(björn, ev.) ☆ just give me a reason.

Un mariage, elle n’avait pas participé à ce genre d’événement depuis bien longtemps. Pour dire vrai, Jyanna n’avait participé à aucun événement depuis longtemps. Elle était fragile disait sa mère, il fallait la protéger et ainsi, elle passait la plupart de son temps enfermé dans l’immense maison de ses grands-parents. Quand elle n’y était pas, elle était au ministère de la magie pour travailler. Depuis qu’on lui avait dit qu’elle était conviée à ce mariage, la jeune femme était impatiente. Elle voulait profiter de l’événement, elle voulait voir du monde. On disait que les plus grands sorciers du moment étaient invités à ce mariage. Sa mère n’avait de cesse de répéter que les mariages, c’était le moment idéal pour essayer de se trouver quelqu’un. Elle parlait de bon parti, quelqu’un de mieux que le précédent, avait-elle également placé au cours d’une discussion. Elle était sûre qu’à un tel événement, elle ne risquerait pas de croiser des sang-de-bourbes. Son histoire avec Björn était terminée, elle ne commettrait pas deux fois la même erreur. Dès à présent, elle ne faisait plus confiance aux sorciers d’ascendance moldue, ils n’en valaient pas la peine et on le lui répétait si souvent ces derniers temps. Elle avait souffert à cause de l’un d’entre eux et pas simplement parce qu’il lui avait brisé le cœur. Elle avait souffert parce que, sans raison il s’était amusé à la torturer. Sa mère disait que c’était parce qu’il était fou, que c’était une tare que portait tous les nés-moldus, et qu’ils pouvaient être bien dangereux, une baguette entre les doigts. Après avoir été soumise à la torture, Jyanna voulait bien la croire et son esprit, fragilisé par les sortilèges d’endoloris, se laissait facilement manipuler. Il l’avait laissée à quelques pas seulement de la folie et si elle avait retrouvé la santé, elle n’en restait pas moins quelque peu perturbée. Enfantine, manipulable, trop innocente sans doute, on croirait retrouver la Jyanna de ses jeunes années, quand elle faisait ses premiers pas à Poudlard. Stupides certains diraient, traumatisée était plus l’avis de ses parents et des médecins qui s’étaient occupés d’elle. Aujourd’hui elle ne voulait pas penser à ça. Elle ne voulait pas non plus penser aux potentiels célibataires qu’elle pourrait rencontrer là-bas, n’en déplaise à sa mère. Elle voulait profiter de l’air extérieur, elle voulait profiter de cette soirée. Elle avait enfilé une robe bien simple, ce qu’elle regretta vite une fois arrivée là-bas en apercevant ces autres filles définitivement mieux habillées qu’elle. Au fut du banquet, elle oublia bien vite ce détail se précipitant vers les petits fours, après en avoir dévoré un certain nombre et avalé plusieurs verres de jus de citrouille – sa grand-mère lui avait conseillé d’éviter l’alcool – la jeune femme parti en quête des toilettes et bien vite elle se retrouva perdue dans le manoir, elle connaissait celui des Martell sur le bout des doigts, mais ici, c’était différent. Au détour d’un couloir elle aperçu une silhouette familière, trop familière et il ne lui fallu pas beaucoup de temps pour le reconnaitre. Bjorn. Elle laissa tomber le verre qu’elle avait encore en main au sol. Il ne pouvait pas être là, il n’avait pas le droit d’être ici. « Qu’est-ce que … ? » Elle était bien incapable de continuer sa phrase, soudainement tétanisée. Il fallait qu’elle s’en aille pourtant, qu’elle court pour sauver sa peau et surtout qu’elle avertisse qu’il y avait un intrus dans le manoir.

Le fait qu’il n’ait pas avalé de Polynectar semblait être, pour les autres, pas aussi alarmant que ça ne l’était pour lui : si Björn n’était pas un fugitif à la face placardée dans chaque recoin des quartiers moldus, comme d’autres, il n’en restait pas moins un sorcier né-moldu en plein milieu d’une armée de fous au sang-pur. Certes, préparer du Polynectar prenait du temps, et de la patience, et le plan avait été ficelé il y a des lustres déjà, mais il avait espéré qu’on lui aurait gardé quelques gouttes de potion afin qu’il puisse prendre l’apparence de quelqu’un d’autre. Certains disaient qu’il était, au contraire, très important qu’il garde son visage initial, tout comme certains autres à travers la foule : il y avait tellement d’invités que, jusque-là, personne ne l’avait remarqué. Pas même au moment où il passa le seuil du manoir, accompagné de deux sorciers au sang-pur, qui n’étaient autre que deux de ses collègues sous une autre apparence. On l’avait présenté comme le fils prodige d’une famille russe, en dernière année de formation spécialisée à Durmstrang, condamné donc à n’être qu’une silhouette taciturne et silencieuse la plupart du temps. Qu’importe, personne ne s’intéressait trop au curriculum vitae de chacun, encore moins de ceux qui se disaient russes – la plupart avaient beau adhérer aux mêmes idéaux que les invités de ce mariage, les tensions persistantes entre l’Angleterre et la Russie rendaient les tensions plus fortes que jamais. Ils devaient trouver la mariée ; Ariane Arenberg avait-on dit, française de son état, et membre de la résistance – tout droit sortie d’un magazine pour futures mariées, Björn doutait fortement de l’efficacité de la jeune femme, mais la moindre des choses était, malgré tout, de la localiser et la sortir de tout potentiel ennui avant que ceux-ci ne frappent de plein fouet tout le reste de l’assemblée. Condamné à faire le guet pendant que d’autres fouinaient, Björn se posa, dos contre un mur proche des toilettes, prêt à prétexter une envie pressante au cas où il se fasse surprendre par qui que ce soit : mais les minutes passèrent lentement, s’égrenant avec difficulté tandis que la pression augmentait. Parfois des voix se rapprochaient, résonnaient en bas du grand escalier, mais aucune silhouette semblait ne venir jusqu’ici : pourtant, alors qu’il baissait les yeux vers le sol, une voix manqua de le faire sursauter. Etrangère ; et familière à la fois. Il ne manqua pas de dévisager la jeune femme qui venait d’apparaître sous ses yeux, tétanisé, incapable de bouger. Il savait que s’il faisait le moindre geste, comme un papillon elle s’échapperait, pourtant, présentement, c’était toute la mission qui dépendait de leur face à face. Penser à la mission, permettait ainsi à Björn de ne surtout pas s’accrocher à d’autres souvenirs, ceux qui l’empêchaient de faire un pas vers elle, ceux qui faisaient qu’il ne se comprenait même plus la plupart du temps. Déglutissant avec difficulté, le jeune homme chercha longuement ses mots sans trouver quoique ce soit à dire. Il leva finalement les mains entre eux deux, pour signifier à la blonde qu’il ne ferait rien – rien pour la blesser ; jamais, lui avait-il promis à une époque. Une autre époque. « Jyanna ? Qu’est-ce… » Il n’osa pas cligner de l’œil ou faire le moindre geste, reprenant une inspiration discrète avant d’afficher un air plus déterminé. « Qu’est-ce que tu fais là ? » C’était évident pour elle, ce qu’elle faisait ici – sans doute que la question dans le sens inverse serait plus légitime, mais il ne fallait pas, il ne fallait pas qu’ils s’aventurent dans de tels dialogues.

Dans l’impatience dont la jeune femme avait fait preuve à l’annonce de ce mariage, elle n’avait pas imaginé une seule seconde pouvoir faire de mauvaises rencontres au sein de la maison Oswald-Appleby. On disait qu’il n’y aurait ici que d’illustres sorciers, des sangs-purs réputés et autre honnêtes sorciers qui travaillaient au ministère de la magie. Jamais elle n’aurait pu imaginer croiser le chemin d’un né-moldu au cours de cette fête et certainement pas celui de Bjorn, alors qu’elle cherchait simplement à se rendre aux toilettes. Envie pressante qui lui passa bien vite quand elle croisa le regard du jeune homme. Il suffisait qu’elle le revoie pour que la douleur laissée dans ses muscles suite à leur dernière rencontre se fasse, bien plus présente que d’habitude. Il réveillait également une pression au fond de son cœur brisé, tant de choses dont elle se serait bien passée. C’était la première fois qu’elle sortait vraiment de chez elle depuis un long moment et il fallait qu’elle se retrouve face à lui. Qu’est-ce qu’il faisait là ? Dans la peur qui lui retournait les boyaux, elle ne pouvait s’empêcher de penser qu’il était venu ici pour elle, pour finir ce travail qu’il avait commencé plus d’un an auparavant. Elle avait compris la leçon la première fois. Il n’était pas question de se laisser avoir une seconde fois. Lors de leur précédente rencontre, ils avaient prévu de s’enfuir ensemble, de lutter ensemble dans cette guerre, mais il l’avait simplement torturée avant de l’abandonner. Maintenant, elle était prête à se défendre si cela devenait nécessaire. Ce n’était pas l’endroit idéal pour un duel, c’était un mariage après tout, une fête importante, un lieu de paix et d’amour mais elle ne se ferait pas avoir cette fois. Il avait beau lever les mains en l’air comme pour prouver qu’elle pouvait lui faire confiance, ça ne suffisait pas à effacer sa méfiance. Sans le lâcher du regard elle attrapa sa baguette, glissée dans son porte-jarretelle – vu la tenue qu’elle portait il n’y avait pas cinquante endroits où elle aurait pu la cacher – la pointant en direction du sorcier. « Qu’est-ce que tu fais là ? » C’était évident dans son propre cas, bien que sang-mêlé, elle portait le nom de Martell, elle était issue d’une noble lignée de sorcier, elle était du côté du seigneur des ténèbres depuis un moment déjà et elle travaillait pour le ministère de la magie. Il y avait de nombreuses choses qui pouvaient expliquer sa présence à ce mariage, elle se doutait bien que ce n’était pas le cas pour lui. Il y avait des rafleurs et des exécuteurs un peu partout et elle avait déjà dans l’idée d’aller les prévenir. Luttant contre la peur qui paralysait ses muscles depuis qu’elle avait croisé le regard du sorcier, la blonde fit un pas en arrière, un pas qui la rapprochait du reste de la foule, de ceux qu’il fallait avertir en cas d’intrusion. Encore quelques pas comme ça et elle aurait mis suffisamment de distance entre eux deux pour partir en courant sans risquer qu’il ne la rattrape avant qu’elle ait trouvé quelqu’un à prévenir.

Il lui semblait que c’était un effort qu’il commettait depuis des années déjà : jour après jour, nuit après nuit, Bjorn retardait l’échéance qui se rapprochait de lui. Le jour où il se ferait dévorer par les ressentiments qui avaient germé au fond de son esprit : dès qu’il fermait les yeux, il se voyait devant une Jyanna lui suppliant d’arrêter. Dès qu’il respirait l’air d’une forêt froide, il avait l’impression que l’odeur du sang se mêlait à la terre mouillée. Il ne pouvait pas vivre ainsi, et chaque fibre de son corps le lui disait à la première occasion où la blonde revenait se dessiner devant ses yeux : il avait retourné la chose des centaines de fois dans sa tête, tous ces sentiments qui l’avaient transcendé lorsqu’il avait fait face à la blonde, sous le voile de la nuit. Il ne savait pas pourquoi il avait fait ce qu’il avait fait ; à quel instant il avait saisi sa baguette, la levant pour jeter un premier sortilège à la jeune femme. D’autres encore. Alors qu’il la regardait ici, il ne savait pas non plus d’où avait pu naître la haine effroyable qui l’avait habité pendant tout le temps où il l’avait torturée, ce sentiment de colère froide qui aurait pu le pousser à l’achever, à même le sol. Si seulement... si seulement, il ne savait pas. Il ne savait pas ce qui l’avait retenu, ce qui avait tout arrêté ; sa langue avait cessé de le trahir, sa baguette avait arrêté de siffler, tout son corps l’avait brûlé littéralement - le brûlait encore, en une réminiscence qui s’éveillait à la vue de la sorcière. Ce n’était guère plus ce sentiment léger et impétueux qu’il ressentait quand il la voyait, cette envie de pouvoir lire le monde dans ses yeux. Ses jambes avaient envie de fuir à toute vitesse, son esprit se liquéfiait complètement, incapable de trouver une véritable solution au duel de regards qui se jouait ici. La gorge sèche, la langue plaquée contre ses dents, Bjorn se força à ouvrir la bouche à nouveau, face à la tornade blonde qui le pointait de sa baguette. Il n’en ferait pas de même. Il refusait de faire de même - plus jamais il ne pointerait sa baguette sur Jyanna, plus jamais il ne se laisserait envahir par cette vague glaciale qui l’avait pris de la tête aux pieds, cette nuit là. Plus jamais. Il aurait voulu lui courir après il y a des lustres déjà, trouver les mots - pour expliquer, expliquer quoi ? Pourquoi il l’avait torturée ? Lui-même, au fond, ne savait pas quel poison avait vibré dans ses veines. Il la vit faire un pas, mais ne bougea pas, quitte à jouer d’imprudence : si Jyanna prévenait de sa présence, la rébellion serait découverte, et tout se précipiterait ; mais à choisir, il ne pouvait se résoudre à user de force, toutes ses entrailles, étroitement serrées, l’en empêchaient. « Je-je vais partir. » A un moment ou un autre ; au fond de sa gorge, son coeur battait à toute vitesse : il aurait voulu lui délivrer tout un flot de paroles, mais ils n’avaient pas le temps. Elle devait partir. Il devait agir. Ils devaient... Clignant des yeux, Bjorn tenta de retrouver ses esprits. « Mais Jyanna. S’il te plait ne dis rien. » Peut-être était-ce trop lui demander ; pourtant, lui brûlait les lèvres la phrase fais moi confiance qui avait paru si naturelle entre eux à une autre époque ; déplacée, aujourd’hui.

Depuis des mois, Jyanna était enfermée chez elle comme un lion en cage. Il lui semblait qu’elle ne voyait à présent du monde que le manoir de ses grands-parents ainsi que le ministère de la magie. Il y avait bien une raison à cela, avant, elle avait été une fille qui vivait avec bien plus de libertés. Trop de libertés à entendre sa mère. Elle avait eu un appartement à Londres, elle avait eu une vie tranquille, elle avait connu l’amour, ce genre de sentiment si fort qu’elle avait pensé que ça durerait pour toujours. Elle y avait cru avec beaucoup de force et tout ça pour quoi ? Qu’il finisse par la torturer avec toute la cruauté dont un homme pouvait faire preuve. Elle ne savait pas pourquoi il avait fait ça et dans le fond c’était peut-être mieux comme ça. Dans sa famille, on lui disait que c’était simplement parce qu’il était né-moldu et qu’ils étaient mauvais par nature. C’était une explication dont elle se contentait, elle ne voulait pas en savoir plus. Depuis cet événement, on la disait trop instable pour pouvoir être livrée au reste du monde. On disait qu’elle avait un esprit fragile et que n’importe qui pourrait s’en jouer pour la briser à nouveau. Dans le fond, elle savait très bien qu’il ne s’agissait que d’une excuse pour la garder loin du reste du monde, parce qu’elle avait commis une fois l’erreur de faire confiance à un né-moldu et on avait peur que ça se reproduise à nouveau. Elle avait pourtant compris la leçon, elle voulait se protéger pour ne plus avoir à souffert comme elle avait souffert avec Bjorn et si pour ça il suffisait qu’elle évite de côtoyer des nés-moldus et bien elle le ferait. S’ils étaient mauvais et cruel, elle n’avait aucune raison de se laisser avoir une seconde fois. Si sa mère avait accepté de la laisser aller à ce mariage, c’était parce qu’elle savait que ce serait le dernier endroit au monde où on penserait pouvoir rencontrer des nés-moldus ou autres traitres. Il s’agissait d’une grande fête organisée en l’honneur d’un mariage entre deux grandes familles de sang-purs, évidemment qu’il ne devait pas y avoir ne serait-ce que l’ombre d’un sang-de-bourbe. Pourtant elle était là en face de Bjorn, al dernière personne au monde qu’elle avait envie de croiser, certainement pas celui qu’elle avait pensé rencontrer à un tel événement. Il n’avait rien à faire ici et elle ne pouvait qu’à peine supporter de le regarder. Il lui avait fait trop de mal, il avait brisé trop de choses, son esprit, son cœur, mais aussi tout ce qu’ils s’étaient efforcés de construire. Sans baisser sa baguette, elle laissa échapper un petit ricanement, traduisant à la perfection l’état nerveux dans lequel elle se trouvait en cet instant. C’était à peine si elle arrivait à garder sa baguette parfaitement droite tant elle était angoissée. « Ne rien dire et pourquoi ? Te laisser une chance de t’en sortir ? » Ça avait quelque chose de vraiment ironique de lui faire une telle demande après ce qu’il lui avait fait. Malgré les efforts qu’elle faisait, elle n’oubliait rien de ce fameux soir, elle n’avait de cesse de le revivre à l’infini et c’était Bjorn qu’elle voyait lors de ses trop nombreux cauchemars. Sans le lâcher du regard, elle fit encore un pas en arrière, élargissant cette distance de sécurité qu’elle voulait placer entre eux avant de se mettre à courir.

La méfiance tirait chaque parcelle du corps de Jyanna ; il la voyait se tendre à la moindre de ses paroles, tout comme il savait parfaitement qu’elle était prête à lui lancer un sortilège au moindre pas qu’il ferait. Face à n’importe qui d’autre, le réflexe de Bjorn aurait été de dégainer sa baguette également, d’y aller au culot, au face à face plutôt que de tenter la voie de la finesse. Avec Jyanna, c’était différent, tout était différent. Tout avait toujours été différent ; rien que par son regard, elle avait cette façon de lui arracher les mots du creux de la gorge. Il avait peur de faire le moindre geste déplacé, de la blesser à nouveau sans comprendre d’où de tels instincts pouvaient venir ; il avait peur de la fracturer, la briser encore d’une quelconque manière. Figé sur ses pieds, vissé sur place, Bjorn n’osait même pas ciller, détourner le regard plus d’une fraction de seconde – son esprit était entièrement concentré sur Jyanna, et irrémédiablement, ce face à face retardait les plans de la rébellion. Il ne voulait pas lui faire quoique ce soit, sans doute était-il même incapable de puiser en lui la volonté de la toucher, tant il craignait de ressentir encore cette rage folle et froide qui l’avait poussé à… poussé à. Le néant du non-dit entourait son dernier face à face avec Jyanna, seule l’odeur de la forêt envahissait ses songes, là où son esprit avait volontairement tout mis en vrac, pour ne surtout jamais trouver ce qui avait pu déclencher tout ça. Le cœur battant à tout rompre, Bjorn subissait la méfiance, l’agressivité, la colère de la blonde sans rien dire, sans même s’impatienter ou s’énerver. Elle avait raison de le haïr, il se haïssait lui-même ; et sans doute aurait-il préféré ne jamais avoir à recroiser la route de la sorcière à nouveau, rien que pour faire survivre l’espoir que sa culpabilité finirait par s’envoler. A présent, avec le poids d’une pierre dans son estomac, Bjorn se rendait compte que voir Jyanna ne faisait que la rendre plus mordante, froide, glissant comme un poison dans le moindre de ses muscles. Ses yeux cependant, ne manquèrent pas de s’arrêter nerveusement sur le pas qu’elle fit encore plus loin de lui – elle le mettait en danger à chaque mètre qu’elle mettait entre eux ; elle mettait tout en danger, il ne pouvait cependant rien faire contre ça. La peur fit tout un tour dans ses membres, il chercha nerveusement ses mots – c’était pour elle, pas pour lui qu’il voulait apaiser les tensions ; si le plan de la rébellion ne se passait pas comme prévu, les circonstances de leur échec serait bien pire que la réussite de celui-ci : la rébellion n’était pas l’Ordre du Phénix, ils ne fuiraient pas pour sauver leur peau, ils se battraient jusqu’au bout, quitte à ce que ce mariage se transforme en bain de sang. « Je, Jyanna, je peux rien dire pour m’expliquer mais. Mais crois-moi, tu mets tout le monde en danger, là. » Il y avait bien peu de chance que quoiqu’il dise puisse marcher, et c’est à peine s’il osa laisser glisser son pied pour gagner quelques centimètres sur Jyanna. « Qu’est-ce que tu veux que je fasse, pour que tu me crois ? » Il lui avait, après tout, laissé une chance de s’enfuir sans se retourner – elle ne l’avait pas fait ; pourquoi à la fin ? Il aurait sans aucun doute préféré qu’elle parte sans jamais revenir, plutôt que de l’affronter de la sorte.

Elle semblait bien lointaine à présent l’époque où Jyanna avait fait confiance aveuglément à Bjorn. Il avait été celui qui lui avait montré le monde d’une façon bien différente de ce que ses parents n’avaient eu de cesse de lui mettre en tête. On lui avait dit de ne même pas adresser la parole aux nés-moldus, ni même de leur adresser un regard et au milieu des paroles de ses parents, il y avait eu Bjorn. Le né-moldu à qui elle avait adressé la parole, celui qu’elle avait regardé et celui qu’elle avait fini par aimer. A ses côtés, les paroles de ses parents avaient sonnées plus fausses que jamais. Elle les avait oubliées, les niant avec force puisqu’à ses yeux Bjorn n’était en rien ce que ses parents avaient voulu lui faire croire. Elle avait rêvé d’une vie à ses côtés et ce même si pour ça elle devait s’enfuir avec lui, poussée par les conséquences de la chute du ministère de a magie. Elle avait été prête à s’enfuir à ses côtés en laissant tout le reste derrière elle. Elle avait cru en lui plus qu’en n’importe qui d’autre et il l’avait trahie. Elle n’avait pas l’impression qu’elle ait fait quelque chose qui puisse justifier le comportement de Bjorn, elle n’avait rien fait qui puisse justifier qu’il se mette à la torturer. Alors comme une évidence, elle avait recommencé à croire ce que sa mère lui disait, naïvement elle y croirait puisqu’il n’y avait que ça qui puisse expliquer qu’il lui ait fait subir tout ça. Elle avait eu besoin d’une explication, refusant de rester simplement dans le noir, emprise à ses doutes et cette explication toute faite avait semblé lui convenir puisque c’était toujours mieux que rien. C’était parce qu’il était né-moldu qu’il avait fait ça et c’était parce qu’il était né-moldu qu’elle se devait de rester méfiante ce soir, il pouvait très bien recommencer comme la dernière fois. Qu’est-ce qui le retenait d’abord ? Sans doute pas cette baguette qu’elle pointait vers lui d’une main moite. Elle leva les yeux au ciel suite à sa réplique, elle restait persuadée qu’il était le seul à être en danger, à se trimbaler ici. Qu’est-ce qu’il faisait là d’abord ? Ça n’avait aucun sens. Elle haussa les épaules avant de répondre. « Peut-être que si tu me dis ce que tu fais là je pourrais songer à ne pas avertir les exécuteurs qui sont présents ici ; peut-être. » Il faudrait qu’il ait une sacrée bonne raison d’être présent pour qu’elle décide de ne pas aller prévenir les autres, au moins, il pouvait gagner du temps en satisfaisant sa curiosité maladive.

Il avait le corps tendu, les muscles en éveil, chaque sens prêt à réagir en une fraction de seconde ; jamais il n’aurait imaginé devoir être de cette façon aux aguets face à Jyanna, pourtant, les prunelles profondes de la blonde ne lui laissaient guère la possibilité à d’autre pensée. Il avait brisé quelque chose en la jeune femme, cette confiance silencieuse qu’ils avaient toujours eus l’un envers l’autre - lui aussi, quelque part, était bien incapable de se faire confiance quand il se retrouvait là, face à elle, à ne devoir franchir que quelques pas pour l’atteindre. La gorge sèche, le coeur palpitant au fond de sa gorge, le sorcier ne pouvait s’empêcher de calculer toutes les chances qu’il pouvait avoir d’agir d’une manière ou d’une autre. Le dénoncerait-elle vraiment ? Un noeud au creux de ses entrailles semblait confirmer ces soupçons, ce que la jeune femme disait à haute voix, la haine vibrant dans ses mots, à la surface de ses cordes vocales, tout contre sa langue imbibée de venin. Elle le détestait. Il se détestait. Pour lui avoir fait du mal, ne pas savoir ce que tout cela avait déclenché en lui, ne pas être capable de mettre des mots sur tout cela, une quelconque explication digne de ce nom : en aurait-elle seulement quelque chose à faire, des excuses, des bonnes paroles qu’il pourrait formuler pour se donner des excuses ? Björn aurait préféré ne jamais s’égarer dans ces couloirs, ne jamais même avoir demandé à la blonde de prendre la chaise, dans cette bibliothèque à Poudlard - au moins, n’aurait-il pas à faire face à cette oeillade si froide, si remplie de véhémence à son égard. Lui dire ce qu’il faisait là, c’était vendre la rébellion, les plans qu’ils avaient soigneusement préparés pour s’infiltrer ici - et les risques étaient trop grands. Non seulement pour son propre camp. Pour Jyanna aussi ; si quelqu’un la surprenait pleinement consciente de la situation, prête à dénoncer les intrus à la cérémonie, les membres de la rébellion n’hésiteraient pas à la tuer sur place, sans poser de question. Lui ne pouvait pas. Ne pourrait jamais ; malgré tout. Malgré le poison froid qui avait coulé dans ses veines cette nuit-là, dans la forêt. Il ne pourrait pas. Non, jamais. En dévisageant la blonde, il sentit l’air se raréfier dans ses poumons, la salive au creux de sa gorge devenir acide ; « Je peux rien te dire. » Conclut-il à mi-voix, comme si c’était la chose la plus dure qu’il ait jamais eu à dire ; le jeune homme avait d’ailleurs déjà baissé les yeux, lèvres pincées dans une expression contrite. Qu’elle le déteste, parte, si seulement ça pouvait la laisser sortir en vie de cette journée. Ils ne pouvaient plus revenir en arrière de toute manière. Des bruits dans son dos manquèrent de le faire sursauter ; ce n’était cependant pas des secours qui venaient pour Jyanna, mais bien ceux qu’il attendait qui débarquaient enfin - la rébellion, qui ne verrait pas d’un bon oeil la présence d’une sang-pur ici. « Tu dois partir Jyanna. Pars ! » Empressé subitement, il avait fait quelques pas dans sa direction, sans les compter, sans penser à la prudence, à l’imprudence, la fine frontière entre ces deux notions. Qu’elle disparaisse, transplane s’il le fallait. Mais ne revienne plus jamais. Ils étaient partis sur deux chemins différents, et peut-être que ce n’était pas une mauvaise chose, tant ils étaient maudits, ensemble.

Cette scène ne rimait à rien, c’était certain. Jyanna aurait mieux fait de quitter les lieux depuis un moment déjà. Elle ne savait plus si c’était la peur ou bien autre chose qui retenait ses pas à présent. Elle savait pourtant qu’il fallait qu’elle parte. Elle ne pouvait pas rester en face de Bjorn, c’était trop douloureux et elle ne pouvait s’empêcher de pense que cette fois, si l’envie l’en prenait, il pourrait bien la tuer. Elle avait bien compris, la dernière fois qu’ils s’étaient vus que l’histoire qu’ils avaient eue n’avait pas la moindre importance à ses yeux. Elle avait beau l’avoir aimé de toit son cœur, ce n’était pas ce qui avait retenu sa baguette au moment de la torture. Une question restait sur le bout de sa langue, un pourquoi qu’elle n’osait pas prononcer. Sa mère avait déjà répondu à cette question et elle avait pendant longtemps choisi de se contenter des paroles de sa mères. Ces mots lui avait permis de mettre une explication sur ce qui n’en avait pas, lui permettant de transformer la tristesse et la douleur en une haine qui au moins lui permettait de s’endormir le soir autrement que dans les pleurs. Pourtant en face de lui, la question était revenue avec force et menaçait de sortir à tout moment, c’était comme si elle savait qu’il y avait une autre explication derrière tout ça, parce qu’il lui avait appris que les nés-moldus n’étaient pas les monstres que sa mère n’avait de cesse de lui dépeindre. Il lui avait appris la tolérance, l’amour et tout ça pour quoi ? Finir par lui prouver que chaque mot qu’il avait prononcé pendant toutes ces années n’était en réalité qu’un mensonge ? Qu’est-ce que c’était ? Un piège de longue durée qu’il avait construit pendant des années ? Ça n’avait aucun sens et quand elle prenait le temps d’y réfléchir – ce qu’elle évitait bien souvent de faire tant c’était douloureux – tout ça n’avait plus le moindre sens. Les mots de sa mère, les gestes de Bjorn, ça n’avait plus aucun sens. Elle ne demandait pas pourtant, se contenant d’exiger des explications sur la situation présente plutôt que d’essayer de revenir sur des faits passés. Sa réponse lui fit lever les yeux au ciel. C’était d’une simplicité aberrante ce genre de réponse. Il ne pouvait rien lui dire. Elle laissa échapper un soupire avant de demander ce qui lui torturer déjà l’esprit depuis qu’elle avait croisé le jeune homme dans ce couloir. « Et si je te demande pourquoi tu as fais ce que tu as fais cette nuit là ; est-ce que tu pourras dire quelque chose ? » Ou est-ce qu’il ne murerait encore dans un silence insensé qui semblait rendre les choses beaucoup plus simples. Il s’était rapproché d’elle, quelques pas qui ne plaisaient pas à la jeune femme. « Quelque chose se trame ici. Beaucoup de gens pensent que je suis devenue folle, mais pas à ce point. » La torture avait eu des conséquences sur son esprit, c’était certain, mais elle n’était pas folle au point de ne rien comprendre. « Tu as raison, je m’en vais. » Elle allait partir c’était sur et rapidement, elle lui tourna le dos, bien décidé à prévenir la première personne qu’elle croiserait des doutes qu’elle avait. Quelqu’un finirait par croire la pauvre folle qu’elle était. Elle connaissait beaucoup de monde au ministère et puis il y avait bien son cousin qui pourrait la croire malgré la haine qu’il lui portait. Thaddeus peut-être. Elle s’en fichait, quelqu’un n’importe qui, mais on la croirait.