| Sujet: i wanna be the one to walk in the sun. (greed) Mar 29 Jan - 0:50 | |
| Some boys take a beautiful girl, AND HIDE HER AWAY FROM THE REST OF THE WORLD. Il était dix-sept heures et, déjà, de légers flocons voletaient dans les airs. Les pavés des rues, les toits des maisons, les arbres aux branches dépouillées étaient couverts d'un fin drap blanc. Le front collé et les paumes de ses mains collés contre l'une des vitres de sa librairie, qui était fermée ce jour-ci, Alice guettait l'arrivée de Greed. Trépignant comme une petite fille à l'approche de noël, son impatience se faisait grandissante au fur et à mesure des secondes égrenées. Les rares moments de joie qu'elle parvenait à mettre en relief, depuis la disparition brusque de sa sœur, se déroulaient tous en compagnie de ses plus proches amis. Et de Tristan. Lorsque ce prénom, qu'elle aimait imaginer rouler le long de ses lèvres, traversa son esprit, elle frissonna. Se concentrant alors plus que de raison sur la petite séance de méditation qui se profilait à l'horizon, Alice parvint enfin à se détendre et à chasser d'un revers de main tout ce qui était susceptible de la perturber. Par ailleurs, elle savait pertinemment que Greed n'appréciait pas outre-mesure leurs nombreux entretiens où il était question de yoga ou de thé à la camomille – mais Alice était intimement persuadée que celle-ci était victime d'une forme avancée d'anxiété. Un problème qui pouvait facilement se résoudre, si la belle bibliothécaire acceptait d'ouvrir son esprit et de se soumettre sans rechigner aux conseils de sa cadette. Chose qu'elle n'était pas encore prête à accomplir.
De plus, obliger Greed à se détendre l'invitait également à apaiser tous ses tourments. Cette activité, bien que dénigrée par la principale intéressée, était pourtant bénéfique pour les deux jeunes femmes. En cette fin d'après-midi, elles allaient pouvoir se retrouver et se détacher de tous leurs problèmes quotidiens, sans toutefois les oublier. Il leur était bien inutile d'essayer de se défaire de la situation actuelle alors que tout autour d'elles les ramenait dans une époque plus que menaçante, sombre. Sans la moindre once d'espoir, d'après Alice. Heureusement, Greed comprenait son attitude défaitiste car elle y prenait régulièrement part ; c'était une chance pour Alice de voir que quelqu'un, sur cette foutue planète, partageait son point de vue méfiant et sa prudence exacerbée. Si seulement elle pouvait lui dire quoi faire avec Tristan, la jeune libraire serait une femme comblée. Cependant comment pouvait-elle aller au-delà ce qui s'était passé entre eux ? Alors que les fantômes fugaces de sa femme et de sa fille, pour lesquelles elle ressentait énormément de peine – et sûrement un peu de culpabilité, planaient encore au-dessus de sa tête. Greed n'avait pas de réponse à ses interrogations, Alice en était convaincue, et si elle en avait une, peut-être ne voudrait-elle finalement pas l'entendre.
L'envie de revoir Greed s'était faite mordante, même si elles se contactaient régulièrement de sorte à pouvoir garder constamment un œil l'une sur l'autre. Une attitude que Alice aurait dû adopter à l'égard de sa sœur cadette, Rose-Rumer, au lieu d'attendre le dernier moment pour se rendre compte de ses erreurs. Évidemment, elle n'était pas la seule à blâmer ; Rose avait cédé un peu trop facilement à ses impulsions et rien n'était plus douloureux que de la savoir loin d'elle. Sa sécurité passait avant tout et, à présent, Alice n'était plus en mesure de la protéger ou de lui faire entendre raison. Ses parents, de là où ils étaient (car, oui, la jeune femme se complaisait naïvement dans l'idée enfantine que les enfants se font habituellement du Paradis), devaient être furieux après leur fille aînée. Ou bien s'étaient-ils tout naturellement retournés dans leur tombe. Plusieurs hypothèses, jalonnées de « et si », faisaient leur apparition et elles paraissaient toutes plus affreuses les unes que les autres. La principale était en rapport avec le comportement de Rose ; si leurs parents avaient vécu suffisamment longtemps pour éduquer leur cadette de la manière qu'ils jugeaient être la meilleure, se serait-elle enfuie ?
En compagnie de Greed, la libraire se sentait protégée et, en même temps, libre de ses faits et gestes. Était-ce ce sentiment qu'aurait voulu ressentir sa sœur cadette ? Cette interrogation, bien que rhétorique car la réponse n'avait nul besoin d'être énoncée, ne cessait de la tarauder. L'apparition d'une chevelure noire d'ébène dans son champ de vision la fit sortir de ses songes en un sursaut surpris. Instantanément, ses lèvres rosées s'étirèrent en un sourire réjoui, quasiment niais. Elle porta ses phalanges jusqu'au bouton de la porte et l'attira vers elle alors que Greed n'était encore qu'à quelques mètres du seuil de la librairie. L'air frisquet pénétra dans la pièce et les bras d'Alice se couvrirent instantanément de chair de poule. Attendant patiemment que Greed eût passé le pas de la porte, et une fois celle-ci refermée, elle lui sauta littéralement au cou. Puis, elle la contourna et l'aida à se débarrasser de son manteau tout en babillant inlassablement. Un comportement auquel Greed avait été obligée de s'habituer. Elle batailla un instant avec le vêtement de sa vis-à-vis, qu'elle posa par la suite sur le porte-manteau, et lui saisit le bras avant de l'entraîner vers les escaliers de bois qui menaient jusqu'à son appartement.
« On va passer une excellente journée. » Assura-t-elle avec conviction en traînant la pauvre Greed derrière elle, la laissant lui emboîter le pas de la manière dont elle le souhaitait. « J'ai fait du thé à la camomille, comme tu aimes, et aussi - » Elle ramena son amie devant elle et la poussa de ses deux mains dans les escaliers, de sorte à en atteindre le seuil le plus rapidement possible. « Elwood est absent pour l'instant, il devrait revenir en fin de soirée. On va pouvoir passer quelques heures tranquilles, entre filles. » Débita-t-elle avec vigueur, comme si l'idée même de reprendre sa respiration lui était insupportable. Elle jubilait, c'était clair et net.
Une fois arrivées à l'étage et après avoir soigneusement libéré le bras de sa compagne, elle ne put s'empêcher de sautiller, claquant plusieurs fois ses paumes l'une contre l'autre. Si le plancher avait été fait en carton, elle l'aurait traversé à coup sûr. Évidemment, elle seule semblait enthousiasmée par leur rendez-vous quotidien. Alice ne pouvait pas blâmer Greed et pour cause, celle-ci ne cessait de courir dans tous les sens et elle transformait ses chocolats chauds en sirops à force d'y ajouter du sucre.
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