La vie de Lyra ne sera plus jamais la même. En effet, aujourd’hui, la petite fille de onze ans vient de recevoir une lettre, portée par un hibou, lui annonçant non seulement qu’elle est une sorcière, mais qu’elle est inscrite dans une école de magie où elle devra se rendre le premier Septembre de cette année. C’est beaucoup à digérer pour une enfant de onze ans, mais beaucoup plus pour ses parents qui découvrent en même temps qu’elle l’existence du monde de la magie. Pourtant, Lyra s’y fait bien mieux qu’eux. Peut-être est-ce parce qu’elle est curieuse et que l’idée de découvrir un nouveau monde lui plait beaucoup. Ou alors est-ce ses parents, qui découvrent que leur fille se voit dévoiler une partie d’elle-même dont ils ne soupçonnaient l’existence. Quelque chose à quoi ils n’auraient jamais osé penser, et surtout rien à quoi ils ne peuvent s’attendre. En effet, comment savoir ce qui pourrait advenir de leur fille ? Dans toutes les histoires pour enfants, ou même dans l’histoire du monde, les sorciers dont on entend parler ne sont-ils pas des gens mauvais ? Toutes sont représentées comme des monstres, avec un nez crochu, mangeant les enfants ou autres fadaises. Ils n’y avaient jamais pensé, mais maintenant que cela s’imprime dans leur réalité, et que leur fille est impliquée, toute une foule de questions se posent. Mais plutôt que d’en parler, se demandant en famille ce qui se passerait à partir de ce premier septembre, d’en faire un évènement familial, les époux Jones se mettent alors à en parler entre eux, à voix basse, regardant Lyra du coin de l’œil, donnant alors l’impression à leur fille qu’une simple révélation pouvait presque la faire passer au statut d’étrangère auprès de ses propres parents. Bien entendu, ils aident Lyra à rassembler toutes les fournitures demandées pour la rentrée, et l’amènent à la gare de King’s Cross, tentant d’apprendre sur le tas en imitant les sorciers autour puisque c’est leur fille. Mais pour des personnes aussi réservées et introverties que les Jones, ce monde totalement différent du leur, dont ils ne connaissent rien et dont ils n’ont pas vraiment envie de connaître quoi que ce soit leur fait peur. En l’espace d’une année scolaire, ils se seront tant éloignés, que Lyra préférera dorénavant passer les vacances d’été chez des amies sorcières, où elle n’aura pas l’impression d’être un monstre à chaque fois qu’elle croisera le regard de quelqu’un.



Ce soir, alors que tout le monde fête la disparition de Voldemort, Lyra est assise sur le rebord de la fenêtre de l’appartement où quelques membres de l’Ordre du Phénix et des proches du couple Steadworthy se sont rejoints après avoir appris la nouvelle. Elle regarde dehors, pensive. Il s’en est passé des choses ces dix dernières années. Lyra se demande souvent si ses expériences dans sa vie auraient été aussi intenses, aussi marquantes si elle n’avait pas reçu ce hibou à l’âge de onze ans ? Quelque chose à l’intérieur attire son regard. Abraham, le sourire aux lèvres trinque avec sa famille, ses amis, papillonnant d’un groupe à l’autre. C’est lui qui est à l’origine de tant d’intensité dans la vie de Lyra. Il a toujours été là, dans les moments les plus importants de sa vie. Il a été le premier sorcier à qui elle a parlé sur leur premier trajet pour Poudlard, celui à qui elle a tout confié en un voyage. Sa vie moldue, la réaction de ses parents lorsqu’ils ont appris qu’elle était une sorcière, son appréhension d’entrer dans le monde de la magie, son envie de découvrir aussi, sa crainte de se rendre compte en arrivant à Poudlard que tout cela était une erreur et que peut-être, elle devrait rentrer chez elle, qu’elle n’était pas une sorcière tout compte fait, il a tout su. C’est lui qui a tenu sa main lors de la cérémonie de répartition, alors que Lyra était prête à défaillir. Il lui a fait découvrir le monde des sorciers petit à petit, lui présentant patiemment à chaque fois ce qu’elle ne connaissait pas et qui semblait évident pour les autres, en se moquant un peu parfois, mais gentiment. Son premier match de Quidditch et tous les autres aussi, elle y a assisté avec lui, il lui a expliqué les règles du jeu pendant les trois heures du match, se réjouissant même de la victoire de Serdaigle avec elle alors que l’équipe défaite était la sienne. Il a été son premier baiser, son premier petit-ami, sa première fois. Il n’y a pas eu que des bons moments non plus, mais tout ça n’a fait que les rapprocher, leur soutien l’un envers l’autre dépassant tout ce qu’elle aurait pu imaginer. Il l’a soutenue chaque fois qu’elle fût victime des insultes et attaques de la part des fils d’élitistes mangemorts, la poussant à se forger une carapace, attaquant lui-même parfois les coupables à l’insu de sa petite-amie qui l’aurait certainement sermonné si elle l’avait vu faire. Puis, ce fut au tour de Lyra de soutenir son fiancé, lorsque son père fut assassiné par des mangemorts, certainement les pères de ceux mêmes qui s’amusaient à terroriser les élèves de Poudlard dans une moindre mesure. Elle avait couru jusqu’au bureau de Dumbledore pour rejoindre Abraham lorsque la nouvelle du meurtre de son père se fût répandue, mais il était déjà parti, certainement renvoyé chez lui pour les funérailles. Impuissante, elle n’avait pu que lui envoyer un hibou, pour lui écrire tout simplement qu’elle pensait à lui, qu’elle était là pour lui. Elle avait été là à son retour, et bien qu’il lui ait assuré ce jour-là que tout irait bien, elle savait que quelque chose en lui avait changé. Elle n’aurait pas su dire quoi, mais quelque chose avait changé. Mais tout ça n’est pas le plus intense non. Le plus intense, c’est certainement ce jour où elle a apprit qu’il était mort. Ce sentiment de sentir son cœur manquer un battement sur deux, le flot de tristesse et de colère s’en emparant avec violence au point d’avoir l’impression que celui-ci va imploser d’une seconde à l’autre. Même dans la mort, il fut encore là, lui faisant découvrir aussi qu’aucun autre homme ne saurait le remplacer, pas même Rickon, qui s’était pourtant montré d’un soutien immense en cette période. Elle avait essayé pourtant, de se consacrer à Rickon, de tenter de lui rendre tout ce qu’il pouvait lui apporter, de se dire qu’elle finirait sa vie avec lui. Mais même si elle appréciait énormément Rickon et ce depuis presque aussi longtemps qu’Abraham, cette idée de l’épouser, et de vivre avec lui la vie qu’elle avait prévu de vivre avec Abe lui donnait envie de vomir. Il y a eu aussi ce jour, où Lyra a vraiment cru devenir folle. Ce jour où la fantôme de son fiancé est venu lui prêter main forte face à un mangemort tenace qui, il faut le dire, l’aurait tuée si Abraham n’était pas réapparu d’entre les morts pour lui sauver la vie. En effet, au moment où Lyra sentait sa fin venir, son cœur s’arrêta. Non pas touché par un Avada Kedavra non, plutôt touché par l’hallucination terrifiante de l’homme de sa vie apparaissant de nulle part pour lui sauver la vie. A partir de ce jour-là, elle eu besoin de temps pour réaliser qu’il était bien vivant. Cesser ce long et dur processus de deuil lui prit aussi beaucoup de temps, la jeune femme sursautant à chaque fois qu’il entrait dans une pièce, ou sentant son cœur manquer un battement lorsque leurs regards se croisaient. Ce fût difficile, elle ne sait pas à quel moment elle a versé le plus de larmes, est-ce durant tout ce temps à croire que son fiancé était mort ? Ou est-ce quand elle a réalisé qu’il ne l’était pas. Oui, ce moment-là aussi fût intense. Et le changement de camps de Rickon ne laissa pas à Lyra le loisir de se remettre tranquillement. Car bien entendu, Abraham étant vivant, les choses se compliquaient. Avec leur passé, il leur était impossible pour tous les deux d’éviter de se rapprocher, et Rickon, qui prenait peur de voir Lyra lui échapper, avait rejoint les rangs des mangemorts, la menaçant finalement de la tuer si elle ne le choisissait pas. Bien entendu, lorsqu’elle arriva au Manoir Steadworthy pour découvrir la mort de Rickon, elle fut envahie de tristesse. Mais c’est à ce moment-là, alors qu’elle s’approchait de son ancien fiancé empli de désespoir, qu’elle réalisa enfin qu’il était là, bien vivant, et qu’elle ferait tout pour le soutenir, comme lorsqu’ils étaient à l’école, et ce pour toujours. A nouveau, il y a eu des moments heureux, leurs réelles retrouvailles, leur mariage et d’ici peu, la naissance d’Hester. Lyra glisse alors sa main d’un geste doux sur son ventre très arrondi. Ce sera une fille oui. Hester. C’est Sybille Trelawney qui lui a révélé le sexe du bébé en la croisant dans la rue, peu avant de faire la prédiction qui aura coûté la vie à Lily et James. Un nouveau toast à la mort de Voldemort est porté. Lyra regarde le monde trinquer avec le sourire, et perd le sien. Tout le monde fête la mort de Voldemort avec joie, mais personne ne semble déplorer la perte de Lily et James, pourtant, elle ne peut qu’y penser. Lily et James étaient leurs amis, et ce depuis leur première année à Poudlard. Lyra avait passé autant de temps à la table des Gryffondor qu’elle n’en avait passé à celle des Serdaigle et elle s’était toujours très bien entendu avec Lily. Les époux Potter avaient été d’un grand soutien lors de la disparition d’Abraham et également lors de sa réapparition. Lily et elle ont vécu leur grossesse ensemble, s’amusant du fait que leurs enfants répèteraient leur histoire à Poudlard en donnant du fil à retordre à ce bon Dumbledore. Tout le monde célèbre le petit garçon, entre rires et toasts. Lyra elle, ne pense qu’à sa perte. Elle ne peut s’empêcher de penser, et si c’était Hester ? Elle a bien entendu proposé à Dumbledore de le recueillir et de l’élever avec Hester, comme s’il était son propre fils. Dumbledore l’avait remercié, lui expliquant qu’il préférait qu’Harry parte vivre chez sa tante et son oncle moldus où il aurait une vie normale, loin du monde des sorciers dans lequel déjà, chacun connaissait son nom. Elle se surprend à sourire un peu, en repensant aux mots du vieil homme qu’elle respectait tant lors d’une des rares fois où elle s’était retrouvée seule avec lui. Il lui avait dit avec amusement qu’il n’aurait pas hésité à confier Harry aux Steadworthy s’il n’avait eu l’alternative de la sœur de Lily, sachant qu’il aurait été élevé avec autant d’amour que ne le sera Hester (comment « tait-il déjà au courant ?), mais qu’il aurait eu tout de même peur de retrouver en Harry à l’école, un mélange de James et d’Abraham qui aurait fortement animé Poudlard en temps venu pour le plus grand plaisir de ses camarades. Son sourire s’élargit alors, lorsqu’elle sent les bras d’Abraham s’enrouler autour de sa taille, glissant alors ses mains sur son ventre, murmurant à son oreille que si son ventre continuait encore à grossir avant l’accouchement, il faudrait se demander si leur fille rentrerait dans le lit qu’il venait juste de monter. Ce à quoi Hester répondit d’un coup de pied dans le ventre de sa mère, élargissant alors le sourire d’Abraham sur son visage.


Premier septembre. Alors que la famille Steadworthy arrive devant le Poudlard Express, Lyra se tourne vers Hester et Abraham, se demandant lequel des deux est le plus nerveux pour cette première rentrée. Entre Hester qui lance des regards frénétiques autour d’elle, ne lâchant pas sa main, et Abraham qui n’a de cesse de remettre correctement le col de sa fille, un sourire s’étire sur son visage. Lyra prend le visage de sa fille entre ses mains et lui sourit rassurante. « N’oublie pas de nous envoyer une lettre pour tout nous raconter. Ton père serait bien capable de débarquer à Poudlard pour être sûr que tu vas bien. Tu n’es pas obligée de nous écrire tout de suite en arrivant, profites de ta soirée et amuse-toi, écris-nous dans la semaine quand tu te seras installée, j’arriverai à retenir ton père jusque là … » Après un clin d’œil complice et un baiser sur son front, Lyra et Hester se tournent alors vers Abraham qui vient de monter la malle de la jeune fille dans le train et les regarde souriant, se demandant tout de même pourquoi sa fille pouffe de rire alors que sa femme sourit amusée. Ce n’est qu’après maintes embrassades et les supplications d’Hester pour ne pas rater son train qu’Abraham finit par la laisser partir. Lyra glisse sa main dans la sienne, regardant Hester avancer de deux pas, avant de revenir en courant pour déposer chacune de leur joue pour monter en riant dans le train alors que le coup de sifflet annonçant le départ retentit. Ils restent là, jusqu’à ce que le train disparaisse après n’avoir été qu’un point à l’horizon, toujours plus petit chaque seconde. Lyra se tourne alors vers son mari dont le regard fixe toujours ce petit point qui n’est plus et embrasse sa tempe alors que sa main se glisse sur ses reins. « Je ne travaille pas aujourd’hui. Ca te dit de te promener dans Londres avec ta femme ? » Son regard lorsqu’il tourne la tête vers elle brise le cœur de la sorcière qui dépose un tendre baiser sur son front. « Abe, chéri … Elle est grande maintenant, tu ne peux pas continuer à la surprotéger ainsi. Si on l’embête, je suis certaine qu’elle saura très bien se défendre toute seule. Et puis qui sait, peut-être qu’il y aura un garçon qui se chargera de lancer des sorts à tous ceux qui s’en prendront à elle quand elle aura le dos tourné. » Lyra avance alors, quittant la voie 9 ¾ sous le regard ébahi d’Abraham qui reste quelques secondes figé, avant de la rejoindre avec un petit sourire.



Encore un enfant de sauvé. Depuis que Lyra a eu la malchance de ne pas saisir le poignet de son mari à temps pour transplaner au début du mois de Décembre, elle n’a fait que parcourir les forêts de toute l’Angleterre dans l’espoir de le retrouver. Elle s’est pourtant posée quelques jours trois fois depuis, chaque fois dans un camp de réfugiés, où elle a passé son temps à soigner autant les petits bobos que les blessures plus graves, toujours causées par des mangemorts ou par des rafleurs à qui les sorciers avaient eu la chance d’échapper, souvent de très peu. Lyra ne peut s’empêcher de s’imaginer Hester dans cette situation. Même si Poudlard n’est plus aussi sûr qu’auparavant, elle espère que sa fille n’aura pas la mauvaise idée de s’enfuir, ce qui serait bien plus dangereux pour elle. La plupart des étudiants qu’elle a soignés lui ont raconté les évènements qui les avaient amenés jusqu’ici. Lyra les écoutait patiemment, sachant que ça ne pouvait leur faire que du bien d’en parler plutôt que de ressasser tout ça sans arrêt dans leur tête. Ces journées où elle n’avait le temps de penser à rien d’autre que ses malades, même si le visage d’Hester semblait passer l’espace d’un instant sur celui de chacun des enfants qu’elle avait à soigner, faisait beaucoup de bien à Lyra. Depuis qu’elle et Abraham s’étaient perdus de vue, Lyra n’avait plus eu en tête que de le retrouver, s’en voulant chaque jour de ne pas avoir eu la simple idée de se choisir un endroit où ils auraient pu se retrouver s’ils devaient être séparés à un moment donné. Le fait de s’occuper des autres, d’aider à lancer des sortilèges de protections supplémentaires sur les camps, d’essayer d’en faire un maximum, aidait à atténuer ce sentiment de culpabilité et de solitude qui commençait à la ronger sérieusement.



"Vous êtes de Sainte Mangouste ?" dit le grand brun la regardant d'un air stupéfait derrière ses lunettes à écaille. "J'en étais en effet. Mais les guérisseurs nés moldus semblent ne plus convenir." Un rire partagé et c'était décidé. Si Lyra y avait songé ! C'est ainsi qu'une semaine plus tard, Lyra était dans les couloirs de l'hôpital pour les maladies et blessures magiques français, achevant le transfert de centaines de malades né moldus venant tout droit de Sainte Mangouste. Les derniers guérisseurs anglais de confiance avaient contacté leur homologue français afin de transférer en urgence toutes les personnes susceptibles d'être en danger si jamais Voldemort arrivait au pouvoir. Durant une semaine, les patients défilaient à un rythme éfreiné à toute heure du jour et de la nuit. L'annonce de la mort d'Harry Potter est tombée une heure après l'arrivée du dernier patient. Durant cinq bonnes minutes, il n'y eu plus aucun bruit dans tout l'hôpital. Chacun savait ce qui allait suivre, et tout le monde reprit ses activités. "La vie doit continuer, et on ne peut que se féliciter de ce travail de groupe et être soulagés d'avoir pu transférer tout le monde à temps." dit le Docteur Dubois à Lyra alors qu'ils allaient prendre des nouvelles d'un nouveau patient. Lyra elle, resta silencieuse tout le reste de la journée. Elle savait petinement que même si Harry était venu vivre chez les Steadworthy, comme elle l'avait proposé à Dumbledore à la mort de Lily et James, cela se serait terminé de la même manière, mais elle ne pouvait s'empêcher de penser, et si ? Et puis, elle pensait à Hester aussi. Avait-elle été à Poudlard aussi à ce moment-là ? Comment allait-elle ?



Lyra apprend le français très studieusement. Même si pour l'instant elle s'occupe principalement des patients anglais, il lui arrive parfois de s'occuper de français. Et bien que généralement la compréhension difficile se fasse dans la bonne humeur et les rires, elle préfèrerait pouvoir s'occuper parfaitement de ses patients. Cela lui prend beaucoup de temps. Fort heureusement, Henri, le docteur Dubois l'aide énormément. Bien qu'il parle anglais courament, il l'encourage le plus souvent possible à discuter en français, ne parlant anglais que pour lui donner la signification de tel mot, ou pour lui donner la bonne traduction du mot qu'elle cherchait. Il avait été d'une grande aide envers Lyra. C'était lui qui lui avait proposé de venir travailler à Paris. C'était lui aussi qui lui avait parlé de cette maison en ruines qui était à vendre. Il l'aidait même à la rénover. Lui et sa femme étaient d'un grand soutien et faisaient marcher toutes leurs relations pour retrouver Hester et Abraham. Elle ne pourrait jamais assez les remercier.