Ce matin-là, Tessa était convoquée au Ministère de la Magie et elle n'aimait vraiment pas cela. Déjà, parce que du coup, elle avait dû supporter la présence de son mari au moins deux minutes supplémentaires, le temps de Transplaner dans l'atrium puis de marcher jusqu'à l'ascenseur. Et puis, elle avait dû déposer un léger baiser sur ses lèvres, pour se donner bonne figure alors que la seule chose qu'elle rêvait, c'était de lui arracher les yeux juste pour espérer lui ôter son air impassible. Enfin, cela aurait été une très mauvaise chose à faire, de perdre son sang-froid de la sorte, que ce soit en public ou dans le calme éternel de leur appartement. Au moins, elle pouvait se défouler sur ces fichus Moldus, Sang-de-Bourbe et autres crétins de l'Ordre. Ça, avec une baguette entre les mains, elle se débrouillait suffisamment bien pour leur faire payer leur condition ou leurs croyances, et surtout toute la rancoeur qu'elle avait accumulée à l'encontre d'Alexander, de ce foutu mariage, de sa fichue famille ou de cet amant qui l'avait juste utilisée pendant tous ces mois. Elle arrivait très bien à se montrer cruelle et inventive, cachée derrière un masque qui protégeait son identité. Agir à visage découvert ? Très peu pour elle. S'il y a bien une chose que la Mangemort n'était pas, c'était courageuse, mais ce trait de caractère était partagé par la plupart de ses alliés. Jamais elle n'irait clamer son allégeance au Seigneur des Ténèbres, quand bien même on soupçonnait depuis des années sa famille d'avoir collaboré avec lui. Ses opinions, elle les partageait le plus souvent avec des gens qui avait la même idéologie qu'elle, même si sa réputation de parfaite Sang-Pur n'était plus à faire, elle ne doutait pas que plus d'un serait surpris de la savoir dans les rangs du Mage Noir. On ne l'imaginait pas s'engager à ce point et, à vrai dire, elle n'aurait jamais été aussi loin si Eli n'était pas passé par là... Enfin, elle n'était pas là pour penser à celui qui l'avait manipulée à coup de baisers ou de mots doux, aussi facilement que si elle n'était qu'une simple adolescente qui rêvait du prince charmant. Elle n'était pas là pour lui non plus - heureusement, il n'aurait jamais osé porter plainte à son encontre pour le meurtre de sa famille, étant donné qu'il savait parfaitement que, vu sa situation, l'affaire se serait retournée contre lui.

Non, Tessa était là pour une affaire qui ne la concernait pas vraiment mais qu'on voulait étouffer. Un Mangemort avait sérieusement merdé sur son Impérium et on préférait prétendre qu'il ne s'agissait nullement de ce sortilège plutôt que de le sacrifier. Il fallait dire que le monsieur était plutôt bien placé. Et on avait demandé à la guérisseuse son expertise, puisqu'elle s'était spécialisée dans la pathologie des sortilèges. Bien sûr, les symptômes étaient clairs et l'homme qu'elle devait blanchir aurait, dans des conditions normales, était condamné sans attendre. C'était bien pour cela qu'on lui avait demandé, à elle, de témoigner. Et elle n'aimait pas que son nom apparaisse sur un papier officiel, la classant d'office parmi les collaborateurs si la situation dégénérait de la même manière que lors de la première ascension du Seigneur des Ténèbres... Cela dit, elle n'était pas non plus en position de négocier quoique ce soit : décimer la famille d'un membre de l'Ordre et l'obliger à fuir n'avait pas suffi à la blanchir totalement, lui avait-on fait comprendre. Pas plus que les atrocités qu'elle avait pu commettre depuis pour aider la cause de son maître. Bref, il fallait qu'elle fasse quelque chose d'un peu plus concret que d'oeuvrer dans l'ombre. Bien. Elle avait donc ravalé ses doutes et ses angoisses, toutefois un peu déçue que son mari n'ait pas noté sa nervosité - vraiment, cela confirmait ses doutes : il s'en fichait totalement d'elle - et s'était rendue au Ministère, direction, la salle d'audience. Les Détraqueurs étaient en permanence dans cette pièce, et, même si elle était protégée de leur influence par un Patronus, ces créatures lui fichaient toujours la chair de poule. D'accord, ils étaient de leur côté mais quand même, plus elle était loin de ces monstres, mieux elle s'en portait.

Elle répondit aux questions qu'on lui posa, après avoir juré de dire la vérité, et blanchit du même coup l'accusé. L'affaire fut réglée rapidement et on la libéra pour qu'elle puisse rentrer chez elle - bien évidemment, elle était en congés, du coup. Tessa ne se fit donc pas prier et fila à nouveau vers l'ascenseur pour rejoindre l'Atrium qu'elle commença à traverser d'un pas pressé avant d'être halée par une connaissance, bien décidée à engager la conversation. Sans cette intervention, qui, sur le coup, l'ennuya un peu, la sorcière n'aurait certainement jamais vu la rouquine pour se précipiter hors de cet endroit qu'elle détestait. Elle discuta donc une minute ou deux, ou plutôt, écouta le sorcier qui devait apparemment espérer quelque chose de sa part, étant donné qu'il lui parlait en long, en large des problèmes de sa cadette qu'elle ne connaissait même pas. Les lèvres pincées, elle laissait ses paroles glisser sur elle en acquiesçant de temps à autre, cherchant un moyen de s'éclipser en douceur quand elle vit une demoiselle à la chevelure de feu traverser le hall, à quelques mètres à peine. Elle, par Merlin, qu'est-ce que cette gonzesse fichait ici ? La Mangemort fronça les sourcils en la suivant du regard avant de lancer d'un air distrait :

« Excusez-moi, j'ai une affaire urgente à régler. »

Un bref sourire plus tard, elle plantait son interlocuteur sur place pour fuser vers la sorcière. Cette femme, la brune ne la connaissait pas et, par conséquent, elle n'avait aucune affaire urgente à régler avec elle. Quoique... Elle l'avait rencontrée, une fois, il y a peu et elle avait semblé bien connaître son mari. Tessa avait beau le détester autant qu'elle le pouvait, Alexander restait l'homme avec qui on l'avait liée pour la vie et elle était bien déterminée à savoir qui était cette femme, exactement. Ou, plutôt, quelle relation elle entretenait avec le Mangemort. Il l'avait défendue et ce souvenir demeurait plutôt amer dans l'esprit de la sorcière. Elle était prête à parier qu'il n'aurait jamais pris son parti, à elle. Il serait même capable d'encourager son agresseur à mettre un terme à sa vie. La rouquine n'était pas de la famille de son mari et il lui semblait clair qu'elle était plus qu'une amie. Ça expliquait notamment le fait que son mari ne lui adresse jamais plus qu'un regard alors même qu'ils partageaient le même lit. D'accord, Tessa elle-même ne s'était jamais résolue à faire le premier pas mais, tout de même, un homme avait des besoins et il lui semblait à présent logique que lui les assouvissait dans les draps d'une autre. Bonjour l'humiliation... Sans gêne, la Sang-Pur coupa donc le chemin de celle qui devait être, à coup sûr, la maîtresse de son mari et lui adressa un large sourire, se fichant pas mal qu'elle soit accompagnée ou non, en plein travail ou pas :

« Bonjour. Vous vous souvenez de moi, à la soirée au Ministère, il y a peu ? J'aimerais vous parler de l'affaire dont nous avions discuté, si vous permettez. »

Sans même lui laisser le temps de lui permettre quoique ce soit, Tessa lui attrapa le bras pour l'emmener à l'écart. La demoiselle devait très certainement se souvenir d'elle, et pas parce qu'elles avaient sympathisé autour d'un verre, mais plutôt parce qu'elle lui avait lancé un sortilège impardonnable. On se rappelait en général très bien de la souffrance causée par un Doloris, plus encore de la personne qui tenait la baguette et avait voulu vous achever sous le coup de la colère. D'ailleurs, cette même colère commençait à nouveau à crépiter en elle et, après quelques mètres, elle lâcha la jeune femme pour lui demander sèchement :

« Vous allez m'expliquer qui vous êtes et ce que vous fichiez au juste avec mon mari, l'autre jour. »

Elle croisa les bras contre sa poitrine et lui adressa un regard noir, attendant ses explications. Peut-être que tout cela était logique, qu'elle se faisait des films. Après tout, elle n'aurait rien dû ressentir de spécial à l'idée que Alexander puisse être infidèle : c'était son droit, ils ne s'aimaient pas et ne se connaissaient même pas avant leur mariage. Mais elle n'y parvenait pas et l'idée que cette fille puisse faire battre le coeur ou susciter une once de désir chez son mari la rendait folle. Bien trop folle pour qu'elle ait pu se permettre de poser ces questions au principal intéressé. Il aurait pu utiliser ces sentiments qu'elle-même ne comprenait pas contre elle. Il était tellement vil, quand il s'agissait d'elle, qu'elle s'attendait à tout venant de sa part.

Si Tessa ignorait l'identité de la rouquine, il ne pouvait y avoir, à son avis, qu'une seule explication : cette fille n'était personne, tout simplement. Elle aurait dû rester à sa place plutôt que de fréquenter un homme comme Alexander Callahan, peu importe la nature de leur relation. De toute façon, vu la façon dont la demoiselle s'était comportée avec son mari et le fait qu'il n'ait pas hésité à la défendre contre les attaques de la Mangemort, il n'y avait qu'une solution plausible. Et cela lui déplaisait franchement. Cette femme était proche de son mari, bien plus qu'elle alors qu'elle n'était rien et qu'elle n'aurait dû, du coup, rien signifier pour lui. Du moins, dans la logique des choses. Qu'elle sorte ainsi de son rang rendait la sorcière folle de rage et, si elles n'avaient pas été en public, c'est d'une façon beaucoup moins polie qu'elle l'aurait abordée. Seulement, elles étaient en plein Ministère et, même s'il était tout acquis à la cause du Seigneur des Ténèbres, il n'était toujours pas recommandé de causer une esclandre en plein Atrium. Tant qu'à faire, Tessa voulait éviter un procès ou une amende quelconque, même si ce n'aurait été que pour la forme. Du moins, pas tant qu'elle n'était pas certaine de qui était cette fille exactement et de ce que s'attaquer à elle aurait impliqué - à part, se mettre à dos définitivement celui qui partageait sa vie, bon gré, mal gré.

Si la sorcière fit l'effort de l'aborder avec un sourire poli, cela ne signifiait pas que la rouquine pouvait fuir la conversation qu'elle entendait avoir avec elle. Quand Tessa voulait quelque chose, elle finissait toujours par l'obtenir et mieux valait pour la demoiselle qu'elle choisisse de lui répondre maintenant, que plus tard sous la contrainte ou la torture. En effet, en acceptant d'embrasser la cause du Seigneur des Ténèbres, la brune avait aussi rangé au placard les bons sentiments et la pitié. Et elle ne comptait rien épargner à quelqu'un qui lui donnait du fil à retordre : cette fille avait réussi à l'humilier une fois - certes, dans un cercle des plus restreints - elle ne la laisserait pas le faire une deuxième. Cela signifiait donc qu'elle trouverait d'une manière ou d'une autre qui elle était et, surtout, ferait de sa vie un Enfer. Ce n'était qu'un juste rééquilibrage, étant donné que ce cher Alexander se chargeait déjà de lui pourrir l'existence. Il aurait été injuste que sa maîtresse profite à la fois de son amour à lui, et de sa clémence à elle. Seulement, la demoiselle semblait joueuse, ou incroyablement stupide étant donné la réponse qu'elle lui offrit. Elle la prenait vraiment pour une imbécile ? Ou alors, peut-être espérait-elle la pousser à la faute. Si elle pensait qu'elle allait perdre son sang-froid aussi facilement, elle se mettait le doigt dans l'œil. Tessa était une Selwyn, par Merlin, et sa mère l'avait éduquée autrement que cette gueuse.

Comme celle-ci semblait décidée à prendre congés, la sorcière la retint une nouvelle fois fermement par le bras. Elle aurait bien voulu pouvoir prendre sa baguette pour lui ôter ce sourire suffisant du visage mais... Eh bien, on l'aura compris, c'était impossible. Alors, faute de magie, elle dégaina sa deuxième arme : son sourire. Une façon comme une autre de montrer les dents, après tout, puis lui lança d'un air doucereux :

« Je ne pense pas que vous appelez mon mari Monsieur Callahan ou alors, juste pour assouvir des fantasmes bizarres. Donc, je repose ma question, mademoiselle, qu'est-ce que vous fichez avec Alexander ? »

A ce moment-là, une idée traversa l'esprit de la Mangemort : puisque la rouquine était têtue et se croyait forte, rien ne l'empêchait de la mener en bateau. Ou, du moins, de voir à quel point elle connaissait son mari. Et, si au passage, elle pouvait semer un peu la zizanie dans leur relation, elle ne s'en porterait que mieux. Elle aurait adoré qu'Alexander finisse aussi seul qu'elle plutôt que de savoir qu'il pouvait trouver du réconfort dans les bras d'une autre. D'un certain côté, Tessa s'imaginait que cette idée aurait rendu sa condition - ou plutôt, son mariage - plus supportable. A moins que cela ne déterre tout à fait la hache de guerre si la demoiselle était suffisamment présomptueuse pour aller se plaindre auprès de son cher et tendre. Quoiqu'il arrive, ce serait toujours plus amusant que ce qu'il lui offrait à présent. Elle haussa finalement un sourcil tout en fixant la mystérieuse rousse et lâcha :

« Enfin, inutile de jouer les mijaurées, je me doute bien que vous ne faites pas des parties d'échec en sa compagnie. Vous n'êtes pas la première que je découvre... »

Elle se stoppa net et laissa un sourire satisfait éclairer son visage. Là, pas besoin de prétendre : elle jubilait intérieurement de dévaster cette pauvre fille. Oui, il y avait mille façons de faire souffrir une femme amoureuse, Tessa était très bien placée pour le savoir. Et la pire de toute était la trahison, quelque qu'elle soit. A moins que cette fille soit insensible, elle ne supporterait certainement pas la phrase qui allait suivre :

« Quoi ? Vous pensiez être la seule, en plus de cela ? » Elle rit légèrement avant d'ajouter : « Enfin, elles pensent toutes cela, vous me direz... »

Un sourire ornait toujours son visage : avec un peu de chance, cette rencontre inopinée allait sauver cette journée si mal partie. Cette fille pouvait la détester autant qu'elle le voulait, ce qui lui importait à présent, c'était qu'elle haïsse plus encore Alexander. Si elle quittait le Ministère avec cette certitude alors, la sorcière aurait gagné. Une manche, bien entendu, surtout qu'elle n'arrivait pas encore vraiment à délimiter les contours de leur relation. Mais, pour le moment, même si la guerre entre son mari et la rousse était de courte de durée, elle s'en contenterait. Après lui avoir laissé le temps d'encaisser - une seconde ou deux, guère plus, il ne fallait pas non plus abuser - Tessa poursuivit :

« Il ne mérite pas que vous mentiez pour lui alors, encore une fois, j'aimerais connaître votre nom et savoir depuis combien de temps vous fréquentez ce cher Alexander, au juste. Et... ne vous leurrez pas, je peux avoir les réponses que je cherche d'une autre manière, simplement, cela me paraît plus correct de demander aux principales intéressées. »

Surtout, obtenir ses réponses maintenant lui donnait moins de travail et puis, qui sait, une femme en colère pouvait se montrer très, très bavarde. Elle-même l'aurait été - c'est d'ailleurs bien pour cela que son ancien amant avait dû disparaître pour éviter d'être tué à son tour par les Mangemorts. Ou, pire, enfermé à Azkaban. Plus elle en apprenait sur Alexander, plus elle aurait de quoi se défendre contre lui et donc, mieux elle vivrait son mariage. C'était aussi simple que cela, n'est-ce pas ?

Comme toute sorcière née dans une famille de Sang-Pur, l'objectif de vie de Tessa était clair : elle devait faire un bon mariage. Quand elle était gamine, la Selwyn avait cru que d'une union arrangée pouvait naître un véritable amour, comme elle avait pensé que ses parents s'aimaient sincèrement. Peut-être que cela arrivait à un couple sur cent, mais pour la plupart, la réalité était tout autre. Il fallait se supporter, s'arranger pour avancer vers un but commun, le romantisme, c'était juste pour faire rêver les gosses Moldus. Tout cela, la brune l'avait compris depuis sa plus tendre adolescence et elle aurait bien aimé que Alexander Callahan partage son avis. Au fond, peu importait qu'il aille s'amouracher d'autres filles, tant qu'il était discret. Et le problème, c'est qu'il ne l'était pas. La preuve : elle-même les avait vus se disputer, il y a peu, lors d'une réception au Ministère. Son mari pouvait l'ignorer tant qu'il le voulait chez eux, mais elle refuserait de devenir la risée du monde sorcier britannique juste parce que monsieur préférait les rousses. Elle n'avait donc pas le choix : puisqu'il s'échinait à réduire leur union en miettes, alors elle briserait son amour parfait. Il voulait du romantisme, un amour secret ? Qu'il aille au diable ! A moins qu'il ne lui donne ce qu'il voulait à son tour. Cela dit, elle le sentait moins à même à faire des concessions qu'elle - ce n'était guère surprenant, vu le personnage... Oh, vraiment, la situation prenait une tournure un peu plus intéressante, il fallait l'avouer. L'idéal aurait été que cette fille, en plus d'être une moins que rien, soit hors-la-loi d'une manière ou d'une autre. Enfin, elle ne devait pas non plus rêver à ce point, d'autant qu'elle osait espérait que Alexander ne soit pas aussi stupide !

C'est donc avec une joie toute particulière que Tessa commença à insinuer le doute dans l'esprit de la rouquine. Il suffisait juste de cela : un peu de doute, quelques questions qu'elle tairait, laisserait remuer jusqu'à ce qu'elles pèsent sur son merveilleux amour secret. Et tout exploserait. Mais la brune serait toujours Mrs Callahan : quand on se mariait dans le monde sorcier, c'était pour la vie, rien d'autre. Le doute qu'elle lut sur le visage pâle de la femme en face d'elle fit bouillir d'impatience la Mangemort qui, vraiment, aurait aimé être une Animagus pour voir la suite des aventures entre Alexander et sa chère maitresse ; cela aurait été certainement intéressant. A coup sûr, elle l'imaginait déjà aller de lit en lit, cherchant parmi ses quelques connaissances quel autre cœur il pouvait faire battre. Il fallait avouer que son mari avait de quoi faire tourner des têtes - du moins, jusqu'à ce qu'on vive avec lui pour découvrir à quel point il était ennuyeux. Mais alors qu'elle pensait que la rouquine, suffisamment humiliée pour la journée, allait s'éclipser, celle-ci reprit assez de contenance pour lui répliquer qu'elle n'avait pas l'air de trop souffrir, pour une femme trompée. Si elle croyait la toucher ainsi... Un sourire passa sur les lèvres de Tessa, toute prête à lui répondre. Mais la femme continua sur sa lancée, trop sure d'elle à présent. Et la suite plut beaucoup moins à la sorcière. Pour qui cette fille se prenait-elle au juste ? Elle aurait dû baisser la tête, éviter soigneusement la femme de son amant. Au lieu de cela, elle pavanait en clamant que c'était parce que la Sang-Pur ne savait pas satisfaire son mari qu'il allait voir ailleurs. Ah, si seulement il lui en avait donné l'occasion, à coup sûr elle se serait débrouillée pour qu'il n'aille plus jamais voir ailleurs. Mais il refusait de la toucher et elle avait suffisamment du mal à le digérer pour qu'on vienne lui ficher ça dans les dents. La brune fronça les sourcils, serra les dents en écoutant les accusations de l'autre idiote puis, quand elle avait fini, elle rit légèrement pour lui lancer :

« Il n'a même pas à partager l'existence de ses maîtresses avec moi. Cela dit, c'est à vous de savoir tenir vos distances et ne pas aller régler vos histoires quand tout le Ministère peut vous voir. »

Allusion à la soirée où elle les avait surpris. A coup sûr, la rousse s'en souvenait bien, vu le sort qu'elle s'était pris en pleine tête. Mais, au cas où, Tessa était prête à lui rafraîchir la mémoire dès qu'elle en aurait l'occasion. C'était la guerre qu'elle voulait ? Eh bien, elle l'aurait. Et la Mangemort était suffisamment sure de son habileté à manier la baguette qu'elle n'avait rien à craindre venant d'elle. Elle décida également de lui ôter tout doute de l'esprit, et de la faire redescendre sur terre :

« Mais ne vous faites pas d'illusion : il peut vous chanter toutes les sérénades qu'il veut, votre histoire n'est pas destinée à durer. Au mieux, qu'est-ce que vous gagnerez ? Un bâtard ? Et alors, quoi ? Il ira vous planquer au fin fond de l'Écosse, vous filera de l'argent chaque mois pour que vous la boucliez, dans son intérêt comme dans le vôtre. Non, vraiment, je ne vois pas ce qui vous rend si fière... »

C'était clair pour Tessa : l'avantage était pour elle, celle qui avait la bague au doigt, portait le nom de famille et, si Alexander était un peu moins froid, le futur héritier Callahan. Il pouvait faire ce qu'il voulait de son temps libre, tant qu'il faisait bonne figure en société. C'était ainsi que la vie fonctionnait et, fort heureusement, son mari avait depuis longtemps montré qu'il se fichait bien d'elle pour étouffer tout sentiment éventuel à son égard. Pour elle, ce mariage était un simple jeu, un moyen comme un autre d'aligner ses pions et elle devait en tirer le maximum. Peut-être que la rouquine la mépriserait pour cela, mais, au fond, son cher et tendre n'était pas si différent d'elle. La preuve : il avait accepté l'union, à la vie, à la mort. Et la Selwyn ne lui ferait pas le plaisir de devenir veuf. Quand bien même elle en venait à mourir prématurément (par les temps qui courent, on n'était sûr de rien), le père Callahan ne laisserait jamais son aîné épouser une femme quelconque. Cette rousse pouvait se la raconter, elle n'était personne. Et Tessa était bien décidée à le lui faire comprendre, histoire de lui faire ravaler son orgueil mal placé une bonne fois pour toutes :

« C'est dans votre intérêt de faire profil bas : il existe dans l'entourage d'Alexander des personnes beaucoup moins indulgentes que moi. Ce serait dommage qu'il vous arrive malheur... »

Si la rouquine avait un peu de jugeote, elle comprendrait le sous-entendu. La brune n'avait qu'une seule chose à faire : émettre un doute, souffler à nom à la bonne personne pour que ce problème disparaisse. Seulement, elle aimait bien régler ses histoires seules : c'était, après tout, beaucoup plus distrayant ainsi.

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