(event, cara) ☆ you're the pretender.

De l'alcool, c'était sans doute ce qui manquait à Cara. Son amie n'avait pas le coeur à la fête et, cela, Ariane pouvait aisément le comprendre. Qu'avait-elle à célébrer ? Si ce n'est la mort de son amant et ce n'était pas chose à encenser. Depuis la dissolution du Mangenmagot, Ariane ne croisait plus Cara dans les couleurs du Ministère ; que faisait-elle à présent ? Cette question la turlupinait et elle avait pris son courage à deux mains, lançant une invitation à sa compagne, les faisant se rejoindre toutes les deux au Chaudron Baveur. Evan avait fait partie de ces exécutions publiques devant Gringotts - et, assurément, pas du côté des exécuteurs. Ariane osait à peine imaginer la souffrance dans laquelle Cara était dorénavant plongée. Savoir Gaheris loin d'elle lui serrait le coeur mais, au moins, elle le pensait toujours en vie. Même si elle était là pour Cara, même si elles se comprenaient souvent sans ouvrir la bouche, elle osait à peine imaginer la réaction des membres de la famille Burgess face à l'exécution d'Evan. Savaient-ils au moins le lien qui unissait Cara à cet individu ? A bien des égards, les deux jeunes femmes se ressemblaient. Elles avaient le même désir ardent de ne pas salir leur nom de famille respectif. Mais là où Ariane avait pris son courage à deux mains, Cara semblait plus que jamais réfractaire à la résistance. Peut-être n'était-ce qu'une simple idée mais, au fond, il y avait sûrement une nuance de vérité. La victoire de Voldemort avait apporté son lot de terreurs, ainsi qu'une terrible ségrégation. Ainsi les nés-moldus étaient bannis et ce, pour toujours. Assise à une table, Ariane attendait son amie, un verre de whisky pur-feu devant elle. Elle aurait volontiers préféré un festin de chocolats à ce liquide qu'elle ne voulait toucher que du bout des lèvres. La porte du pub s'entrouvrit et, sortant de ses songes, un petit sourire étira sa bouche rosée lorsqu'elle aperçut Cara.

Loin d'être d'humeur à célébrer quoi que ce soit, Cara semblait ne plus savoir rire ces derniers mois. Alors qu'elle s'apprêtait à fêter un heureux événement, elle avait longtemps imaginé la grande fête organisée en l'honneur de leur mariage. Mais toute cette joie fut rapidement brisée depuis la mort de Harry Potter et tout ce que cela engendra. Evan et Cara vivait un amour secret depuis plusieurs années déjà et les tensions qui ne cessaient d'augmenter n'arrangeait en rien leur situation. Même si Cara bénéficiait d'une certaine sécurité due à son nom et son statut, ce n'était pas le cas d'un bon nombre de sorciers. Elle risquait même sa propre peau en fréquentant un sorcier né-moldu et maudissait chaque jour la mentalité absurde des extrémistes. Elle ne demandait pas grand chose, juste le droit de vivre pleinement leur bonheur, sans imaginer le pire chaque fois qu'ils se séparaient. Evan aurait pu collaborer, accepter la Marque mais un tel comportement ne correspondait pas aux valeurs de ce dernier. Elle pouvait paraître égoïste, mais elle aurait préféré qu'il se plie au régime. Au moins, il serait toujours en vie et n'aurait pas ajouté son nom à la liste des victimes des exécution publiques devant Gringotts. Cara avait pourtant accepté les conditions données par ce collègue. Elle avait quitté son poste au Magenmagot mais cela n'avait servi à rien. Elle n'avait pas pu protéger celui avec qui elle comptait former une famille. Elle avait clairement besoin de se vider l'esprit et l'invitation d'Ariane tomba à pic. Les deux jeunes femmes s'étaient immédiatement bien entendu et tout semblait plus facile avec elle. Elle la comprenait parfaitement et Cara n'avait pas besoin de se lancer dans un long discours sans fin pour lui expliquer clairement la situation. Elle se rendit alors au Chaudron Baveur, leur lieu de rendez-vous. Après l'avoir repérée à une table plus loin, elle s'avança vers celle-ci affichant un petit sourire. « Ariane, je suis heureuse de te revoir ! Ça faisait vraiment longtemps. » dit-elle avant de prendre place face à elle. Les événements n'avaient pas été en leur faveur et leurs rencontres se faisaient bien plus rares.

En entendant les dires de son amie, Ariane ne put s'empêcher d’acquiescer. Leur dernière rencontre devait remonter à une éternité. Elle se sentait soudainement bien démunie face au regard de Cara qui lui glaçait le sang – elle ne savait pas de quelle manière aborder le problème, si problème il y avait car rien n'était encore sûr, et la réaction potentielle de sa compagne l'empêcha momentanément de réagir. La complexité du problème qui s'imposait à elle, à savoir si Cara se trouvait ou non du côté que Ariane soutenait, lui donnait envie de fuir. Que ferait-elle si elle apprenait que quelque chose de bien plus distinct qu'une simple chamaillerie venait à les séparer définitivement ? Son cœur sembla rater un battement. Malgré les quelques années passées en Angleterre, Ariane n'avait que peu d'amis, prenant garde à toujours les choisir avec la distinction qui s'imposait. Cara était celle qui semblait la comprendre – Wayne mis à part mais, à son sujet, la française était loin d'être impartiale puisqu'elle l'adulait et le mettait volontiers sur un piédestal. Ceci étant dit, Ariane venait juste d'intégrer la résistance et, novice, elle avait peur d'essuyer les échecs. Elle voulait tant voir Cara la rejoindre, ne serait-ce que pour s'assurer que tout allait bien. Depuis la mort d'Evan, cette dernière semblait avoir perdu le goût de vivre et elle maudissait visiblement les cendres laissées derrière l'Ordre du Phénix. « Tu veux quelque chose à boire ? » demanda-t-elle tout d'abord en désignant son verre d'un bref mouvement de menton, puis ajouta d'une voix plus doute encore « Je voulais te parler. Mais c'est, mm, c'est un sujet compliqué à aborder. » Sa voix mourut dans sa gorge et, timidement, Ariane porta son regard candide vers son interlocutrice. Mille et une pensées la frappaient. Elle avait peur de la perdre et, pire encore, de la blesser.

Même si elle était heureuse de revoir son amie, Ariane semblait légèrement tendue. Elle ne savait pas ce qu'elle avait vécu ces derniers mois et se maudit même le temps de quelques secondes pour cela. Elle espérait simplement que rien de grave ne se soit produit. Abonnée aux mauvaises nouvelles, elle n'avait pas envie qu'Ariane le soit à son tour. « Je prendrais bien un rhum groseille. » répondit-elle d'un rire. Loin d'être une adepte des boissons alcoolisées, une fois de temps en temps ne lui ferait aucun mal. Cara n'avait pas à se montrer différente lorsqu'elle se trouvait en compagnie d'Ariane. Elle ne devait pas se montrer digne de sa famille ou modérer ses propos, utiliser des pincettes. La française lui ressemblait sur beaucoup de points et c'était plutôt agréable. Elles se comprenaient mutuellement, parfois même sans rien dire. Assise face à celle-ci, elle se demandait bien ce qui pouvait la tracasser. Elles avaient sans doute des tas de choses à se raconter, en commençant par les événements les plus marquants. « Tu peux tout me dire, tu le sais. » Elle accompagna ses paroles d'un sourire amical. Ariane avait su trouver les mots justes à la mort d'Evan et avait en sorte d'alléger sa peine. Même si rien n'aurait pu l'apaiser, elle pouvait compter sur le soutien de son amie et cela était très important à ses yeux. « Quel est donc ce sujet difficile à aborder ? » Après la mort d'Evan, Cara avait cessé toute activité concernant la rébellion. Elle n'avait jamais appartenu à l'ordre du phénix, ce qui était un sujet de discorde au sein du couple, mais elle n'avait jamais montré une envie de rejoindre les rangs de Voldemort. Elle restait en retrait, ajoutant discrètement son grain de sel mais sans en faire trop. Elle admirait Evan pour ce qu'il faisait, et le détestait par la même occasion. Il risquait tous les jours sa vie, mais il se battait pour un avenir meilleur. Il avait choisi de mourir en héro, plutôt que de mourir en lâche. L'ordre dissout, il rejoignit la rébellion fermement accroché à ses convictions. Il possédait cette force que Cara lui enviait sans cesse. Evan lui servait de repère, de point d'équilibre et la vie sans lui ne ressemblait qu'à un vaste chantier. Alors le sujet sensible qu'Ariane voulait aborder évoquait de vagues souvenirs en elle. Elle se remémorait les fois où, assis autour d'une table, Evan tentait de la rallier à sa cause. Elle se souvenait également d'avoir refusé d'en être entièrement, plus d'une fois. Alors son visage devint moins souriant, se remémorant des instants trop douloureux. « Mais j'ai peur que tu ne sois déçue à la fin. » Elle n'avait pas l'intention de la mettre en mauvaise position, mais si Cara pensait juste, Ariane allait évoquer la rébellion. Rester plus ou moins neutre devait être inconcevable pour la jeune femme qui, à l'image d'Evan, tentait de la réveiller. Et encore, la tâche s'annonçait encore plus difficile aujourd'hui, encore secouée par la disparition de son fiancé. Une mort précipitée provoquée sans aucun doute par son engagement dans la rébellion. Cara n'était pas prête à en faire de même, pas maintenant.

Spoiler:

Face à la demande de Cara, Ariane leva légèrement la main et aboya au serveur la commande de son amie. Elle préférait repousser un maximum le moment où elle évoquerait le pseudo-problème qu'elle avait à l'égard de sa compagne – évidemment, ses idées ne découlaient que de pauvres suppositions mais la française faisait confiance en son instinct qu'elle savait instable, parfois hors de propos. Mais si elle choisissait les bons mots, si elle prenait le temps nécessaire afin de s'exprimer correctement, peut-être que son discours passerait correctement aux oreilles de Cara. Pourtant, les dires de son interlocutrice lui signifiaient qu'elle avait déjà compris ce dont elle souhaitait lui parler. Cela lui faciliterait peut-être la tâche mais, finalement, Ariane était obligée d'être honnête, sincère – à la mort d'Evan, elle avait su trouver les mots susceptibles de réconforter son amie et, sans réellement s'en rendre compte, elle y était parvenue. Rien ne pouvait effacer le décès de l'être aimé, encore moins les douces paroles apaisantes d'une amie inquiète. Et, ce soir-là, il s'agissait de la même ami inquiète qui refaisait surface. Consciente de sa nervosité, Ariane posa ses paumes bien à plat sur la table en bois, papillonnant des paupières un court instant. Sa gorge était serrée, elle craignait de trop en dire – ou pas assez car, finalement, c'était elle qui avait orchestré ce rendez-vous. « Ecoute, je suis consciente que le, mh, départ d'Evan t'a bouleversée et j'en suis la première désolée, crois-le bien. » encore une fois, elle essayait d'être honnête ; elle se souvenait des larmes versées, des sanglots, de ces envies fugaces de quitter le pays au profit de la France, emmenant Cara avec elle. « J'ai l'impression que tu as changé. » Cela n'exprimait pas pleinement ce que Ariane pensait et force était de constater à quel point les mots avaient du mal à sortir, son accent français prenant d'avantage de place au sein de son discours maladroit. Elle serra le poing, le plaqua contre sa bouche et fit mine de tousser. Si elle allait plus loin, elle craignait d'agacer Cara - même si cette dernière n'avait jamais fait mine d'être énervée en la présence d'Ariane, cela risquait de changer rapidement. « Je pense que tu adoptes des idéaux qui ne sont pas forcément les tiens. Des idéaux qui sont compréhensibles suite à la mort d'Evan. » souffla-t-elle, le regard rivé vers le serveur qui posa le verre d'alcool face à son interlocutrice. D'un hochement de tête, Ariane remercia le serveur et se concentra de nouveau vers son propre récipient.