(event, wayne) ☆ please, don't leave me.

C'était le grand jour. Ariane voyait les invités papillonner vers le buffet et se verser des verres d'alcool pétillant pour mieux apprécier la cérémonie à venir. Les mâchoires contractées, forçant son sourire, la jeune femme remerciait les individus dès qu'ils se présentaient à elle. Elle embrassait, serrait des personnes – qu'elle ne connaissait d'ailleurs absolument pas – dans ses bras, éclatait d'un rire faussement cristallin. Elle avait été éduquée dans l'optique d'apprécier ce jour mais comment pouvait-elle s'en délecter alors que la simple idée d'épouser Eamonn la pétrifiait d'horreur ? Elle était pourtant là, au milieux de ses convives, un petit four dans une main et un verre dans l'autre. La gorge serrée, elle était incapable d'avaler la moindre nourriture et, pourtant, son ventre criait famine. Elle se sentait à l'étroit dans cette robe qui, malgré sa beauté, lui donnait envie de se la faire arracher à grands coups de dents. Elle n'était pas encore prête à un épouser un homme qu'elle se contentait d'apprécier – elle aurait voulu voir ses fiançailles s'éterniser et perdurer jusqu'au jour de sa mort. Eamonn partageait son point de vue et, ensemble, ils étaient bien obligés de se soumettre aux souhaits de leurs deux familles. Force était de constater qu'Ariane s'était liée d'amitié à Eamonn depuis la nuit qu'ils avaient passé ensemble, tous les deux sous le joug d'une potion d'amour. Cet événement avait alimenté ce semblant de haine que Ariane ressentait à l'égard des membres de la famille Oswald-Appleby – désormais, un feu grandissant dévorait ses entrailles. A nouveau, la jeune femme fut assaillie par des compliments et des cris stridents et, les doigts contractés autour de son verre et de son gâteau salé, elle tenta de faire bonne figure. En un clin d'oeil, elle prit congé de l'invité bruyant et se dirigea vers Wayne. Ce dernier semblait apprécier l'alcool qu'il ingurgitait comme s'il s'agissait de jus de citrouille, et des petits fours dont il se gavait. Par Merlin, était-il une oie et allait-il lui pondre du foie gras à la fin de la journée ? D'une démarche chancelante, puisqu'elle n'était pas habituée aux hauts talons, Ariane se posta à côté de Wayne, face au buffet. « J'espère que vous appréciez la nourriture. » siffla-t-elle. Lâcheur, pensa-t-elle malgré elle. Elle aurait voulu voir Wayne partager sa peine mais elle avait visiblement misé sur le mauvais cheval. « Laissez-en au moins pour les autres. » continua-t-elle, en désignant d'un mouvement de menton le petit four que l'homme était sur le point d'engloutir. A l'instar de son compagnon, elle porta sa friandise à ses lèvres et se força à mâcher. Elle avala un peu d'alcool pour faire passer le bloc qui s'était formé dans sa bouche.

Wayne avait souvent eu l’habitude de voir les choses en grand et pourtant, son mariage avait été beaucoup plus simple que celui auquel il assistait. Ils n’avaient certainement pas invité tout le ministère de la magie, ils n’avaient pas employé toute la police magique pour assurer la sécurité et il n’y avait pas eu soixante-dix banquets avant la cérémonie, ce qui semblait bien parti comme ça pour l’instant. On pouvait facilement deviner que ce mariage avait été organisé par deux familles de sang-purs, riches et influents dans le monde actuel. Sans doute que les mariés n’avaient pas eu leur mot à dire sur la décoration ou sur le banquet, ils n’avaient même pas eu leur mot à dire sur la personne qu’ils allaient épouser, sans quoi, Ariane aurait très certainement choisi quelqu’un d’autre. Il était bien content de ne pas être né dans ce genre de famille, d’avoir eu le choix d’épouser qui il voulait, qu’importait son statut de sang. Il regrettait peut-être de ne pas avoir eu le même cuisinier que les Oswald-Appleby à son mariage puisque la seule chose vraiment intéressante dans la pièce, c’était à ses yeux, le buffet qui débordait de mets ayant tous l’air plus délicieux les uns que les autres. Cela dit, en vingt ans, il avait largement eu le temps d’oublier le gout des petits fours de son propre mariage, bizarrement au sien, ça n’avait pas semblé être le truc le plus important. Ici, pour l’instant ça l’été. Dans son coin du buffet, il avait une vue plutôt bonne de l’assemblée, ce qui faisait de cet endroit la place stratégique, entre la foule et la nourriture. Il pouvait surveiller les gens guetter les allés et venus, surveiller les actions de la résistance prête à agir d’un moment à l’autre, le tout en se régalant et en communiquant quelques fois avec des types du ministère de la magie histoire de faire bonne figure. C’était de son devoir de se fondre dans la masse, ici comme au ministère de la magie pour pouvoir garder sa couverture. Même après ce soir, il en aurait besoin, heureusement il avait un petit flacon de polynectare dans la poche de son costume. Il ne fut pas franchement surpris d’entendre la voix d’Ariane à ses côtés et même sans avoir à regarder qui venait de s’installer à ses côtés, il l’avait reconnue. Son petit four dans les mains il posa quand même son regard sur la jeune femme, un sourire sur les lèvres. « Jolie robe. » Il avala ensuite la friandise qu’il avait entre les mains avant d’attraper une coupe de champagne. « Je pense qu’il y en a assez pour tout le monde. Assez pour toute l’Angleterre même. » Avec autant de nourriture, il y avait de forte chance pour que les Oswald-Appleby se retrouvent avec des restes pendant tout le mois à venir, peut-être même le suivant. Ils avaient fait dans l’excès, ce qui semblait typique de ce genre de famille. « Est-ce que ça va ? » C’était son mariage et bien qu’elle n’ait pas franchement envie de devenir madame Oswald-Appleby, l’attaque imminente qui mettrait fin à tout ça avait de quoi la stresser bien plus que n’importe quel mariage.

Effrayée, Ariane l'était – mais peut-être pas pour la cérémonie qui se préparait ou pour la quantité astronomique d'alcool qui semblait embuer la vue de plusieurs invités. La rébellion était en marche et ce, durant son propre mariage. Les problèmes arrivaient au grand galop et se profilaient à l'horizon, une menace latente qui n'attendait que le bon moment pour se réveiller. Cette peur, mêlée d'excitation, lui donnait envie de se débarrasser de cette robe qui lui coupait le souffle ou de ces talons qui la faisaient vaciller. Bientôt, l'ambiance changerait considérablement et elle ne savait pas si elle devait s'en réjouir. Son regard se perdit un instant sur son verre, sur les bulles fines qui montaient et qui éclataient à la surface. Elle espérait ne pas faire prochainement partie des dommages collatéraux. Le compliment de Wayne la fit lever les yeux au ciel même si, bien malgré elle, la commissure de ses lèvres s'étira en un sourire flatté. Elle reprit instantanément son sérieux et porta la boisson à ses lèvres. La gorgée qu'elle avala passa avec de grandes difficultés et lui donna envie de tousser. De marbre, elle ne laissa rien paraître et préféra ne pas répondre à son patron. En revanche, Wayne avait raison à propos du buffet qu'il ne risquait pas de terminer à lui seul – Blodwyn avait fait un travail fantastique et, même si elle avait dû être aidée par quelques elfes de maison, elle avait de vrais doigts de fée. La nourriture était abondante, à l'instar de l'alcool qui coulait à flot. Ariane retint un soupir ; toute ce petit manège l'agaçait. « Je suppose que vous avez raison. » admit-elle à demi-mot. Puis, en réponse à la question de Wayne, la jeune femme continua sur sa lancée. « Stressée. » avoua-t-elle en posant son verre sur la grande table du buffet – même si l'envie de boire se faisait pressante, Ariane devait rester sobre pour ce qui se préparait. Ses grands yeux candides se posèrent sur son aîné, réclamant des mots rassurants. « Tout va bien se passer, n'est-ce pas ? » demanda-t-elle, la gorge serrée. Les événements promettaient d'être particuliers. Force était de constater qu'elle avait confiance en Wayne mais si celui-ci ne parvenait pas à apaiser ses doutes, elle n'aurait pas d'autre choix que de se lancer à l'aveuglette dans ce bourbier.

Ariane méritait mieux que ça comme mariage. Mieux qu’un époux qu’elle n’aurait pas choisi, mieux qu’une cérémonie qui servait plus à réunir tout le gratin du ministère de la magie qu’à célébrer son dit mariage. Elle pouvait avoir bien mieux que ça. Il s’agissait d’une jeune femme charmante et agréable qui aurait pu se trouver un homme lui passant la bague au doigt par amour, plutôt facilement. Au lieu de ça, elle devait faire face à un mariage arrangé et même dans son élégante robe blanche, elle n’était certainement pas celle que l’on remarquait le mieux à travers la pièce. Il y avait tellement d’invités de marque que même la mariée pouvait vite avoir l’air insipide face à tous ces gens. C’était sûrement une bonne chance que cette date ait été retenue par la rébellion pour organiser une attaque. Ils interviendraient avant même qu’Ariane soit mariée ce qui irrémédiablement rendait l’avenir de la jeune femme un peu moins obscur. Elle n’allait pas se marier, pas aujourd’hui et pas simplement dans le but de satisfaire ses parents et beaux-parents qui rêvaient d’une union entre deux familles de sang-purs et qui trépignait d’avance d’impatience à l’idée d’avoir un jour des petits-enfants possédant un sang aussi pur que le leur. Que des idées stupides aux yeux de Wayne, alors il pensait vraiment que c’était mieux ainsi. Il n’y avait pas de déception à avoir, la rébellion ne venait pas pour gâcher le plus beau jour de sa vie, mais pour la sauver de l’avenir bien sombre que ses parents avaient prévus pour elle. Il s’efforça d’adresser un sourire réconfortant à la jeune femme. Elle avait raison d’être stressée, il devait bien admettre qu’il l’était aussi. Aucun d’eux ne savait vraiment comment les choses allaient se déroulées. Laisser trop de place au hasard dans ce genre d’entreprise, ce n’était pas forcément une bonne chose. Il posa ses mains sur les épaules de la jeune femme plongeant son regard dans le sien. « Tout va bien se passer Ariane. » Il avait l’air convaincu de ce qu’il disait, malgré les doutes qu’il avait en lui. C’était un combat qui allait avoir lieu ce soir, mais ils avaient l’avantage de la surprise et au fond, ils savaient tous les deux, comme tout le monde au sein de la rébellion, qu’on ne faisait pas d’omelettes sans casser d’œufs. C’était triste à dire, mais c’était la vérité. « On devrait marcher un peu. Viens. » Il lui prêta alors son bras pour qu’elle l’accompagne, qu’ils puissent s’éloigner de cette foule, trouver un endroit plus calmes où ils pourraient parler avec plus de sérénité.