quand elle choisissait ses fréquentations, elle n'avait pas de chance et ils s'en rendirent compte à cet instant précis, il eut envie de sourire en comprenant l'ironie de toute cette situation. « Ouais, je crois bien. J’ai le don pour repérer les futurs Mangemorts et m’y attacher. J’ai de la chance. » Pourtant, il se renfrogna à ses paroles, se sentant encore plus coupable d'être devenu un mangemort quand il voyait le mal que cela faisait à Morgana mais il chassa ce sentiment très vite, il ne lui avait fait aucun cadeau quand ils s'étaient vus la dernière fois, il serait déplacé de sa part de faire un commentaire de ce genre maintenant ou d'éprouver du regret. « Tu ne l'as pourtant pas mérité. » Répondit-il simplement, parfaitement sincère mais légèrement mal à l'aise face à cet aveu. Aucun d'eux ne méritait Morgana, elle était bien trop gentille pour des mangemorts de son genre.

Si Daley s'était attendu à ramener Morgana chez lui ce soir, il aurait probablement rit de cette hypothèse, il se serait moqué de sa propre intuition bancale. Et il ne s'attendait encore moins à l'aveu qu'elle lui fit, l'annonce de sa grossesse qui le poussa lui-même à se confier sur les circonstances de la naissance de Liadan, ce qu'il avait rarement dit. La dernière fois, Daley avait simplement dit à Morgana que Sélène était morte avec un détachement qui, il l'avait bien vu, n'avait pas manqué de choquer la jeune femme. Aujourd'hui, peut-être comprenait-elle alors pourquoi il n'avait pas eu la moindre intonation de tristesse à l'évocation de la disparition de sa défunte petite amie. Il savait que Morgana ne l'avait jamais porté dans son cœur et ils avaient eu quelques disputes à ce sujet, surtout que Sélène avait toujours été jalouse de Morgana et du temps que Daley passait avec elle. « On n’écoute pas quand on aime, on se contente de suivre ses sentiments et d’en profiter … Et il vaut mieux en profiter tant qu’on le peut. Malgré tout, elle t’a donné ta fille, et elle est morte, on ne peut pas trop lui en vouloir. » Il eut presque envie de rire devant le côté fataliste de Morgana. Elle était presque tranchante dans ses paroles, comprenant enfin la haine qui grondait en Daley depuis des années, depuis qu'elle était morte en lui laissant sa fille. Il esquissa cependant un sourire en regardant de nouveau Morgana. «Tu ne l'aimais vraiment pas hein ? » Il connaissait la réponse à cette question évidemment, c'était plus une question rhétorique mais il finit quand même par tourner le regard vers la porte de la cuisine, levant les yeux, là où il savait être la chambre de sa fille qui dormait paisiblement dans son lit. Il garda cette posture un instant avant de hocher la tête, reportant son attention sur Morgana. « On peut dire qu'elle a au moins réussi quelque chose dans sa vie, si elle n'était pas morte, je suis sûr que j'aurais fini par l'assassiner. » Répondit-il sombrement, absolument sérieux et pourtant, il savait ses paroles cruelles. Mais Sélène avait tellement changé à partir du moment où elle avait appris sa grossesse, devenant odieuse avec lui, tellement insupportable qu'il avait songé partir un millier de fois jusqu'à ce qu'elle lui fasse les yeux doux pendant quelques semaines pour mieux recommencer, encore et encore, durant neuf longs mois, jusqu'à la naissance de sa fille. Mais soudain, parler d'amour, de cadeau, de naissance, lui rappelait trop l'époque où il avait dix-sept et où ce comportement chez lui était normal, presque instinctif, toujours réconforter ceux qui l'entouraient, à commencer par Morgana. Il avait toujours été là pour elle, comme elle pour lui et il détestait endosser ce rôle à nouveau parce qu'il ne le méritait pas, il n'avait rien à faire là, Morgana était tellement mieux sans lui qu'il réagit pour la faire fuir, pour qu'elle s'éloigne parce que c'était la seule manière dont il savait réagir. Mais l'effet ne fut pas celui qu'il avait espéré et elle tapa du poing sur la table, le ramenant à la réalité de la situation, se lançant dans un discours que Daley avait du mal à suivre. Elle s'était levée, elle avait haussé la voix mais Daley n'arrivait pas à comprendre ce qu'elle lui demandait. Bien malgré lui, il aurait voulu la repousser encore, la faire partir parce que l'avoir près de lui le blessait plus qu'il ne l'avait admis, il n'était plus celui qu'il avait été et elle lui demandait de reprendre ce rôle, pour une seule soirée, celui d'un ami présent pour une amie. Seulement quelques heures, quelques toutes petites heures. « Pourquoi est-ce que tu as besoin d’être comme ça ? Tu es capable d’être différent, pas pour toujours, je ne te demande pas de changer, mais juste ce soir, arrête de vouloir tout prendre pour toi, de vouloir être responsable ou de reprendre le rôle du Mangemort. Tu es aussi blessé que moi, même si tu le caches mieux que moi. On peut en rester là, tu peux redevenir celui que tu étais il y a dix secondes sans essayer de me convaincre que c’est de ta faute. S’il te plaît. » A sa demande, à la voir si proche du point de rupture, Daley sentit son corps trembler et une sueur froide lui parcourir l'échine. Il ne savait pas faire ça et il était à deux doigts de se taper la tête contre les murs pour chasser le mangemort qui grondait en lui et lui ordonnait de ne pas se laisser faire, de la faire taire parce qu'elle disait trop de choses qui ne lui plaisaient pas. Il inspira, il ferma les yeux un instant, il fit passer une main tremblante dans ses cheveux avant de rouvrir les paupière et la voir, toujours écumante de rage dirigée contre lui. Que devait-il faire ? « Tu as parfaitement raison, c'est comme ça que je règle mes problème, je rêve de te voir sortir ta baguette pour m'infliger mille tourments, parce que je préfère largement cette souffrance à toute autre forme de douleur ! Oui, je règle mes problèmes comme ça parce que c'est aujourd'hui la seule et unique manière que je connaisse mais même si je le voulais, je ne pourrais pas me battre contre toi et je ne pourrais pas me défaire de ce que je ressens. Je ne veux pas que tu me vois comme celui que je ne suis plus pour te réveiller demain matin et être rattrapée par la réalité, et te décevoir à nouveau comme ce jour où tu as découvert la marque sur mon bras ! » Il ne ressentait pas de réelle colère dirigée contre elle, il parlait d'une voix neutre, pas tout à fait froide mais ce n'était pas non plus le ton de la conversation, il vibrait en lui une colère qui menaçait d'exploser mais il refusait d'exposer davantage Morgana à ce qu'il était, si c'était réellement ce quelle voulait. « Je peux te fournir cette illusion pour ce soir Morgana mais je ne suis pas sûr de vouloir observer la terreur dans tes yeux à nouveau. » Il avait eu du mal à se contenir lorsqu'elle avait découvert la marque et lorsqu'elle s'était glacée d'effroi. Il s'était senti vide. Il ne pouvait pas nier l'amitié qui les avait uni ni ce qu'il avait ressenti pour elle pendant toutes ces années, il ne pouvait balayer ce qu'ils avaient vécu et c'était la raison pour laquelle il s'était toujours arrangé pour ne pas se retrouver en face d'elle et avait toujours prié pour que leurs chemins ne se croisent plus. Mais ça s'était produit pourtant et ils devaient à présent faire face ensemble à ce qui leur arrivait. Il avait l'impression d'être complètement vide, il ne savait plus quoi faire, même s'il ne tenait pas à se disputer avec Morgana, il voulait qu'elle comprenne qu'il rêvait de lui offrir une nuit de tranquillité mais qu'au matin, il serait toujours le même, il n'aurait pas changé et c'est ce qui était le plus dur à accepter pour lui. Si bien qu'il finit par lui demander d'arrêter de s'excuser à tout bout de champ pour les vérités qui franchissaient ses lèvres et qui faisaient l'effet d'autant de couteaux contre sa peau. Il avait l'impression qu'on l'écorchait de l'intérieur d'être ainsi jugé mais il savait mériter ces reproches et la voir regretter chaque mot pour une raison qu'il ignorait l'irritait plus qu'il n'aurait su le dire. Ils finirent par se calmer et se mettre d'accord sur une tasse de thé, pour réchauffer leurs cœurs froids et pour calmer la température devenue glaciale de la pièce, ils en avaient tous les deux besoin. « Je ne garanti par le résultat, mais c’est mieux que rien. » Il eut un sourire un peu sinistre en observant sa propre tasse, tentant de ne pas penser aux boissons alcoolisées qui traînaient dans le bureau de son père. Pas question de faire quelque chose d'aussi irréfléchi avec Morgana et Liadan dans la même maison que lui. Il n'avait pas perdu ses instincts de père et il était conscient à chaque instant de la présence de sa fille non loin de lui, ce qui lui réchauffait le cœur avec le désastre de cette soirée. « Je ne me souviens pas la dernière fois que j'ai avalé une tasse de thé, je suppose que ça ne peut faire que du bien. » Avoua-t-il avant de prendre une gorgée et de grimacer légèrement, peu habitué à cette sensation désagréable de boire simplement de l'eau à l'arrière goût désagréable. Mais la chaleur lui brûlait agréablement la gorge, comme un besoin de souffrir insaisissable. Il finit par se confier un peu plus, par dire des choses qu'il pensait et il savait qu'au fond de lui, même s'il était parfaitement calme, il couvait une colère qu'il ne saurait retenir plus d'une nuit. Il tourna la tête vers elle, captura le regard de Morgana et ne le lâcha plus, sentant à cet instant plus proche d'elle que jamais. « Je me demande comment il aurait réagi, Alex. Si je le lui avais dit. Il aurait peut-être été content, il aurait peut-être vu ça comme un cadeau, comme tu dis, mais on ne pouvait pas être ensemble, de toute façon … Ca n’aurait pas fonctionné. » Il sentit sa détresse et dans un geste qu'il ne prit pas le temps d'analyser, il avança sa main pour lui prendre la sienne, nouant leurs doigts comme il le faisait souvent lorsqu'elle avait besoin de réconfort et il se détestait pour ces réactions innées de son cœur et pourtant, ce contact l'apaisait tout autant, il en avait autant besoin qu'elle, si ce n'était plus. Il chercha à capturer son regard avant de répondre. « Il aurait été ravi, j'en suis certain. Et vu la façon dont il parlait de toi la dernière fois qu'on a parlé, tu peux être sûre qu'il aurait fini par trouver le moyen pour que vous soyez ensemble. » Il lui serra doucement les doigts, sans la moindre pression désagréable, ne se reconnaissant pas dans les paroles qu'il prononçait et pourtant, il en pensait chaque mot. Son but n'était pourtant pas de blesser Morgana en lui faisant regretter une vie qu'elle aurait tant voulu et c'est pourquoi il ajouta. « Tu vas t'en sortir Morgana, tu es suffisamment forte pour ça, tu surmonteras tout ça. » Il voulait qu'elle en soit sûre mais il avait aussi besoin qu'elle le rassure, qu'elle n'ait pas l'idée de faire la moindre bêtise, le moindre faux pas. Elle portait la vie, elle ne pouvait pas renoncer à la sienne ni à l'héritage de Alex de cette façon, il savait qu'elle passerais au dessus de cette épreuve de la vie, même si tout cela était dur et laborieux, elle finirait par sortir la tête de l'eau et respirer à nouveau un air frais et rafraîchissant.

Il ne la quittait pas des yeux, désarçonné par son aveu suivant. « Ca m’avait fait tellement bizarre de voir que tu étais papa … Mais maintenant, ça me semble normal. Tu as l’air fait pour ce rôle, c’est tout de même étrange ! Je n’aurais jamais pu t’imaginer comme ça, mais je suis contente pour toi. » Il avait tellement envie de se dérober et d'exploser à nouveau et il serra légèrement la main de Morgana pour s'en empêcher, pour rester avec elle, pour éviter de faire une nouvelle bêtise qui éloignerait définitivement la jeune femme de lui. Ce fut son tour de détourner les yeux pour répondre, le regard rivé sur le mur le plus proche, comme s'il réfléchissait à ses paroles. « J'ignore si je suis réellement fait pour ce rôle. Quel genre de père je suis pour la laisser ici, seule la plupart du temps avec un mangemort sans scrupule ? La seule chose qui le retient de lui faire du mal est qu'il sait que je serais capable de briser mon serment pour l'en empêcher... » Il parlait sans vraiment y réfléchir, rappelant les termes du contrat qui le liait à son père et pourtant, il disait simplement la vérité, il était capable de cela pour sauver sa fille, ni plus, ni moins. Il finit par hausser les épaules. « Je suppose que l'échec de cette nuit ne restera pas impuni, encore une fois, ma fille ne pourra pas voir le père parfait que je suis pendant plusieurs semaines. » Il parlait d'une voix égale mais il était tout sauf aussi calme à l'intérieur et il préféra immédiatement plonger ses yeux dans ceux de Morgana et baissa le regard vers son ventre, pas assez arrondi pour que l'on y devine sa grossesse. « Tu feras une mère formidable. De nous deux, c'est toi que j'ai toujours vu parent en premier, tu as tout ce qu'il faut pour ça. Il a déjà un énorme avantage dans la vie ce petit, puisqu'il t'as toi. » Il n'avait tellement plus l'habitude de faire le moindre compliment que sa main se crispa contre celle de la jeune femme et il fut tenter de se lever et de partir, il se battait contre lui-même pour pouvoir accorder ce que Morgana lui avait demandé les larmes aux yeux. Il lui devait bien ça pour avoir été responsable de la mort de celui qu'elle aimait. Mais incapable d'en supporter davantage, il lâcha pourtant la main de la jeune femme et la rapporta contre lui et contre sa tasse de thé dont il était dorénavant incapable de boire une gorgée, la gorge nouée par un sentiment jusqu'alors inconnu pour lui.

Toute sa vie, Morgana s’était estimée chanceuse. Sa famille était aimante, soudée, sans problèmes. Son parcours scolaire avait été correct elle avait obtenu ses diplômes sans faire de gros efforts, fournissant uniquement le travail nécessaire pour obtenir une moyenne acceptable. Elle s’était fait des amis merveilleux, avait toujours été très bien entourée, n’avait jamais connu la solitude ou l’abandon. Elle avait obtenu un job qu’elle adorait sans beaucoup de difficultés, y avait rencontré un homme fabuleux. Elle avait commencé à faire des plans sur le futur, n’imaginant pas que les choses puissent dévier d’un pouce du chemin facile qu’elles avaient toujours suivi. Bientôt viendrait le mariage, les enfants, et tout s’enchaînerait en douceur, comme toujours. Mais des nuages noirs s’étaient amoncelés au-dessus de sa tête quand de sombres rumeurs sur Voldemort avaient commencé à courir. Bien sûr, elle s’était inquiétée, comme tout le monde. Mais pas au point d’imaginer que sa vie puisse être chamboulée du tout au tout à cause de rumeurs. Mais les rumeurs étaient devenues réalité, les nuages avaient apportés les tempêtes, et tout avait été emporté. L’homme fabuleux était passé dans le camp adverse et l’avait abandonnée, sa famille avait été déchirée, son job lui avait été enlevé, sa sécurité lui avait été interdite. Sa vie sans encombre s’était transformée en cauchemar, digne des meilleurs Epouvantards. Et quand elle pensait avoir touché le fond, elle découvrait qu’il y avait pire, bien pire encore … Il y avait le visage sans vie d’Alexander, le sang partout, le désespoir et le vide. Un vide qui allait l’emporter et la détruire elle aussi, dès qu’elle s’y laisserait tomber. Mais elle était retenue au bord du gouffre par les mains de Daley qui la soutenaient, par sa volonté impérieuse qui lui interdisait formellement de se laisser aller, par ses efforts pour lui parler. Il l’avait abandonnée, des années plus tôt. Il était le seul, le seul à l’avoir jamais abandonnée alors qu’elle comptait tant sur lui. Et il était le seul, aujourd’hui, à être là pour empêcher qu’elle ne sombre. Comme la vie faisait bien les choses. « Tu ne l'as pourtant pas mérité. » Elle grimaça, bien d’accord avec lui. Elle ne savait pas quelle entité supérieure elle avait froissé pour récolter tout ça, mais elle n’avait pas eu conscience de faire quoi que ce soit qui vaille une telle punition … « Tu n’avais pas mérité de finir comme ça non plus … et Alex non plus ... » Quand elle les avait connus, ils étaient bien loin d’être ce qu’ils étaient devenus. Ils n’avaient pas choisi cette route, encore moins qu’elle. Ses épaules s’affaissèrent, et elle dut faire un effort monumental pour ne pas tourner la tête et essayer de voir Alexander, derrière elle. Elle ne devait pas, elle ne pouvait pas. Elle n’avait pas la force de supporter cette vision une nouvelle fois …

Chez Daley, au moins, elle n’était plus tentée. Elle ressentait l’absence d’Alexander comme un trou qui se creusait chaque seconde davantage dans sa poitrine, arrachant sa chair pour s’y faire une place, et elle ne savait pas encore combien de temps elle tiendrait le coup, mais elle tenait. Une minute de plus, et une autre, et encore une … Ce serait sans doute ainsi le reste de sa vie : une enfilade de minutes qui se succédaient, interminables et infinies, parce que c’était ainsi que les choses allaient … Elle ne pouvait pas mourir de chagrin de cette douleur qui mettait son cœur à la torture. Elle survivrait et devrait supporter ce calvaire toute sa vie. Elle avait bien trop profité du bonheur jusqu’à maintenant pour que cela soit éternel … Daley, contrairement à elle, connaissait la douleur, la peine et le désespoir depuis bien plus longtemps. Et malgré ses efforts, il laissait échapper, de temps à autres, des indices indiquant qu’il ne s’y était pas encore habitué. Il avait simplement appris à mieux dissimuler ses émotions. Il n’était pas insensible, il ne voulait simplement pas qu’on voie qu’il ressentait des émotions lui aussi. Mais l’indifférence face à la mort de sa compagne, par contre, n’était pas feinte du tout … Et Morgana comprenait enfin pourquoi. «Tu ne l'aimais vraiment pas hein ? » Elle eut une grimace éloquente : nul besoin de répondre à ça, ils savaient tous les deux depuis le début qu’elle n’avait jamais apprécié Sélène, malgré tous ses efforts. « On peut dire qu'elle a au moins réussi quelque chose dans sa vie, si elle n'était pas morte, je suis sûr que j'aurais fini par l'assassiner. » Le demi-sourire de Morgana disparut bien vite quand elle réalisa que ce qu’il disait, c’était ce dont ils avaient été témoins à peine une heure plus tôt. Elle ne doutait pas que Daley l’aurait fait, elle ne doutait plus de rien après avoir vu Alexander assassiner sa propre femme. Pour elle. Pour qui l’aurait-il fait, lui ? Pour sa fille, il en était bien capable … De ce qu’elle savait, elle était la seule qui puisse le faire réagir aussi excessivement. Sans réfléchir, pour lui sauver la vie, il aurait mis la sienne en péril, et plutôt cent fois qu’une … Ce qu’elle comprenait de plus en plus, à présent. Si elle avait pu, elle se serait mise en travers des sortilèges des Mangemorts pour éviter la mort à Alexander. Elle se serait laissé torturer par Tessa pendant des jours, des semaines et des mois. Pour le seul espoir de revoir Alex une seule fois …

Mais ce n’était plus possible, à présent. Alex avait disparu et elle n’avait plus que Daley, mais même lui semblait vouloir fuir, revêtir son habit de Mangemort pour pouvoir prétendre qu’il ne ressentait rien, qu’il était responsable de tout, et qu’il pouvait tout encaisser. Mais elle ne pouvait pas tout encaisser, et sûrement pas de le voir ainsi. Ce n’était pas du Mangemort qu’elle avait besoin, c’était de son ami. Il ne l’aiderait pas en prenant la responsabilité pour lui, il ne ferait que naître en elle une haine dont elle ne voulait pas. Elle ne savait pas gérer la haine, elle se laisserait détruire par un tel sentiment qui lui était si peu naturel. Surtout quand il s’agissait de devoir haïr quelqu’un qui l’aidait avec tant de ferveur, qui venait de lui sauver la vie et qui lui permettait de respirer quelques heures de plus avant le grand plongeon dans les abîmes du désespoir. Elle était furieuse qu’il puisse lui demander une chose pareille, et quoi qu’il dise, elle n’entrerait pas dans son jeu. « Tu as parfaitement raison, c'est comme ça que je règle mes problème, je rêve de te voir sortir ta baguette pour m'infliger mille tourments, parce que je préfère largement cette souffrance à toute autre forme de douleur ! Oui, je règle mes problèmes comme ça parce que c'est aujourd'hui la seule et unique manière que je connaisse mais même si je le voulais, je ne pourrais pas me battre contre toi et je ne pourrais pas me défaire de ce que je ressens. Je ne veux pas que tu me vois comme celui que je ne suis plus pour te réveiller demain matin et être rattrapée par la réalité, et te décevoir à nouveau comme ce jour où tu as découvert la marque sur mon bras ! » Elle le fixa, les poings serrés si forts que ses jointures en blanchirent, vibrante d’indignation. « Je peux te fournir cette illusion pour ce soir Morgana mais je ne suis pas sûr de vouloir observer la terreur dans tes yeux à nouveau. » Elle secoua la tête, faisant virevolter ses cheveux autour d’elle. « Mais c’est trop tard, Daley ! La réalité m’a déjà rattrapée, qu’est-ce que je peux encore apprendre de plus ? Qu’est-ce qui peut être pire encore que tout ça ? Je ne suis plus une gamine, je sais ce que tu fais, je sais qui tu es, maintenant plus que jamais ! Je sais ce que tu iras faire demain et les jours suivants ! Oui, je te vois différemment parce que tu m’as aidée, parce que tu es resté avec moi, mais je sais que tu restes un Mangemort. Qu’est-ce que ça change ? Tu ne m’as pas laissée seule là-bas et je ne peux pas m’empêcher d’être reconnaissante malgré tout, parce que tu m’aides, et que sans toi je serais … Je serais sans doute … » Elle s’était mise à gesticuler tout en parlant, mais ses mains retombèrent le long de son corps tandis que sa voix perdait de sa puissance, jusqu’à devenir proche d’une supplique. « J’ai besoin de toi, je ne veux pas te haïr, tu sais que je n’y arriverais pas. Si tu ne veux pas me décevoir, oublie cette foutue marque juste pour cette nuit, reprends-la quand je m’en irais, et tu ne verras pas la terreur dans mes yeux, je te le promets. » Elle savait que conserver leur amitié, dans ces conditions, était uniquement un beau rêve qui ne verrait jamais le jour. Il était Mangemort, son travail était de traquer les gens comme elle, et même si ne s’en prendrait jamais à elle, il finirait par tomber sur des amis à elle, sur des gens qu’elle aimait. Et elle serait terrifiée, et elle serait furieuse. Elle le savait, il n’y avait pas à se voiler la face. Demain elle partirait en priant pour qu’ils ne se revoient plus jamais, mais cela ne signifiait pas qu’ils devaient se comporter comme des ennemis cette nuit. La guerre avait ses paradoxes, et cette nuit Morgana voulait juste profiter de l’amitié de Daley sans se poser de questions sur le bien-fondé de son comportement ou sur ses meurtres à venir.

Ses cris l’avaient mise à cran, et elle se rassit en sentant ses jambes trembler sous son poids. Mais la tempête était passée, et ils la noyèrent dans une tasse de thé. Même si le breuvage n’avait rien effacé, il avait au moins calmé leurs tensions. « Je ne me souviens pas la dernière fois que j'ai avalé une tasse de thé, je suppose que ça ne peut faire que du bien. » Morgana eut un maigre sourire, un peu amusée qu’il se plie à sa demande malgré tout, avant de reprendre une longue gorgée à sa propre tasse. Mais ce petit moment de flottement ne devait pas durer, le thé ne pouvait pas garder indéfiniment ses démons éloignés d’elle … Mais la main de Daley vint prendre la sienne, alors qu’elle évoquait à nouveau la disparition d’Alexander, et elle sentit son cœur se serrer tandis que leurs doigts s’entremêlaient. Quoi qu’il dise, il ne pouvait pas cesser d’être un appui pour elle, et elle l’en remerciait tellement … « Il aurait été ravi, j'en suis certain. Et vu la façon dont il parlait de toi la dernière fois qu'on a parlé, tu peux être sûre qu'il aurait fini par trouver le moyen pour que vous soyez ensemble. » Elle eut un rire étranglé qui se termina en sanglot, et elle serra la main de Daley plus fort entre ses doigts, avant de se frotter les yeux pour effacer ses larmes de l’autre main. Ses paroles faisaient naître en elle une douleur difficilement supportable, mais elle était contente qu’il les ait prononcées. Même si cela ne faisait que lui rappeler ce qu’elle avait perdu, elle avait besoin d’entendre ce genre de phrase, qui la rassurait de façon assez étrange sur l’amour qu’il y avait pu y avoir entre elle et Alex. Elle aimait penser qu’il aurait pu trouver quelque chose pour qu’ils soient réunis malgré tout, et c’était agréable de penser qu’il ait pu le laisser sous-entendre à son meilleur ami, même s’il y avait beaucoup à parier que Daley ne disait cela que pour lui faire plaisir. « Tu vas t'en sortir Morgana, tu es suffisamment forte pour ça, tu surmonteras tout ça. » Elle releva les yeux pour regarder Daley, essayant de puiser dans sa confiance la force dont elle aurait besoin. « Je vais essayer … Au moins pour le bébé. » Tenta-t-elle de le rassurer. C’était bien la seule chose qui pouvait la persuader de se battre encore, et de ne pas baisser les bras pour se laisser dépérir. Mais même le bébé ne suffirait pas à tenir les ténèbres loin d’elle, elle le savait. Elle était terrifiée à l’idée de ce qui allait venir, des mois et des années qui l’attendaient, sans Alexander. Elle ne devait pas y penser.

Au lieu de penser à un avenir qui semblait désespérément invivable, elle se focalisa sur Daley, sur sa vie avec sa fille et sur la surprise qu’elle avait eue d’apprendre qu’il était papa, et elle fut grandement reconnaissante de ce changement de sujet. « J'ignore si je suis réellement fait pour ce rôle. Quel genre de père je suis pour la laisser ici, seule la plupart du temps avec un mangemort sans scrupule ? La seule chose qui le retient de lui faire du mal est qu'il sait que je serais capable de briser mon serment pour l'en empêcher... » Ces aveux, exprimés d’un ton égal, glacèrent Morgana avec plus d’efficacité que s’il s’était mis en colère ou s’il avait fondu en larmes. « Je suppose que l'échec de cette nuit ne restera pas impuni, encore une fois, ma fille ne pourra pas voir le père parfait que je suis pendant plusieurs semaines. » Encore une fois, il ne faisait pas étalage de ses émotions, mais elle se doutait qu’au fond, il était loin de voir ces faits avec impassibilité. Elle serra le poing, avant de desserrer les doigts pour recouvrir la main qui serrait la sienne. « Tu feras une mère formidable. De nous deux, c'est toi que j'ai toujours vu parent en premier, tu as tout ce qu'il faut pour ça. Il a déjà un énorme avantage dans la vie ce petit, puisqu'il t'a toi. » C’était un beau rattrapage, et elle baissa la tête, un demi-sourire aux lèvres. « Merci … J’espère que je serais à la hauteur, c’est beaucoup de pression ! » Plaisanta-t-elle faiblement, avant de pousser un petit soupir. Elle serra une nouvelle fois la main de Daley dans sa main, avant de planter son regard dans le sien. « Et ta fille a un énorme avantage en t’ayant toi. Imagine que tu sois mort ? Ce serait encore pire pour elle. Ce n’est pas ton choix si tu ne peux pas être avec elle, tu ne peux rien faire contre ça, mais les moments que tu passes avec elle prouvent à quel point tu l’aimes, et à quel point tu serais un père formidable si la situation était différente. Je ne vous ai pas vus bien longtemps la dernière fois, mais c’était parfaitement clair, et je suis certaine que Liadan l’a compris depuis longtemps. Tu l’aimes plus que tout le reste, c’est tout ce qui compte. » Elle fronça les sourcils, et jeta un regard au plafond, comme il l’avait fait quelques secondes plus tôt, sans doute en direction de là où se trouvait sa fille actuellement. « Et je ne comprends pas pourquoi ton père considèrerait ce soir comme un fiasco … Tous les réfugiés sont morts, non ? C’était le but et vous l’avez atteint, malgré … les pertes. » Fit-elle d’un ton sombre. Et quand Daley retira sa main de la sienne, elle se sentit encore plus inutile, incapable de l’aider en quoi que ce soit. « Pourquoi personne ne s’occupe de ton père ? Il y a des Mangemorts qui meurent tous les jours, ils pourraient être un peu plus sélectifs. » Lança-t-elle sans réfléchir, avant de réaliser ce qu’elle venait de dire. Une nouvelle fois, elle aurait mieux fait de se taire … Mais comme elle l’avait promis, elle ne s’excusa pas, et se contenta de détourner les yeux, mortifiée. Quelle idiote … Parler de l’assassinat de son père, même s’il était communément accepté comme la pire des plaies, n’était sans doute pas une bonne idée. « Tu … Heu … » Elle jeta un regard autour d’elle en balbutiant, cherchant désespérément un moyen pour détourner la conversation de sa bourde monumentale. « Tu es couvert de sang, tu es blessé ? » Fit-elle soudain, réalisant uniquement maintenant ce qu’elle avait devant les yeux depuis le début.

« Tu n’avais pas mérité de finir comme ça non plus … et Alex non plus ... » Non, ni Alexander ni lui n'avaient choisi la vie qu'on leur avait imposé, ils avaient souhaité de tout leur cœur une vie normale, sans cette guerre qui leur pourrissait leur quotidien. Daley avait toujours rêvé, depuis qu'il avait enfourché un balai pour la première fois, de devenir un professionnel de quidditch, de s'envoler à chaque fois qu'il le pourrait et être payé pour faire quelque chose qu'il aimait le plus en ce monde. Il pensait qu'il avait une petite amie parfaite et des amis, il avait toujours été très bien entouré, comme Morgana, ils avaient toujours eu des amis et ils étaient toujours là l'un pour l'autre tous les deux. Il pensait se diriger vers un bel avenir, devenir un homme bien, honnête et aimant, il pensait fonder une famille bien plus tard, quand il serait prêt et que sa carrière ne serait plus la chose la plus importante à ses yeux, il aurait un ou deux enfants et leur aurait appris sa passion, il vivrait dans une belle maison et la seule chose qui l'inquiéterait à ce jour serait qu'il était triste à l'idée de laisser son petit garçon ou sa petite fille aller à Poudlard pour la première fois en le voyant découvrir ses pouvoirs. Il aurait passé plusieurs après-midi chez Morgana, heureuse avec Alexander qui serait devenu, à défaut d'être son meilleur ami, comme un beau-frère avec qui il s'entendrait à merveille et leurs enfants joueraient ensemble dans le jardin de leur maison. Aux paroles de Morgana, ce film se joua dans son esprit comme dans un rêve flou dont il n'arrivait pas à discerner les contours et qui semblait trop beau pour être vrai. Utopiste, irréalisable. Au lieu de cette vision enchanteresse, Morgana avait le visage rougi par les larmes, son meilleur ami reposait à leurs côtés, sans vie, il avait une fille qui ne connaîtrait jamais sa mère et il était tombé amoureux d'une adolescente sans savoir où cette relation allait bien pouvoir les mener et ce que cela lui apportait. Sa vie était chaotique, un cauchemar vivant et la vision qu'il avait d'un futur alternatif se dissipa à son esprit pour laisser place à la cruelle vérité, à l'horrible instant présent dans lequel ils évoluaient tous les deux, comme s'ils ne s'étaient jamais quittés alors que finalement, l'amitié entre Morgana et Daley semblait éteinte depuis des années. Daley la regarda et esquissa un sourire en coin, même s'il n'atteignait pas ses yeux, plus un sourire triste face à la cruauté des événements. « Nous avons fait des choix qui nous ont conduit ici. Ironique quand on sait que la dernière chose que ma mère m'a laissé était une lettre me disant qu'on a toujours le choix de faire ce qu'on veut. J'ai toujours pensé que c'était ma punition pour avoir aimé la mauvaise personne ou pour ne pas avoir vu la détresse de ma mère. C'est pour ça que je pense que tu ne mérite pas tout ça, tu as toujours fait ce qu'il fallait. » Et c'était bien loin d'être un reproche, tout au contraire, il n'avait jamais été aussi sincère. Morgana avait toujours fait les bons choix, elle savait s'entourer, elle savait aider les autres, se porter volontaire, elle n'avait jamais choisi de ne pas voir volontairement une situation pour qu'elle apparaisse comme plus facile à ses yeux. Morgana était gentille, elle avait un cœur énorme, elle savait voir le bon où il ne se trouvait vraisemblablement pas. Elle s'était accroché à Alexander malgré son appartenance aux mangemorts et lui avait même tendu la main à lui, malgré ses tentatives de la repousser loin de lui. Son bon cœur finirait par la perdre, il en était persuadé mais ça ne voulait pas dire que ce n'était pas une magnifique qualité. Mais il n'ajouta rien d'autre et préféra les emmener loin de ce massacre, même si Daley projetait déjà d'y revenir durant la nuit, une fois qu'il aurait réussi à coucher Morgana et à faire en sorte qu'elle trouve le sommeil. Il allait s'y employer, elle avait besoin de repos et pas question de la laisser veiller toute la nuit, il ne supporterait pas qu'elle le voit partir en sachant parfaitement qu'il allait enterrer son ami de ses mains, parce qu'il n'avait pas l'intention d'utiliser la moindre baguette pour le faire. Il pensait aussi vaguement au corps de Tessa et non, Morgana n'avait définitivement pas besoin de savoir ce qu'il allait faire cette nuit-là.

Il la ramena chez lui et bien vite, ils se retrouvèrent dans la cuisine, où la jeune femme refusa pourtant d'avaler quoique ce soit, ce qui n'était pas pour plaire à Daley, il aurait préféré qu'elle retrouve des forces, elle en avait besoin autant qu'un bon bain chaud et d'un lit douillé dans lequel s'étendre pour se perdre dans un sommeil sans rêve. Mais ce ne fut pas ce qui le mit en colère, non, ce qui l'indignait, c'était ce comportement, ce désir de prendre soin d'elle et pas seulement parce qu'elle venait de perdre l'homme qu'elle aimait et pas seulement parce que cet homme était son meilleur ami, la raison, qu'il avait invoqué un peu plus tôt. Non, ces raisons, il les connaissait et il les détestait parce que voilà bien longtemps qu'il n'avait pas ressenti une chose pareille pour quelqu'un d'autre que sa fille et le vouloir pour Eden était déjà une épreuve, il ne pouvait pas complètement se métamorphoser et lutter contre ce qu'il était, Morgana avait certes était son amie toutes ces années mais il avait fini par tirer un trait sur elle et il ne supportait pas qu'elle voit ce qu'il était devenu, il ne voulait pas la voir exprimer un nouveau mouvement de recul, une expression de dégoût sur son visage de porcelaine, trop parfait pour avoir commis le moindre méfait. Elle avait les mains propres et les siennes débordaient du sang qu'il avait fait couler durant toutes ces années, comme pouvait-il seulement la toucher et la réconforter quand il ressemblait au monstre qui avait assassiné sauvagement celui qu'elle aimait ? Il ne valait pas mieux qu'un mangemort lambda et qu'elle n'accepte pas cette idée lui faisait mal et lorsqu'il avait mal, il criait, c'était une logique qu'il avait adopté depuis longtemps pour se préserver et pour garder sa fierté intacte. Comme il détestait à se le rappeler, sa fierté restait tout ce qui lui restait en ce bas monde, et il ne supportait pas l'idée de la voir mise à mal par des sentiments contradictoires. Mais visiblement, la colère qui l'envahissait ne manquait pas de se répercuter sur Morgana parce qu'au lieu de pleurer un être cher comme deux êtres humains auraient fait, voilà qu'ils se criaient dessus et mettaient leurs nerfs respectifs à dure épreuve. Il ne supportait pas voir le visage de la jeune femme déformé par la rage qu'il lui inspirait, il préférait être le seul à récolter les conséquences de ses sautes d'humeur mais il ne pouvait s'empêcher de répondre et d’envenimer les choses. Il préférait se disputer avec elle plutôt que d'affronter la dure réalité et s'effondrer dans ses bras en pleurant comme n'importe qui d'autre. Il n'avait pas le droit de faire ça, elle était suffisamment déboussolée, réagir de cette manière serait déplacé. « Mais c’est trop tard, Daley ! La réalité m’a déjà rattrapée, qu’est-ce que je peux encore apprendre de plus ? Qu’est-ce qui peut être pire encore que tout ça ? Je ne suis plus une gamine, je sais ce que tu fais, je sais qui tu es, maintenant plus que jamais ! Je sais ce que tu iras faire demain et les jours suivants ! Oui, je te vois différemment parce que tu m’as aidée, parce que tu es resté avec moi, mais je sais que tu restes un Mangemort. Qu’est-ce que ça change ? Tu ne m’as pas laissée seule là-bas et je ne peux pas m’empêcher d’être reconnaissante malgré tout, parce que tu m’aides, et que sans toi je serais … Je serais sans doute … » Il crispa les poings le long de son corps, pas parce qu'il était animé par la colère mais parce qu'il détestait se rappeler ce que Morgana aurait été capable de faire s'il n'avait pas été là pour l'emmener. Il ne préférait pas imaginer le pire, il détestait l'idée qu'elle se serait laissée mourir ou tuer après avoir perdu l'homme qu'elle aimait et s'il se reprochait d'avoir été l'instigateur de ce massacre, il se remerciait aussi d'en avoir été survivant pour prêter main forte à la jeune femme. Sa colère s’essouffla de cette manière tandis qu'elle continuait à lui parler, avec beaucoup moins de hargne de son côté également. « J’ai besoin de toi, je ne veux pas te haïr, tu sais que je n’y arriverais pas. Si tu ne veux pas me décevoir, oublie cette foutue marque juste pour cette nuit, reprends-la quand je m’en irais, et tu ne verras pas la terreur dans mes yeux, je te le promets. » Mais la marque était incrustée dans sa peau, il ne pouvait pas la faire disparaître et comme à chaque qu'il en parlait, elle lui brûlait la peau à travers l'étoffe de sa chemise, elle semblait irradiée complètement, comme pour se rappeler à son bon souvenir. Comment l'oublier quand il ne pourrait jamais la faire disparaître ? Le meilleur moyen serait de se couper le bras, une option non envisageable pour le moment, il avait besoin de ses deux bras, d'autant plus que le sorcier avait l'immense chance d'être gaucher et la marque était, comme pour tous les autres, apposée sur son avant-bras gauche, une sorte de bonus rien que pour lui. Il finit par soupirer légèrement alors qu'il regardait Morgana. « Je ne pense pas que tu sois réellement consciente de ce que je suis aujourd'hui, parce que tu refuseras d'y croire. Il ne faut surtout pas que tu me sois reconnaissante Morgana, je ne le mérite pas, j'ai fait ce que je pensais être juste, parce que je ne pouvais pas te laisser mais la reconnaissance est un ennemi, je n'attends rien de toi, tout ce que je veux, c'est que tu vives et que tu te battes, si tu as envie de me remercier, la seule chose que j'exige de toi est que te dises que tu ne me dois absolument rien. » Il savait parfaitement ce qu'il disait, elle ne supporterait pas de savoir ce qu'il avait fait, même si elle prétendait le savoir, même si elle pensait être assez grande pour l'assumer, elle ne pouvait y être préparé. Il n'était pas naïf, elle savait ce qu'était la guerre mais il y avait une différence entre connaître les méfaits des mangemorts et savoir que son ancien meilleur ami faisait pire que la plupart d'entre eux. Si la jeune femme venait à lui dire qu'il lui était arrivé de torturer quelqu'un, de tuer sans la moindre pitié, il aurait refusé d'y croire alors il pouvait imaginer l'inverse. Il finit par la regarder dans les yeux, parce qu'il savait qu'elle serait un jour à nouveau horrifiée par lui et que sa promesse tomberait à l'eau, elle ne pouvait pas promettre quelque chose qu'elle ne pourrait pas faire, ce n'était pas possible. Il finit par hocher la tête pourtant. « Je suis là pour toi. » Dit-il simplement, en réponse à sa demande d'aide, et ainsi, il scellait la promesse d'oublier cette marque qui ornait son bras et d'oublier combien il pouvait être tout à fait quelqu'un d'autre. Il serait là pour elle ce soir et ne penserait pas à lui et ce qu'il devrait faire. Il lui en faisait la promesse sans le faire avec des mots, se contentant de la regarder.

Ils finirent par s'asseoir, parce qu'ils parvenaient peu à peu à retrouver la sérénité ou ils se laissaient rattrapés par l'horreur de ce qui venait de les rapprocher et autour d'une bonne tasse de thé, dont le goût horrifiait Daley sans qu'il ne le montre, la situation semblait moins tendue, même si la jeune femme éprouvait toujours l'incroyable tristesse conséquente de la perte qu'elle venait de subir. Il savait qu'il en ajoutait avec ses paroles mais il ne pouvait pas ne pas les prononcer, parce qu'il voulait la rassurer, l'apaiser sur la force des sentiments de Alex à son égard. Il voulait qu'elle sache qu'ils auraient pu avoir un avenir, même si cela rappelait cruellement qu'elle n'avait plus d'avenir avec lui. Il sentit la main de la jeune femme se serrer dans la sienne et il la laissa essuyer ses larmes en silence, ne disant plus rien qui pourrait la ramener à sa douleur, il en avait assez fait. Tout ce qu'il voulait, c'était la voir se battre pour survivre à tout cela. « Je vais essayer … Au moins pour le bébé. » Ce n'était pas réellement la réponse qu'il aurait attendu d'elle, parce qu'il ne pouvait pas imaginer qu'elle ne vive que pour l'enfant, il aurait voulu qu'elle s'accroche à autre chose mais il n'avait aucun argument à lui présenter, aussi, il préféra garder le silence, tout de même apaisé qu'elle décide de se battre pour quelque chose et de vivre pour quelqu'un. L'estomac de Daley se retourna en se demandant ce qu'elle lui aurait répondu si elle n'avait pas été enceinte et il avait l'impression qu'un plomb lui tombait dans la poitrine, aussi le changement de sujet fut le bienvenu pour chacun d'eux. Même si cela le concernait et qu'il allait être obligé de mettre des mots sur ses ressentiments vis à vis de son père, de sa fille et de sa situation actuelle. C'est pourquoi il préféra finir par elle, en espérant que cela détournerait une nouvelle fois la situation. « Merci … J’espère que je serais à la hauteur, c’est beaucoup de pression ! » Il esquissa un sourire en coin à cette remarque, oh oui, il savait quelle pression ça pouvait être de se retrouver parent d'un petit enfant, surtout si on appréhendait cette situation en sachant pertinemment qu'on était seul. Oui, Daley pouvait parfaitement comprendre la situation de Morgana et malheureusement, il ne pouvait même pas lui promettre qu'il serait là pour l'aider, pour l'épauler, il n'était pas assez naïf pour penser qu'il aurait une place dans la vie de cet enfant et pourtant, il se passa une main dans la nuque, mal à l'aise. Il aurait tellement aimé prononcer ces mots mais il ne réussit pas à ouvrir la bouche avant elle et la conversation prit un tour qui ne le plut pas. « Et ta fille a un énorme avantage en t’ayant toi. Imagine que tu sois mort ? Ce serait encore pire pour elle. Ce n’est pas ton choix si tu ne peux pas être avec elle, tu ne peux rien faire contre ça, mais les moments que tu passes avec elle prouvent à quel point tu l’aimes, et à quel point tu serais un père formidable si la situation était différente. Je ne vous ai pas vus bien longtemps la dernière fois, mais c’était parfaitement clair, et je suis certaine que Liadan l’a compris depuis longtemps. Tu l’aimes plus que tout le reste, c’est tout ce qui compte. » Merde, elle ne savait pas combien elle avait raison, il n'aimait que Liadan de cet amour inconditionnel, si bien que cela lui faisait presque mal. Il hocha légèrement la tête mais Morgana ne s'arrêta pas là. « Et je ne comprends pas pourquoi ton père considèrerait ce soir comme un fiasco … Tous les réfugiés sont morts, non ? C’était le but et vous l’avez atteint, malgré … les pertes. » Il poussa un léger soupire en repensant à cette mission et retira sa main de celle de Morgana. Il finit par secouer la tête de gauche à droite. « Parce qu'on a laissé certains fugitifs s'enfuir, parce qu'ils ont eu le temps de prévenir les membres de l'Ordre, parce qu'on s'est laissés surprendre et qu'on a pas été à la hauteur. Avec un peu de malchance, mon père croira même que j'ai fui la scène pour pas mourir moi aussi, comme le lâche qui t'a échappé. » Et lui, il ne risquait pas de l'oublier, il n'allait pas tarder à lui faire sa fête, il en était sûr. Il finit par revenir sur ce qu'elle lui avait dit un peu plus tôt, il tourna le regard vers elle. ]« J'aimerai tellement qu'elle ne sache jamais tout ce qu'il se passe mais plus elle grandit et plus elle pose des questions, et elle a un esprit vif et acéré, elle finira à serdaigle. » Finit-il dans un sourire presque tendre en pensant à sa petite fille portant fièrement les couleurs qu'il avait porté à l'époque. Mais quel que soit sa maison, il savait qu'il serait fier, même s'il avait une préférence pour les corbeaux malgré tout. Il finit par reprendre légèrement son sérieux avant de froncer les sourcils. « Tu m'as presque reproché de vouloir la préserver la dernière fois tu sais, depuis ce jour, je me demande chaque jour si ce ne serait pas plus simple de tout lui dire. La chute sera peut-être moins dure à la fin. » Véritablement préoccupé par ses questions, il n'aimait pas réellement parler de tout cela mais c'était Morgana qui avait insufflé le doute dans son esprit lorsqu'elle avait semblé écoeuré qu'il puisse tenir sa fille de la même main qu'il tuait des nés-moldus et lui-même s'en écoeurait mais que pouvait-il faire de mieux ?

Il allait détourner définitivement la conversation de lui mais Morgana n'en avait pas fini. « Pourquoi personne ne s’occupe de ton père ? Il y a des Mangemorts qui meurent tous les jours, ils pourraient être un peu plus sélectifs. » Daley se figea légèrement et tourna les yeux vers la jeune femme qui semblait mortifiée de sa question, même si sa promesse l'empêchait de se répandre en excuses mais ce n'était pas la question en soi qui avait figé le corps de Daley, c'était tout autre chose. « Tu … Heu … » Il soupira devant son hésitation, il arrivait à s'irriter d'un rien apparemment. « Tu es couvert de sang, tu es blessé ? » Il secoua la tête même s'il ne s'était pas réellement posé la question avant. Oui, il était blessé à l'épaule mais il s'en fichait, il avait arrêté de le sentir quand il avait vu la vie s'éteindre dans les yeux de son meilleur ami. « Tu crois que je n'y ai jamais pensé peut-être ? » Demanda-t-il, plus agressif qu'il ne l'aurait voulu. Immédiatement, il se rappela sa promesse silencieuse qu'il lui avait faite et il soupira, secouant la main devant lui dans un geste d'excuse, comptant jusqu'à cinq avant de reprendre, plus calmement. « Mon père est trop bien placé dans la hiérarchie pour acquitter des basses besognes, il donne des ordres mais part rarement en mission, sauf si celle-ci est réellement importante. Et il est doué, plus qu'il n'en a l'air en tout cas. Je n'enverrais jamais quelqu'un que je connais et qui est prêt à faire ça pour moi à la mort de cette façon. C'est mon problème et à moi de le régler. » Il secoua la tête devant sa fatalité avant de relever la tête, un demi-sourire en coin, plaisantant, parce que c'était plus simple de le faire. « Pourquoi, tu te portes volontaire ? » Il n'était pas sérieux, il ne lui demandait rien et certainement pas ça, une façon pour lui de lui montrer qu'il détestait assez son père pour songer à le tuer, pas question donc de s'offusquer qu'elle le propose, il en rêvait chaque jour. Il revint à sa question et examina rapidement ses vêtements couverts de sang. « Je ne suis pas sûre que ce soit entièrement mon sang. Si tu veux, je peux aller m'en débarrasser. » Il n'osa pas relever les yeux, honteux d'avouer qu'il avait massacré les deux membres de l'Ordre aussi sauvagement qu'il l'avait fait. S'il était blessé, la plaie devait avoir arrêté de saigner puisqu'aucun malaise ne le prenait, il allait bien mais peut-être était-ce l'adrénaline qui le parcourait encore et l'immunisait contre la douleur. Il finit par regarder autour d'eux et poser la question qu'il se posait depuis qu'il avait aperçu Morgana dans la salle, au camp. « Mais, pourquoi étais-tu dans ce camp ? Tu y étais en tant que membre de l'Ordre ou il s'est passé quelque chose ? » La dernière fois qu'il l'avait vu, elle défendait l'opprimé et voilà qu'elle se retrouvait dans un camp de réfugiés, de quoi se poser des questions.

« Nous avons fait des choix qui nous ont conduit ici. Ironique quand on sait que la dernière chose que ma mère m'a laissé était une lettre me disant qu'on a toujours le choix de faire ce qu'on veut. J'ai toujours pensé que c'était ma punition pour avoir aimé la mauvaise personne ou pour ne pas avoir vu la détresse de ma mère. C'est pour ça que je pense que tu ne mérite pas tout ça, tu as toujours fait ce qu'il fallait. » Morgana comprenait parfaitement la mère de Daley, elle était du genre à penser de cette façon elle aussi … Enfin, elle l’avait été. Et à bien y penser, si elle n’avait jamais, au grand jamais, souhaité rencontrer le père de Daley, elle était sûre qu’elle se serait bien entendue avec sa mère. Mais le sort en avait décidé autrement, faisant disparaître le bon pour ne garder que le mauvais … Et peut-être que c’était elles qui avaient tord. A essayer de voir le positif là où il n’y avait que noirceur et désespoir. Quelquefois, peut-être était-il bon de laisser aller, lâcher prise. Pour éviter de trouver un destin funeste qui aurait pu être évité en abandonnant ses belles idées … Elle ne pensait pas que Daley avait fait quoi que ce soit de mal, c’était plus compliqué que ça. Comme Morgana aurait peut-être du abandonner Alexander quand il en était encore temps au lieu de s’accrocher, la mère de Daley aurait peut-être du quitter le navire avant que sa détresse ne la détruise. Si elles étaient des âmes innocentes, elles étaient tout de même responsable de leur propre destinée, et même les choix qui semblaient les plus admirables pouvaient les conduire à la perdition. Il fallait peut-être arrêter de s’entêter … Arrêter de vouloir sauver les autres, quand cela ne conduisait qu’à un résultat pire encore. « Je croyais aussi qu’on avait toujours le choix … Mais je me rends compte que je n’avais jamais été aussi éloignée de la vérité. Quelquefois on ne fait que subir, et c’est tout. Sinon, tu ne serais pas là … Si tu avais vraiment eu le choix. On est nés sous la mauvaise étoile, je m’en suis juste rendu compte plus tard que toi. » Parce que quoi qu’elle fasse, aussi bonnes que soient ses intentions, elle n’avait pas réussi à éviter que Daley et Alexander deviennent Mangemorts, et tout s’était enchaîné pour les mener ici, ce soir, scellant de façon sanglante leur destin. Définitivement sous la mauvaise étoile. Et elle n’avait certes rien fait qui puisse lui indiquer que les choses tourneraient ainsi …

Ils n’auraient jamais pu prévoir ce qui allait se passer ce soir. En tout cas, Morgana était loin de pouvoir imaginer ce genre de scénario. Elle pouvait imaginer que les amis qu’elle avait dans l’Ordre se fassent tuer, que sa famille soit mise en danger plus encore qu’elle ne l’était déjà. Elle pouvait imaginer beaucoup de schémas catastrophes, mais celui-ci ne lui avait jamais effleuré l’esprit. Comment imaginer que ce serait le Mangemort qui partirait avant les autres ? Qu’il ne survivrait pas à la guerre ? Il était dans le bon camp, pourtant … Mais visiblement, il n’y avait pas de bon camp, et tout le monde pouvait tomber du jour au lendemain. Morgana avait abandonné pour l’instant l’idée qu’elle tomberait elle aussi à la suite d’Alexander, mais elle ne voulait plus voir quoi que ce soit d’horrible ce soir. C’était trop, elle saturait. Elle n’aurait pas mieux réagi en voyant la mort de quelqu’un qu’elle savait menacé, bien entendu. La mort restait toujours quelque chose d’insurmontable, mais le choc, ce soir, avait été destructeur. C’était un pilier qu’elle avait considéré comme acquit qui venait de s’effondrer. Et pour l’instant, Daley jouait plus ou moins le rôle de soutien, comblant de son mieux le trou créé par la disparition soudaine d’Alexander. Il l’avait protégée, il l’avait éloignée, il prenait soin d’elle malgré tout. Elle appréciait cette sollicitude, bien plus qu’elle ne s’en rendait elle-même compte, mais c’était justement quand il cessait de se montrer attentif et qu’il souhaitait qu’elle le blâme, qu’elle se rendait compte à quel point elle avait besoin qu’il soit juste un ami. Elle ne pouvait rien ajouter d’autre à la liste des raisons de se lamenter cette nuit, et elle ne voulait pas non plus qu’il prenne de la distance, sans quoi elle risquait bien de se laisser submerger par cette liste. Et elle était prête à frapper un bon coup sur la table pour qu’il le comprenne, aussi étonnant que cela puisse paraître dans ces conditions … Même si la colère ne lui amenait rien, et qu’elle ne semblait pas avoir beaucoup d’effet sur Daley non plus. Il ne comprenait donc pas ? Ils s’étaient avancés si loin sur la route des enfers ce soir, elle ne voyait pas en quoi cela pourrait empirer les choses si elle croyait qu’il était meilleur qu’il ne l’était en réalité … Au contraire, cela l’aiderait même beaucoup, elle en était persuadée. « Je ne pense pas que tu sois réellement consciente de ce que je suis aujourd'hui, parce que tu refuseras d'y croire. Il ne faut surtout pas que tu me sois reconnaissante Morgana, je ne le mérite pas, j'ai fait ce que je pensais être juste, parce que je ne pouvais pas te laisser mais la reconnaissance est un ennemi, je n'attends rien de toi, tout ce que je veux, c'est que tu vives et que tu te battes, si tu as envie de me remercier, la seule chose que j'exige de toi est que te dises que tu ne me dois absolument rien. » C’était absurde. Ce genre de discours était tout à fait ce qu’il fallait pour rendre Morgana folle de rage elle ne comprenait pas ce genre de raisonnement et elle ne souhaitait surtout pas y adhérer. Elle croisa les bras sur sa poitrine en le fixant avec un air de défi, bien décidée à ne pas lui dire une chose pareille. Même si elle le disait, elle ne pourrait pas le penser, c’était impossible. Elle avait déjà beaucoup trop de reconnaissance envers lui, et même si sa conscience ne lui permettait pas de le supporter, elle n’y pouvait rien, elle ne pourrait pas changer ce fait. « Je suis là pour toi. » Elle ferma les yeux une seconde et hocha légèrement la tête, un peu apaisée. Il avait tout de même accepté sa demande, c’était lui qui avait abandonné. Il n’était pas si obtus que ça … Même s’il devait bien penser que ça ne changerait rien. Elle aurait voulu pouvoir lui prouver qu’il avait tord, mais elle en était incapable. Elle posa alors simplement sa main sur son bras, juste quelques secondes. « Merci. » Elle était fatiguée de se battre, d’argumenter avec lui sur quelque chose qui lui semblait si aberrant. Et il allait sans doute encore prendre ce remerciement pour de la gratitude, mais elle n’y pouvait rien. « Demain sera un autre jour. Peut-être que cette fois, on arrivera à rester loin l’un de l’autre, jusqu’à la fin de la guerre. Ca règlerait le problème … » Comme ça, elle n’aurait pas à changer de vision sur lui, et il n’aurait pas à supporter ni sa reconnaissance, ni sa terreur, selon le contexte. Ce serait l’idéal, mais bien sûr, elle ne pouvait pas trop y compter, car plus rien ne se déroulait idéalement …

Idéalement, ils n’auraient pas eu besoin de se trouver ici, bien entendu … Elle n’aurait pas eu à le rassurer sur son futur – elle ne voyait d’ailleurs pas en quoi elle pouvait le rassurer, mais soit – et il n’aurait pas évoqué les problèmes qu’il allait récolter à la suite de cette soirée. Tout se serait déroulé autrement, ils ne se seraient pas retrouvés et ne seraient toujours plus amis, mais au moins, aucun des deux n’aurait de problème pour dormir, ce soir et toutes les nuits à venir … Daley devait ajouter à ça le fait qu’il ne verrait plus sa fille pendant un moment, ce que Morgana trouvait injuste, et cruel. Sa fille était sans doute la seule chose qui pouvait l’aider à tenir le coup, elle aurait aimé avoir ce genre de présence pour se forcer à faire face. Pour un enfant, on pouvait faire beaucoup d’efforts impensables en temps normal … Mais elle, elle n’était pas prête à voir le sien. Et Daley ne verrait plus la sienne. Les efforts n’allaient pas durer longtemps … S’il en faisait pour elle en cet instant, cela s’évaporerait dès qu’elle s’en irait. Et elle était désespérée à l’idée que lui n’aurait personne pour le prendre dans ses bras comme il l’avait fait avec elle … Mais elle avait qu’il ne la laisserait pas faire si elle tentait d’inverser les rôles le moindre instant. « Parce qu'on a laissé certains fugitifs s'enfuir, parce qu'ils ont eu le temps de prévenir les membres de l'Ordre, parce qu'on s'est laissés surprendre et qu'on a pas été à la hauteur. Avec un peu de malchance, mon père croira même que j'ai fui la scène pour pas mourir moi aussi, comme le lâche qui t'a échappé. » Le regard de Morgana s’assombrit quand il fit référence au Mangemort qui avait transplané avant qu’elle ne puisse le tuer – ou qu’il ne la tue lui-même. Même si elle avait soutenu qu’elle n’était pas comme eux, elle en avait tué un, et elle aurait volontiers tué le second si elle en avait eu la possibilité … Et elle ressentait une haine sourde pour cet homme sans visage, responsable de la mort d’Alexander, qui avait encore le droit de vivre aujourd’hui. Mais c’était trop tard pour s’en soucier … Elle ne savait même pas son nom. « Il est dur … Vous pourriez vous contenter de moins, le massacre a été bien suffisant comme ça. » Lâcha-t-elle d’un ton amer. « Tu … Tu le connais, celui qui s’est échappé ? » Ajouta-t-elle après une hésitation, sans réussir à formuler à haute voix ce que sa question sous-entendait. Elle n’était pas certaine de réussir à se mettre en chasse comme les Aurors pouvaient le faire … Mais pour avoir sa vengeance, peut-être qu’elle en serait capable. « J'aimerai tellement qu'elle ne sache jamais tout ce qu'il se passe mais plus elle grandit et plus elle pose des questions, et elle a un esprit vif et acéré, elle finira à serdaigle. » Revenir à la fille de Daley détourna agréablement les pensées meurtrières de Morgana, qui regarda le jeune homme avec un léger sourire. Elle préférait qu’il parle comme ça, même si le sujet n’était finalement pas plus réjouissant, mais elle le reconnaissait plus ainsi. A parler de la maison où il souhaitait voir sa fille, et évidemment, préférer qu’elle soit chez Serdaigle, sa maison de prédilection … « Tu m'as presque reproché de vouloir la préserver la dernière fois tu sais, depuis ce jour, je me demande chaque jour si ce ne serait pas plus simple de tout lui dire. La chute sera peut-être moins dure à la fin. » Elle avait dit beaucoup de choses la dernière fois, et s’ils devaient avoir la même conversation à présent, il y aurait sans doute des opinions qu’elle modifierait sans hésiter. Elle avait vu et vécu bien davantage depuis … Mais le problème de sa fille restait entier : elle n’avait pas eu de solution quelques mois plus tôt, et pas plus aujourd’hui. « Les enfants comprennent bien plus de choses qu’on ne croit … Et il vaut peut-être mieux que tu lui expliques avant qu’elle ne comprenne par elle-même et t’accuses de lui avoir menti … Mais elle est encore petite, elle n’a pas besoin de tout savoir aussi tôt. » En réalité, Morgana ne savait pas ce qu’elle ferait à la place de Daley, la volonté de protéger sa fille de la vérité était louable et elle ne pouvait pas lui en vouloir, mais il allait devoir franchir le pas à un moment ou à un autre. « Je sais que c’est plus facile de repousser en attendant le bon moment, ou en attendant qu’elle soit un peu plus grande … Mais attends trop longtemps, et ce sera ton père qui le fera à ta place. » Elle savait ses paroles dures, mais avec ce qu’ils venaient de voir ce soir, elle avait réalisé que personne n’était à l’abri, et elle ne faisait qu’énoncer la triste réalité. Daley pouvait se faire tuer lui aussi, et à ce moment là, sa fille serait toute à son père. Et qui sait quelle version il lui raconterait pour s’assurer sa loyauté … « En tout cas, j’espère que tu ne la rayeras pas de ton testament si elle fini chez Poufsouffle. » Ajouta-t-elle finalement sur un ton plus léger, pour dédramatiser un peu la conversation.

Mais même si elle pouvait faire preuve de sérieux, elle avait la langue trop bien pendue, et elle laissa échapper une remarque sur le père de Daley qu’elle aurait du garder pour elle. Il avait beau ne pas s‘entendre avec son père – et c’était un euphémisme – elle n’avait pas le droit de lui parler ainsi de l’assassiner, elle en était bien consciente. Du moins, elle en fut consciente une fois que les mots furent déjà sortis et impossibles à reprendre … Et sa pitoyable tentative pour changer de sujet se solda évidemment par un échec. « Tu crois que je n'y ai jamais pensé peut-être ? » Elle se figea devant son ton agressif, mais les mots n’étaient pas ceux qu’elle avait imaginé recevoir en réponse. « Mon père est trop bien placé dans la hiérarchie pour acquitter des basses besognes, il donne des ordres mais part rarement en mission, sauf si celle-ci est réellement importante. Et il est doué, plus qu'il n'en a l'air en tout cas. Je n'enverrais jamais quelqu'un que je connais et qui est prêt à faire ça pour moi à la mort de cette façon. C'est mon problème et à moi de le régler. » C’était la réponse de quelqu’un qui y avait déjà réfléchi, et finalement, ce n’était pas surprenant, même si Morgana ne pouvait évidemment pas concevoir qu’on puisse planifier le meurtre d’un de ses parents. Cela montrait une nouvelle fois à quel point ils étaient différents, à quel point elle était loin de réaliser la situation dans laquelle il se trouvait. Et donc, que sa propre question n’avait pas été si idiote que ça, si même lui y avait déjà songé … En vain, mais l’idée l’avait déjà traversé. La mort de son père était la seule chose qui le délivrerait, en dehors de sa propre mort. « Pourquoi, tu te portes volontaire ? » La question la prit de court, et elle le fixa avec stupeur, avant d’esquisser une grimace. « Si j’avais la moindre chance, je te proposerais bien mes services, mais j’ai bien peur que mes talents de tueuse ne soient pas encore assez développés. » Après tout, elle n’avait tué qu’une seule fois … Et sa réussite ne tenait qu’à la chance. Elle n’était pas une combattante chevronnée, encore moins une tueuse. Il n’y avait que la mort d’Alexander qui pouvait faire d’elle une assassin … Et ce n’était que ponctuel. Tuer le père de Daley était hors de question, mais il ne le lui avait pas proposé sérieusement … N’est-ce pas ? « Je ne suis pas sûr que ce soit entièrement mon sang. Si tu veux, je peux aller m'en débarrasser. » Elle secoua la tête, évitant de penser d’où venait de sang si ce n’était pas le sien. Elle avait promis, elle ne le regarderait pas comme le Mangemort qu’il était, ce soir. Même s’il avait massacré plusieurs personnes de son camp, de façon assez barbare pour que leur sang le couvre des pieds à la tête. Non, décidemment, elle ne devait pas y penser. « Non, c’est bon … Mais si tu es blessé, il ne faut pas laisser traîner tes blessures. Elles seront pires demain. Je peux jeter un coup d’œil si tu veux ? Je suis un peu plus calée en guérison qu’en assassinat. » Elle avait vu assez de combattants ignorer des blessures le temps que durait leur mission, voire même quelques heures encore par la suite, et s’écrouler une fois que l’adrénaline avait quitté leur système. Ils ignoraient la douleur tant que leur esprit était occupé, mais une fois qu’ils se posaient, ils se rendaient compte que c’était bien plus sérieux que ce qu’ils pensaient … Et elle avait appris pas mal de choses auprès d’Alaric, justement dans ce but. Elle n’était pas certaine que Daley accepte de la laisser le soigner, mais rien ne coûtait d’essayer. « Mais, pourquoi étais-tu dans ce camp ? Tu y étais en tant que membre de l'Ordre ou il s'est passé quelque chose ? » Morgana eut l’air surprise qu’il pose cette question, et se souvint qu’il n’avait pas vraiment de raisons de le savoir. Elle haussa les épaules : ce qui lui avait semblé terrible et insurmontable quelques jours plus tôt, quand elle était devenue fugitive et qu’elle avait du tout abandonner, lui semblait un prix bien moins lourd à payer, presque insignifiant. Elle l’aurait refait tous les jours plutôt que de voir une seule fois la mort d’Alex. « Je ne suis plus dans l’Ordre, Daley. J’ai été dénoncée et j’ai du quitter mon boulot, mon appartement … Je suis une fugitive, moi aussi. J’étais dans cette planque comme tous les autres, pour avoir un toit au-dessus de ma tête … » Expliqua-t-elle d’un ton égal, les yeux fixés sur sa tasse de thé. C’était étonnant de voir que jusqu’à maintenant, elle avait évité d’en parler. Elle avait toujours trouvé ça douloureux et désagréable, de mettre des mots sur ce qui lui était arrivé … Et pourtant, elle n’eut aucun problème pour l’expliquer à Daley. Ca n’avait plus aucune importance, maintenant.

Dans le regard de Morgana, Daley perçut immédiatement un changement auquel il n'aurait jamais cru assister, comme si tout à coup, elle redevenait l'amie qui allait le rassurer, celle qui était toujours d'accord avec lui parce qu'ils ne se disputaient jamais et partageaient les mêmes idées. Il avait l'impression de voir dans ses yeux l'adolescente de dix-sept ans qu'il avait tant aimé et qu'il appréciait encore avant qu'ils ne se retrouvent et qu'elle ne découvre sa toute nouvelle nature. Il sentait que les convictions, les fondements de ses idées étaient bafouées à cet instant, qu'elle se sentait presque perdue, comme si quelqu'un venait d'attraper ses croyances pour les broyer devant ses yeux et le discours du « on a toujours le choix » allait devenir autre et Daley y voyait presque une porte de sortie, un espoir de se défaire de sa culpabilité concernant à peu près tout ce qu'il avait vécu jusqu'ici. Mais il ne pouvait pas se voiler la face, c'était lui qui avait adopté le discours de Morgana et il se rendait compte de combien elle et sa mère avaient eu raison toutes ses années. Si la femme qui l'avait mise au monde et elevé avait eu le courage de partir, rien de tout ce qui était arrivé au mangemort ne lui serait tombé sur la tête aussi brutalement, aussi soudainement, aussi douloureusement. Sa vie ressemblerait à autre chose et malgré tout, il subissait les choix de sa mère aujourd'hui, comment ne pas penser qu'il y avait toujours un choix, le bon, à faire quelque part, à un moment donné précis de sa vie ? « Je croyais aussi qu’on avait toujours le choix … Mais je me rends compte que je n’avais jamais été aussi éloignée de la vérité. Quelquefois on ne fait que subir, et c’est tout. Sinon, tu ne serais pas là … Si tu avais vraiment eu le choix. On est nés sous la mauvaise étoile, je m’en suis juste rendu compte plus tard que toi. » Daley ferma un instant les yeux, prêt à savourer le goût de ses paroles, prêt à les réentendre une nouvelle fois pour le simple plaisir de sentir un poids s'envoler de sa poitrine et il se sentait trop bien d'entendre ses mots même s'il regrettait qu'elle s'en rende compte après la mort de celui qu'elle aimait tant. Mais elle apportait à Daley un soulagement dont elle n'avait pas idée mais à présent, le corps de son ami encore chaud, il avait l'impression qu'il ne méritait pas ses paroles salvatrices, bienvenues. Il eut un léger sourire, oubliant presque tout le reste autour d'eux avant de rouvrir les yeux, connectant ses prunelles à la réalité et à celles de Morgana pour finalement hausser les épaules. « Les visions changent, c'est le rôle de la guerre je suppose. Mieux vaut ne pas débattre de cela ici, maintenant. » Finit-il par conclure. Oui, la guerre bousculait les idées, déchiraient les convictions, renversaient les idéologiques de chacun, de chacune et la vision des mondes se retrouvait changé. Mais ils n'allaient pas en parler, encore et encore, il semblerait qu'à ce sujet, quoiqu'ils en pensent, ils ne pourraient pas tomber d'accord, ils n'avaient fait qu'inverser les rôles. Daley se blâmer, et Morgana tentait de lui offrir sa voix de sortie mais il la refusait, c'était bien trop facile de se cacher derrière des excuses qui ne réconfortaient personne.

Et loin de ce cauchemar qu'ils venaient de vivre tous les deux, ils continuaient pourtant de se battre, du moins Daley tentait de combattre sa nature la plus élémentaire, celle qui avait été amie avec Morgana pendant si longtemps et qu'il s'était forcé à repousser quand il avait coupé les ponts avec elle. Il ne pouvait pas être l'épaule sur laquelle elle pourrait pleurer sans s'arrêter. Il ne pouvait pas parce qu'il était responsable de son malheur. Il ne savait pas vraiment ce qu'il devait faire face à la détresse de Morgana, il ne savait pas s'il saurait être un ami pour elle jusqu'à la fin, il ne se faisait pas suffisamment confiance, même s'il était sous le même toit que sa fille, il ne sentait pas la situation assez stable, il avait peur de craquer en réalité et de révéler à la jeune femme une part de lui qu'elle n'avait pas du tout envie de connaître, il en était certain. Elle ne voulait pas le voir comme le mangemort qu'il était et il arrivait à se convaincre que c'était ce qu'il voulait lui éviter. Pourtant, sa pire crainte restait dans la pensée qu'il pouvait craquer d'une toute autre façon laisser le chagrin de sa perte l'étouffer, le prendre comme dans un étau et l'ancienne poufsouffle en avait déjà vu pour ce soir, le désastre qu'il pourrait causer en laissant exploser sa peine pourrait à jamais la marquer. Il ne pouvait pas se le permettre et pourtant, elle parvenait à le convaincre qu'il devait rester là pour elle, l'ami dont elle avait besoin et aussi imprudent que cela soit, il accepta, il finit par acquiescer, par accepter d'être là pour elle ce soir et se promit d'arrêter de l'énerver alors qu'elle était à bout et enceinte de surcroît. Il vit d'ailleurs son soulagement à ses paroles pour sentir ensuite sa main sur son bras, l'espace d'un cours instant et il ne fit aucun mouvement pour tenter de se dégager. Il n'en avait pas la force. « Merci. » Visiblement, son discours sur sa gratitude venait de rentrer par une oreille et ressortir aussi par l'autre, si tant est qu'elle l'ait écouté et entendu. Il voulut répliquer, lui rappeler ce qu'il venait de lui dire, simplement pour arrêter de l'entendre dire « merci » pour quelque chose qu'il n'était pas sûr de savoir faire réellement. Il était juste là, il n'avait pas l'impression d'être d'un grand secours, ce que ne semblait pas penser Morgana à première vue. « Demain sera un autre jour. Peut-être que cette fois, on arrivera à rester loin l’un de l’autre, jusqu’à la fin de la guerre. Ca règlerait le problème … » Pourquoi l'idée lui déplaisait-elle autant ? Pourquoi est-ce qu'il aurait souhaité un autre discours de sa part ? Pourquoi est-ce qu'il s'attendait à ce qu'elle lui dise qu'elle acceptait qui il était parce qu'elle savait qu'il y était contraint ? Comme Eden l'avait fait. Il serra les dents au moment où il sentit sa gorge se contracter sous l'émotion de ses pensées. Il n'avait pas le droit de lui demander une chose pareille, pas alors qu'elle allait donner naissance à un enfant qu'elle voudrait voir préserver de tour le mal qui grouille sur cette terre, comme il le faisait avec sa fille. Il hocha la tête, il allait lui donner raison, oui, mieux valait qu'ils ne se croisent jamais mais il baissa les yeux vers le ventre de la jeune femme et un sourire se peint doucement sur ses lèvres et avant qu'il n'ait pu se contrôler, il finit par dire. « Et comment je sauras si ce petit gars a les cheveux roux ou blonds ? » Déclara-t-il presque spontanément. Elle portait l'enfant de son meilleur ami, comment ne pourrait-il pas être intéressé par sa grossesse et par sa santé ? Elle avait énormément compté pour lui et sa sécurité l'importait plus que n'importe qui à cet instant. Elle était enceinte dans un milieu hostile, dangereux et elle voulait qu'il se détourne sans même savoir si elle allait bien ? C'était bel et bien ce qu'il exprimait avec une question aussi simple et il espérait simplement que Morgana le comprenne, il n'était pas prêt à mettre des mots sur ce qu'il ressentait. Il en disait déjà bien trop.

Mais très vite, la conversation dériva sur les échecs qu'il avait accumulé au cours de la soirée et il pensait déjà à cette nuit qui était probablement la dernière avant un long moment avec sa fille. Il avait presque envie de se jeter dans sa chambre pour la prendre dans ses bras mais il aurait le temps de le faire plus tard. Peut-être même finirait-il par s'endormir à côté d'elle dans son petit lit comme il avait l'habitude de le faire quand il rentrait et qu'elle était déjà couchée. Mais avant de penser à ces jours d'absence, il allait profiter du lendemain avec elle, avant que son père ne rentre à la maison. « Il est dur … Vous pourriez vous contenter de moins, le massacre a été bien suffisant comme ça. » Oh, Daley pouvait aisément la comprendre, elle pouvait bien trouver sa punition dure, il savait qu'elle pensait aussi aux fugitifs qui avaient perdu la vie ce jour-là et il savait qu'elle lui en voulait un peu aussi pour ça, elle était probablement déchirée entre son bon cœur et la présence de Daley auprès d'elle, le seul à être présent pour elle à cet instant. « Tu … Tu le connais, celui qui s’est échappé ? » Immédiatement, tous les sens de Daley se mirent en alerte. Il avait bien remarquer le regard sombre de la jeune femme à la mention du fameux mangemort et il ne s'attendait pas à une question si directe, la raison pour laquelle il répondit brutalement. « Non ». Stupide, évidemment qu'il le connaissait, il était en mission avec eux quelques heures auparavant et les mangemorts se connaissaient presque tous, ils n'étaient pas aussi nombreux qu'ils le prétendaient après tout. Il planta son regard dans celui de Morgana, parce qu'il savait ce que cachait sa question innocente. « Non tu n'iras pas à sa recherche et tu ne te vengeras pas de cette façon. » Développa-t-il finalement avant de jeter un nouveau regard à son ventre. Elle devait absolument prendre soin d'elle et partir en chasse n'était pas la solution idéale pour elle, elle ne devait pas faire ce genre de chose, surtout que Daley avait une idée toute autre en tête. « Je m'en occupe et crois-moi, Alex sera vengé. » Comme il fallait, n'ajouta-t-il pas à son intention même si les mots planaient au dessus de leurs têtes. Il n'aurait pas satisfaction en le tuant simplement, il lui fallait le faire souffrir, le poing que Daley venait de serrer contre lui-même le prouvait bien, il avait soif du sang de ce mangemort, il ne pourrait pas trouver le repos avant de l'avoir massacré et Morgana n'avait pas à participer ni à assister à cela. Mais très vite, la simple évocation de sa fille réussit à le détendre, même si les questions qu'il posait à son sujet étaient sérieuses et qu'il avait peur d'être confronté à nouveau au regard de Morgana sur sa relation avec sa progéniture. Il savait qu'il faisait une erreur en lui cachant les horreurs de ce monde mais elle avait sept ans, elle n'était pas prête à entendre des choses pareilles, il refusait de croire qu'il agissait mal en faisant ce qu'il faisait. « Les enfants comprennent bien plus de choses qu’on ne croit … Et il vaut peut-être mieux que tu lui expliques avant qu’elle ne comprenne par elle-même et t’accuses de lui avoir menti … Mais elle est encore petite, elle n’a pas besoin de tout savoir aussi tôt. » Il était presque soulagé, il avait oublié combien l'avis de Morgana lui avait importé dans le passé, il avait eu besoin de ses conseils, de sa sagesse de poufsouffle. Il n'avait pas voulu l'écouter la dernière fois mais aujourd'hui, elle allait bien plus dans son sens. Comme leurs relations avaient changé depuis cette fois au parc. « Je sais que c’est plus facile de repousser en attendant le bon moment, ou en attendant qu’elle soit un peu plus grande … Mais attends trop longtemps, et ce sera ton père qui le fera à ta place. » Il se plongea un instant dans ses pensées, permettant à la jeune femme de conclure sur une note un peu plus joyeuse « En tout cas, j’espère que tu ne la rayeras pas de ton testament si elle fini chez Poufsouffle. » Il eut un sourire avant de secouer la tête. Renier sa fille était exclu puisqu'il lui était dévoué corps et âme, il la vénérait et l'aimait plus que n'importe qui et il accordait bien peu d'importance à sa vie s'il fallait la mettre en face de la sienne. Il finit par répondre. « Non, je sais quelle est la valeur des poufsouffle. » Il la regardait toujours dans les yeux avant de finalement soupirer et se passer une main sur le visage, fatigué des questions qu'il se posait sans cesse et qui pourtant étaient inévitables puisqu'il s'agissait de sa fille et de la marche à suivre pour l'élever du mieux qu'il le pouvait. « J'aimerais juste qu'elle n'ait pas à grandir ici et dans cette ambiance si sombre. » Finit-il par avouer, il aurait voulu qu'elle soit si loin de lui, de tout cela, il aurait presque préféré qu'elle ne vienne pas au monde pour voir les horreurs de cette guerre. Il finit cependant par hausser les épaules. « Mais tu as raison, il va bien falloir que je discute avec elle un jour ou l'autre. » Il savait qu'il était inévitable d'avoir cette conversation et pourtant, il voulait la repousser aussi loin que possible.

Et parler de son père et de l'éducation de sa fille les amenait à soulever le problème concernant son serment et tout ce que cela l'obligeait à faire au quotidien. Et il savait que cela finirait par le détruire, s'il n'arrivait pas à tuer son père avant, évidemment. Sauf si Morgana proposait ses services comme il fut amené à plaisanter, même si le regard terrifié de la jeune femme lui indiqua qu'il aurait mieux fait de s'abstenir alors. Il grimaça en même temps qu'elle tout en accordant que sa blague n'était guère brillante. « Si j’avais la moindre chance, je te proposerais bien mes services, mais j’ai bien peur que mes talents de tueuse ne soient pas encore assez développés. » Il finit par secouer une nouvelle fois la tête, craignant qu'elle n'ait pris sa plaisanterie un peu trop au sérieux. « Je te l'ai dit, je n'enverrais jamais personne faire ça, et certainement pas une femme enceinte. Je plaisantais. » Bon, son humour était à revoir sérieusement bien sûr et il était affligé de voir qu'il n'arrivait même pas à plaisanter correctement. Peut-être le sujet était-il trop sérieux et trop morbide pour la jeune femme mais lui avait déjà envisagé la mort de son père, il ne pouvait pas concevoir que Morgana ait la moindre pitié pour l'homme qui le torturait chaque jour dans ses actions contre lui. Le débat sur la mort de son père, il préférait l'enterrer. « Non, c’est bon … Mais si tu es blessé, il ne faut pas laisser traîner tes blessures. Elles seront pires demain. Je peux jeter un coup d’œil si tu veux ? Je suis un peu plus calée en guérison qu’en assassinat. » Il n'avait absolument pas réfléchi à la question, il devait bien être blessé à l'épaule puisque c'était là qu'il avait mal lorsqu'il bougeait trop brutalement mais il n'était pas encore atteint de cet état d'ivresse qui suivait une trop grosse perte de sang et il chercha une porte de sortie autour de lui, pas sûr de pouvoir se laisser guérir par la jeune femme et pas sûr de vouloir qu'elle le tente. « Ça ira, je verrais ça avant d'aller me coucher. Tu n'es pas blessée toi ? » Il aurait voulu accepter son aide mais il ne pouvait pas simplement se le permettre, en revanche, il se rendait compte qu'il ne lui avait pas encore posé la question depuis le début. Pas plus qu'il ne lui avait demandé ce qu'elle faisait dans ce camp pour réfugiés alors qu'elle aurait dû se trouver au travail. Ce qu'il s'empressa de demander, pour éclaircir ce point obscur. « Je ne suis plus dans l’Ordre, Daley. J’ai été dénoncée et j’ai du quitter mon boulot, mon appartement … Je suis une fugitive, moi aussi. J’étais dans cette planque comme tous les autres, pour avoir un toit au-dessus de ma tête … » La nouvelle lui fit un choc qu'il n'imaginait pas. Il la regarda, légèrement interdit et il ouvrit la bouche, prêt à s'excuser pour ce qu'elle vivait mais il n'en avait pas le droit, il était la raison pour laquelle elle fuyait jour après jour. Il dévia donc ses excuses dans une question qui paraissait anodine. « Tu sais qui t'as dénoncé ? » Bizarrement, il avait envie de savoir, même s'il ignorait ce qu'il pourrait faire d'une information pareille. Il fronça légèrement les sourcils pour ajouter. « Est-ce que tu connais un autre camp où tu pourras te réfugier après ? » Il se rendit compte de ce qu'il venait de demander, il n'avait pas envie qu'elle croit qu'il se mettait à l'interroger tout à coup et d'un signe de main conciliant, il se rattrapa pour expliquer. « Je ne te demande pas où tu comptes aller, juste savoir si tu le sais. » Il voulait juste s'assurer que demain, il pourrait la mettre en sécurité même si tous les deux savaient qu'il ne devrait jamais savoir où elle irait une fois qu'ils se sépareraient.

« Les visions changent, c'est le rôle de la guerre je suppose. Mieux vaut ne pas débattre de cela ici, maintenant. » Ce n’était pas ce qu’il voulait dire, Morgana avait pu le lire sur son visage dès qu’elle avait parlé. S’il s’était écouté, il n’aurait pas été si neutre. Il avait envie de laisser tomber le masque, d’accepter l’excuse qu’elle lui fournissait pour supprimer un peu de sa culpabilité … Mais il se le refusait, et restait sagement au bord au lieu d’attraper sa perche. Elle n’allait pas entrer dans le débat s’il ne le souhaitait pas, mais elle aurait vraiment voulu qu’il se laisse aller … Mais depuis le début, il n’avait pas lâché une seule fois la bride à la poigne de fer qui retenait ses émotions, et elle ne voyait pas pourquoi cela changerait maintenant … Elle se contenta de hocher la tête, les yeux baissés sur ses mains. Tout cela aurait été tellement plus facile s’ils avaient appris à faire les bons choix au bon moment. Si la mère de Daley s’était écartée de son père, si Morgana avait évité de se mettre en travers du chemin d’Alexander dès le début, si Daley n’était pas tombé éperdument amoureux d’une fille qui ne lui voulait aucun bien … Mais au fond, ils voulaient juste avoir un peu de bonheur, préserver quelques moments où ils se savaient réellement heureux, même si cela ne devait être que fugace, pour les laisser, dévastés, dès que tout était terminé. Au moins ils étaient laissés avec des souvenirs qu’ils pouvaient chérir … Daley avait sa fille, Morgana avait eu Alexander et aurait bientôt un enfant de lui, si le sort voulait bien lui laisser encore cette chance. Ce soir ils étaient ravagés, vides et sans aucun espoir. A se demander pourquoi ils avaient fait ces choix, s’ils auraient pu y changer quoi que ce soit s’ils avaient fait autrement … Mais ce qui était fait, était fait. Et ils étaient pieds et poings liés devant la misère qui s’ouvrait à eux, sans plus aucune porte de sortie. Du moins, pas de porte de sortie ce soir, et sans doute pas plus demain ou les semaines à venir … Un jour peut-être, ils trouveraient une issue à cet enfer. Ou s’y enfonceraient jusqu’à ce que la mort vienne les cueillir, sans plus avoir connu aucun rayon de soleil dans cette vie bien grise … Ils n’en savaient pas plus que quand ils avaient quinze ans, vingt, puis vingt-cinq. Morgana voulait rester avec Daley ce soir et refuser de voir le mal en lui parce que c’était ce qui lui semblait le mieux, autant pour elle que pour lui. La seule chose à faire, véritablement. Elle aurait pu lui tourner le dos, lui hurler dessus. Au lieu de ça, elle lui ouvrait les bras comme à un ami. Elle allait peut-être le regretter, plus tard. Ce choix serait peut-être une erreur dans quelques jours ou quelques semaines, qui la feraient tomber une nouvelle fois plus bas que terre … Mais elle ne savait pas quel était le bon choix et quel était le mauvais, et ce soir, elle ne voulait pas y réfléchir. Pourtant, elle avait également émis un autre choix, qui différait bien de celui qu’elle avait fait en lui demandant de rester son ami pour ce soir. Plus qu’un choix, c’était un vœu, mais elle allait faire ce qui fallait pour qu’il se réalise … Elle ne voulait plus le voir après ce soir. Elle ne pouvait plus le voir. Elle n’était pas aveugle au point de croire que s’ils tombaient à nouveau l’un sur l’autre, il serait aussi charitable avec elle. S’il n’était pas seul, s’il avait des ordres formels de son père … Il ne pourrait pas la prendre dans ses bras, discuter avec elle. Ou épargner sa vie. Même s’il lui jurait qu’il ne la toucherait jamais, et elle le croyait sur ce point, il avait raison quand il disait qu’elle ne le connaissait pas quand il était un Mangemort. Et elle ne voulait pas franchement le connaître … Mais elle ne faisait pas une croix sur lui, elle voulait juste … Elle ne savait pas ce qu’elle voulait. Mais elle préférait attendre avant de le revoir. Elle avait le sentiment que la chance qu’elle avait ce soir, de l’avoir à ses côtés, allait bien vite la quitter. Une éternité plus tôt, elle était passée maître dans l’art de déchiffrer les émotions de Daley, et bien qu’il soit devenu infiniment plus doué à les camoufler avec le temps, elle vit passer une ombre fugace sur son visage, quand elle parla de ce souhait, de ne plus se revoir. Sa gorge se serra, mais elle ne pouvait pas reprendre ses paroles, ni même s’en excuser, tout en sachant le mal qu’elle lui faisait en se taisant. Mais il finit par sourire, la prenant un peu par surprise. « Et comment je saurais si ce petit gars a les cheveux roux ou blonds ? » Elle aurait voulu lui sourire en retour, rire même, lui assurer qu’il pourrait venir quand il voudrait. Elle le souhaitait plus que tout, maintenant qu’il venait de lui avouer à demi-mots qu’il ne voulait pas l’abandonner, et qu’il voulait s’assurer qu’elle et son bébé iraient bien. Mais elle avait plutôt envie de se glisser dans ses bras et de se remettre à pleurer, de l’attraper pour ne plus jamais le lâcher, parce qu’elle savait que demain matin, elle n’aurait plus le droit de le revoir. Morgana regarda Daley, sa tristesse se lisant sûrement sur son visage comme dans un livre ouvert, puis elle soupira et baissa les yeux une seconde. Quand elle redressa la tête, elle fit de son mieux pour lui rendre son sourire. « Qui te dit que ce sera un garçon ? Si c’est une fille, j’espère qu’elle sera rousse … Si c’est un garçon, je veux qu’il ressemble à son père. Et si tu veux savoir à quoi il ressemble, il faudra venir le voir par toi-même. » Fit-elle d’un ton aussi léger que possible. « Sans le costume de Mangemort. » Ajouta-t-elle, son sourire amical flanchant légèrement sur cette dernière phrase. Elle se sentait monstrueuse de penser ainsi à Daley, mais elle refusait qu’il voie son bébé s’il se conduisait en Mangemort. Elle voulait qu’il soit comme ce soir, qu’il parvienne pendant un moment à redevenir plus amical, moins sur ses gardes … A ce moment là, elle ne verrait aucun inconvénient à lui présenter son bébé, mais pas avant.

Mais ils étaient encore bien loin du moment où elle aurait son bébé dans les bras. En ces temps de guerre, tout pouvait basculer en très peu de temps, et elle ne savait pas ce que l’avenir lui réservait. Elle n’aurait pas cru perdre Alexander, elle n’aurait pas cru tomber enceinte … Elle n’aurait pas non plus cru retrouver Daley. La guerre changeait bien des choses, elle s’en rendait bien compte. Elle-même avait eu un brutal revirement de caractère quelques heures plus tôt, en ressentant une envie de tuer phénoménale, et en la mettant à exécution. Elle avait tué quelqu’un. Elle avait enlevé la vie à un parfait inconnu. Peut-être que ce fait allait revenir la hanter toutes les nuits à venir … Mais pour l’instant elle n’en ressentait aucun remord. Elle avait tué l’assassin d’Alexander, et bien qu’elle soit une fervente défenseuse de la justice en temps normal, prompte à blâmer ceux qui faisaient couler le sang pour répondre à leurs envie de vengeance … Elle les comprenait à présent, elle faisait partie de cette catégorie. Œil pour œil, dent pour dent. Elle avait trouvé ce dicton stupide toute sa vie, mais il prenait son sens aujourd’hui … Et elle en voulait encore. Daley semblait l’avoir très bien compris, d’ailleurs. « Non » Elle se raidit légèrement face à son ton cassant. Ce « non » n’était pas une réponse à sa question, car il connaissait très certainement le Mangemort qui s’était échappé. « Non tu n'iras pas à sa recherche et tu ne te vengeras pas de cette façon. » Elle eut envie de lui rétorquer « et pourquoi pas ? » du ton insolent qu’une enfant aurait eu en se rebellant contre ses parents, cette réaction puérile lui brûla les lèvres mais elle garda la bouche soigneusement close, un air boudeur sur le visage. Il n’avait pas à la juger pour vouloir se venger, et il n’avait surtout pas le droit de lui enlever cette envie. « Je m'en occupe et crois-moi, Alex sera vengé. » Elle savait bien qu’il s’en occuperait correctement, elle n’avait pas de souci à se faire de ce côté-là. Mais elle ne voulait pas qu’il le fasse à sa place, pour quelque raison que ce soit. Elle était bien capable de le faire, elle aussi, et elle était vexée qu’il ne la voie que comme une enfant, qui ne pourrait pas tuer correctement. « Je sais. Mais je veux le faire moi-même. J’ai tué l’autre et je suis parfaitement capable de tuer celui-ci. Il est à moi, Daley. » Martela-t-elle, presque surprise par ses propres paroles, mais bien loin de les regretter. Elle en pensait chaque mot, ce qui était tout à fait inhabituel pour quelqu’un avec un tempérament aussi pacifique qu’elle … Mais ce soir, elle n’était pas d’humeur pacifique, elle voulait du sang, sa vengeance pour la vie de l’homme qu’elle aimait. Ce qu’elle n’avait pas été capable de s’avouer quelques secondes plus tôt, était devenu très clair dans sa tête. Elle ne se reconnaissait plus … Mais ça n’avait aucune importance. Elle aussi pouvait être changée par la guerre.

Les pulsions violentes de Morgana furent effacées quand ils parlèrent de la fille de Daley, un sujet épineux mais bien loin des envies de meurtre qu’elle pouvait ressasser envers le Mangemort. « Non, je sais quelle est la valeur des poufsouffle. » Elle lui rendit son sourire, contente qu’il entre dans son jeu même pour quelques secondes, histoire de s’éloigner un instant du problème des révélations qu’il devrait faire à sa fille. Mais il fallait bien vite y revenir, et le visage de Daley s’assombrit, tout comme celui de Morgana. « J'aimerais juste qu'elle n'ait pas à grandir ici et dans cette ambiance si sombre. » La jeune femme ne savait que répondre à un tel souhait, il n’y avait rien à dire sinon acquiescer. Elle-même ne voulait pas que son bébé naisse dans cet environnement dangereux et malsain … Mais ils n’y pouvaient rien. Et protéger Liadan était une bonne idée, mais il ne fallait pas la faire durer trop longtemps, sans quoi les effets bénéfiques se transformeraient en poisons plus efficaces encore. « Mais tu as raison, il va bien falloir que je discute avec elle un jour ou l'autre. » Morgana pouvait voir à quel point Daley détestait cette idée, mais elle ne pouvait pas faire grand-chose pour l’aider à alléger ce fardeau. Elle se mordilla la lèvre, mal à l’aise. « Elle est intelligente, elle comprendra pourquoi tu fais ça. Il faudra juste … trouver la bonne façon de lui expliquer les choses. » C’était plus facile à dire qu’à faire, bien sûr, mais Morgana n’avait pas davantage de conseil à lui donner. Elle ne lui suggérait pas de mentir à sa fille, juste de savoir comment présenter la situation pour qu’elle comprenne bien que ce qu’il faisait, il le faisait sous la contrainte. A cause de son père, ils en revenaient toujours à lui … Liadan était peut-être encore trop jeune pour réaliser qui il était vraiment, mais mieux valait que Daley le lui explique avant que le patriarche ne le fasse lui-même, d’une façon bien plus vicieuse ou mensongère. Cet homme méritait la mort, Morgana en était convaincue … Mais qui la lui donnerait ? Ca, elle n’en savait rien. Et ce n’était sûrement pas elle ! Si elle pouvait imaginer tuer de sang-froid un Mangemort pour venger Alex – et imaginer était bien différent que le faire véritablement – elle savait bien que tuer le père de Daley était très loin de ses capacités … Et de son tempérament. C’était encore un problème sans solution … « Je te l'ai dit, je n'enverrais jamais personne faire ça, et certainement pas une femme enceinte. Je plaisantais. » Morgana esquissa un sourire qui s’apparentait plus à une grimace, un peu soulagée que Daley confirme que ce n’était qu’une blague et non pas une proposition sérieuse. Il savait bien qu’elle n’en était pas capable, de toute façon ! « Je sais que tu plaisantais … Mais ce n’est pas parce que je suis enceinte que je suis en sucre, je te signale ! Enceinte ou pas, si j’étais une vraie tueuse, j’irais lui régler son compte de ce pas. Mais en vrai, je ne suis pas comme ça … Enfin, tu sais bien. » Ajouta-t-elle d’un ton fataliste, avant de hausser les épaules et de lui adresser un sourire complice. Elle avait eu peur du sang pendant très longtemps, était incapable de faire du mal à une mouche, ne piquait des crises de colère que pour mieux s’excuser de s’être énervée ensuite … Même si elle s’était un peu endurcie avec le temps, elle était loin de faire des miracles avec son caractère. Mais au moins, elle supportait à présent la vue du sang, et avait fait face à celui qui couvrait Daley sans même s’en rendre compte pendant un bon bout de temps. Ca ne la dérangeait plus du tout, tant qu’il n’était pas blessé. « Ça ira, je verrais ça avant d'aller me coucher. Tu n'es pas blessée toi ? » Morgana pinça les lèvres, la mine réprobatrice, devant la mauvaise volonté évidente de Daley à l’idée qu’elle le soigne. Il était donc blessé, et refusait qu’elle le touche. Il avait sûrement fait ça des dizaines de fois, se guérir des blessures superficielles par ses propres moyens, mais elle était là et lui offrait son aide, ce serait plus simple et plus rapide. Son orgueil était décidemment un obstacle qu’elle ne réussirait plus jamais à franchir … Même si elle était prête à essayer encore et encore. « Non, moi ça va. » Elle n’avait mal nulle part, rien qui ne vienne d’une blessure physique en tout cas. La douleur qui lui vrillait le cœur et chacun de ses muscles ne pourrait pas être guérie par le moindre enchantement, malheureusement. « S’il te plaît, laisse-moi voir. Si j’avais été blessée tu aurais insisté pour me guérir jusqu’à ce que j’accepte, tu tiens vraiment à ce que je fasse pareil ? » Elle avait l’impression de gronder un enfant, même si cet enfant particulier pouvait piquer des crises de colère bien plus impressionnantes. Mais elle ne voulait que l’aider, et aurait apprécié qu’il accepte sans rechigner, pour une fois. Ca n’avait rien d’humiliant, pourtant ...

Il dévia ensuite la conversation sur la raison de sa présence dans le camp, et parut réellement surpris d’apprendre qu’elle était en fuite, ce qui sembla tout aussi bizarre à Morgana. Elle s’était faite à cette idée maintenant, sa vie passée lui semblait si loin derrière elle … « Tu sais qui t'as dénoncé ? » Quelle étrange question ! Avait-il l’intention de s’occuper du responsable, également ? Morgana eut un sourire un peu amer à cette idée. « Je n’en suis pas certaine … Mais je pense que c’était la femme d’Alexander. Il n’y avait qu’elle qui savait, et elle ne me portait pas dans son cœur. » Tessa avait deviné qu’Alex et Morgana avaient une relation, ou en avaient eu une, et n’avait pas digéré l’information. De là à penser qu’elle l’avait dénoncée, il n’y avait qu’un pas. « Est-ce que tu connais un autre camp où tu pourras te réfugier après ? » Morgana fixa Daley sans rien répondre, pas certaine de comprendre le sens de sa question. Il voulait un nom de camp, après ce qui venait de se passer ce soir ? « Je ne te demande pas où tu comptes aller, juste savoir si tu le sais. » A cette précision, elle se détendit un peu, et hocha la tête. Il s’inquiétait juste de savoir si elle savait où aller … Elle se sentit un peu coupable d’avoir pensé au pire, après tout ce qu’il avait fait pour elle ce soir. « Je n’étais dans ce camp que temporairement, il y en a un autre où je comptais retourner ensuite … Je connais du monde là-bas, ça ira. » Techniquement, ça irait, elle savait où aller et vers qui se tourner, mais les journées allaient être dures. Elle ne voulait pas y penser, pourtant elle sentit une nouvelle fois le découragement s’abattre sur ses épaules en songeant à la vie sans Alexander. Elle eut un frisson, et sortit sa baguette pour la pointer sur sa tasse de thé à moitié vide devant elle. Le liquide tiède se réchauffa instantanément, et elle serra la tasse fortement entre ses doigts pour tenter de chasser le froid qui l’avait envahie.

Cette nuit avait définitivement tout changé entre les deux anciens meilleurs amis. Ils avaient pris des voix différentes la dernière fois qu'ils s'étaient vus. Daley était un mangemort sans cœur qui avait heurté ses sentiments, qui l'avait laissé tomber avec les années, qui avait cessé de donner des nouvelles pour accomplir son nouveau devoir. Morgana avait intégré l'Ordre du Phénix, parce qu'elle était ainsi, combative, incapable d'attendre la fin d'un combat sans en connaître l'issue. Ils étaient tous les deux à présent si différents et il ne pensait pas qu'un jour, quelque chose pouvait à nouveau les rapprocher tous les deux. Et pourtant, il y avait eu cette fois, cette conversation avec Alexander au cours de laquelle il avait découvert que la jeune femme et lui avaient un point commun de taille : un ami, un allié. Mais il avait fallu qu'ils perdent cet être cher pour établir une sorte de paix entre eux, pour que leurs rapports changent de manière radical, pour qu'ils se retrouvent à nouveau et apprécient la compagnie de l'autre. Daley n'avait jamais oublié les moments passés avec Morgana et regrettait souvent leur jeunesse, leur insouciance, les nombreuses bêtises qu'ils avaient pu faire, leurs fou-rire en cours lorsqu'ils avaient la chance de partager une matière entre serdaigle et poufsouffle. Il se rappelait leurs longues conversation sur l'avenir, Morgana parlait déjà du ministère et Daley rêvait de passer sa vie entière sur un balai pour voler et ne rien faire d'autre. Mais tout était si différent aujourd'hui, et Daley regrettait l'époque où ils pouvaient être simplement amis, sans se soucier de savoir s'ils étaient oui ou non capables de s'affronter quand le jour viendrait. La logique aurait donc voulu qu'ils ne souhaitent pas se revoir, comme venait de le faire remarquer Morgana, ils auraient dû vouloir s'éloigner le plus possible pour éviter de se confronter l'un à l'autre, pour ne pas avoir à se poser des questions de vie ou de mort, pour ne pas que Daley soit un jour condamné à tuer lui-même son ancienne meilleure amie, ce qu'il ne supporterait certainement pas de faire. Morgana était le seul lien avec son passé qu'il acceptait, elle avait été son amie et il refusait simplement de simplement prétendre qu'elle était une connaissance. Ses autres amis de l'époque étaient devenus des ennemis avec le temps parce que c'était plus facile pour lui, parce qu'il n'avait pas besoin de faiblesses supplémentaires. Morgana en était une, il ne voulait pas faire ce que Alexander avait fait, il ne pouvait pas laisser sa fille seule, il ne pouvait pas se le permettre. Et malgré sa légère pointe au cœur quand elle lui confia préférer ne jamais le croiser à l'avenir, il ne put s'empêcher de répondre, de donner un espoir stupide, qu'il savait parfaitement vain parce qu'il savait qu'il ne pouvait pas plus se permettre de fréquenter Morgana aujourd'hui que des années auparavant. Mais il ne pouvait pas non plus s'empêcher de vouloir connaître ce petit qui était le fruit de l'amour entre deux personnes qui avaient compté pour lui, à un moment de sa vie. Il ne pouvait pas laisser la jeune femme faire face à cela toute seule, il n'était pas un monstre, il avait un cœur, bien trop vivant depuis quelques temps, ce qu'il déplorait grandement. Mais la jeune femme ne nourrissait pas les mêmes espoirs que lui et il le lut dans son regard, dans la tristesse de ses traits et le sourire forcé qu'elle lui servit pour lui répondre. Il était plus cruel de lui suggérer un avenir possible entre eux de cette façon que de simplement lui répondre que non, ils ne se reverraient jamais, il en prenait peu à peu conscience. « Qui te dit que ce sera un garçon ? Si c’est une fille, j’espère qu’elle sera rousse … Si c’est un garçon, je veux qu’il ressemble à son père. Et si tu veux savoir à quoi il ressemble, il faudra venir le voir par toi-même. » Il allait parler, lorsqu'elle ajouta, un peu plus durement. « Sans le costume de Mangemort. » Ou peut-être étaient-ce ses mots qui étaient durs, il se raidit légèrement, stupéfait de se sentir vexé quand on savait de quoi il était capable. La réaction et la remarque de Morgana étaient on ne pouvait plus légitimes, elle avait le droit de le mettre en garde, de vouloir protéger son enfant du monstre qui sommeillait en lui, il venait d'ailleurs de suffisamment l'avertir qu'il n'était pas celui qui paraissait ce soir, il était un mangemort. Et pourtant, la remarque lui fit un drôle d'effet, comme une anesthésie de l'esprit, il eut un rire sans joie, parce qu'il savait qu'il méritait cela. « Je suis sûr que ce sera un garçon et ce sera sûrement un beau mélange de vous deux. » Il lui adressa un sourire en coin un peu raté, il n'avait évidemment pas manqué la proposition de Morgana et il jeta un rapide coup d’œil à la pièce avant de lever les yeux au plafond, à l'étage où Liadan dormait comme une bienheureuse insouciante. « Je viendrais. Sous les conditions qui te plairont, sans masque, sans baguette si c'est ce que tu veux. » Il baissa les yeux vers elle. Il savait qu'elle n'avait pas insinué qu'il pourrait lui faire du mal mais il ne pouvait s'empêcher de se revoir torturer une enfant, une enfant de dix-sept ans mais une enfant malgré tout et il savait qu'il aurait dû refuser de voir celui-ci, il aurait dû maintenir Morgana éloigné de lui et pourtant, il ne pouvait pas s'y résoudre. Il ne savait pas où cette promesse les mènerait mais il avait envie de le découvrir.

Mais étrangement, ce n'était pas ce qui lui donnait envie de voir la jeune femme se lancer à la poursuite d'un mangemort pour lui donner la mort. Il devait éviter que cela se produise, malgré la détermination de la jeune femme et il se fit très clair, même s'il voyait très bien que cela ne lui plaisait pas, il n'en démordrait pas, et il savait d'avance qu'il gagnerait cette bataille, elle finirait par céder et il le savait. « Je sais. Mais je veux le faire moi-même. J’ai tué l’autre et je suis parfaitement capable de tuer celui-ci. Il est à moi, Daley. » Il la regarda un peu froidement, il n'appréciait pas vraiment la façon dont elle présentait les choses. « Tu l'as dit toi-même, tu as tué l'autre, tu as pu te venger, je n'en ai pas eu l'occasion. » Il y avait deux mangemorts, et la raison principale pour laquelle Daley ne voulait pas que Morgana se mette en chasse, c'était parce qu'il n'avait pas eu l'occasion pour sa part, de se venger. « L'autre a eu une mort rapide qu'il ne méritait pas, je n'ai pas l'intention de faire la même faveur au second. Tu avais ton lien avec Alex, j'avais le mien, ce mangemort est à moi Morgana. » Et il n'en démordrait pas, il savait exactement ce qu'il voulait, ce qu'il faisait. Il se rendit compte qu'il était un peu trop proche de celui qu'elle détestait qu'il soit et il se radoucit légèrement en la regardant, tentant de lui expliquer d'une autre façon les autres raisons qui le poussaient à refuser de décliner l'identité de l'assassin. « Tu as agi dans le feu de l'action mais tu n'es pas une tueuse, tu n'iras pas traquer quelqu'un juste pour lui donner la mort. Tu n'es pas comme ça et je refuse que tu noircisses ton âme de cette manière. Il a peut-être tué l'homme que tu aimais mais ce n'est pas pour ça que tu ne le regretteras pas un jour. » Elle était trop poufsouffle pour ça, et elle n'était en rien un mangemort. Daley lui-même savait que ses regrets finiraient pas le rattraper et la dernière raison, et pas des moindres, était qu'elle était enceinte, ce qu'il ne précisa pas mais qui était assez évident pour ne pas être souligné.

Penser à cet enfant lui faisait évidement penser à sa propre fille, s'il était sûr que Morgana aurait un garçon, c'est parce qu'il avait eu une fille et n'imaginait pas l'inverse pour tout dire, même s'il ne pouvait pas le deviner bien sûr. Comme il avait été sûr dès le début que l'enfant qui grandissait dans le ventre de sa petite-amie allait être une fille. Une fille à qui il allait bientôt devoir dire des choses, à qui il allait devoir expliquer des choses qui pourraient la choquer, la perturber mais il savait qu'il ne pourrait pas les lui cacher plus longtemps, il savait qu'elle était intelligente, qu'elle comprendrait bien vite par elle-même ou que son père allait finir par tout lui raconter, sans l'épargner. Elle allait avoir huit ans, il fallait qu'il s'engage dans cette conversation mais il le déplorait, elle était bien trop jeune, encore trop innocente. « Elle est intelligente, elle comprendra pourquoi tu fais ça. Il faudra juste … trouver la bonne façon de lui expliquer les choses. » Il eut un petit sourire nostalgique, comme s'il se rappelait combien il était facile de la préserver quand elle ne posait aucune question et qu'elle se contentait de jouer avec lui sans jamais lui demander quoi que ce soit. Il poussa pourtant un soupire. « Je ne suis pas sûr qu'il y ait de bonne façon de faire ça. » Il en était même certain, il n'y aurait jamais les bons mots, les bonnes expressions pour expliquer à Liadan les horreurs qu'il commettait au quotidien pour la protéger, l'erreur qu'il avait fait en prononçant un serment qui le maintenait aujourd'hui enchaîné à un être ignoble qui les faisait souffrir tous les deux. Non, il savait d'avance que leurs rapports ne seraient plus jamais les mêmes ou qu'elle ne parviendrait pas vraiment à comprendre mais il était tellement réticent à l'idée de lui enlever son innocence sur sa vision du monde de cette manière, il n'avait pas le droit, elle était trop jeune et pourtant, il le devait. Mais pas aujourd'hui, pas ce soir, alors qu'il était lui-même épuisé, émotionnellement, physiquement, il commençait à ressentir les effets du combat, de l'adrénaline qui quittait son corps. C'était peut-être pour cette raison qu'il se retrouvait affublé d'un humour tout à fait particulier, comme le lui confirma le sourire crispé de Morgana, qui était plus une grimace à vrai dire. « Je sais que tu plaisantais … Mais ce n’est pas parce que je suis enceinte que je suis en sucre, je te signale ! Enceinte ou pas, si j’étais une vraie tueuse, j’irais lui régler son compte de ce pas. Mais en vrai, je ne suis pas comme ça … Enfin, tu sais bien. » Il hocha vaguement la tête, bien sûr qu'il le savait. Et puis même si elle avait tué un mangemort aujourd'hui, il y avait une différence entre tuer quelqu'un dans le feu de l'action et de la colère et aller abattre quelqu'un de sang-froid dans son lit. Il ne pouvait pas envoyer qui que ce soit faire cela, il devait le faire lui-même mais sa promesse l'en empêcher, ce qui était fort dommage. Si un jour, il était sûr d'être pris au piège et qu'il savait sa fille en sécurité, il n'était pas impossible qu'il choisisse de mourir en emportant son père dans sa tombe. Quoiqu'il s'agirait plutôt de l'inverse puisque tuer son père entraînerait sa mort à lui. Mais s'il devait en arriver là un jour, il ne verrait pas de meilleure fin pour lui, il libérerait sa fille de son entrave et débarrasserait la Terre de deux monstres en puissance, parce qu'il ne se faisait aucune illusion sur ce qu'il était. « Tu n'es pas en sucre mais nous sommes en guerre et tu dois penser un peu plus à te protéger à présent parce que vous êtes deux. Tu ne peux pas faire n'importe quoi Morgana, mais je sais que tu seras raisonnable, tu ne risqueras pas la vie de ton enfant. » Il savait que les femmes développaient un instinct de maternité dès qu'elles se savaient enceintes, même avant pour certaines et il avait toujours été persuadé que c'était le cas pour la jeune femme, elle avait toujours été douce et compatissante, il l'avait toujours imaginé comme une mère merveilleuse, apportant tout l'amour qu'elle pouvait à son enfant. Et sachant que ce dernier était déjà orphelin d'un côté, elle ne prendrait pas le risque de le perdre ou de le laisser complètement seul une fois qu'il serait né. Il se sentait un peu rassuré, cette idée lui permettait d'imaginer qu'elle ferait profil bas pendant quelques temps, qu'elle serait plus prudente et qu'il n'aurait pas à l'enterrer à son tour, comme il devait le faire pour Alexander. Ce qui le ramena à la réalité, ce fut la question de Morgana sur son état de santé et son épaule douloureuse qui se rappelait à son bon souvenir. Son premier réflexe fut de refuser son aide, prétextant vouloir faire ça plus tard, avant de se mettre au lit. Il avait seulement oublié qu'il n'allait pas se coucher tout de suite, il devait absolument sortir, repartir pour Alex. « Non, moi ça va. » Il hocha légèrement la tête, soulagé qu'elle ne soit pas blessé, qu'elle n'ait rien. Il aurait eu du mal à se pardonner de ne pas lui avoir demandé avant. « S’il te plaît, laisse-moi voir. Si j’avais été blessée tu aurais insisté pour me guérir jusqu’à ce que j’accepte, tu tiens vraiment à ce que je fasse pareil ? » Bien sûr qu'il aurait insisté, il l'aurait peut-être même porté de force jusqu'au lit de la chambre d'amis pour s'assurer qu'elle prenne du repos et qu'elle se laisse soigner, il l'aurait attaché si cela avait été nécessaire mais lui permettre de faire la même chose ? Il jeta un œil à son épaule qui commençait doucement à l'élancer et repensa à ce qu'il devait faire une fois qu'il aurait montré à Morgana la chambre d'amis et il se sentit légèrement pris au piège. Elle lui proposait son aide, comme une amie à un autre ami mais il souhaitait tellement l'éloigner, la tenir à distance pour éviter la déception dont il tentait de se préserver. Il hésita, elle allait insister, il le savait, elle était ainsi et la conversation pouvait durer des heures. Il finit par s'asseoir sur une chaise et lui adresser un léger hochement de la tête pour lui donner l'autorisation tout en déboutonnant sa chemise qu'il ne retira pas. Une manœuvre habile pour exposer sa blessure à l'épaule sans laisser voir ses bras et donc, sa marque. Il l'interrompit pourtant avant qu'elle ait pu s'avancer vers lui. « Je te laisse faire, si tu acceptes de manger quelque chose. N'importe quoi. » Le voir capituler simplement aurait été trop facile et ce n'était certainement pas dans sa nature. Il avait toujours une idée derrière la tête quand il se montrait conciliant. La négociation, il était passé maître en l'art de négocier et il entendait bien le faire à nouveau. Elle pouvait bien avoir ce qu'elle voulait, il accepterait même qu'elle se contente d'une chocogrenouille, tant qu'elle n'allait pas se coucher l'estomac vide. Il arqua légèrement un sourcil, curieux de savoir si elle allait accepter et quel sentiment serait le plus fort pour elle. Son corps trembla légèrement à l'idée de la laisser le guérir, il ne l'avait pas fait depuis longtemps, et la première à le faire avait été Eden, même s'il n'avait pas été en état de négocier quoi que ce soit à ce moment-là. Il n'avait pas eu à se faire soigner depuis trop longtemps et n'avait pas eu suffisamment confiance en qui que ce soit pour se laisser approcher et pourtant, il était soucieux de l'état de santé de Morgana et préférait donc qu'elle mange quelque chose, quitte à accepter son aide.

Mais il voulait aussi savoir, une fois sa surprise passée, qui avait bien pu dénoncer Morgana et l'obliger à quitter son emploi et sa maison pour se retrouver dans un camp. Qui, en somme, avait été l'initiateur de la situation qui s'était joué quelques heures plus tôt, ou ce qui lui semblait une éternité plus tôt. « Je n’en suis pas certaine … Mais je pense que c’était la femme d’Alexander. Il n’y avait qu’elle qui savait, et elle ne me portait pas dans son cœur. » C'était Tessa qui l'avait fait, forcément, si elle avait découvert la relation entre les deux amants entre temps, elle était tout à fait capable de faire une chose pareille, même si elle n'avait jamais été particulièrement attachée à son mari, question de fierté, il pouvait supposer. Il acquiesça, encore une fois, il ne pouvait pas s'excuser des agissements de quelqu'un d'autre et se trouvait idiot d'en avoir envie. Il ne répondit rien, visiblement, la jeune femme avait de toute façon payer pour ce qu'elle avait fait, elle n'était aujourd'hui plus là pour s'en vanter. Il finit alors par lui demander si elle savait où aller et elle eut un instant d'hésitation qui ne lui échappa pas et qu'il ne pouvait pas lui reprocher. « Je n’étais dans ce camp que temporairement, il y en a un autre où je comptais retourner ensuite … Je connais du monde là-bas, ça ira. » Bon sang, son instinct de mangemort se mit aussitôt en route à la mention d'un nouveau camp, combien y en avait-il qui se baladaient sous leurs yeux sans qu'ils n'en sachent rien ? Mais il rejeta immédiatement son envie de le demander, il n'avait pas à faire cela. Il secoua légèrement la tête en la regardant réchauffer sa tasse de thé, il avait abandonné la sienne depuis longtemps. Il savait qu'elle était épuisée et qu'elle recommençait à se rappeler la mort de Alexander. « J'aimerais pouvoir t'y conduire, ou même à proximité mais c'est mieux que je ne sache rien. » Et il en avait lourdement conscience, il ne fallait pas qu'il le sache, il ne voulait pas avoir à la revoir dans ses conditions. « Si tu as la possibilité d'envoyer un hibou, avec juste quelques mots, pour que je sois sûr que tu es en sécurité, Je suis toujours professeur à Poudlard. » Ajouta-t-il en haussant les épaules. Il avait une drôle de manière de lui demander mais il ne pouvait pas simplement le lui suggérer, c'était au dessus de ses forces. « Tu veux que je te montre la chambre d'amis ? Tu as besoin de te reposer, il se fait tard. » Leur havre de paix allait bientôt prendre fin, ils allaient se coucher et qu'adviendrait-il demain ? Ils n'en savaient rien.

Morgana ne s’était jamais posée la question de savoir si elle serait une mère possessive et protectrice : c’était une évidence, elle le serait. Elle l’était déjà avec des gens qui ne faisaient pas partie de sa famille, des amis qui lui étaient chers et qu’elle protégeait bec et ongle contre le reste du monde. Elle se montrait même un peu trop maternelle certaines fois, insistant et s’imposant pour être sûre que tout irait bien. Même Daley, à une époque, elle l’avait protégé, et cela avait continué même une fois que leur amitié était terminée. Quand elle avait entendu son nom cité dans une liste de Mangemort, pendant une réunion de l’Ordre, elle avait soutenu qu’il devait y avoir une erreur. Cela faisait quoi, six ans qu’ils ne s’étaient pas revus ? Six ans ou plus, pendant lesquelles il n’avait pas donné un seul signe de vie et où elle avait abandonné leur amitié. Pourtant elle n’avait pas hésité à prendre sa défense, convaincue qu’il ne pouvait pas être devenu un Mangemort. Si elle était ainsi pour quelqu’un qui, à cette époque, ne méritait pas d’être défendu, elle ne pouvait pas imaginer ce que cela serait quand elle aurait un enfant, sa chair et son sang, le fils de l’homme qu’elle aimait tant. Il lui arrivait encore d’oublier qu’elle portait une vie – elle ne la portait pas depuis très longtemps – et de se conduire comme si elle n’était responsable que d’elle-même, en se mettant en danger sans y réfléchir, mais le reste du temps, elle avait certains réflexes de protection instinctifs. Comme celui de rester loin de Daley jusqu’à ce que la guerre passe. Et de ne pas le laisser approcher de son bébé. Elle était déchirée entre cet instinct impérieux qui la poussait à vouloir éviter Daley, et l’envie de lui faire partager tout ce qu’elle allait vivre, le laisser entre dans son monde avec le même naturel que quand ils s’étaient rencontrés, à onze ans. Et le plus difficile était de voir que lui aussi souhaitait partager ces moments avec elle, alors qu’il lui avait strictement défendu d’y croire quelques instants plus tôt, en lui expliquant qu’il n’était pas une bonne personne à fréquenter pour elle. Il avait autant envie qu’elle de croire que cela pouvait changer et que leur amitié était encore possible. Mais il savait aussi bien qu’elle que cela ne se produirait pas. Mais Morgana n’était pas du genre à prendre une grande décision définitive, et elle laissa à Daley une chance, celle de se revoir plus tard, tout en sachant que cela serait extrêmement compliqué. Mais elle ne pouvait pas lui fermer la porte a nez, elle n’était pas assez forte pour se positionner ainsi, même si cela aurait été la meilleure des décisions pour eux deux. Elle ne voulait pas l’écarter de sa vie, malgré tout. Sa réponse n’était pas celle que Daley attendait, elle s’en rendit bien compte, mais c’était mieux que rien. « Je suis sûr que ce sera un garçon et ce sera sûrement un beau mélange de vous deux. » Elle haussa les sourcils, un sourire un peu douloureux sur les lèvres. Elle aurait aimé avoir le même enthousiasme que lui sur ce sujet, et débattre du sexe de son enfant avec entrain, mais elle ne pouvait s’empêcher de voir le visage d’Alexander quand il parlait, et ce n’était pas très réjouissant. « Je viendrais. Sous les conditions qui te plairont, sans masque, sans baguette si c'est ce que tu veux. » Elle lui adressa un sourire reconnaissant, soulagée qu’il le prenne ainsi, et qu’il exprime à haute voix ce qu’elle n’avait pas prononcé, mais qu’elle attendait de lui s’ils devaient se revoir. Elle faillit le remercier, mais se souvint de sa promesse, et se retint juste à temps. « Je pense que ce sera une fille, donc tu as intérêt d’être là pour constater ton erreur, ou juste constater la mienne comme tu l’as si souvent fait à Poudlard. » Lui lança-t-elle, espiègle. Elle n’avait pas besoin d’insister sur le fait qu’il viendrait en paix, puisqu’ils venaient de tomber d’accord sur ce point, et elle pouvait lui parler comme à un vieil ami … C’était un réel soulagement. Et c’était le seul qu’elle avait aujourd’hui, alors elle en profitait autant qu’elle le pouvait.

Mais ce petit moment de légèreté ne dura pas plus d’un instant, quand le sujet revint sur le Mangemort qui s’était échappé et que Morgana voulait tuer, l’ambiance retomba comme un soufflé raté. Morgana pouvait voir que Daley n’aimait pas la façon dont elle en parlait, mais elle avait bien l’intention de se battre pour ça. Elle n’avait pas fini avec lui, elle voulait qu’il disparaisse de la surface de la planète et elle avait bien l’intention de réaliser ça elle-même. « Tu l'as dit toi-même, tu as tué l'autre, tu as pu te venger, je n'en ai pas eu l'occasion. » Morgana se raidit, mais ne répondit pas. Elle pouvait comprendre cet argument, même si elle ne voulait pas l’accepter. « L'autre a eu une mort rapide qu'il ne méritait pas, je n'ai pas l'intention de faire la même faveur au second. Tu avais ton lien avec Alex, j'avais le mien, ce mangemort est à moi Morgana. » Cette fois, elle ne put s’empêcher de détourner légèrement le regard quand il évoqua la mort lente qu’il prévoyait de donner au Mangemort. Ce n’était pas ce qu’elle voulait, et ce n’était certainement pas ce qu’elle ferait si elle l’avait à nouveau en face d’elle. Elle ne pouvait pas torturer, elle pouvait à peine tuer. Elle voulait sa mort, mais elle voulait simplement qu’il cesse d’exister. Pas qu’il ait le temps de hurler à la mort et de regretter tous ses actes passés. Elle ne parvenait même pas à souhaiter une chose pareille alors qu’il le méritait sans doute, il avait du tuer bien des gens avant Alexander … Mais elle lui souhaitait une mort rapide, et l’éventualité dont parlait Daley était loin de tout ça. Pendant une fraction de seconde, elle l’imagina en train de torturer le Mangemort, mais cette vision était tout bonnement insoutenable, et elle la repoussa très vite. La voix de Daley l’aida à sortir de ses pensées, et elle se rendit compte qu’elle avait la bouche sèche. Cette idée la rendait malade. « Tu as agi dans le feu de l'action mais tu n'es pas une tueuse, tu n'iras pas traquer quelqu'un juste pour lui donner la mort. Tu n'es pas comme ça et je refuse que tu noircisses ton âme de cette manière. Il a peut-être tué l'homme que tu aimais mais ce n'est pas pour ça que tu ne le regretteras pas un jour. » Si elle avait envisagé de se battre avec lui avant qu’il ne parle de la mort lente qu’elle n’avait pas donné à l’autre Mangemort, elle avait abandonné cette idée à présent. Elle ne voulait pas se battre sur ce sujet avec lui, plus maintenant. Et au fond, il avait sans doute raison. Elle savait qu’elle regretterait d’avoir tué un homme, un jour. Il valait sans doute mieux que le compte reste à un. « Mais je regretterais tous les jours qu’il ait tué Alexander. » Fit-elle à voix basse, bien consciente que ça ne changerait rien de toute façon. Il était trop tard, les regrets ne feraient pas revivre Alex. Elle regarda à nouveau Daley, puis hocha lentement la tête. « Il est à toi alors. Tue-le, c’est tout ce que je te demande. » Ces mots sonnaient étrangement dans sa bouche, déplacés. Mais elle les pensait de toute son âme, et c’était tout aussi étrange. Elle dut se forcer à ne pas demander à Daley de le tuer rapidement, elle ne voulait pas parler de ça à voix haute et elle se doutait bien que quoi qu’il promette sur ce sujet, il ne s’y tiendrait pas. Il y avait une facette de sa personnalité qu’elle n’avait jamais rencontrée, qu’elle soupçonnait mais qu’elle ne voulait pas voir se concrétiser. Et en parler était au-delà de ses forces. Elle ne voulait pas y faire face ce soir … Et espérait ne jamais avoir à y regarder de plus près. Cela faisait d’elle une lâche, sans doute, mais elle l’aimait trop pour accepter de revoir sa vision de lui.

Tout naturellement, ils dévièrent vers la fille de Daley. Elle aussi aurait à revoir sa vision de lui, et dans un futur proche, malheureusement. Si Morgana n’était pas assez forte pour accepter de le faire complètement, elle ne pouvait pas imaginer qu’on puisse demander de faire de même à une enfant. C’était son père, son modèle et sans doute son héros, comme l’étaient tous les pères aux yeux de leurs filles. Alors lui expliquer que son papa avait tué des gens, traqué, torturé …  « Je ne suis pas sûr qu'il y ait de bonne façon de faire ça. » Elle n’en était pas convaincue non plus, mais avait-il le choix ? C’était le plus cruel là-dedans : s’il ne le faisait pas, il était certain que les choses seraient pires encore. Forcé de choisir entre deux terribles maux, il était coincé et elle ne pouvait qu’imaginer sa souffrance. « Tu as réussi avec moi. Tu réussiras avec elle également. » Affirma finalement Morgana. Même si  Liadan et elle étaient deux personnes bien différentes, c’était ce à quoi elle voulait s’accrocher : elle était partie de loin, elle avait été tellement déçue en apprenant qu’il était un Mangemort … Et pourtant, elle était là et croyait toujours en lui. Il fallait espérer que cela marche aussi bien, voire même mieux, avec Liadan. Même si Morgana avait tendance à broyer du noir ce soir, elle devait faire un effort pour croire encore aux petits miracles de la vie … Et elle croyait donc que la fille de Daley en serait un, elle l’avait décidé. Par contre, son père … C’était autre chose, et le miracle était loin d’arriver. Si un jour il se faisait tuer, le monde s’en porterait bien mieux, mais elle craignait que cela soit bien loin de se réaliser. « Tu n'es pas en sucre mais nous sommes en guerre et tu dois penser un peu plus à te protéger à présent parce que vous êtes deux. Tu ne peux pas faire n'importe quoi Morgana, mais je sais que tu seras raisonnable, tu ne risqueras pas la vie de ton enfant. » La jeune femme pinça les lèvres, mais elle savait qu’il avait raison. Elle n’aimait pas qu’on lui rappelle qu’elle devait se montrer plus prudente maintenant, même s’il était le premier à le faire elle savait qu’il y en aurait bien d’autres à venir, dès qu’elle aurait trouvé le courage d’annoncer la nouvelle à ses proches. Pour l’instant elle ne voulait pas être plus prudente, ni arrêter d’agir, mais il faudrait qu’elle s’y résolve très vite. Ce n’était pas parce que son ventre était encore plat que le bébé n’existait pas … Et elle ne se le pardonnerait pas si elle le perdait. « Je sais bien, papa, merci de t’inquiéter pour ma santé. » Lui lança-t-elle, un peu moqueuse, mais cela l’amusait de voir qu’il prenait sa grossesse presque plus au sérieux qu’elle. Et franchement, elle aimait beaucoup quand il se laissait aller à ce genre de penchant … Durant ces petits instants fugaces, le Mangemort n’existait plus, il était juste Daley, celui qu’elle avait toujours tant aimé. Mais l’instant était vite brisé, et Daley reprenait si rapidement sa façade d’homme intransigeant ! Il s’inquiétait pour elle, mais dès qu’elle retournait la situation et essayait de tendre une main secourable vers lui, il se braquait immédiatement. Mais elle ne baisserait pas les bras, pas cette fois. S’il était blessé, elle pouvait l’aider, elle ne voyait pas le mal qu’il y avait à accepter qu’elle le soigne. Etre Mangemort avait du gommer définitivement toute faiblesse en lui, et il se devait de ne jamais flancher … Sans doute, mais ce soir il avait le droit de flancher. Il était si borné que malgré tous ses arguments elle ne s’attendait pas à ce qu’il capitule, pourtant, et à sa grande surprise, c’est ce qu’il fit. Il s’assit, déboutonna sa chemise et dévoila sa blessure, et elle s’avança vers lui avec sa baguette, mais il reprit la parole et elle s’arrêta au milieu de la cuisine. « Je te laisse faire, si tu acceptes de manger quelque chose. N'importe quoi. » Morgana leva les yeux au ciel en soupirant. Quelle surprise ! Il ne savait plus rien accepter sans marchander un minimum. « Ca aurait été trop difficile d’accepter sans condition ? Je mangerais un morceau, si ça peut te faire plaisir. Mais après. » Elle n’avait toujours pas faim, et avait encore moins envie d’ingurgiter la moindre nourriture solide, mais elle se forcerait, si cela pouvait détendre un peu Daley. Elle n’allait pas le laisser ainsi juste parce qu’il lui demandait de manger un peu. Elle retroussa ses manches, tourna un instant sur elle-même, se remémorant les leçons qu’Alaric lui avait donné. Cela lui semblait des siècles auparavant, alors que leur dernier cours avait eu lieu à peine un ou deux mois plus tôt. Mais elle entendait sa voix dans sa tête claire comme s’il lui parlait en ce moment même, et elle n’hésita pas plus d’une seconde. Elle attrapa un linge plié sur une étagère, qu’elle passa sous le robinet d’eau chaude. Elle franchit ensuite les derniers mètres qui la séparaient de Daley, et s’efforça de ne regarder que son épaule, et pas son visage. Elle imaginait très bien le regard qu’il devait avoir, et n’avait vraiment pas besoin de ça, elle devait garder tous ses esprits et sa concentration. Elle posa délicatement le linge mouillé sur sa blessure à l’épaule, essuyant aussi doucement que possible le sang qui avait commencé à sécher. Peu à peu, elle nettoya la blessure, et put l’étudier de plus près. Elle était peu profonde, et ne semblait pas infectée : dans le cas contraire, elle se serait trouvée bien embêtée, dans cette cuisine sans rien d’autre que sa baguette pour le soigner … Son entêtement n’aurait servi à rien si elle ne pouvait pas le soigner, au final. Mais ce genre de blessure ne lui posait pas de problème, elle en avait déjà guéri des semblables dans le camp de réfugiés. Elle passa sa baguette par-dessus la lésion en murmurant une formule, l’air toujours très concentrée. Elle ne se détendit que quand elle vit les chairs se refermer bien proprement, laissant uniquement une inflammation rouge sur la peau, qui disparaîtrait rapidement. Elle reprit son linge taché de sang et retourna le passer sous l’eau, mais le sang ne partirait pas si facilement, et elle l’essora finalement avant de le laisser sur le bord de l’évier. Elle n’osait pas appeler l’elfe de maison, elle n’avait jamais eu de domestique de cette sorte, et n’avait jamais apprécié de s’adresser à ceux qui appartenaient à d’autres. Mais il saurait sans doute quoi faire quand il viendrait débarrasser la table un peu plus tard. Elle retourna ensuite vers Daley. Elle failli lui faire remarquer à quel point ça avait été facile, autant pour elle que pour lui, mais préféra ne pas retourner le couteau dans la plaie. Il avait fait un effort qu’elle appréciait, et il n’était pas nécessaire de l’enfoncer davantage. « Tu étais blessé ailleurs ? » Le sang qui le recouvrait ne lui était d’aucune aide, elle ne pouvait pas vraiment déterminer si c’était le sien ou celui des hommes qu’il avait tué … Mais s’il avait d’autres blessures, elle savait d’avance ce qu’il exigerait avant qu’elle ne puisse le soigner. « Et avant que tu ne me forces à manger, je te rassure, je n’ai pas oublié ma promesse. » Elle s’assit donc à côté de lui et tendit la main pour attraper une pomme, dans la corbeille de fruits qui trônait au milieu de la table. Elle croqua dedans sans quitter Daley du regard et mâcha avec application avec un air de défi, mais le jeu perdit très rapidement de son intérêt quand elle sentit la nausée lui tordre l’estomac. Elle n’avait pas faim, pas du tout, et elle s’arrêta de manger avant même d’avoir avalé la moitié du fruit, le teint pâle et les traits tirés. « Ca ira comme ça. » Si elle avait pris beaucoup de plaisir à manger, toute sa vie, ce soir plus rien ne lui faisait envie, et tout ce qu’elle mettait dans la bouche avait un goût de cendre. Mais les petits plaisirs de la vie n’avaient aucun pouvoir face au vide qu’elle ressentait, et ce n’était pas prêt de changer.

Ils évoquèrent ensuite le futur, un sujet qui n’était pas le plus réjouissant pour Morgana – elle n’arrivait pas à imaginer quoi que ce soit pour les jours à venir. Mais elle savait où elle irait, ce qui était déjà un bon début. Ce qu’elle y ferait, c’était une autre histoire … « J'aimerais pouvoir t'y conduire, ou même à proximité mais c'est mieux que je ne sache rien. » Cette fois, elle ne pouvait pas faire de compromis, la scène qui s’était déroulée ce soir dans le camp était encore trop fraîche dans l’esprit de Morgana. Aucun Mangemort n’apprendrait de sa bouche la localisation du camp de Craik, même si ce Mangemort avait été son ami à une autre époque, et qu’il était un appui précieux ce soir. Elle lui faisait confiance, mais ce n’était pas seulement sa vie ou celle de son enfant qui était en jeu cette fois, c’était celle des dizaines d’autres personnes qui étaient cachées là-bas. « Si tu as la possibilité d'envoyer un hibou, avec juste quelques mots, pour que je sois sûr que tu es en sécurité, Je suis toujours professeur à Poudlard. » Il lui offrit lui-même une porte de sortie, et elle lui sourit gentiment. « J’y suis déjà allée plusieurs fois, ne t’inquiète pas, ça se passera très bien. Je t’enverrais un mot quand j’y serais, d’une façon ou d’une autre. » Elle faillit ajouter, étourdiment, qu’elle ferait passer le message par Clive puisqu’ils étaient collègues, mais elle réalisa de justesse qu’il valait mieux laisser Clive en dehors de tout ça. Si personne ne savait qu’il faisait partie de l’Ordre, il fallait que ça reste ainsi. « Tu veux que je te montre la chambre d'amis ? Tu as besoin de te reposer, il se fait tard. » La proposition fut presque une surprise pour Morgana, qui ne songeait pas un seul instant à aller dormir. Dormir, ça signifiait se coucher, rester dans le noir, être seule avec ses pensées et ses souvenirs. La panique la submergea à cette idée, et elle fixa Daley comme s’il venait de lui proposer de retourner dans le camp pour voir si Alexander ne s’était pas réveillé. « Non, je n’ai pas … » Elle n’avait pas sommeil, mais sa voix s’étrangla d’elle-même. Elle était épuisée, à vrai dire, mais elle état terrifiée à l’idée de dormir, ou même simplement d’essayer de s’endormir. Mais peut-être que lui était fatigué et voulait monter se coucher, elle ne pouvait pas vraiment le retenir. Elle regarda autour d’elle, envisageant de rester là pour cette nuit, mais ça revenait au même : ce qui lui faisait si peur, ce n’était pas le noir ou le lit, c’était simplement d’être seule. « D’accord, montre-moi la chambre. Mais, Daley … Est-ce que … Est-ce que tu peux rester avec moi, s’il te plaît ? » Elle avait l’impression d’être redevenue une enfant, quand elle suppliait son père de rester dans sa chambre jusqu’à ce qu’elle s’endorme après avoir fait un cauchemar. Elle n’arrivait pas à s’endormir si elle n’était pas certaine qu’il était là, à ses côtés, présence rassurante qui tenait éloignés les monstres sous son lit … Il n’y avait pas de monstres sous le lit, cette nuit, et Morgana se sentait misérable à supplier de cette façon, mais elle ne supporterait pas la solitude. Elle y ferait face bien trop souvent les nuits à venir, alors ce soir … Elle espérait qu’il accepterait, c’était la dernière chose qu’elle lui demanderait.

Daley ne savait pas vraiment comment une journée avait à ce point pu tout changer. Elle avait pourtant si bien commencée et elle se terminait de manière désastreuse, tout avait volé en éclats sans qu'ils n'y soient préparés et Daley et Morgana se retrouvaient seuls, chez lui, à se parler comme si presque dix années ne s'étaient pas écoulées, comme s'ils ne s'étaient jamais quittés. Comment avait-il pu en venir à lui faire la promesse de venir en paix la prochaine fois qu'ils se verraient ? Comment pouvait-il simplement oser espérer la revoir dans un contexte moins alarmant, moins terrifiant ? Il n'avait pas le pouvoir de tenir une telle promesse, il ne pouvait pas se permettre de la lui faire et pourtant, il était là, face à elle, il regardait ses yeux tristes de la perte qu'elle venait de subir et au fond de ces yeux, il y voyait un espoir qu'il croyait perdu depuis longtemps. Il avait l'impression qu'en présence de Morgana, tout pouvait alors être possible, comme cela avait longtemps été le cas quand ils n'étaient que deux adolescents inconscients de leurs erreurs et de leurs bêtises. Il avait ce sentiment apaisant que tout irait bien tant qu'il ne lâcherait pas la main de la jeune femme, qu'il pouvait se laisser aller, qu'il pouvait simplement fermer les yeux et se reposer sur son épaule rassurante, elle le soutiendrait malgré sa propre peine, elle le réconforterait dans la douleur, ils pourraient redevenir ceux qu'ils étaient. Des sentiments dangereux qui traversaient l'esprit de Daley par vagues salvatrices, qui l'obligeait à rester deux fois plus sur ses gardes que d'habitude, il ne pouvait pas se permettre le moindre écart de conduite en la présence de la rousse, il ne le pouvait plus. Il n'était plus guère cet adolescent insouciant et provocateur qu'il avait pu être, il était un mangemort et cette simple constatation l'aidait simplement à garder les épaules droites et à ne pas se laisser aller à ce moment pleinement. Mais il ne pouvait pas s'empêcher de dire des choses qu'il savait qu'il regretterait bien assez tôt, dans un futur proche, il se détesterait pour avoir prononcer ces mots mais il ne pouvait pas passer à côté de la vie de ce petit. Alexander avait été un repère pour lui chez les mangemorts, un ami, une épaule, un sauveur. Il ne pouvait pas voir son fils ou sa fille grandir loin de lui, il ne pouvait s'y résoudre. Et laisser Morgana dans cette galère, toute seule et sans la moindre aide extérieure, impensable pour lui. Il avait l'impression qu'elle était sur le point de le remercier face à sa compréhension mais elle n'en fit rien et la légèreté de la conversation fut comme un souffle chaud après le froid qui venait de s'installer entre eux après les insinuations de la jeune femme. Un baume au cœur de Daley qui ressentait la peur et l’appréhension de Morgana face à ce qu'il était devenu. « Je pense que ce sera une fille, donc tu as intérêt d’être là pour constater ton erreur, ou juste constater la mienne comme tu l’as si souvent fait à Poudlard. » Un sourire espiègle vint se dessiner sur son visage et ils purent sceller leur accord, ils allaient se revoir, dans la paix, ils allaient pouvoir à nouveau parler comme deux êtres humains civilisés, ils allaient tout simplement échanger quelques anecdotes le temps de quelques heures. Sans baguette, sans magie, sans masque, sans façade, simplement deux anciens amis, unis dans une douleur commune, qui se retrouvent pour partager un moment qui n'appartiendrait qu'à eux. Daley ne savait pas quand ils pourraient faire ça, si c'était même humainement possible qu'ils réalisent cette idée fantasque mais elle lui plaisait, il avait besoin d'y croire à cet instant, plus qu'à n'importe quel autre instant dans sa vie.

Mais il y avait encore un sujet à aborder, quelque chose à régler. Morgana voulait la peau du dernier mangemort mais il était hors de question pour Daley de la laisser se mettre en chasse, il ne lui donnerait pas la moindre information et trouverait l'ordure bien avant qu'elle ait pu récolter le moindre renseignement à son sujet. Mais il préférait qu'elle le sache, qu'elle comprenne son besoin de vengeance et il ne détourna pas les yeux lorsqu'elle le fit. Il n'avait pas honte des idées qui lui traversaient l'esprit, il n'aurait pas honte de les exécuter et n'éprouvera aucun remord à l'avoir fait une fois qu'il aura accompli ce qu'il devait. Pour la mémoire de son meilleur ami, il le lui devait bien ça. Que Morgana soit d'accord ou non n'était qu'un détail, bien qu'il préférait largement que ce soit le cas. Il ne cachait pas à la jeune femme ses projets, elle savait ce qu'il était et ce qu'il faisait, cela ne devait pas être une grande surprise, au moins une énième déception. Pour cette fois seulement, il s'en fichait. Il était fier de pouvoir rendre justice, d'être capable de manquer de cœur au point de vouloir la souffrance et les cris de celui qui leur avait arraché un être cher. Il savait Morgana incapable de le faire et il n'aurait pas permis qu'elle noircisse son âme à ce point. La sienne était déjà fichue depuis bien longtemps, il n'avait plus rien à craindre de ce côté-là. Mais connaissant la jeune femme, il se serait presque attendu à ce qu'elle débatte, argumente et défende son point de vue avec ferveur et ténacité, comme elle savait si bien le faire mais il la sentit presque résignée lorsqu'elle prit à nouveau la parole. « Mais je regretterais tous les jours qu’il ait tué Alexander. » Bien sûr, il comprenait ce qu'elle voulait dire et il hocha légèrement la tête pour lui donner raison avant de la voir faire de même, donnant ainsi son accord. « Il est à toi alors. Tue-le, c’est tout ce que je te demande. » Elle lui demandait de simplement le tuer mais elle ne le suppliait pas de le faire proprement. Elle aurait pu, il lui aurait sûrement promis de le faire, il aurait eu la bêtise de penser qu'il pourrait regagner son affection en lui promettant qu'il pouvait tuer ce mangemort sans le faire hurler de douleur. Mais si elle ne lui demandait pas de le faire souffrir, elle ne lui demandait pas de l'épargner pour autant et c'est bien ce qui le rassurait. Peut-être Morgana voulait-elle inconsciemment qu'il souffre sans pour autant oser le demander ou alors ne s'était-elle pas rendu compte qu'elle ne lui avait pas demandé de faire ça sobrement. Il s'en fichait, il avait son accord pour traquer et tuer le dernier mangemort et en faire ce que bon lui semblerait, il s'en sentait soulagé, plus léger. Il allait pouvoir se venger comme il en avait envie sans se préoccuper des conséquences pour une fois et il avait bien l'intention de le faire. « Tu as ma parole qu'il ne finira pas le mois. » Il n'était même pas sûr qu'il finirait la semaine et que dès demain, il serait probablement déjà entrain de regretter d'être né mais il préférait viser large, au cas où le fuyard aurait quitté le territoire entre temps.

Maintenant qu'il avait l'assurance qu'il pourrait vider sa haine, sa tristesse et sa rancœur sur quelqu'un d'autre que lui-même ou un pauvre innocent qui n'aurait rien demandé, Daley n'avait plus vraiment le cœur à philosopher sur autre chose et en particulier sur sa fille. Il savait qu'il devait lui dire la vérité mais il ne savait pas comment il parviendrait à le faire en temps voulu et encore moins comment elle réagirait et c'était bien ce qu'il redoutait le plus. Liadan était tout ce qui lui restait dans ce monde, la seule qui fasse tourner son cœur pour qu'il puisse accomplir son devoir sans faillir, la seule à le maintenir en vie depuis huit ans maintenant et si elle venait à lui tourner le dos, à comprendre qui il était réellement et à le voir comme un monstre, il n'était pas sûr d'y survivre. La plus grande faiblesse de Daley, c'était bien cette petite fille d'à peine huit ans qu'il aimait d'un amour indescriptible puisqu'il était prêt à tous les sacrifices pour elle, pour ses beaux yeux, pour sa gueule d'ange. Il l'aimait comme un fou et il était très étrange de voir un mangemort ainsi amoureux de sa petite fille. D'habitude, la plupart d'entre eux rêvaient d'avoir un garçon ou n'aspiraient qu'à voir leur progéniture avec la marque terrible qu'ils portaient tous sur le bras. Mais jamais Daley n'envisagerait cet avenir pour son enfant et jamais Liadan ne serait un mangemort, pas tant qu'il serait en vie. Mais Morgana avait raison, il allait devoir lui parler, trouver les mots pour lui expliquer tout ce qui se passait dans leur vie. « Tu as réussi avec moi. Tu réussiras avec elle également. » Il eut presque envie de sourire, avait-il vraiment réussi avec Morgana ? Était-elle vraiment persuadée de son innocence ? Il ne l'était pas évidemment mais ce n'était pas pour ça qu'il n'éprouvait pas certains regrets. Il lui adressa un léger sourire sans répondre, il savait que Morgana ne pouvait pas l'aider, il était tout seul face à ses mensonges, il lui faudrait se débrouiller seul. Ce qui n'était pas le cas de la jeune femme assise en face de lui. Elle n'avait pas besoin d'être seule et encore moins maintenant qu'elle était enceinte, il lui fallait prendre soin d'elle et de son bébé et Daley avait bien l'intention de lui rappeler qu'elle protégeait quelqu'un d'autre à présent et qu'elle allait devoir se montrer deux fois plus prudentes. Il aurait voulu pouvoir la protéger mais évidemment, il en était incapable, il n'en avait pas le pouvoir, il était toujours attaché aux ordres, il lui fallait garder les pieds sur terre s'il voulait lui être du quelconque aide. Mais il savait qu'elle saurait se montrer raisonnable, elle l'avait toujours été. En revanche, elle était têtue et son entêtement le mena à accepter un peu d'aide de sa part, à condition qu'elle fasse quelque chose pour lui en échange. Il avait toujours été ainsi, il avait toujours aimé négocier et ce jour ne serait pas différent, surtout s'il était question de baisser sa garde. « Ca aurait été trop difficile d’accepter sans condition ? Je mangerais un morceau, si ça peut te faire plaisir. Mais après. » Il la regarda un instant, cherchant à savoir si elle voulait le berner mais il décida bien vite que Morgana n'en était pas vraiment capable, elle était sincère et droite dans ses paroles, elle n'était pas mesquine, manipulatrice, comme la plupart des femmes qu'il fréquentait depuis qu'il était un mangemort. Elle ne chercherait pas à le duper et c'est ce qui le rassura. Il hocha alors la tête pour sceller leur accord, sans commenter sa petite remarque précédente, il savait qu'il n'était pas conciliant, cela faisait partie de son caractère après tout. Alors il resta immobile tandis qu'elle examinait sa blessure et mit un soin tout particulier dans la contemplation du mur d'en face pour oublier qu'il s'exposait à ce qui aurait dû être un ennemi à l'époque. Morgana avait fait partie de l'Ordre, ils avaient été obligés de travailler l'un contre l'autre, même s'ils n'en avaient eu aucune envie et voilà qu'ils s'entraidaient cette nuit, qu'il la laissait le soigner, chose qu'il n'avait pas faite depuis des années, exception faite avec Eden l'autre jour. Elle semblait savoir ce qu'elle faisait un minimum, lui qui avait quelques notions en la matière également devait reconnaître qu'elle était plus douée que certains mangemorts pris dans le feu de l'action. « Tu étais blessé ailleurs ? » Il sortit de ses pensées en constatant qu'elle avait terminé et secoua négativement la tête, s'empressant de se redresser, de remettre sa chemise pour lui indiquer qu'il n'était blessé nulle par ailleurs. « Je ne savais pas que tu envisageais une reconversion. » Plaisanta-t-il l'espace d'un instant, en référence avec ses talents de guérisseuse amateur. Elle s'était plutôt bien débrouillée dans l'ensemble et il lui en était finalement reconnaissant, pourtant incapable de dire merci correctement, il préféra lui adresser un sourire en coin en hochant la tête. « Et avant que tu ne me forces à manger, je te rassure, je n’ai pas oublié ma promesse. » Il la regarda, certain qu'elle ne l'avait pas oublié et il ne la quitta pas des yeux lorsqu'elle croqua dans son fruit. Mais il comprit immédiatement qu'elle était à bout et qu'elle ne mangerait pas comme il l'espérait, ce qu'elle lui confirma bien vite. « Ca ira comme ça. » Daley aussi était fatigué, il n'avait ni le cœur, ni l'envie d'insister pour ce soir, il voulait juste qu'elle soit en sécurité et au chaud dans un lit douillet, il saurait se contenter de cela pour ce soir.

Et c'est pour sa sécurité qu'il se mit à lui demander si elle savait où elle irait une fois partie de chez lui et s'il pouvait faire quoique ce soit, même s'il savait qu'il ne le pourrait pas. Il voulait juste savoir qu'elle serait bien en sécurité et il voulait qu'elle le lui promette et qu'elle garde le contact avec lui, même si tout cela n'était finalement que folie. « J’y suis déjà allée plusieurs fois, ne t’inquiète pas, ça se passera très bien. Je t’enverrais un mot quand j’y serais, d’une façon ou d’une autre. » Il hocha à nouveau la tête, ne sachant que répondre. Il voulait la remercier mais en était incapable, il aurait de ses nouvelles, c'était tout ce qui lui importait. Et il voulait également qu'elle se repose, la raison pour laquelle il lui proposa de voir la chambre d'amis, pour qu'elle puisse se reposer, se poser, qu'elle pense à autre chose mais à son regard, il comprit qu'elle n'en avait pas envie. « Non, je n’ai pas … » Il fronça les sourcils. Il fallait qu'ils dorment, il fallait qu'elle reprenne des forces et il hésita un instant à le lui faire remarquer lorsqu'elle ajouta, d'elle-même. « D’accord, montre-moi la chambre. Mais, Daley … Est-ce que … Est-ce que tu peux rester avec moi, s’il te plaît ? » Il la regarda fixement un instant, pas sûr de comprendre ce qu'elle lui demandait avant de remettre ses cellules en état de marche. Il cligna plusieurs fois des yeux, assez surpris qu'elle le choisisse pour veiller sur son sommeil mais après tout, il n'y avait pas grand monde de disponible ce soir pour le faire. Il irait trouver le corps d'Alexander plus tard, il n'avait absolument pas le cœur à refuser, elle semblait si fragile, si vulnérable à cet instant qu'il ne fut pas capable de faire autre chose que hocher la tête. « C'est d'accord. Je te montres la chambre, je vais vérifier que Liadan dort toujours et je te rejoins, mon père a un stock de potions de sommeil assez impressionnant, ça devrait t'aider à t'endormir. » Il tourna sur lui-même pour faire face à la porte et lui indiqua le chemin d'un mouvement du menton. Sans s'en rendre compte, il faisait en sorte que leur amitié se soude à nouveau autour de cette nuit et il en avait besoin autant qu'elle. Ils avaient besoin de se retrouver de cette façon, ils avaient toujours été meilleurs amis, est-ce que les choses étaient aujourd'hui différentes ? Le fait que Morgana doive partir dès le lendemain n'y changerait rien, leurs vies avaient changé à partir de cet instant et leur relation ne serait plus jamais la même à présent.