and I feel so lonely, I could cry (emily, event)

La nouvelle année commençait bien. C'était l'amer constat qui commençait à se dessiner. Au final, elle ne semblait pas mieux que la précédente, bien au contraire. Dans le fond, rien ne changeait. Là où tout le monde continuait à célébrer le nouvel an, à profiter de leur famille et de leurs amis, j'étais désespérément seule puisque la seule personne sur qui je pouvais compter m'avait lâchement abandonnée. Connard. Je me ressassais les derniers mots qu'ils m'avaient lancés au visage, qui me revenaient sans cesse comme une musique obsédante. On ne peut pas être ensemble. Bon sang, il n'aurait pas pu y penser avant...avant tout ça ? Non, bien sûr que non. Il était tellement facile de profiter de cette bonne vieille Tracey, de s'en servir comme bouche-trou parce qu'on avait personne d'autre à aller voir. Je pensais pourtant que tout ça, c'était derrière nous, que même la loi Bloodstream n'arriverait jamais à nous séparer et pourtant, j'étais seule, roulée en boule dans mon lit, les yeux irrités d'avoir tant pleuré. Entre deux crises de larmes j'avais fait le voeu qu'il s'en mordrait les doigts. Si seulement je n'avais pas été aussi douée pour tout gâcher, aussi. J'aurais dû fermer ma gueule et garder mes remarques pour moi. Évidemment, il préférait croire la Fleming plutôt que moi. Comment les choses avaient-elles pu changer à ce point ? J'étais tellement au fond du trou que je n'avais même pas la foi de me gaver de sucreries pour oublier. Cela ne le ferait pas revenir de toute façon, bien au contraire, il aurait toutes les raisons de me fuir. Je ne pouvais même pas me venger sur les gâteaux au chocolat, c'était tellement injuste. Pourtant, je ne voulais pas rester seule, j'avais besoin de quelqu'un. La réponse me sembla alors évidente. Emily. Au final, il ne me restait plus qu'elle comme amie, il n'y avait qu'elle sur qui je pouvais compter. Alors, je trouvai le courage de me lever de mon lit. Je me traînai jusqu'à mon bureau puis j'en ouvris le tiroir, avant d'en extirper ma baguette. J'ignorais si j'allais y arriver, mais ça valait le coup d'essayer. « Spero patronum ». murmurai-je, en me concentrant sur un vieux souvenir d'enfance. Cela ne produit aucun résultat, pas même une volute argentée. « S...Spero P...patronum » balbutiai-je tandis que je refoulais une nouvelle crise de larmes. Bon sang, si je me remettais à chialer ce putain de sortilège n'allait jamais fonctionner. Alors j'optai pour une méthode toute simple. J'écrivis un message sur un morceau de parchemin, qui tenait en un simple : SOS. Tracey puis je jetai un sort au morceau de papier de façon à ce qu'il se transforme en oiseau. Je l'expédiai alors chez Emily, espérant que cette dernière rapplique le plus rapidement possible.

SOS. Tracey. Pouvais-je lire, alors qu'au téléphone je devenais muette. « J'te rappel. » Lançais-je alors rapidement, comme pour mieux me concentrer sur cette missive qui au fond n'en était pas une. Non, un simple mot et une signature. Cela m'inquiétait-il ? Indéniablement. Ajouter à ça l'angoisse d'avoir vu cet infâme oiseau s'infiltrer dans mon appartement. Parce que oui, avec Tracey, il fallait faire de chaque moment une fête, un plutôt un tragique événement. Avec elle, rien n'était fait dans la demi-mesure. Rien. Il n'y avait cas voir notre rencontre, loin d'être banale, loin d'être un cadeau, puisqu'elle avait faillis, ou plutôt voulu me tuer. Mais c'était Tracey, elle était pleine de surprises et il fallait faire avec. Il fallait supporter, même si bien des fois j'aurais préféré lui faire bouffer son chapeau pointu – si toutefois elle en avait un – de sorcière et me barrer. Pourtant, je ne l'avais jamais fait. Non, parce qu'elle était mon amie, parce qu'elle comptait énormément pour moi et parce que je lui devais tant.

Alors, c'est après quelques minutes de relecture de cet appel à l'aide que je descendais vivement de chez moi afin de prendre le bus. Ah que j'aurais aimé avoir des pouvoirs en ces moments-là. Que j'aurais aimé pouvoir simplement transplaner pour me rendre à l'endroit où je désirais aller en moins de temps qu'il ne faudrait pour le dire. Un soupçons d'angoisse m'éprenais alors que j'imaginais dans quelle situation s'était encore fourrée Tracey. Toutefois, j'essayais de relativiser en me disant que si c'était du sérieux, elle n'aurait sûrement pas fait appel à moi. Non, si sa vie était en danger, elle aurait appelé une personne bien plus utile et bien-sûr, j'aurais été la dernière au courant. Comme d'habitude. Car oui, Tracey était loin d'afficher des banderoles lorsqu'il s'agissait de me mettre au courant de quelque chose. Non, mademoiselle préférait me le dire à la va-vite, entre deux blagues, en évitant bien-sûr d'énumérer quelconque détails, sinon ça serait trop facile. Fichue Davis !

Dix minutes de bus et trois minutes de marche plus tard, j'étais devant la porte de l'appartement de Tracey. J'inspirais, puis expirait lentement. Je levais mon poing et frappais à la porte, pas de réponse. J'inspirais et expirait une nouvelle fois et prenais mon courage à deux mains pour ouvrir la porte, sans toutefois y être invitée. Ouverte. Je passe d'abord ma tête, scrute l'entrée, personne. « Tracey ? » J'entre finalement, puis referme la porte derrière moi. Et je reste figée, totalement angoissée par rapport à mon amie, ou plutôt à l'état dans lequel j'allais la retrouver. Toutefois, je ne tardais pas à entendre sa voix et me dirigeais au son de celle-ci. L'heure de vérité arrivait..

L'attente me paraissait interminable. Emily n'arrivait toujours pas. J'avais envie de retourner me rouler en boule dans mon lit et de pleurer. À défaut d'avoir une famille, j'avais besoin d'une amie à qui je pourrais me confier. Mon cœur palpitait dans ma poitrine, tellement fort que j'avais l'impression qu'il allait exploser. Ainsi affalée sur ma chaise, je pris ma tête entre mes mains, laissant de nouvelles larmes couler sur mes joues. Réflexion faite, j'avais surtout besoin de me prendre une bonne cuite, de me noyer dans des litres d'alcool pour oublier. L'oublier lui, Noah. Je voulais oublier ses baisers, ses mains sur mon corps, ses mots chuchotés à mon oreille. J'avais encore son odeur sur ma peau, une odeur entêtante, enivrante. Je l'aimais. Je m'affalai légèrement sur mon bureau, le front appuyé contre le bois synthétique. J'y avais cru, pourtant. J'avais cru que notre étreinte allait être l'événement qui allait marquer le début d'une histoire. J'y avais cru dur comme fer. J'avais même espéré qu'il revienne en se rendant compte qu'il avait fait une erreur, mais il ne revenait pas, il était bel et bien parti et il ne reviendra plus. Déjà que je ne respirais pas la joie de vivre en temps ordinaire, il semblerait bien que j'avais perdu l'envie de rire à tout jamais. J'avais envie de me cogner la tête contre le bureau, comme si mon crâne était une pinata. Je me redressai finalement en entendant la voix d'Emily s'élever. Elle était là. Elle était arrivée. J'essuyai les larmes qui roulaient sur mes joues sans toutefois endiguer le phénomène. « Dans la chambre. » répondis-je d'une voix cassée. Je devais être une bien mauvaise hôtesse à ne pas l'accueillir, mais je n'avais plus la force de tenir debout sur mes deux jambes. Bon sang. Quelques instants plus tôt, j'étais dans ses bras, j'avais été si heureuse, tellement heureuse que pour un peu, j'en aurais oublié que Voldemort régnait sur le monde magique d'une main de maître. Mais tout ça c'était fini désormais, il n'y avait plus de nous qui tienne, il n'y avait plus que cette solitude qui me trouait le cœur.

J'avançais jusqu'à la chambre de Tracey et à peine arrivé, la voyait, assise sur une chaise. Ou plutôt affalée sur une chaise. Son visage était légèrement bouffi, dénué de toute joie, ses yeux sûrement rougies par les larmes. « Tracey ! » J'avançais rapidement et m'agenouillais finalement face à elle, lui tendant un mouchoir prit dans une boite à côté, une boite qu'elle-même avait dû poser là. Une boite que sûrement, elle avait déjà du utiliser. « Putain, qu'est-ce qui a ? » Ouai, qu'est-ce qui a. Qu'est-ce qui pouvait bien mettre Tracey Davis dans cet état là. Cette fille si forte, qui avait déjà surmonté tant d'épreuves. Ouai, tant d'événements tragiques sans même que les plus difficiles la mette dans un état pareil. Et d'un coup je baissais mon regard vers son bras qui pendait. Elle tenait un verre l'alcool à la main. Était-ce cette boisson qui la faisait ressembler à une épave ? Sûrement en partit. « J'crois que t'as assez bu. » Je saisissais alors son verre, ou plutôt la forçait à le lâcher. Et je la regardais, voyait la tristesse dans ses yeux. Putain, qu'est-ce qu'il y avait bien pu se passer ? « Oh et puis merde ! » J'avalais, ou plutôt finissait son verre d'une traite avant de me lever pour atteindre la bouteille et le remplir à nouveau. J'en buvais la moitié, retournais vers Tracey et le lui tendait. « Racontes-moi. » Je tirais une chaise non loin de là, m'asseyais, posais ma main sur l'une de ses cuisses et ne la lâchais pas du regard.

L'alcool me laissait un goût amer dans la bouche et me brûlait le gosier. Le pire dans tout cela, c'était sans doute que cette brûlure n'était même pas réconfortante. J'avais dédaigné le champagne, pourtant de circonstances en ce jour de l'an. Il me fallait une boisson beaucoup plus forte. Même la vodka ne suffisait pas à atténuer la douleur qui me transperçait toute entière. Je maudissais ces putains de lois Bloodstream, je maudissais Harry Potter pour s'être laissé vaincre bêtement, pire encore, je me disais que le bannissement des nés moldus avait bon dos, cela ne justifiait en rien la lâcheté dont il avait fait preuve en me laissant tomber comme une malpropre. S'il m'aimait vraiment ces événements n'auraient été en rien un obstacle. Au final, peut-être que j'aurais dû lui ouvrir en robe de soirée, j'aurais peut-être réussi à lui faire croire que je me rendais à une fête où il n'était pas admis faute d'avoir reçu une invitation. J'aurais pu danser jusqu'au bout de la nuit, mes pieds finissant par demander grâce à cause de mes talons trop haut. J'aurais pu boire jusqu'à voir le décor tanguer, au lieu de noyer ma peine dans un verre comme le ferait une vieille alcoolique. Oui, qu'est-ce qu'il y a ? Je n'avais même pas la force de lui répondre, si j'ouvrais la bouche pour dire quoi que ce soit, je laisserai à nouveau échapper une marée de larmes et de sanglots. Je levai mes yeux rougis lorsqu'elle me rabroua, avant de me retirer mon verre pour le siffler à son tour. Je me crispai légèrement, puis je m'apaisai lorsqu'elle le remplit à nouveau pour me le rendre. Je détournai alors la tête, honteuse de me montrer dans cet état là. C'est sûr, je n'avais pas besoin d'un déguisement d'Halloween, j'avais vraiment une tête à faire peur, un costume de sorcière aurait été superflu. Il fallait voir mes yeux de lapin albinos et mes cheveux hirsutes. Je jetai un coup d'oeil désespéré à la fenêtre. « Il...Il est parti. » couinai-je d'une toute petite voix. « Il...Il m'a laissée. » J'espérais qu'elle sache de qui j'étais en train de parler, je ne me sentais pas de lui expliquer la situation de A à Z. « Je...On a...enfin...tu vois et... » Non, elle ne voyait pas. Elle n'était pas dans ma tête. Elle n'était pas non plus devin, jusqu'à preuve du contraire, la voyante, c'était moi, pas elle. Si je n'étais pas fichue de m'expliquer, elle n'allait probablement pas deviner quels étaient les tourments qui m'agitaient. « Il s'est tiré. » finis-je par dire piteusement, en levant mon regard plein de larmes vers mon amie.

Il. Avais-je seulement besoin qu'elle me dise clairement de qui elle parlait ? Non. Bien-sûr que non. Et pourtant sur mon faciès sûrement pouvait-ont lire l'étonnement. Car je l'étais. « Comment ça, il s'est tiré ? » Était-elle réellement amoureuse de ce garçon au point de ce mettre dans un état pareil ? Ou y avait-il quelque chose de plus profond. Malheureusement, j'avais bien peur que la vérité soit dans la première option. Et pourtant j'avais tant de mal à y croire. La vie de Tracey n'avait jamais été faite d'événements relevant de l'amusement, mais il n'était pourtant pas rare qu'elle accepte les invitations des hommes, pour un peu qu'ils puissent lui apporter un peu de joie. Elle était certes bornées, avait un caractère horrible, mais savait tout de même s'amuser. Oui, elle savait faire la fête, aimait prendre des cuites, s'enfiler des bouteilles de champagne et danser à s'en détruire les pieds, mais jamais je n'aurais songé un seul instant que sont cœur puisse aimer. Du moins aimer au point qu'un jour je puisse la retrouver telle qu'elle était présentement. Jamais. Bien-sûr, je savais qu'elle appréciait ce garçon, qu'elle l'appréciait bien plus qu'elle n'osait l'avouer, mais de là à l'aimer, à en être véritablement amoureuse, il y avait un gouffre. « Calme toi. » Laissais-je alors échapper, à défaut de trouver autre chose à dire. Et je lui tendais un mouchoir, puis laissait le silence s'installer, attendant simplement qu'elle se sente prête à me répondre. J'étais mal, définitivement mal. Voir Tracey dans cet état me remuait plus que je ne l'aurais pensé et m'effrayait bien plus que toutes ces histoires à propos de la victoire du Seigneur des Ténèbres et toutes ces choses que je ne comprenais qu'à moitié. Je voyais la faiblesse dans les yeux de Tracey, je comprenais que finalement elle était une fille comme les autres et ça, c'était vraiment flippant.

J'avais vécu bien des choses horribles malgré mon jeune âge. J'avais vu en avant-première la défaite d'Harry Potter mais je n'aurais jamais pensé qu'après la victoire de Lord Voldemort l'horreur puisse aller aussi loin. Parfois, je me demandais si la Proclamation Ombrage concernait aussi les voyants. Après tout, je n'étais pas une sorcière tout à fait normale, il était par conséquent logique qu'on me traque exactement de la même façon que les hybrides. Tout ça m'avait fait trembler, j'avais séjourné à Azkaban, j'ai été torturée, humiliée, et là, j'étais démolie par une bête rupture amoureuse qui arrivait à monsieur et madame tout le monde. Je tamponnais maladroitement mes paupières avec un énième mouchoir, avant de boire une gorgée d'alcool. la boissonavait un goût particulièrement infect. Déjà que la vodka en temps normal ce n'était pas vraiment la joie, mais là c'était encore pire. Pourtant il n'y avait que ça qui pourrait m'aider à apaiser la douleur qui me tordait les entrailles. La simple idée de m'empiffrer avec du chocolat suffisait à me donner la nausée, d'ailleurs, je ne voulais même pas entendre parler du paquet qu'il m'avait apporté tout à l'heure. Il m'avait suggéré d'en manger avec du champagne. Conneries. Que cherchait-il à célébrer, au juste ? Fêter nos retrouvailles ? Boire à je ne sais quelle connerie emplie de bons sentiments, comme la nouvelle année qui venait tout juste de commencer, ou bien au début d'une histoire pourtant prometteuse ? Non, il n'y avait rien de tout ça, rien. Emily ne semblait pas comprendre. Bien sûr que non, elle ne comprenait pas. Toutes ces fois où j'avais parlé de Noah, j'avais dit que je l'aimais bien, rien de plus. Rien qui puisse justifier le fait que je me retrouve dans un état aussi pitoyable. J'émis un rire sarcastique lorsqu'elle me dit de me calmer. « Il...Il m'a plaquée, si tu préfères. » ça non plus ce n'était pas le bon mot. Car pour qu'il me largue, il faudrait surtout qu'il y ait eu une relation. Or, cette condition n'était même pas remplie. Je pris le mouchoir qu'elle me tendit, avant de boire une autre gorgée sur mon verre et de me mettre à tousser. « Bordel, il n'y a pas du ponch dans le frigo? C'est infect ce truc. » Et voilà que je me remettais à sangloter. Je n'étais même pas capable de me mettre en colère, j'étais juste triste, dévastée, anéantie. « On a... » Bon sang Tracey, crache le morceau, ce n'est pas si compliqué tout de même. « On a...fait l'amour et... » je m'interrompis pour me remettre à pleurer, incapable de m'expliquer davantage. Je me sentis soudain très conne, presque honteuse de lui avoir presque sauté dessus. Sans doute n'attendait-il que cela, il s'était dit que je n'étais qu'une fille facile, qu'une quelconque relation était impossible entre nous parce qu'il n'y aurait pas de lendemain. « Je suis tellement bête. » couinai-je, dans un filet de voix. J'étais bête d'y avoir cru. Il n'y avait rien d'autre à ajouter.

Tellement bête. Non, elle ne l'était pas. C'était ce Noah qui l'était, pour avoir ainsi lâché une fille aussi bien que Tracey. Sûrement n'aimerait-elle pas entendre cela, pourtant c'est ce que je pensais. Mais je ne le disais pas. Non. J'étais son amie et une véritable amie ne sortait pas ce genre de discours pré-fabriqué. « C'est un con ! » Et voilà que je ne contrôlais même plus mes paroles. Bon, après tout c'était vrai, ce gars était définitivement le dernier des abrutis.

Je me levais, allait jusqu'à la cuisine et espérais que par le plus grand miracle il restait du punch. Sa boisson actuelle était définitivement dégueulasse et quitte à prendre une cuite, autant ne pas avoir la nausée à chaque verre, à chaque gorgée. J'ouvrais le frigo et y découvrait une bouteille en plastique remplie d'un liquide orange. Ça devait être ça. Des fruits baignaient encore au fond. Sûrement avait-elle dû faire cela pour se rendre à une quelconque fête ou célébrer je ne sais quel événement, ou peut-être l'avait-elle fait pour Noah. J'haussais les épaules et ouvrait un placard plus loin pour y prendre deux verres, avant de me saisir d'un plat ou avaient été placées des cerises - je m'étonnais d'ailleurs de retrouver ça chez elle – et alors que j'allais me saisir d'une boite de chocolat, je me ravisais en l'observant de plus près et me contentait d'un paquet de chips. Ce ne serait pas un festin, ni même le dîner aux bougies qu'elle attendait certainement, mais au moins elle ne serait pas seule à pleurer dans sa robe de soirée.

Je la rejoignais finalement et posait ce qui était loin de ressembler à un banquet sur la table, ou plutôt le bureau. « Les hommes sont des lâches. » Laissais-je alors échapper. Constat amer de mes propres expériences, sûrement des siennes aussi. « Et ils ont la fâcheuse tendance de croire que nous sommes à leur disposition. » Je n'avais pas envie de lui dire qu'il reviendrait sûrement, car certes sûrement le ferait-il, mais Tracey n'était pas le genre de fille que l'on pouvait faire attendre. Non, elle méritait mieux que ça. Mieux que cet imbécile de Noah.

C'est un con. Les paroles de mon amie me firent lever la tête. Je tressaillis légèrement en entendant le terme qu'elle venait d'employer. Je n'avais jamais pensé à lui en ces termes, et pourtant, Dieu sait à quel point je pouvais le haïr en ce moment précis. Je n'eus cependant pas le temps d'épiloguer sur la terminologie employée. Emily venait de disparaître momentanément, me laissant seule quelques instants. Sans pour autant me demander ce qu'elle était en train de trafiquer, j'avais ouvert le tiroir de mon bureau pour en extirper un paquet de cigarettes tout neuf. J'en défis l'emballage sans ménagement, avant d'écarter le papier argenté qui les protégeait. Pour un peu, j'aurais pu avoir l'impression que j'étais en train de défaire le ruban d'un cadeau mais il n'en était rien. Si cadeau c'était, alors c'était probablement un cadeau empoisonné. Alors, j'attrapai une des bougiesque j'avais disposées ça et là dans la chambre pour m'éclairer un tant soit peu car mes yeux sensibles – ou plutôt, les migraines qui me martelaient la tête – ne supportaient plus la lumière. J'allumai ma cigarette avec, avant d'en expirer une longue bouffée. Je tremblais toujours, mais mes pleurs semblaient s'être calmés. Même si ma joie de vivre n'était pas revenue, je n'étais pas mécontente qu'Emily soit là. Après cet énième abandon j'avais vraiment besoin de compagnie, même si je savais au plus profond de moi-même que personne ne sera en mesure de le remplacer, fut-il un crétin. Finalement, Emily revint quelques instants plus tard. À défaut de cupcakes, elle avait ramené une bouteille de ponch et un paquet de chips. De toute façon, je n'avais pas de gâteau au chocolat dans le frigo alors c'était réglé. « C'était pas prévu. » m'empressai-je de rajouter en piochant une cerise dans le panier qu'elle venait d'amener. « Je...je n'avais rien à faire ce soir et...c'est lui qui est venu me voir. » Comme c'était étonnant, dans le fond. Personne n'avait songé à m'envoyer une invitation pour fêter la nouvelle année. Ma vie était d'une tristesse...Au final, ça m'avait fait plaisir que Noah vienne me rendre visite. Cela prouvait qu'il avait pensé à moi. « C'était...une surprise. » Je reniflai légèrement, tandis que mes larmes se tarissaient peu à peu. « J'étais en pyjama quand je lui ai ouvert. Si ça tombe je lui ai fait peur. » J'émis alors un rire sarcastique, sans âme, tout en songeant que ça ne l'avait pas dérangé le moins du monde d'avoir défait ledit pyjama pour caresser ma peau. Un frisson me parcourut l'échine à cette pensée et je me remis à pleurer.

Un rire, sarcastique au possible. Loin d’énoncer quelconque joie. Non, ce rire me faisait frémir et j'avalais difficilement ma salive alors qu'à nouveau, les larmes coulaient le long des joues de Tracey. J'avalais alors une gorgée de punch, comme pour me laisser le temps de réfléchir à ce que j'allais dire, comme pour me prouver que je n'étais pas une amie pourrie. Pourtant, je devais l'être. Je n'étais pas même fichue de lui extirper un sourire, encore moins un rire. Bien loin étaient les serpentins et autres sarbacanes et feux d'artifices qui servaient à fêter la nouvelle année. Bien loin étaient la musique forte, les belles décorations et les déguisements de soirées. Ouai, bien loin étaient toutes ces choses. Ici il n'y avait que deux bougies pour seule lumière et une bouteille remplie d'alcool qui datait sûrement de quelques jours. « Qu'est-ce qu'il lui a prit ? » Répondais-je, interloquée alors que je saisissais une cigarette à l'intérieur du paquet de Tracey. Je ne comprenais pas. Non, je n'arrivais à comprendre pourquoi Noah avait bien pu faire ça. Pourquoi il lui avait fait un tel cadeau empoisonné. Et j'avais bien du mal à croire qu'il était venu simplement pour la sauter, puisque mon instinct m'avait juré que l'attachement à l'égard de Tracey que j'avais perçu dans ses yeux n'était pas qu'imaginaire. Mais peut-être me trompais-je totalement. « Il s'est barré comme ça, sans rien dire ? » C'était peut-être indiscret, mais après tout j'avais besoin de comprendre. Besoin de comprendre pourquoi elle était dans cet état là. Je souriais légèrement, un sourire compatissant et posais une nouvelle fois ma main sur la cuisse de mon amie. « En tout cas crois-moi t'as pas besoin de maquillage ou de porter une robe de soirée pour être belle. Alors oublies cette hypothèse ! » Nouveau sourire, plus franc cette fois. Étais-je réellement en train de faire de l'humour ? Oui. Et mon idiotie me fatiguait terriblement..

J'inspirai profondément. J'avais beau émettre un son qui ressemblait plus ou moins à un rire, il n'empêche que je ne pouvais pas m'arrêter de pleurer. Tout sentiment de joie m'avait quittée. En fait, ce sentiment était parti au moment même où il s'était tiré en claquant cette putain de porte. Je vis Emily se servir dans mon paquet de cigarettes et l'allumer avec la même bougie que j'avais utilisée quelques instants plus tôt. Tiens, c'était nouveau ça, je ne me souvenais pas d'avoir déjà vu Emily fumer mais soit. « Divergence d'opinions. » me contentai-je de répondre en haussant les épaules, laissant échapper un soupir à fendre l'âme. Les paillettes qu'il y avait eu dans mes yeux quelques instants plus tôt semblaient avoir disparu pour de bon. « Le ton est monté, il est parti en claquant la porte. » Au moins, ça avait le mérite d'être clair. Certes, cela ne justifiait pas que je me mette dans un état pareil parce que ça arrivait à tous les couples de se disputer, mais... « Pile au moment où tout est en train de partir en vrille et..j'ai besoin de lui, c'est tout. » J'avais besoin de lui et ce simple constat suffisait à m'effrayer. Je piochai une autre cerise confite dans le pot qu'elle avait ramené, avant de boire une nouvelle gorgée de ponch. Heureusement que les sucreries et l'alcool étaient là, eux. Au moins, ils étaient de véritables amis, ils ne nous trahiraient jamais. Un semblant d'amusement vint marquer mon visage lorsque Emily émit une blague. « Oh, tu sais, mon pyjama tout moche ne semblait pas le gêner outre mesure. Certes, ça ne vaut pas un déguisement de soubrette mais apparemment, il avait l'air de me trouver mieux sans. » devais-je rappeler que lorsqu'on s'était connus, au tout début, je n'avais ni maquillage ni robe de soirée. En tant que fugitive, je n'étais pas spécialement préoccupée par l'idée de me faire une beauté, en fait, ça passait au second plan. C'était précisément pour cette raison que j'avais osé faire le voeu qu'il m'aimait comme j'étais, sans fard ni artifices. Je me mordillai la lèvre inférieure. « Plus ça va et plus je crois qu'il assume pas qu'on ait autant d'années d'écart. Il n'y a pas si longtemps que ça, je n'avais pas encore atteint la majorité et du coup...dans sa tête, je dois être une gamine. » une gamine qui croyait trop au prince charmant, visiblement. S'il me pensait si gamine, pourquoi m'avait-il sautée dans ce cas ? J'essuyai mes yeux rougis avec un mouchoir. Je ne cherchais même plus à comprendre, peut-être qu'il n'y avait rien à comprendre et que c'était mieux ainsi. Désormais, il fallait l'accepter.

Partit en claquant la porte. Visiblement, leur divergence d'opinion devait être plus importante qu'elle ne le laissait penser. Mais je m'en fichais, car je n'avais besoin de connaître les détails de leur dispute. Non, la seule chose qui m'importait, c'était que Tracey retrouve un semblant de joie. Simplement. Et sûrement était-ce présentement difficile pour elle d’espérer rire à nouveau, mais il fallait qu'elle avance. Avec ou sans lui. Avec ou sans la présence de Noah dans sa vie. Sûrement aurais-je pu en cet instant lui dire que non, elle n'avait pas besoin de lui, mais je songeais alors à Sairéann et à cette histoire de serment inviolable qu'ils partageaient. Avait-elle fait quelque chose de ce genre avec son amant ? Peut-être. Une vague image envoyée par mon inconscient me sautait alors aux yeux. Leurs deux mains entrelacées par un ruban, leur tête surmontées d'un chapeau pointu et leurs lèvres qui remuait comme pour réciter un serment, célébrer un événement. Pourtant, j'avalais une autre gorgée de ponch pour effacer cette vision de ma mémoire. Sûrement devenais-je totalement folle avec ces histoires. Sûrement devais-je voir le mal partout, ou du moins m'imaginer trop de choses.

Ma main piocha une cerise dans le pot que je venais de ramener alors que j'écoutais Tracey m'énumérer ses hypothèses. « T'as peut-être que dix-neuf ans, mais tu fais beaucoup plus âgée ! Sans vouloir te vexer bien-sûr. » Un léger sourire étira mes lèvres, alors que j'attrapais le paquet de chips pour finalement le reposer quelques secondes plus tard sans même l'avoir ouvert. « Nan, ça doit être quelque chose de plus profond. » Oui, avec toutes les histoires que j'entendais en ce moment tel que ne serait-ce que la mort d'Harry Potter l'année passée qui avait engendrée la victoire de Lord Voldemort et donc sa montée au pouvoir, ou même ces histoires de loi bloodstream ou que savais-je, loi dont je ne connaissais pas même les détails, dont je savais juste qu'elle était néfaste pour les gens comme mon frère. Même pour Tracey. Oui avec tout cela, j'avais bien du mal à croire que le fait que Noah soit tendu en ce moment relevait juste d'une simple embrouille de couple. « Il veut sûrement te protéger, d'une manière ou d'une autre. Parfois les gens font des choses idiotes quand ils aiment tu sais.. » Ouai, comme se barrer du jour au lendemain sans donner de nouvelles. Quoi qu'il était légèrement idiot de prendre Slevin en exemple, car c'était certes le membre de ma famille qui était le plus emplie de surprises, mais aussi sûrement celui qui m'aimait le moins..

Un pétard explosa dans la rue. À force je ne sursautais même plus. À dire vrai, j'avais des préoccupations plus importantes qu'un peu de tapage nocturne. De toute manière, avec Noah, on avait très certainement été bruyants à nous engueuler de cette façon. Enfin. Si ça se trouve, les voisins étaient trop préoccupés par leur petite fête pour se soucier de quoi que ce soit d'autre. Chez nous l'ambiance n'était clairement pas orientée vers les cotillons et autres serpentins mais bon, qu'est-ce qu'ils y pouvaient dans le fond ? Pour un peu, je leur aurais fait bouffer leurs chapeaux pointus en carton. Mon chagrin me rendait égoïste et haineuse. Je ne pouvais pas supporter que pendant ce temps là, d'autres se prélassaient dans la joie et les rires de leurs amis. J'esquissai une moue boudeuse lorsqu'elle me dit que je faisais beaucoup plus vieille que mon âge. Je ricanai bêtement. « Vas-y dis tout de suite que quand j'aurais quarante balais je serais moche et toute ridée...et avec de la cellulite. » j'avais regardé le paquet de chips d'un air moqueur, avant de m'en emparer et de l'ouvrir. Du bon vieux gras, voilà ce dont j'avais besoin. « Là, il aura vraiment de quoi partir en courant. » Pensive, je tortillai une mèche de cheveux entre mes doigts. Si c'était comme ça maintenant, qu'est-ce que ça serait si je venais à prendre de l'âge ? Enfin, peut-être qu'il aimait ça, les cougar, il suffisait de voir comment il parlait de la Fleming, franchement, on aurait presque dit qu'il la vénérait. Ça me vexait profondément qu'il puisse la croire elle plutôt que moi, je pensais pourtant qu'il me faisait confiance. Je haussai un sourcil lorsqu'elle émit l'hypothèse que ça devait être quelque chose de plus profond. J'émis couinement étranglé lorsque je pensai à notre partie de jambes en l'air et effectivement, c'était très profond. Je me mordillai la lèvre inférieure, puis l'ongle de mon petit doigt. Je ne comprenais vraiment pas. C'était pourtant génial ce qu'il y avait entre nous. Je ne me souvenais pas d'avoir vécu une telle alchimie avec quelqu'un d'autre. J'avais l'impression que nos deux corps se correspondaient parfaitement. « Me protéger de quoi ? » lançai-je avec une certaine ironie. « Sa cougar ? Il se trouve que je travaille pour elle alors c'est un peu tard pour y penser. Enfin maintenant que tu me le dis, il avait l'air...bizarre. Pas comme d'habitude quoi. » Il avait certainement dû se passer un truc pour qu'il réagisse de cette façon. Quelque chose dont je n'étais pas au courant. Un événement dont je venais essuyer les conséquences. « Je connais bien Noah. Je sais comment il pense, ses opinions par rapport à tout ce qui se passe. Pendant la guerre, il se battait de notre côté, il y croyait même plus que moi c'est dire. Et là...étrangement, il semblait d'accord avec tout ce qui se passait. Je suis sûre que cette bonne femme qui lui a farci ces idées dans le crâne. Il n'est pas du genre à retourner sa veste du jour au lendemain. » Quelques mois plus tôt, il pensait clairement que le bannissement des nés moldus était une aberration et aujourd'hui, il semblait d'accord avec les Lois Bloodstream dans leur fondement même. Je ne comprenais plus rien.

Contrairement à Tracey, je venais de sursauter à l'entende d'un pétard qui venait d’exploser dans la rue, manquant presque de renverser mon verre d'alcool. La scène aurait pu être comique, mais l'absence de rire justifiait le contraire. Tracey n'était définitivement pas d'humeur à la blague et je la comprenais. Oui, je la comprenais réellement. Comment être heureuse, alors que l'un des êtres à qui l'on tenait le plus sur cette maudite Terre s'en était allé ? Comment être heureuse, alors qu'en ce jour de fête on se retrouvait là, à manger des cerises et boire une boisson qui sûrement datait de plusieurs jours et nous mettrait dans un état déplorable demain. Bien loin étaient les cotillons et le champagne. Oui, bien loin était toutes ces choses qui avaient pour but de célébrer l'événement que devait être cette nouvelle année. « Ou peut-être qu'elle le force à penser ça. » Ce qui était bien avec le fait de fréquenter des sorciers, c'était que l'on pouvait dire n'importe quoi sans passer pour une idiote. Oui, tout semblait possible dans leur monde. « Genre, elle lui a lancé un sortilège, ou je n'sais quoi. C'est possible, non ? » Bien-sûr que c'était possible. Après tout, ils pouvaient bien tuer rien qu'en prononçant une seule phrase, alors il était à mon sens évident que trifouiller l'esprit de quelqu'un devait être aussi facile qu'un claquement de doigt.

Le verre d'alcool que tenait Emily tangua dangereusement. La boisson menaça même d'aller par dessus-bord mais heureusement, elle n'en renversa pas une goutte. Tant mieux. Je n'avais pas la foi de faire un quelconque ménage si cela devait arriver. Ça restera comme ça. Déjà que c'était loin d'être la joie, je n'avais aucune espèce de motivation à faire quoi que ce soit. Je prévoyais déjà de m'enliser dans la paresse et cette envie n'avait rien d'une blague, il n'y avait donc aucune raison de rire face à mon état plus que pathétique. Les cerises confites me paraissaient à présent tout à fait écoeurantes. La simple vue de leur glaçage me révulsait. En fait, je n'avais plus du tout envie de manger de sucreries. J'allais finir moche et grosse et il aurait d'autant plus de raisons de ne plus vouloir de moi. Je décrétai alors qu'il était temps d'arrêter de m'empiffrer, tout du moins, jusqu'à la prochaine fois. Ce qu'Emily venait de me suggérer me laissait songeuse, en fait, cette hypothèse n'était pas bête du tout. Et cette simple idée ne me faisait pas danser de joie, loin s'en faut. « Attends, tu crois qu'elle lui aurait jeté un imperium ? » m'exclamai-je soudain, avant de réaliser qu'elle ne savait peut-être pas ce que c'était. « ça fait partie des trois sortilèges impardonnables. Il permet à celui qui le lance de prendre le contrôle des faits et gestes de sa cible. Mais...ça ne colle pas. Parce que tu vois, il avait l'air de savoir ce qu'il faisait. Pas une seconde j'ai eu l'impression qu'il était...possédé. Certes, il était plus entreprenant que d'ordinaire, mais ça ne veut rien dire. Pour moi ça n'était pas un impérium. Il était tout simplement bourré et il a décuvé rapidement lorsqu'il a réalisé qu'il était dans mon lit, voilà tout. » je laissai échapper un ricanement un poil cynique. L'alcool avait bon dos, c'était indéniable. « Et en admettant qu'il s'agisse bien d'un impérium, je ne vois pas quel intérêt elle aurait eu à lui lancer ça. C'est vrai quoi, la première chose qu'il a faite c'est de venir chez moi, d'essayer de me séduire et...enfin, voilà quoi. Tu parles. Elle doit s'en foutre comme de l'an quarante des amourettes entre ses larbins. La seule façon dont elle pourrait utiliser notre lien, c'est comme moyen de pression, et encore. Il faudrait qu'elle soit au courant pour ça. » Et si au final, elle savait que la loi Bloodstream ne nous avait pas empêché de nous revoir, bien au contraire ? Rien n'avait réussi à vraiment nous séparer, pas même la victoire de Lord Voldemort et les horreurs qui ont eu lieu depuis. Alors, pourquoi maintenant ? Ça n'avait aucun sens.

Un imperium. Je ne savais ce que cela était et pourtant, je n'haussais pas même un sourcil. De toute manière à quoi bon ? Il fallait avouer que souvent, je ne comprenais pas même la moitié des phrases de Tracey, alors je n'étais plus à un mot près. D'autant plus qu'elle s'empressait de me l'expliquer. Miracle. Finalement, peut-être que l'absence de joie en elle avait le don de l'adoucir. Ou peut-être était-ce simplement la boisson, ou plutôt l'alcool qui coulait à flot. « Ça, ou autre chose. » Laissais-je alors simplement échapper. J'attrapais une cerise dans le bol toujours à moitié rempli et songeait à ce qu'il avait bien pu arriver à Noah. Ou plutôt, faisais semblant de songer, puisque comment pouvais-je seulement trouver une réponse ? Je ne le connaissais pas assez pour cela. Ne connaissais pas même suffisamment la relation qui les liaient, lui et Tracey. Bien-sûr, nombreuses avaient l'air d'être les surprises entre eux, qu'elles soient bonnes ou mauvaises, mais de là à faire un coup pareil. Non, quelque chose clochait. Leur idylle n'était certes pas faite que de paillettes, mais j'étais convaincu qu'au fond, elle était sérieuse. Le genre de relation ou les protagonistes souhaitaient prendre de l'âge l'un aux côtés de l'autre. Quand bien même dans le cas présent, aucun des deux ne l'admettait. Et ce même si cela se voyait comme le nez au milieu de la figure. Alors non je ne pouvais pas y croire. Je ne pouvais pas croire que tout s'arrête ainsi entre eux. Et définitivement pas qu'il est été un tel goujat avec elle, sans raisons. « Et puis tu sembles si certaine que cette femme soit la cause de tes problèmes alors qu'au final, comme tu dis elle s'en fiche sûrement comme de l'an quarante. » En effet, elle butait ce ce nom, sur cette femme que je ne connaissais pas, mais j'avais appris à passer outre les fixettes de Tracey. Puisqu'au fond, son nom n'était que synonyme de têtue. « Avec tout ce qu'il se passe dans nos mondes, peut-être que ça vient de plus haut. Après tout avec le travail qu'il fait, j'imagine qu'il y en a plus d'un qui serait heureux d'avoir sa tête. » Bon, ce n'était peut-être pas la meilleure chose à dire, mais c'était malheureusement la seule qui me venait pour le moment. « Ou bien, il était simplement au mauvais endroit, au mauvais moment. »

Cette discussion, en soi, n'avait rien d'un amusement, même si elle se déroulait en compagnie d'une amie. Je n'étais pas là pour rire – en fait, c'était même plutôt le contraire vu les traces de larmes qu'il y avait encore sur mes joues – mais pour comprendre pourquoi, comment en étions nous arrivés là. Quelques heures plus tôt j'aurais sans doute fait péter le champagne puisque cette visite surprise de Noah était incontestablement un événement qui marquait le début de quelque chose d'important mais que nenni, je m'étais fourvoyée sur toute la ligne. À l'heure actuelle, je me demandais si je pleurais réellement pour lui ou pour mon orgueil qui avait été blessé d'avoir tant osé y croire. Je détestais me tromper, c'était un fait. Je détestais encore plus me tromper sur les personnes que j'aimais. À présent, il n'était plus question d'envisager notre premier anniversaire ensemble, ni un avenir en tant que famille. Cela me coûtait de me l'avouer, mais oui, j'avais songé à toutes ces choses qui me faisaient envie. Tous ces rêves, tous ces espoirs venaient de voler en éclats. Je n'aurais pas dû faire ce voeu absurde. Quelle blague. il me fallait comprendre. Peut-être que de cette façon, la douleur serait moins insupportable. Je redressai légèrement la tête lorsque Emily reprit la parole. Certes, la Fleming n'était pas la cause de tous nos problèmes mais elle y était en grande partie pour quelque chose. « C'est à son propos qu'on a commencé à s'engueuler. » grognai-je en guise de réponse, en toute mauvaise foi. « Tu l'aurais vu, c'est sa bienfaitrice, il ne faut surtout pas la critiquer, émettre l'hypothèse qu'elle puisse être néfaste. Ça crève les yeux, il est en adoration devant elle, si bien que ma parole n'a aucune valeur à côté de celle de cette bonne femme. Entre elle et moi, il a fait son choix. » L'amertume transparaissait à travers mes paroles. Je ne voulais toujours pas y croire. Il devait certainement l'aimer plus que moi puisqu'il a préféré lui faire confiance à elle. Cela étant, j'étais celle qu'il avait baisée quelques instants plus tôt. C'était moi qu'il était venu voir, moi. « En attendant, c'est ma pomme qui est coincée avec elle. Je n'ai pas eu d'autre choix que de collaborer avec elle sinon elle allait s'en prendre à lui. » La menace était bien réelle et elle me faisait froid dans le dos. « Elle a promis qu'il pourrait regagner le monde magique et qu'il serait en sécurité, mais à cause de cette connerie de loi Bloodstream, je sais bien que c'est impossible. Il a été banni du monde magique en raison de son sang, aucun retour en arrière n'est possible. Il ne peut même pas prétendre recevoir la Marque parce qu'il n'en est pas assez digne. » Je poussai un long soupir désespéré. J'avais les boules. Vraiment. Je me mordillai la lèvre inférieure avant de piocher dans les chips. Tant pis pour ma résolution de ne plus bouffer de cochonneries. Après tout, il ne s'agissait pas de sucreries. « J'ai vraiment le chic pour m'attacher aux gens qu'il faut pas. » Le constat était amer. Je pourrais vivre une jolie petite histoire, toute simple, sans complications, oui mais voilà, tout laissait croire que j'étais irrémédiablement attirée par l'inaccessible et que je me condamnais moi-même à souffrir alors que tout pourrait être tellement plus simple.

Mon amie était-elle jalouse ? En tout cas, l'intonation de sa voix le laissait penser. « Ça va, c'est pas la Reine Elisabeth non plus ! » Je buvais une nouvelle gorgée, ou plutôt terminais le semblant de boisson qu'il restait au fin fond de mon verre, comme pour justifier le fait qu'à nouveau je m'emparais de la bouteille d'alcool pour me resservir. Après tout, c'était jour de fête, il fallait bien célébrer cela, non ? Alors nous pouvions bien prendre une cuite sans que cela ne nous pèse sur la conscience. Et puis ce n'était pas comme si nous étions en train de danser comme deux ivrognes sur une table. Non, notre petite soirée ne ressemblait en rien à une kermesse, elle n'était nul autre qu'un petit apéritif entre copines. Et comme je l'avais toujours dit, nul besoin de feux d'artifices, sarbacanes et autres serpentins pour passer du bon temps. Bon, nous n'étions définitivement pas là pour fêter la nouvelle année, mais quand même. « J'me demande quand même comment vous avez fait pour en arriver là. J'ai du mal à croire que votre monde est sombré dans le chaos juste à cause de la victoire de ce voldemort, qui d'ailleurs laisse moi te dires a réellement un nom à coucher dehors, contre un gamin de dix-sept ans. Enfin je sais pas, c'était couru d'avance votre histoire, vous auriez quand même pu songer à une autre alternative au cas où ce gamin viendrait à mourir. » J'avais toujours trouvé cela réellement étonnant, que tout un monde puisse se reposer sur un garçon à peine majeur. Non, en fait je ne trouvais pas cela étonnant, mais plutôt totalement stupide. Ah ils étaient fort ces gens avec leur chapeau pointu posé sur le crâne et leurs banderoles qui clamaient leur supériorité. Ouai, pour organiser des banquet et se pavaner en costumes tous plus étranges les uns que les autres, là il y avait du monde, mais lorsqu'il fallait défendre son pays, on laissait reposer tout cela sur les épaules d'un garçon qui sûrement ne valait pas mieux que les autres. Ces gens n'étaient définitivement pas serein et quand bien même avais-je été légèrement jalouse lorsque mon frère avait été admis à Poudlard, avec du recul je suis bien ravie de ne jamais avoir reçu d'invitation. Et puis toutes ces lois qu'ils mettaient en place, cette fameuse loi bloodstream en premier lieu, c'était du grand n'importe quoi. Pour des gens qui se pensaient avancé sur les moldus et bien il fallait avouer que nous les devancions de plusieurs siècles niveau racisme et fascisme. « Enfin, nous ne sommes pas là pour parler de ça. Bon, je t'aurais bien dis de l’appeler pour être fixée, mais vous êtes plutôt branché XV ème siècle niveau communication vous. » Je laissais échapper un léger rire, que je ne tardais pas à taire. Consciente que ce n'était toujours pas le même de faire de l'humour...

Je continuais à pester intérieurement contre la loi Bloodstream et ces histoires de bannissement des nés moldus. Voilà qui allait détruire des familles entières, qui allait séparer de nombreux amis. Parfois, je me demandais ce qu'il serait advenu de mes parents s'ils étaient encore en vie. Dans un sens, je me disais qu'il aurait mieux valu pour eux de ne jamais assister à la victoire de Lord Voldemort. Ils étaient partis au bon moment. Ils n'avaient pas eu à subir le cours des événements. Pourtant, à l'approche de l'anniversaire de leur mort, je ne pouvais m'empêcher de me poser la question. Ces interrogations suscitaient en moi un feu d'artifice d'émotions contradictoires. Parmi tout cela, il n'y avait nulle trace de joie ou d'amusement. Juste une profonde tristesse qui n'avait pas lieu d'être un jour de fête. Dire que l'année dernière j'avais célébré la nouvelle année en leur compagnie. J'aurais tellement voulu que maman soit là. Elle aurait su quoi faire. Je ne serais pas là en train de prendre une cuite pour noyer mon chagrin. Bien des fois j'avais fait le voeu que tout ceci n'était qu'une mauvaise blague, un cauchemar, que j'allais bientôt me réveiller mais ce n'était pas le cas, la douleur était toujours aussi vive, aussi brutale. Je me noyais, lentement, mais sûrement. Même l'alcool ne m'aidait pas à oublier. Traître. « Parles-en aux principaux concernés. » dis-je finalement en haussant les épaules. Dans le fond, je n'y pouvais rien moi non plus. Toute cette histoire me faisait rire doucement. Ils s'étaient mis martel en tête à cause d'une simple prophétie à la con. Une simple prophétie à la con qui avait fait basculer le monde. Je laissai échapper un ricanement cynique, comme si tout cela me faisait marrer. Et si la mienne de prophétie avait été recueillie, cela aurait-il changé quoi que ce soit ? Conneries. Quelle bande d'abrutis, dans le fond. Ils avaient mis l'avenir entre les mains d'une voyante un peu cinglée qui finalement s'était trompée. Alors, j'éclatai franchement de rire, un rire sans joie. « Excuse-moi, mais c'est vraiment trop drôle. J'te jure. Tu sais qu'il y a eu une prophétie sur la défaite du binoclard ? Une prophétie bordel. C'est...n'importe quoi. » Je ne jugeai pas nécessaire de préciser que j'avais possiblement un don de voyance. Ridicule. Tout ça était ridicule. Je claquai mon verre de ponch sur le bureau sans aucune douceur. « Tu parles. » marmonnai-je, soudainement calmée. « Noah est bien la dernière personne que j'ai envie de voir en ce moment précis. Je le déteste. » Je l'aimais. Je le détestais. Mes sentiments pour lui étaient confus, mais ils existaient bel et bien. « Je lui enverrai peut-être une carte pour lui faire savoir ma façon de penser ». et ce, bien entendu, à défaut de pouvoir le frapper comme une pinata.

Un rire s'échappa d'entre les lèvres de mon amie. Un rire sans joie, mais visiblement communicatif puisque je ne pu m'empêcher de montrer mon amusement. Après tout si même elle dénigrait le monde sorcier, c'est qu'il n'était pas si parfait que la plupart des sorciers le laissait entendre. De toute manière, comment le croire heureux lorsque des événements aussi tristes et fous se déroulaient. Lorsque certains faisaient la fête et dressaient des banquet pendant que d'autre étaient tout bonnement tué. « Une prophétie, sérieusement ? » Lançais-je alors, haussant un sourcil. Je ne savais si cela me choquait ou pas. Après tout, y avait-il seulement encore quelque chose qui puisse me choquer à présent ? Non, je ne le pensais pas. Niveau surprise, j'étais définitivement blindée. Et bien-sûr, aucune surprise à base de paillettes, ou très peu. Non, ce monde n'apportait que malheur et tristesse et la situation était indéniablement de pire en pire. « Une carte? A ta place il se serait plutôt prit une bonne gifle ! » Ouai, voir même une bonne droite. J'attrapais alors une nouvelle fois mon verre et vidais ce qu'il restait du ponch d'une traite. J'hésitais à la remplir à nouveau d'alcool, mais je me ravisais finalement et me contentais de le reposer gentiment sur la table, consciente que je n'allais pas tarder à tenir une bonne cuite si je continuais ainsi. Et je croisais alors le regard de Tracey, puis me demandait rapidement ce que je devais dire, ce que je pouvais dire. « Donc c'est... terminé ? »

Selon toute vraisemblance je n'avais pas tellement envie de palabrer sur cette fichue prophétie plus longtemps. J'aurais voulu oublier cet épisode dans un coin de ma tête mais c'était impossible. Ces événements étaient gravés dans ma mémoire et ne s'en iraient pas de sitôt. Je ne me sentais pas d'expliquer à Emily que j'avais prédit ce qui était arrivé le jour J. Je ne voulais pas lui expliquer que j'avais vu la chute du binoclard et Voldemort triompher car cela reviendrait à admettre que tout ceci était bel et bien réel. De toute façon, me croirait-elle, rien n'était moins sûr. Elle avait déjà du mal à admettre qu'un monde comme le mien puisse exister, si je lui sortais que certains sorciers pouvaient avoir des visions, elle me rirait sûrement au nez, pensant que j'étais en train de lui raconter une bonne blague. Bon sang. Si je tenais l'idiot qui avait prédit la victoire d'Harry Potter des années plus tôt, je lui aurais fait bouffer son chapeau pointu. J'émis un léger rictus lorsque Emily parla de lui mettre une gifle. Je n'étais pas surprise qu'elle fasse une telle proposition, je pouvais d'ores et déjà avouer que j'avais déjà songé à cette éventualité. Ça lui ferait les pieds, à n'en pas douter. Encore que. Je pensais encore à la gifle que je lui avais donnée ce soir où on s'était vraiment embrassés. Pour de vrai. J'émis un rictus légèrement sardonique. « Ce n'est pas la première fois que ça arriverait. » Ce jour là, toute ma colère était remontée. Je ne voulais rien savoir sur les lois Bloodstream et compagnie, pour moi ce n'était pas une excuse. Je lui en voulais de m'avoir abandonnée lors du soulèvement de Poudlard et même avant. Ah ça non, il avait pas disparu en me jetant des paillettes au visage, comme dans les sketches un peu kitsch qu'on pouvait voir à la télé de temps en temps, non, il avait simplement disparu sans laisser de traces, me laissant sans nouvelles pendant des mois. Et il s'était étonné de mon accueil si froid, de l'absence totale d'amusement sur mon visage lorsque je l'avais vu franchir la porte de notre bar ? Si je m'étais autant montrée offusquée par son abandon soudain, c'était bien parce que je tenais à lui et pour aucune autre raison. Paraît-il qu'on était plus facilement blessés par les personnes que l'on aimait de tout son cœur. Mon visage s'assombrit lorsque Emily me demanda si c'était vraiment fini. Je pouvais toujours faire le voeu qu'il revienne jusqu'ici pour s'excuser, me demander pardon, mais apparemment ce n'était pas à l'ordre du jour alors je n'avais pas d'autre choix que de m'en passer. « J'aimerais me dire que non, ce n'est pas terminé. » commençai-je piteusement. « Mais il semblerait que cette fois, c'est vraiment fini. Je...peut-être qu'au final c'était juste une dispute et qu'il resurgira quand il sera revenu à des meilleurs sentiments, ou peut-être qu'au final il s'est rendu compte que je ne suis pas assez bien pour lui, je n'en sais rien, tu vois. » Je tortillai une mèche de cheveux autour de mon index, nerveuse. « Je ne veux pas croire que...enfin, voilà quoi. Parce que je sais que ce n'est pas le cas. » Je le savais, au plus profond de moi. Peut-être que j'étais simplement dans le déni, mais quoiqu'il en soit, je n'étais pas prête à tirer un trait sur cette histoire. Pas encore. « J'ai vraiment pas compris. » soupirai-je finalement, désemparée. « Je comprends d'autant moins que...il m'a redit qu'il m'aimait, tu vois ? Et j'ai des bonnes raisons de croire que ce n'est pas un mensonge. » Emily n'était pas au courant pour l'épisode du veritaserum et tout ce qui s'en suivait. Cette fois-là, j'avais merdé, carrément merdé même, mais quand même. Moi qui pensais qu'il m'avait plus ou moins pardonnée.

Tracey se confiait à moi et une brave amie l'aurait sûrement prise dans ses bras à ce moment-là et l'aurait conforté dans ses dires. Pourtant, elle m’énervait. J'avais presque envie de la secouer comme une pinata, ou peut-être même lui lancer ma boisson au visage pour la réveiller. Et je la regardais, la fixait. Où était ma Tracey ? La Tracey sûre d'elle, presque sans surprise, toujours droite. « Je t'en ficherais des meilleurs sentiments. » Disais-je à demi-mot, mais tout du moins assez fort pour qu'elle puisse m'entendre. Je devais réellement être une amie misérable et pourtant, je m'en fichais. « Franchement, moi c'est toi que je ne comprends pas. » Et là je ne pouvais plus détourner mon regard de la bouteille d'alcool, alors je me resservais un verre, comme pour me donner du courage, ou peut-être pour faire redescendre la pression. « Non parce que voilà deux fois déjà que tu me sors le couplet du je ne suis pas assez bien pour lui, alors qu'excuse moi, mais c'est tout de même lui qui s'est tiré comme un lâche ! » Je n'avais réellement pas envie de rire pour le coup, je souhaitais réellement lui ouvrir les yeux et à l'instant présent, je me fichais bien de la misère dans le monde, je me fichais bien de cette loi bloodstream et du bannissement des nés-moldus qui nuisait à Noah et je me révulsais même qu'elle continue à s'inquiéter pour lui alors qu'il y a plusieurs dizaines de minutes, elle était en larme à cause de la méchanceté dont il avait usé à son encontre. « Je sais que ce n'est jamais facile d'encaisser une rupture, mais de là à s'auto-flageller, il y a des limites. Surtout que tu viens toi-même de me dire qu'il t'aimait, alors arrête de croire que tu es le diable en personne, s'il-te-plaît. » Et j'avalais à nouveau une gorgée, tel une droguée en manque. « Surtout que je suis certaine que ça n'a rien à voir avec toi. Je sais pas, je ne le connais pas assez pour pouvoir le juger, mais il y a quelque chose en lui qui inspire confiance. »

Pour être une surprise, c'en était une et ce n'était certainement pas un cadeau. Emily m'avait connue beaucoup plus fringante et en aucun cas dans un état aussi déplorable que celui-ci. Je m'étais laissée submerger par ma peine et il fallait dire que l'alcool n'arrangeait rien. En fait, j'avais tellement sifflé de boisson que je ne savais plus très bien ce que je disais. Tout était confus dans ma tête. Mon propos devenait incohérent, et c'est ce qu'Emily s'empressa de faire remarquer. Je sursautai lorsqu'elle haussa le ton. Ma main trembla un peu, agrippant mon verre de ponch comme une forcenée. Bien sûr qu'il s'était tiré comme un lâche, comme elle le disait si bien, bien sûr que je n'étais pas à blâmer, mais il n'empêche qu'au fond de moi, j'avais toujours ce doute, en plus d'avoir une très nette propension à vouloir tout savoir, tout expliquer. Je détestais ne pas détenir la réponse à une question, je haïssais rester dans le flou. Il me fallait mettre un mot sur chaque chose, tout expliquer de A à Z. Je pourrais même dire que l'inconnu me faisait peur, et rien qu'un peu. Se faire larguer, ce n'était pas du gâteau, ça l'était encore moins de s'expliquer lorsqu'on était complètement pétée. Voilà ce qui clochait. J'étais bourrée et pas qu'un peu. Et comme je ne tenais pas bien l'alcool, je me transformais en fontaine. J'étais dans un état déplorable et le lendemain s'annonçait particulièrement épouvantable. J'allais me réveiller avec un mal de tête carabiné et le cœur au bord des lèvres, comme si j'avais mangé trop de sucreries. ça n'allait vraiment pas être la joie. Peut-être que ce soir ça me faisait rire de me faire tourner la tête de cette façon mais demain, j'allais plutôt avoir envie de pleurer. En ce moment précis, je faisais le voeu qu'il revienne de façon inopinée et qu'il me surprenne dans cet état. Je voulais qu'il se sente coupable, qu'il regrette, qu'il retire ce qu'il avait dit. « Quand on aime quelqu'un, on ne le fait pas souffrir. » grognai-je avec humeur. « Peu importe de toute façon la cause de tout ce bordel parce que quoiqu'il arrive, je ne lui pardonnerai pas, voilà. » Et toc. Peut-être que la nuit finirait par porter conseil, mais dans tous les cas, je n'étais pas disposée à faire preuve de miséricorde. Il pouvait brûler autant de bougies que nécessaire et prier autant de fois qu'il voudra, je ne fléchirai pas. Je ne voulais pas me faire couillonner une nouvelle fois. « Ses excuses il peut se les foutre la où je pense. Il aura beau revenir ramper à mes pieds, chanter la sérénade sous ma fenêtre ou que sais-je, c'est trop tard, il n'avait qu'à pas faire le con. » je reniflai légèrement, les joues échauffées à la fois par l'alcool et la colère qui me consumait tout doucement. « Peut-être que je l'aime, mais tant pis pour moi. Un de perdu, dix de retrouvés, c'est pas ça qu'on dit ? » Pour être franche, je n'étais pas prête à passer à autre chose, même s'il le fallait. Dans l'immédiat, je n'étais pas sûre de pouvoir m'intéresser à quelqu'un d'autre. Ça aussi, c'était fini. « tfaçons ils sont tous les mêmes. » grognai-je d'un ton blasé. « ah ça ils savent faire des grandes promesses, je ne partirai plus jamais, blablabla, c'est toi que j'aime, si je suis revenu c'est parce que je tiens trop à toi, je n'ai jamais cessé de penser à toi tout ce temps, patati, patata. Ça aurait été beaucoup plus simple qu'il en vienne droit au fait. Salut Tracey, j'ai envie de te sauter, on va dans ta chambre ? au moins j'aurai su à quoi m'en tenir. » Je m'étais abaissée à une imitation bête et méchante, mue par le besoin d'exprimer ma colère et ma déception. « File moi la vodka. » ordonnai-je en tendant la main. « Je ne peux plus voir ce putain de ponch en peinture. » En fait, ce machin avait un goût particulièrement dégueulasse, quand j'y réfléchissais bien. Bon d'accord ce n'était pas l'idée du siècle de me finir à la vodka, mais au moins, je ne serais pas obligée de continuer à boire de la pisse de chat.

Enfin, elle reprenait du poil de la bête ! Je savais que remonter le moral de Tracey n'allait pas être un amusement, mais je ne pensais pas non plus qu'elle changerait d'opinion si vite, même si bien-sûr je l’espérais et que cela me mettais en joie pour la simple et bonne raison que je n'aurais plus à jouer les mégères de service. Et lorsqu'elle récita le diction un de perdu, dix de retrouvé, ce fut la cerise sur le gâteau. Finalement, la véritable Tracey était revenue, ou du moins avait retrouvé ses esprits. « Ça c'est un discours que je veux entendre ! » Lançais-je alors, agrémentant ma phrase par un rire. Puis telle une véritable amie dévouée cette fois, j'allais finalement chercher la vodka. J'étais même ravie de le faire, car le goût de cet ignoble ponch commençait à me peser sur l'estomac. Alors je me levais pour me rendre une nouvelle fois à la cuisine, mais alors que j'écartais une feuille de papier cadeau afin de saisir la bouteille, je sentis une vive douleur dans mon doigt. « Putain, saloperie ! » Une goutte de sang dégoulinait, m'indiquant que je venais de me couper avec ce satané papier cadeau qui sûrement en plus avait atterri là à cause de Noah. Je passais alors rapidement ma blessure sous l'eau, mais ne m’attardai pas et me saisissait de l'objet tant convoiter pour retourner aux côtés de Tracey.

A peine arrivée, je remplissais nos deux verres de cet alcool transparent, avant de finalement lui tendre le sien. « A la tienne ! Et à tous les connards de ce monde. » Sacrer discours que je faisais là, sûrement un discours dicté par les centilitres de boisson qui coulaient déjà dans mes veines. Je n'avais mis que peu de liquide dans les verres, ainsi nous nous les enfilions tel des shooters. Et je le savourais. Après tout, j'avais payer de mon sang pour cet apéritif, ou plutôt pour continuer ma cuite, alors nul doute que je n'allais pas me faire prier pour me délecter de cette vodka qui pourtant me brûlait la gorge.

Bon, peut-être que me noyer dans l'alcool n'était pas l'idée du siècle, mais c'était tout de même mieux que de rester là à me morfondre. Voilà pourquoi j'avais réclamé cette boisson d'une voix rauque. Pour ce soir, se prendre une cuite me paraissait être la meilleure solution. Mon amie se leva finalement pour aller chercher la vodka tant convoitée. Finalement, on l'avait arrosée la nouvelle année, et même si cela n'avait rien à voir avec la fête qu'il y avait à côté, c'était tout de même mieux que rien. Désormais, il ne fallait plus penser que j'aurais pu passer la soirée dans les bras de Noah, il fallait oublier. Exit le ponch, bonjour les alcools forts. Il nous fallait enfin un apéritif digne de ce nom. Tant pis pour le banquet, de toute manière, les chips et les cerises confites avaient été un festin simple mais efficace. Je pris le verre que me tendait Emily. On trinqua. « à la tienne ! » renchéris-je avant de le boire cul sec. Puis, je le retournai, pour bien montrer qu'il n'en restait plus rien. « La dernière goutte, un bébé dans l'année ! » ricanai-je non sans cynisme . Avec tout ce que j'avais bu depuis tout à l'heure, j'allais au moins avoir des sextuplés. De quoi faire une équipe de Quidditch. N'importe quoi. « Quelle connerie n'empêche, ces proverbes. Dire que y'en a qui y croient. » Ce n'était absolument pas mon cas, autant le dire tout de suite. De toute façon, je n'avais pas l'intention d'être mère, pas tout de suite en tout cas, puis de toute façon, je n'allais pas faire un bébé toute seule. « Puis bon, faut le père qui va avec hein. » Enfin, c'est pas comme si l'homme que j'aimais venait de me jeter comme une vieille chaussette, cela va sans dire.. Sans doute Emily avait-elle eu aussi son lot de connards comme elle disait si bien. « Hey, t'es chiche de te pointer chez le voisin ? » demandai-je à la moldue, les yeux brillants. « il fait une petite fête et j'ai bien envie de m'incruster, bouger mon corps, tout ça. C'est une honte qu'il ne nous ait pas envoyé d'invitation, d'ailleurs. » Je parlais avec un peu trop d'enthousiasme, tellement que ça pouvait effrayer n'importe qui me connaissant un tant soit peu. Je ne fis rien de tout cela. Je venais de m'effondrer comme une masse, complètement avachie sur le bureau, plus d'image, plus de son. L'alcool avait eu raison de mon envie d'aller danser.