I. TON PERSONNAGE ET LA SITUATION ACTUELLE ? Oberyn ne pense absolument rien de la situation actuelle. Il se fiche de l’orientation du gouvernement et n’a pas d’opinion sur la politique. Voilà, c’est la réponse officielle, celle qu’il a réussi à faire entrer dans le crâne de tous ceux qui le côtoient. Il préfère que tout le monde pense qu’il se contrefiche de la guerre et de la politique, qu’il suit le vent peu importe où il tourne. En réalité, c’est plus compliqué. En réalité, il a été effondré en observant la victoire de Voldemort – et pourtant, c’était le camp qu’il avait rejoins en trahissant l’Ordre du Phénix. Il n’a jamais autant détesté un régime que depuis que le nouveau gouvernement est en place. Chacun de ses gestes est épié – ce qui est peu surprenant, après tout, il a la réputation d’être un tourne-casaque – il est forcé de collaborer avec la race de gens qu’il ne peut plus voir en peinture … Et il a été séparé de la femme qu’il aime. Autant dire qu’il ne souhaite qu’une seule chose : que le monde brûle en intégralité, et qu’il puisse mourir avec. Il ne croit pas en un quelconque retournement de situation, pour lui les sorciers n’ont plus la force de soulever le nouveau régime. Par contre, tout détruire pour recommencer à zéro, ça c’est une idée qui lui plaît … Quitte à être celui qui doive allumer la mèche pour tout faire sauter. C’est un fantasme qu’il caresse depuis des semaines, tout en sachant que cela ne se réalisera pas non plus. Il est pieds et poings liés, à la merci des puissants, et cette seule idée le rend malade.


II. TOUT-A-SAVOIR : Oberyn déteste la bieraubeurre, il n’y a pas retouché depuis ses quinze ans. Par contre, il abuse de toutes sortes d’alcool. ◊ Il a une relation avec le temps très conflictuelle, et déteste être les retards de toutes sortes. Il est constamment en train de vérifier l’heure qu’il est, comme si le temps filait entre ses doigts et qu’il devait le maîtriser à tout prix. ◊ A un moment, il admirait énormément Voldemort, sans vraiment se l’avouer. A présent, il est malade à la seule idée d’avoir eu des pensées positives envers ce monstre. ◊ Il aime la solitude, et il est devenu plus solitaire que jamais avec la fin de la guerre, mais il a besoin de savoir sur qui il peut compter réellement … Même s’il ne s’agit que d’une ou deux personnes. ◊ Il n’aime pas faire preuve de miséricorde, mais il lui est arrivé plusieurs fois de tuer des gens pour leur éviter un sort pire encore, notamment depuis qu’il a changé de camp. ◊ Il est fidèle, à sa façon, bien que la plupart des gens le voient comme un traître notoire qui ne tient à rien ni personne. ◊ Il exècre les sangs-purs, tous autant qu’ils sont, et rêve encore souvent des jours où il pouvait les massacrer impunément. C’était le bon temps. Maintenant obligé de travailler avec eux, chaque jour ressemble davantage à l’enfer sur terre. ◊ Il est né dans une famille instable, d’un père sans doute moldu qu’il n’a jamais connu et dont il ne connait même pas le nom. Il a beau haïr les sangs-purs, il déteste de la même façon sa condition de sang-mêlé. ◊ Il a beaucoup voyagé grâce à son travail de Briseur de Sorts chez Gringotts, à l’époque déjà il fuyait ses névroses sans vraiment s’en rendre compte. Il aimerait avoir la possibilité de voyager à nouveau, tout en ayant pleinement conscience que cette fois, ce serait une vraie fuite. ◊ Il a une tendance à la schizophrénie, partagé entre l’homme sensible et aimant qu’il était il y a très longtemps, et le monstre sanguinaire sans sentiments qu’il entretient avec soin.

« Elijah ! Qu’est-ce que tu fais ici ? » « Salut, Rufus … » « Quelle coïncidence ! Ca fait quoi, dix ans qu’on s’est pas vus ? » Effectivement, cela faisait au moins dix ans. Voire même plus … En réalité, Oberyn avait à peine revu Rufus après leur sortie de Poudlard. Les meilleurs amis du monde s’étaient retrouvés séparés par leurs occupations respectives, s’étaient perdus de vue, mais voici qu’ils se retrouvaient dans ce bar miteux, au fin fond de l’Ecosse. Une sacrée coïncidence en vérité. Oberyn invita Rufus à s’asseoir à côté de lui. « Dix ans, c’est ça ouais … Tu te rajeunis un peu trop ! » Ironisa le jeune homme. Rufus éclata de rire et haussa les épaules, tout en s’asseyant à la table d’Oberyn. Ce dernier fit un geste à la serveuse, qui vint leur apporter deux Whisky Pur Feu. « Bah, dix ans, quinze ans … Au bout d’un moment j’ai arrêté de compter. On se fait vieux ! » Oberyn hocha la tête d’un air docte. « Je te le fais pas dire … Alors, il paraît que tu t’es rangé maintenant ? Une petite femme, des enfants ? » Dans leur petite bande d’amis, à Poudlard, Rufus était bien le dernier qu’Oberyn aurait pu voir marié. Et même celui-ci sembla douter de la réalité du fait, car il se mit soudain à geindre sur la vie de famille et ses inconvénients. Après de longues tirades où Oberyn n’avait pas eu besoin de dire grand-chose, mis à part hocher la tête et approuver aux moments opportuns, Rufus cessa finalement de se plaindre et vida son whisky d’une traite, avant de le reposer brutalement et de donner un grand coup dans l’épaule de son camarade. Une sale habitude qu’il avait déjà à Poudlard, et qui ne l’avait pas quitté plus de quinze ans après, visiblement … Oberyn retint une grimace, conservant son expression affable. « Et toi, Elijah ? Tu t’es casé ? » Encore ce prénom, Elijah. Il ne l’avait plus utilisé depuis … Et bien, depuis qu’il était sorti de Poudlard. Il avait très rapidement remisé ce nom gentillet pour l’échanger avec son second prénom, en même temps qu’il "empruntait" le nom de famille de sa chère et très vieille voisine. Ainsi, il était passé d’Elijah O. Doyle, le sang-mêlé anonyme, à Oberyn E. Lindberg, sang-pur héritier de la petite fortune d’une veuve qui n’avait plus toute sa tête. Enfin, disons qu’elle n’avait plus toute sa tête une fois être passée sous ses innombrables sortilèges … Un détail de sa vie que Rufus n’avait pas besoin de connaître. Il resterait donc Elijah jusqu’à la fin de cette entrevue. « Toujours pas … Le jour où je serais fidèle à une seule femme, je serais définitivement arrivé en enfer ! » Rufus eut un rire gras, qu’Oberyn se força à partager. « T’as bien raison vieux, profite-en avant qu’une garce te mette la main dessus ! Moi c’est mon père qui m’a forcé à me marier, tu sais comment ça marche … T’as bien de la chance que le tien ait claqué avant que t’ai eu des poils au menton. C’est ça, la liberté ! Pas de paternel pour décider à ta place, tu fais ce que tu veux de ta vie ! Et d’ailleurs, ta mère, comment ça va ? » « Elle est décédée. » Répondit Oberyn d’un ton détaché. Rufus écarquilla les sourcils et sa face ronde resta un instant figée par la surprise. « Oh vieux, j’suis désolé ! Qu’est-ce qu’il s’est passé ? » Il fit un geste évasif de la main, comme s’il ne voulait pas s’étendre sur le sujet. « Le cœur a lâché, elle était plus toute jeune. » Rufus hocha la tête et prit un air qui se voulait sans doute concerné, avant de faire un geste à la serveuse pour qu’elle revienne remplir son verre.

Oberyn le regarda faire avec détachement, comme s’il ne se trouvait déjà plus vraiment ici. Il avait été le meilleur ami de cet homme, il y avait de ça une éternité. Ils avaient été inséparables, ils avaient fait les quatre cent coups ensemble. L’un à Gryffondor, l’autre chez Serpentard, mais leurs maisons respectives ne comptaient pas … A cette époque, Oberyn vouait une admiration sans borne pour son ami, qui représentait pour lui tout ce qu’il n’était pas. Mais au fond de lui, il le haïssait tout autant qu’il le chérissait. Leur amitié avait été la chose la plus importante à ses yeux, ce à quoi il s’était rattaché pendant des années, entretenant soigneusement l’illusion avec des mensonges permanents, mais jamais il n’avait abhorré quelqu’un comme il avait abhorré Rufus. C’était ainsi qu’Oberyn fonctionnait, depuis toujours. Dès son plus jeune âge, il avait vu sa mère partir tôt le matin et revenir au milieu de la nuit, fourbue, après avoir servi dans la maison de ses employeurs, une riche famille de sang-purs. Ils la traitaient comme un animal, pire qu’un elfe de maison sur certains points, car elle était une sang-de-bourbe, et qu’ils estimaient qu’elle ne méritait pas mieux. Oberyn avait toujours détesté cette famille sans jamais la rencontrer, mais il ne pouvait s’empêcher de les envier, de les aimer. Car sa mère ne cessait de répéter qu’ils étaient bons, que sans eux elle n’était rien. Ils vivaient grâce à cette riche et noble famille qui la traitait comme du bétail. Grâce à eux, ils avaient un toit au-dessus de leur tête. Ils étaient ignobles, ils avaient des idées avilissantes, ils humiliaient sa mère, mais ils étaient également le symbole de la toute-puissance. Ils étaient ceux qu’il ne serait jamais, lui qui n’était qu’un fils de sang-de-bourbe, sans lignée, sans histoire, sans possessions. Il avait maudit ces gens, il les avait aimés. Et quand il avait fait ses premiers pas à Poudlard, il avait répété le seul schéma qu’il connaissait : il s’était tourné vers les puissants, les sangs purs. Rufus était issu d’une grande famille, il était arrogant et se pavanait dans le château comme s’il lui appartenait. Dans un sens, c’était vrai : un de ses ancêtres avait été directeur. Immédiatement, Oberyn avait voulu faire partie de son entourage. Il devrait être son ami. Le meilleur, même. Et pour ça, il avait monté toute une histoire, mentant dès ses premiers jours à l’école. Ainsi, pendant toute sa scolarité, tous ceux qui le connaissaient furent persuadés qu’il était un sang-pur lui aussi, issu d’une famille obscure des Highlands. Alors qu’il n’avait jamais connu son père, un moldu qui était parti avant sa naissance en découvrant les pouvoirs de sa compagne, Oberyn se créa un père fictif, terrible et magnifique, qu’il fit mourir vers sa deuxième année d’école pour échapper à des questions trop pressantes. Et Rufus ne se douta jamais de rien. Ils devinrent effectivement des amis, et Oberyn profita autant qu’il souffrit de cette amitié pendant les sept ans que dura leur scolarité. Rufus était tout ce qu’il haïssait dans le monde sorcier, mais également tout ce qu’il souhaitait être. Un mélange d’admiration et de haine qui le rendait fou, délicieusement fou. C’était si bon, de toucher du doigt ce monde qui ne lui appartenait pas … C’était si bon, de mentir à tel point qu’il commençait à croire lui aussi, qu’il en faisait partie.

Mais en sortant de Poudlard, la réalité l’avait rattrapé, et il était redevenu le fils de personne, l’héritier de personne. Il cessa tout contact avec Rufus, de peur que celui-ci ne se rende compte de la vérité. A vrai dire, il coupa les ponts avec tous ceux qui avaient fait sa vie à Poudlard … « Qu’est-ce que tu es devenu après tout ce temps, Elijah ? » Oberyn leva les yeux de son verre, et esquissa un sourire vague. « J’ai pas mal voyagé … Je travaille pour Gringotts. » « Ah Gringotts … C’est pas trop dur de bosser avec des gobelins ? Je les supporte pas, c’est ma femme qui va à la banque quand il faut retirer de l’argent. Mais entre toi et moi, on sera bientôt débarrassés d’eux, hein ? » Ajouta Rufus en baissant la voix, le regard entendu. Oberyn imita son petit air de conspirateur et hocha la tête, comme si souhait était réellement de mettre fin au règne des gobelins sur Gringotts. A la vérité, il s’en fichait. Les gobelins payaient bien, c’était tout ce qui comptait pour lui. « Et toi, qu’est-ce que tu fais maintenant ? » « J’ai repris le poste de mon père. Tu as devant toi le nouveau Directeur du Département des Transports Magiques ! J’ai eu le poste le mois dernier, après que le vieux ait pris sa retraite. Classe, hein ? Ca marche du tonnerre ces temps-ci. T’imagine pas le boulot qu’on a, avec tous les nouveaux décrets du Ministère. » Oberyn eut un sourire carnassier. Ils en venaient au sujet qui l’intéressait. « Bien joué, vieux … C’est toi qui t’occupes de pister tous les sang-de-bourbe qui essayent de s’échapper, alors ? » Rufus bomba légèrement le torse, un air fier peint sur son visage rubicond. « Exactement. Je surveille tout le réseau, y’en a pas un qui peut prendre une cheminée sans que ça passe par moi. » Son air suffisant hérissa Oberyn, qui se força pourtant à garder le même air vicelard. « Il doit être fier de toi. » Rufus parut perplexe. « Qui ? Mon père ? Oh pour ça, il regrette même d’avoir du … » « Non, je parle de ton Maître. » Lâcha Oberyn sur le même ton détaché. Rufus n’hésita même pas avant de répondre, tant sa confiance pour son ancien meilleur ami était encore grande. A moins qu’il soit si fier de son allégeance qu’il ne tenait même pas à la cacher … « Effectivement. Il me tient en très grande estime. » Il se pencha soudain vers Oberyn, et lui souffla d’un air de conspirateur : « Tu sais, tu devrais nous rejoindre. Je pourrais me porter garant de toi. » Un sourire s’étala lentement sur les lèvres d’Oberyn. « Après quinze ans sans me voir, tu serais prêt à m’appuyer pour entrer chez les Mangemorts ? » Ses mensonges d’adolescent avaient bien mieux marché qu’il ne l’avait cru, s’ils fonctionnaient encore aujourd’hui. « Elijah, tu es comme mon frère … » « Je ne m’appelle pas Elijah. » Le coupa Oberyn d’un ton tranchant, avant de sortir vivement sa baguette. Un éclair vert en jaillit, qui frappa Rufus en pleine poitrine. « Et je ne suis certainement pas ton frère. » Termina-t-il à l’intention du mort, avant de se tourner vers la serveuse, qui le fixait avec épouvante. « Oh pitié, ne me regardez pas comme ça ! C’était lui le méchant. » Elle recula d’un pas, puis d’un autre, comme si le Diable en personne la fixait. Oberyn soupira et pointa sa baguette vers elle, attendant juste une seconde, le temps qu’elle comprenne et qu’il voie la terreur se peindre dans ses yeux. Elle tourna les talons et tenta de s’enfuir, et il eut un nouveau sourire amusé. « Oubliettes ! » Le sortilège frappa la jeune femme de dos, et elle tomba par terre, sonnée. Oberyn se leva, épousseta sa robe de sorcier, et sortit sans un regard ni pour elle, ni pour Rufus. Il n’y avait pas de coïncidences, seulement des retrouvailles soigneusement orchestrées.

Il avait rejoint l’Ordre du Phénix peu après le retour officiel de Voldemort. Une part de lui aurait souhaité devenir Mangemort, mais s’il avait pu berner des collégiens ou même quelques adultes un peu crédules, il savait qu’il ne pourrait pas mentir au Seigneur des Ténèbres. Alors il se tourna vers l’Ordre … Finalement, c’était pareil, la plupart des membres étaient des sorciers issus de vieilles familles, ils prétendaient ne pas avoir la même vision des choses, mais au final, ils étaient identiques. Malgré leurs beaux discours, ils étaient des tueurs eux aussi, combattant pour leurs propres idéaux qui ne valaient pas mieux, aux yeux d’Oberyn, que ceux de Voldemort. Le jeune homme s’y senti immédiatement très à l’aise, comme s’il venait enfin de trouver la voie qui lui convenait. Tous les gens qu’il avait admiré, qu’il s’était forcé à aimer, il allait enfin pouvoir les détester sans se voiler. Les combattre, les traquer, les tuer. Il n’aimait pas faire de prisonniers, il préférait le meurtre pur et simple. Comme aujourd’hui avec Rufus, il prétendrait ne pas avoir eu le choix … Ces Mangemorts, ils se débattaient jusqu’à leur dernier souffle plutôt que de se faire capturer ! C’était la version officielle, pour les chefs qui demandaient toujours des comptes. Oberyn n’aimait pas rendre des comptes, mais s’il prétendait se plier aux règles, on le laissait tranquille. Et il pouvait satisfaire ses très anciennes envies de vengeance, le besoin de sang qu’il n’avait jamais soupçonné jusque là mais qui s’était réveillé dès le premier meurtre. Tous ces sangs-purs qui se croyaient au-dessus des autres, qui l’auraient méprisé s’ils avaient su qui il était vraiment, il allait les tuer. Tous, jusqu’au dernier.

L’horizon s’était éclairci, le temps de quelques semaines. La guerre faisait toujours rage, mais Oberyn s’en détachait de plus en plus. Il avait à présent une raison de cesser la folie sanguinaire qu’il avait entretenue pendant des mois, quelque chose qui le maintenait profondément ancré au sol alors qu’il n’avait toujours rêvé que de s’évanouir dans les airs. Elle s’appelait Lyla, elle était toute petite, ses poings étaient ridicules par rapport aux siens et elle ne savait pas se battre. Il l’avait frappée, il l’avait menacée, terrifié au fond de lui à l’idée qu’elle reste dans sa vie. Elle était la petite Lyla de son enfance, celle qui savait tout du vrai lui, son ascendance bien moins pure que ce qui était inscrit sur son registre de naissance, le caractère bien plus amical qu’il avait avant d’embrasser une idéologie qui lui avait fait perdre la tête. Lyla qu’il avait bien connue, qu’il avait sauvé de la noyade quand elle n’était encore qu’une toute petite enfant. Lyla qui pouvait causer sa perte si elle décidait de révéler ce qu’elle avait découvert à son sujet, des meurtres des Mangemorts jusqu’à sa fausse identité. Mais Lyla qui avait plutôt décidé d’être celle qui le sortirait de son cercle infernal où il s’enfonçait jour après jour sans savoir où cela le mènerait. Elle lui avait sauvé la vie. Une fois. Puis deux en restant auprès de lui. En l’autorisant à avoir une relation humaine normale avec quelqu’un, la première depuis ce qui lui semblait une éternité. Oberyn était un tueur qui ne voyait rien d’autre que cette enfilade de massacres, ne parvenant pas à se figurer un avenir qui allait au-delà de son lendemain, mais avec Lyla, il avait entrevu autre chose. La fin de cette folie furieuse qui le rongeait depuis des années et qu’il n’avait jamais réussi à endiguer. Peut-être aurait-il réussi à devenir quelqu’un de bien à son contact. Sa main douce entre les siennes, il était prêt à soulever des montagnes.

Il avait lâché sa main. Il s’était écarté, il s’était reculé, et il l’avait abandonnée. Quelques semaines avant la bataille de Poudlard, il avait été fait prisonnier par un rafleur, une vague connaissance à laquelle il n’avait jamais fait attention. Mais ce rafleur, lui, avait fait très attention à sa victime. Il voulait qu’Oberyn rejoigne le camp de Voldemort, et il était prêt à tout pour ça. La torture tout d’abord, mais cela ne porte aucun fruits. Il passa donc à une autre forme de persuasion. Et prononça le nom de Lyla, plusieurs fois. Racontant d’une voix douce toutes les horreurs qu’il pouvait lui faire subir avant qu’elle ne se brise. Détaillant son caractère et ses habitudes avec une précision qui ne laissait aucun doute sur le fait qu’il la connaissait très bien, et que ses menaces étaient loin d’être du bluff. Oberyn céda. Abandonna le costume prestigieux du membre de l’Ordre du Phénix pour celui, bien plus élimé, de rafleur à la solde des Mangemorts. A la solde de ceux qu’il haïssait tant … Il devint un traître, révélant sans sourciller les secrets de l’Ordre, œuvrant sans aucun doute à la chute de ce dernier rempart contre la puissance de Voldemort. Il n’avait jamais été un amoureux de l’Ordre, il devint responsable de leur chute. Il avait rallié le camp des vainqueurs juste avant qu’on ne puisse le qualifier ouvertement d’opportuniste – tant d’autres après lui revinrent ramper devant les conquérants de Poudlard une fois la guerre terminée ! Au moins il ne subirait pas cette humiliation cuisante. Il récolta tout de même la glorieuse étiquette de traître, et il vit passer devant lui une succession d’anciens camarades qui lui avaient tant fait confiance au temps de l’Ordre, et qui juraient tous qu’il brûlerait en enfer, à moins qu’ils ne lui mettent le feu eux-mêmes. Il les avait regardés passer le regard vide, comme il l’avait fait par la suite avec tous ceux qui le félicitaient pour la clairvoyance de son changement de camp. Il s’en fichait.

La lumière apportée par Lyla s’était éteinte, et sa délivrance avec elle. Il ne l’avait pas revue depuis des mois, pas en face tout du moins. Mais il s’était assuré qu’elle soit en sécurité, même s’il fallait qu’on lui brise sa baguette et qu’on la bannisse du monde sorcier pour cela. Elle était née-moldue, elle n’avait pas le droit de rester chez les sorciers, et ce fut bien la seule loi du Ministère qu’il approuva totalement. Chez les moldus, elle était saine et sauve, bien loin de la folie qui secouait le monde sorcier. Rassuré sur son sort, Oberyn n’avait plus aucune ambition pour lui-même, si ce n’est celle d’avoir assez de pouvoir pour se déplacer librement – et ainsi s’évader chez les moldus de temps à autre pour observer sa chère Lyla, de loin. Il devint Exécuteurs, et l’ironie de ce poste lui fit grincer des dents pendant quelques temps, mais il s’y habitua, comme au reste. Après tout, le meurtre était quelque chose de naturel pour lui, et il ne fut pas bien difficile de retrouver ses anciennes habitudes. Cette fois il n’avait plus besoin de se cacher pour tuer, on l’envoyait même faire ses sales besognes en plein jour, dans des lieux publics, afin de rendre la leçon plus claire pour le reste de la population. Et peu à peu, le plaisir de tuer remonta dans ses veines, faisant affluer une nouvelle fois la folie qui l’avait tant hanté par le passé, le privant d’identité et de volonté. Mais qu’importe ? Il n’avait plus rien à perdre.