Poudlard a fermé ses portes. Les mots inscrits en caractères gras, en guise de gros titre du célèbre journal sorcier, résonnent en boucle dans mon esprit, sans me laisser une seule chance de m’en défaire. Assis sur le bord de mon matelas, mes chaussures couvertes de terre toujours lacées à mes pieds, ma cape drapée d’humidité couvrant toujours mes épaules, je me laisse m’apaiser avec les bruits de respiration régulière qui proviennent de derrière moi. Les inspirations et expirations de Lincoln semblent en effet avoir une propriété apaisante, mais je me trouve incapable de décréter jusqu’à quel niveau la jeune femme peut m’aider à conserver mon calme. Elle se retourne dans son sommeil, celui-ci se faisant un peu plus agité, et cela suffit à me faire sursauter. Soudainement encore un peu plus nerveux, je me trouve contraint de passer une main sur mon visage, comme pour chasser l’agitation qui commence à me gagner. Avec la fermeture de Poudlard, ce sont mes derniers souvenirs aux côtés de Charlie qui s’envolent, presque tous du moins. Ma gorge se noue soudainement et je presse un peu plus mes paupières les unes contre les autres, dans le seul but de chasser le visage de la blonde, venu se redessiner pour mes yeux clos, simplement offert à mes souvenirs les plus anciens. Mais Charlie, c’est de l’histoire ancienne à présent, juste un bout de mon passé qui continue de me hanter, mais qui finalement, ne demande qu’à être enterré. Après tout, j’ai Lincoln à présent et je ne saurais sans doute pas rêver de mieux. Pourtant, je n’ai jamais réussi à pleinement faire le deuil de ma meilleure amie, ce qui ne manque pas de me perturber toujours un peu plus. Peu importe, ce n’est sans doute pas le moment de penser à ça. Je finis par lancer le journal vers le sol, comme si ce simple geste pouvait me permettre de me défaire d’une réalité qui ne s’effacera jamais totalement de mon esprit : Poudlard est mort et avec lui, ce sont mes souvenirs de jeunesse qui s’effacent. Tout cela marque sans aucun doute la fin d’une ère et cela m’attriste au plus haut point. Force m’est pourtant de constater qu’il me faut passer à autre chose, cesser de m’attarder sur tout ça et me contenter du présent. Après tout, je n’ai pas pris le bon parti lorsqu’il le fallait et mes envies de vengeance m’ont poussé dans les bras de ceux que je méprisais au premier abord, loin des idées que je partageais avec Charlie sans pourtant vouloir m’impliquer comme elle l’avait fait. Elle me haïrait si elle savait quelle est ma façon de la venger ; mais elle n’est plus là pour témoigner du mal que cela lui aurait causé. Auquel cas, elle m’aurait sûrement rétorqué que c’est à cause de gens comme moi, trop couards pour défendre leur opinion, que nous en sommes arrivés là. Oui, c’est ce qu’elle dirait. Car Charlie n’a jamais eu son pareil pour aller droit au but et ne pas prendre de détours pour éviter aux gens les mots durs. Elle ne disait pas ce que les gens voulaient entendre, elle se contentait d’énoncer la vérité. C’était l’une de ses meilleures qualités, sans aucun doute. Et un trait de caractère que je retrouve parfois chez Lincoln – même souvent.
Le bruit de la sonnette du comptoir me fait me lever en sursaut, mon cœur se mettant à battre à toute allure. Je lance un regard maladroit en direction de la porte de la chambre, perdant quelque peu l’assurance devenue mienne depuis quelques temps à présent. Je m’attends presque avoir rêvé – du moins, je l’espère réellement – lorsque la sonnette retentie à nouveau. Je déglutis avant de me retourner vers la brune, me penchant au dessus d’elle pour venir lui toucher le bras, l’extrayant doucement du monde des songes. « Lincoln ! Réveille-toi, y a quelqu’un en bas. » Je la secoue doucement, pour tenter de l’extraire un peu plus rapidement de son sommeil. Gagné. Elle ouvre les yeux, m’embrasse un instant de ses prunelles sombres. « Tu ferais peut-être mieux de transplaner et de revenir d’ici une ou deux heures. » Je l’embrasse alors sur le front, effleure un instant sa joue de la paume de ma main, traçant doucement des arabesques sur sa peau à l’aide de mon pouce, avant de me relever complètement, quittant la partie habitation du dessus de mon commerce, tout en prenant bien garde à fermer la porte derrière moi. Je vérifie une dernière fois que ma baguette se trouve bien dans la poche de ma robe de sorcier, avant de finir de dévaler l’escalier pour me jeter au milieu des rayons rangés pour former un labyrinthe. Je me glisse entre eux tel une ombre, m’arrêtant un instant derrière l’une des armoires pour jeter un coup d’œil en direction du comptoir sans être vu. Mon cœur rate un battement alors que je reconnais Joséphine. En apprenant la fermeture de Poudlard, je ne pensais déjà plus à son existence et ainsi, au fait que cela la ramènerait forcément ici. Je pince les lèvres, fronçant légèrement les sourcils alors que je me décide finalement à m’approcher d’elle. Ce pourquoi, il ne me faut exécuter que quelques enjambées. « Bonjour Phineas. » Les premiers mots qui passent le seuil de ses lèvres, s’avèrent être froids, tout autant que son comportement envers moi. Je m’oblige pourtant à adopter un semblant de sourire, qui s’avère néanmoins être quelque peu figé. Sans doute aussi froid que la grimace qui étire ses traits. « Joséphine. » je la salue poliment, avant de me hisser d’un bond sur le comptoir sur lequel je m’assois sans aucune hésitation. A quoi bon ? Je suis ici chez moi et il est en mon droit de m’asseoir où bon me semble. La surplombant légèrement, je me penche dans sa direction, laissant mon sourire jusque là figé, s’étendre un peu en une expression se voulant totalement narquoise. « J’aimerais pouvoir dire que je suis surpris de te voir ici, mais il faut dire que je devais m’en douter quelque peu, au fond. » Mon sourire s’évapore soudainement et je me trouve contraint de détourner le regard, mes prunelles se perdant vers le vide. Et au fond, je me sens comme bipolaire. « La fermeture de Poudlard hein ? » je lui demande d’une voix plus morne que je ne l’aurais voulu, alors qu’une nouvelle fois, je sens ma gorge se nouer. Il me faut laisser basculer ma tête légèrement en arrière, pour retenir l’humidité de mes yeux, qui menacent sans aucun doute de s’évacuer en quelques larmes.