"there's no need to be so afraid"
« Edwin, mon chéri, tu veux venir nous aider ? » demanda Irene Wickfield. C'était une grande dame aux cheveux blonds courts et au sourire rassurant; il n’y avait pas personne plus douce qu’elle dans tous les villages avoisinants. Elle était vêtue ce jour-là d'un long sarrau blanc, mais l’on identifiait très clairement le contour de son éternelle salopette en dessous. L'enfant de six ans n’avait pas perdu de temps à réfléchir à cette offre. Il avait déposé ses mini-tapis volants pour se jeter dans les bras de sa mère, qui l’amena par la suite dans un grand bureau. Ici, les murs étaient recouverts d’armoires remplies de bocaux d’ailes de chauve-souris, de plumes de hiboux morts un soir de pleine lune ou de simples morceaux de gazon espagnol. Il y régnait en permanence une petite odeur de brûlé - malgré tous les sortilèges Bonnodeur lancés -, conséquence des nombreuses expériences qui avaient échoué. Sur une grande table dans le milieu de la salle traînaient des éprouvettes, des petits chaudrons, des couteaux de toutes les grandeurs avec des lames de toutes sortes, des bols en terre, en céramique, en porcelaine, etc. À côté de la table, un chaudron bouillonnait déjà tous les ingrédients mis auparavant par le jeune couple de scientifiques. Une petite bibliothèque dans le coin de l’atelier était en permanence protégée par un sortilège semblable à celui de têtenbulle afin qu’aucun mélange magique ne l’atteignît. Louis Wickfield tendit à son fils un petit sarrau ainsi qu’une paire de lunettes. Une fois habillé, il lui demanda d’aller lui chercher le bocal des tiges de polygonum. Le petit Edwin se dépêcha, tout fier, portant sur les épaules le poids d’une responsabilité aussi grandiose que de servir le roi de l’univers. Chose faite, il reçut l’autorisation de les couper en quatre (mais seulement avec le couteau au bout rond) et de les mettre dans la marmite bouillonnante. Il compta jusqu’à vingt-six et sa mère l’aida à terminer le décompte jusqu’à quarante. Edwin prit ensuite la cuillère de bois et brassa le mélange, assisté de son père. Irene versa la potion dans une grande fiole pour permettre à toute la famille d’observer le résultat : l’intérieur d’une maison se dessinait, puis une personne assise à table.. qui se retourna..
« Mamie ! Maman, maman ! » s’écria Edwin en lui tirant la manche, tout excité de cette apparition.
« C’est mamie ! » « Oui, mon coeur ! Et qui a réussi à faire ce tour ? » « Moi ! Et toi et papa, aussi ! » Louis ébouriffa les cheveux de son héritier.
« Edwin Wickfield... SERDAIGLE ! » lança le Choixpeau, au grand plaisir du petit blondinet. Serdaigle, la maison de l’apprentissage. Ah oui, il allait s’y plaire, il le pressentait. Dès qu’il avait été en âge de marcher, ses parents l’avaient initié à la magie et à ses mystères (oui, oui, je vois votre regard ahuri ; son père n’était-il pas Moldu ? Quelle brillante lecture vous avez faite de la présentation ! La vérité se trouve ici : son père moldu mordu des sciences et de chimie est tombé follement amoureux d’une sorcière passionnée par les potions et ses sentiments furent partagés. Quel délice ce fut de comprendre des nouvelles propriétés grâce à cette relation ! Il accompagne maintenant son épouse dans ses expérimentations, même si aucune once de magie ne coule dans ses veines.). Lorsqu’ils fabriquaient des mélanges simples et peu dangereux, ils l’amenaient avec eux, lui refilaient les tâches faciles. Edwin ne s’en était jamais lassé et adorait ces leçons même. Sa curiosité naturelle (ou encouragée dès ses trois ans, ce qui revient presque au même au bout du compte) le poussait toujours à vouloir apprendre, apprendre, apprendre encore et toujours et c’était avec une immense hâte qu’il avait passé l’été précédent son entrée à Poudlard. Comprendre enfin ! Il prit place à côté d’un autre nouveau qu’il avait cru apercevoir dans le train - car même si l’autre ne le reconnaissait pas, il y avait là quelque chose de rassurant. Je peux ?
« Bien sûr ! » Je suis Edwin Wickfield.
« Et moi, Thybalt Hellsing. » Et à leur insu, une grande amitié venait de tisser des liens indestructibles. Ces deux-là auraient dû naître frères, mais le destin en avait décidé autrement; heureusement qu’il les remit sur le droit chemin en les réunissant ici. Ils avaient deux caractères bien distincts, qui se différencieraient davantage au cours des prochaines années, mais ils étaient faits pour s’entendre à merveille. Et lorsque Thybalt lui avouera plus tard sa double-identité (il devenait un loup-garou de temps à autre, lorsque la peine lune faisait des caprices), Edwin ne s’en préoccupera pas (non, il trouvera ça
« franchement génial »). Parce qu’ils étaient faits pour être meilleurs amis, frères de coeur, compères d’expérimentations, confidents, pour être unis jusqu’à la mort. Il ne savait pas alors lorsqu’il lui demanda de lui passer l’assiette de côtelettes d’agneau que c’était le début d’une grande aventure, mais il ne regrettera jamais de s’être assis à côté de Thybalt Hellsing lors de son arrivée.
« MONSIEUR WICKFIELD! Pourriez-vous, s’il vous plaît, cesser d’embêter votre voisin et vous concentrer sur la matière ? Je pense avoir dit en début d'année que tout ce que j'allais vous enseigner cette année aurait une très grande importance sur les résultats de vos BUSES » dit sèchement le maître des potions. Edwin laissa tomber sa crevette de la mer du Nord qu’il avait précédemment agitée devant la face de Thybalt et appuya sa tête sur ses mains (puantes), en signe d’ennui. Vieux goblin ridé. Il savait déjà tout cela et il savait que son professeur le savait, et qu’il savait aussi que, s’il n’écoutait pas, il obtiendrait tout de même un Optimal en juin. Bouse de dragon, comme on s'ennuyait lors des moments théoriques...
« ... ainsi, le mélange de queue de crevette et de jus de groseille est extrêmement sensible. La potion que vous réaliserez dans quelques minutes peut se montrer très dangereuse lorsqu’elle est mal exécutée, il vous faudra donc porter une attention particulière à la quantité de jus que vous y mettrez. Et il est essentiel de le mettre, car sans lui, vous resterez avec un semblant de bouillon de légumes et... Oui, Monsieur Wickfield ? » Ce vil professeur lui avait enlevé sa source de plaisir avec sa crevette, eh bien, que cela ne tienne, il s’en était trouvé une autre. Il avait songé à entamer son devoir de botanique - à remettre bientôt d’ailleurs... demain matin peut-être ? il faudrait demander à Thybalt - mais ce n’était pas plaisant de faire à la va-vite un travail de botanique. Non, le plaisir résidait à fouiller dans son manuel, chercher des informations supplémentaires dans les encyclopédies de la bibliothèque, se creuser le cervelet pendant une vingtaine de minutes pour trouver la réponse plus que parfaite. Mais en ce moment, ce n’était aucunement marrant ou instructif d’être en cours alors que ç’aurait dû l’être. Alors, il se lança :
« Je me demandais... puisque ce sont les groseilles qui...» « Le jus de groseille » fut-il repris sévèrement, mais Edwin continua avec d’arrogance :
« ... les groseilles qui donnent l’essence à la potion de mémoire, si l’on substituait leur jus par celui de racines d’asphodèle, obtiendrait-on un philtre d’amnésie, compte tenu des propriétés de cette plante ? » Le regard se fit plus dur et semblait lui lancer un dernier avertissement :
« Je ne pense pas que la leçon porte sur les philtres d’amnésie.» « Je le sais bien, c’était simplement à titre d’information, monsieur» susurra Edwin. L’enseignant décida qu’il avait suffisamment perdu de temps et, en guise de réponse, lui tourna le dos. L'élève se retint de lever les yeux au ciel - ça aurait été moins long de répondre un
« oui » ou un
« non » ! - mais il savait que sa situation politique dans le cours de potion était fragile. Oh, il avait pleinement conscience d'être un élève très agaçant : il n'écoutait que très distraitement, en gribouillant dans ses cahiers, et essayait toujours de modifier le plan de cours établi. Cependant, arguait-il mentalement avec lui-même, ce n'était pas complètement sa faute s'il comprenait plus vite que la moyenne, si ? Et s'il avait envie de pousser plus loin ses apprentissages ? (Et c'est là qu'on lui dirait :
« Mais il y a d'autres façons d'apprendre davantage ! Tenez-vous un peu tranquille de temps à autre, monsieur Wickfield, vous allez rendre vos professeurs fous avant la fin de l'année. » )
« Vous avez maintenant une heure et demie pour concocter la potion de mémoire. Les instructions sont écrites sur le tableau. Wickfield, ne songez même pas à changer la dernière étape.» Un clin d’oeil de Thybalt suffit à le rassurer : son expérience allait être menée à terme. Certes, pas par lui, mais par son meilleur ami, ce qui n’était pas si mal. C’était l’avantage d’avoir un double plus sage mais tout aussi intelligent.
« Les garçons ! Je pense que les résultats de vos ASPIC viennent de se poser sur la table de la cuisine ! » lança Irene Wickfield.
« Un instant, maman, on essaye d’apprivoiser le bilus pour qu’il nous montre ses racines. Tu prends les lettres pour nous ? » demanda Edwin tout en surveillant les efforts que son meilleur ami faisait. Deux heures qu’ils étaient sur cette stupide plante qu’est le bilus, deux heures à lui chanter des comptines d’enfant pour l’apaiser ou le chatouiller (les doigts d’Edwin avaient trouvé que c’était une très mauvaise idée), et toujours aucune idée de la manière idéale d’amadouer le végétal. L’été battait son plein, les deux amis avaient fini leur scolarité à Poudlard et se retrouvaient chez les parents d’Edwin pour se livrer à toutes sortes de fantaisies et d’expériences avec une liberté qu’ils n’avaient jamais eue au château. C’était ainsi que se déroulaient leurs vacances depuis quelques années déjà et ils n’auraient changé de routine pour rien au monde ; ces semaines de tranquillité faisaient sans contredit partie des meilleurs moments de leur adolescence. Vraisemblablement, les deux garçons n’étaient pas pressés de vérifier leurs ASPIC, si sûrs d’eux d’avoir tout réussi (ce qui, ils le découvriraient plus tard, était vrai). N’avaient-ils pas été les meilleurs élèves de leur cohorte ? Il n’y avait aucune raison pour que leurs talents innés, connaissances approfondies et qualités exceptionnelles les abandonnent les jours d’examens. Ils auraient pu se précipiter sur leurs résultats pour avoir la certitude qu’ils allaient passer aux études supérieures, car Poudlard n’allait pas être sa dernière école, ça non. Poudlard n’avait été que l’introduction. Il lui en fallait plus, plus poussé, plus concret, et c’est pourquoi il avait décidé d’intégrer un programme d’étude en botanique (cela n’avait été qu’un pur hasard si son meilleur ami avait choisi cela aussi - c’était, entre autres, cette passion commune pour l’espèce verte qui les rassemblait). Au moment de se spécialiser quelques années plus tard, il se tournera vers la médicomagie, un domaine il se sentira pleinement utile. Mais n’allons pas trop vite, Thybalt venait de réussir à couper une tige de la racine du bilus et Edwin sautilla de joie.
« Edwin, viens par ici » le somma son supérieur, Cassius Lewis, en l’amenant à l’extérieur de la petite chambre d’hôpital où s’entassaient Mr Traddles et ses trois enfants.
« Qu’as-tu diagnostiqué alors ? » Edwin se frotta la nuque :
« Je n’en suis pas certain, c’est étrange... ça doit être très rare ? » Cassius hocha lentement la tête et l’encouragea à continuer.
« Il est très fatigué, mais je ne comprends pas la provenance de la maladie » poursuivit le nouveau médicomage. Il avait terminé ses études quelques semaines plus tôt et faisait maintenant ses premiers pas à l’hôpital Ste-Mangouste, sous la supervision sévère mais amicale de Cassius Lewis.
« En effet, le cas de Mr Traddles est très rare. Nous recevons ce .. genre de patient à tous les cinq ans peut-être. Les autres atteints ne pensent pas à venir à Ste-Mangouste, car, comme tu l’as relevé, il semble n’y avoir aucun indice de maladie. Et pourtant, la grondite aiguë ... » « Non ! » s'exclama le jeune homme, hébété.
« Oui, Edwin. Ça ne me plaît pas de te l’annoncer, c’est dommage que tu tombes sur ce patient au bout de ta troisième semaine ici, mais la vérité est là. » « Impossible » chuchota-t-il. La grondite aiguë, cette maladie magique incurable jusqu’à présent, et plutôt pénible vers la fin pour cause de souffrances inapaisables ; bref, le truc que vous ne souhaiteriez même pas à votre meilleur ennemi, la maladie que tout médicomage redoutait de rencontrer. Le guérisseur posa sa main chaude sur son épaule pour le réconforter :
« Je suis désolé. » « Mais il doit y avoir quelque chose ! » s’exclama le blondinet.
« Depuis le temps que les gens en meurent ! » Son supérieur secoua faiblement la tête; personne n’avait le temps ni le budget pour se consacrer à cette tâche titanesque qu’était la recherche d’un remède. Oui, plusieurs s’y étaient aventurés et ils s’en étaient rendus malades à force de ne rien trouver. La grondite, c’était le noeud gordien de la médicomagie, le cauchemar de tous ses disciples. Le regard du jeune homme traversa la fenêtre de la chambre pour se poser sur la fillette Traddles ; elle montrait fièrement à son père un dessin qu’elle avait fait. Six ans, maximum.
« C’est injuste. » « Je n’ai jamais dit le contraire. » « Quelque chose pour ralentir, au moins. » « Penses-tu que je suis insensible ? Penses-tu que je t’aurais caché une quelconque façon d’améliorer les derniers jours de ce pauvre homme ? » dit Cassius, dont le ton de voix s’était durci d’agacement.
« Certes, nous sommes dans un hôpital et notre but premier est de sauver des vies, mais tu ne pourras pas retarder éternellement le cycle de la vie ; les gens meurent. Tu as été épargné à tes débuts, compte-toi chanceux, mais tu dois te préparer, Edwin. Maintenant, rentre et annonce-leur » lui ordonna Cassius. C’était plutôt brutal comme façon d’endurcir le jeune recruté (et ce dernier lui en voudra d’ailleurs pendant quelques semaines avant de se rendre compte que c’était la meilleure option - à la guerre comme à la guerre, la vie à Sainte-Mangouste n’était décidément pas aussi rose que les murs le laissaient présager) qui n’eut d’autre choix que de se diriger vers les vingt minutes les plus terribles de son existence jusqu’à présent. Il chercha ses mots, ne sut comment expliquer la situation sans cacher son malaise. Et puis, confronté à leurs larmes, ne sachant comment les arrêter, il prononça trois terribles mots :
« Je le promets. Je vais trouver quelque chose, je le promets. » Aie aie aie, Edwin, ne savais-tu donc pas dans quoi tu t’embarquais alors ? C’était l’oeuvre de toute une vie que de s’engager à trouver un remède pour la grondite. Mais c’était plus fort que lui, n’est-ce pas ? Expérimenter, trouver des méthodes de guérison ; c’était ainsi qu’il se sentait pleinement utile à la communauté et c’était aussi ce qu’il adorait faire. Il avait d’ailleurs bien négocié son contrat pour Ste-Mangouste ; n’y travaillant qu’à temps partiel pour qu’il puisse se livrer à diverses expériences les autres jours. Malgré toute la volonté qui l’habitait, il ne put empêcher Mr Traddles de trépasser quelques semaines plus tard.
« À DROITE !! REGARDE À DROITE, EDWIN ! » lui cria Marine. Trop tard, il était déjà tombé par terre, stupéfixié. Aoutch, son coude. Que Marine se dépêche de venir le libérer, bon sang de goblin ! Il l’observait tandis qu’elle s’approchait lentement - sûrement pour le punir de ne pas avoir regardé à sa droite de malheur. Finite incantatem. De retour sur ses deux pieds, il se massait le coude. Screugneugneu, c’était douloureux (mais il retenait une grimace, pas question de paraître encore plus nul qu’il ne venait de l’être).
« Tu y étais presque. On recommence? Et regarde bien des deux bords cette fois-ci !» « Oui, maman. » Il avait vingt-quatre ans maintenant, avait terminé ses études de botaniste médicomage et avait entamé une formation en Défense Contre les Forces du Mal (oui, parce qu’il ne se lassait jamais des études et que celle-ci ne pouvait pas être inutile, si ? mais ce qui l’avait vraiment décidé à se lancer dans cette formation, c’était la Marque des Ténèbres qui était apparue cet été, à la Coupe du Monde de Quidditch - il se sentirait plus en sécurité lorsqu’il saurait se défendre convenablement) quelques mois auparavant en même temps qu’il travaillait à temps partiel. Aujourd’hui, c’était examen pratique et ça n’allait pas très bien. Parce que l’examinatrice s’appelait Marine. Et qu’elle était très mignonne et avait un délicieux accent français. Mais elle ne devait être guère impressionnée par ses talents de défenseur - elle qui avait été la meilleure de sa cohorte d’Aurors et qui en avait formé d’autres à son tour. Au moins, il avait réussi à lui voler quelques minutes de sa précieuse vie l’autre soir, après le cours. Elle s’était étonnée qu’il ne se lance pas dans une carrière de chasseur de mage noir (
« Avec tes connaissances en botanique, tu serais déjà avancé et puis tu te débrouilles pas mal en Défense »), il lui avait expliqué que ce n’était pas trop son truc et qu’il préférait nettement sauver des vies avec ses plantes chéries. Sur ce, elle avait renchéri qu’emprisonner des Mangemorts et adeptes de magie noire sauvait aussi des vies. Après cela, il n’avait pas su quoi répondre et s’était contenté de l’embrasser. Avant de le regretter amèrement (même s’il en rêvait depuis très longtemps) en se souvenant qu’elle était une Auror très accomplie qui connaissait des sortilèges sûrement très douloureux. Elle avait esquissé un sourire mystérieux avant de continuer sur ses plans de carrière possibles :
« Et l’Ordre du Phénix ? » Bah, je n’ai pas ma place, je ne suis pas Auror, moi. Mais tout le monde est toujours le bienvenu, Edwin. Il y réfléchirait. Et il termina sa formation avec brio.
« Allez Edwin, reste bien éveillé ! » lui lança trop joyeusement sa tasse de café. Edwin lui répondit par un faible grognement, ce qui convainquit la tasse ensorcelée qu’il était temps qu’elle accomplisse son devoir. Elle s’approcha alors de la bouche sur sorcier et s’inclina de façon à ce qu’il n’aille aucun autre choix que de boire le café s’il ne voulait pas s’en retrouver aspergé. Il avala rapidement et se redressa brusquement, mais ce ne fut pas grâce aux propriétés des herbes qu’il avait incorporées auparavant dans le liquide brunâtre.
« C’est glacial ! C’est le truc le plus immonde que j’ai jamais bu ! Fais un petit effort, ou je te désensorcèle. » Si la tasse avait pu haussé les épaules, elle l’aurait fait. En attendant, elle se contenta de s’éloigner du sorcier marabout en marmonnant qu’il n’était jamais satisfait de ses services.
« Au moins, tu es bien réveillé maintenant ! » argumenta la tasse.
« À quel prix ! » « Ingrat ! » « Laisse-moi travailler en paix ! » « Tu pourrais me remercier ! » « Je pourrais. » « Ingrat, ingrat, ingrat ! » « Silencio ! Recurvite ! » (au cas où, dans un excès de colère, elle aurait voulu renverser le reste du café sur sa chemise) S’il était agacé du comportement de la tasse, qui répondait au nom de Martha la plupart du temps, Edwin reconnaissait tout de même ses qualités, parfois. Il grommela légèrement puis se remit au boulot, peu importe l’heure tardive (quoique le terme matinale convenait mieux à présent) indiquée sur sa montre. Depuis quelques jours, il travaillait sur un projet de l’Ordre du Phénix (qu’il avait finalement rejoint quatre mois auparavant) qui consistait à créer une plante (à l’aide de croisements et de divers procédés magiques) défensive, qui réussirait à, sur un champ de bataille, attraper les Mangemorts et résister à la magie. Bref, tout un défi, mais Edwin trépignait chaque fois qu’il y travaillait. Et là, ce soir, il lui semblait détenir une piste intéressante et il était hors de question de laisser tout en plan maintenant, quelque soit son état - en l’occurrence, très fatigué.
« Finite incantatem » dit-il, libérant Martha de son mutisme.
« Il était temps ! » Le botaniste ne prit pas la peine de lui répondre (c’était chose courante ; trop converser avec une tasse était quelque peu dérangeant), préféra se concentrer sur son lierre modifié (il était censé détenir maintenant les propriétés du moly) qui s’en allait doucement à la rencontre d’un morceau de jambon fumé (la représentation d’un Mangemort). Les tiges s’enroulèrent tranquillement mais avec fermeté autour de la viande, au grand bonheur du jeune homme. Ce dernier poursuivit les tests et lança un diffindo de force atténuée... et ce fut la catastrophe. Le lierre ne résista aucunement à l’attaque, ressera même son étreinte, le jambon explosa en mille morceaux qui se répandirent un peu partout dans l’atelier, le lierre s’affola, produisit une drôle de fumée puis explosa à son tour.
« Planquez-vous ! » Quelques fragments de la plante tombèrent dans un récipient de purée de poils de licorne qu’Edwin avait oublié de refermer, et le pot éclata, envoyant un peu partout du liquide nocif. Une fois le calme revenu, le botaniste médicomage s’empressa de ramasser au plus vite les débris de plantes et d’essuyer les flaques. Il se pencha sur les ruines du bocal pour voir s’il y avait quelque chose à récupérer ; mais le contenant n’avait pas dit son dernier mot et tout ce qui restait de verre et de liquide éclata, frôla le visage du scientifique en herbe.
« Aoutch ! » s’exclama-t-il en portant sa main à sa tempe gauche. Là, il découvrit que son oreille saignait légèrement et qu’il entendait un agaçant petit grésillement. Il soigna rapidement la plaie et se mit au lit persuadé que tout serait guéri le lendemain matin. Néanmoins, les jours qui suivront n’iraient pas mieux ; il ne percevrait plus aucun son de son oreille gauche.