Ses yeux se ferment, tout devient noir. Il ne veut pas faire face à tout cela. C’est trop, trop pour une seule personne. Pourtant, la scène se répète encore dans sa tête. La même tête qui projette cette douleur âcre, cinglante, sur tout le reste son corps. Il a mal, bon dieu, il souffre. Sa peau le brûle, sa chair n’est que sang et ses os, ses os sont comme broyés. Il n’est plus rien, juste un petit tas de cendres. C’est peut-être mieux pour tout le monde, enfaite. Après tout, ce n’est qu’une erreur, Doezwal. Une erreur sur toute la ligne. Ses parents le répètent, inlassablement, jour après jour, nuit après nuit. Et il y croit, dur comme fer, parce que quand on a été confronté à cette phrase toute notre sainte existence, on finit par devenir ce que les autres pensent de nous. Une larme de douleur roule le long de sa joue marquée. Il ne l’essuie pas, non, il a bien trop peur, il sait ce qui va se passé, à présent. Les crises. Il déteste ça, quand elles s’emparent de lui, dévastatrices, incompréhensibles. Les objets se mettent alors à voler, ils s’écrasent contre les murs, et il sait très bien que ce n’est pas à cause de la magie. Non, la magie lui fait un autre effet, bien moins terrible, bien moins monstrueux. Lui casse à la seule force de ses bras, ses membres frêles et pâles. La violence est alors sa meilleure alliée, et lui est comme posséder. Ses yeux ne reflètent plus rien, il est ailleurs, entre deux mondes, deux vies. Il se sent écarteler, et sa tête menace d’exploser. S’il l’entend, il va venir le punir. C’est toujours comme cela que ça se passe. Pas autrement. D’ailleurs, pourquoi espère-il qu’un jour, toute cette mascarade change ? Il est né dans cet état là, alors il est nécessaire qu’on le sanctionne. Tel un fantôme consumé par la haine et la destruction, il semble regarder la scène d’un point en hauteur. Il voit ce jeune homme rongé par le désespoir hurler, arracher le papier peint bleu turquoise qu’il avait fièrement accroché dans sa chambre, il y a quelques années. On dirait un lion, un lion dangereux, que personne n’arrive à contrôler, que personne n’essaye d’aider. Non, on ne l’aide pas, c’est terminé, ça, à présent, il n’y a plus que le dégout, et la peur. Le garçon finit par se laisser glisser au sol, et gémit. Dans sa tête flotte les nombreuses scènes du même genre qui ont précédée celle-ci, et les milles autres qu’il devra endurer encore. Doezwal se demande pourquoi il ressent chaque parcelle de douleur emprisonnée dans le cerveau du damoiseau. Il ne devrait pas, ce n’est pas lui, impossible. Le maitre du manoir ouvre la porte et s’approche à grandes enjambés déterminés, un homme aux larges épaules, et à la baguette pointée vers cet étrange tas de vêtements trop grands. Il hurle, lui aussi, et quand le sortilège de souffrance s’abat sur le martyr, Doez sent la souffrance emprisonner tout son corps, alors il comprend, la réalité refait surface, le frappe de plein fouet. C’est lui. Merde, c’est lui, le fou.