(clyde, event) still water runs deep.

Les mariages étaient pour beaucoup de sang-pur une occasion de se montrer et ce quand bien même ils ne connaîtraient les mariés ni d'Eve, ni d'Adam. Tout était bon pour se pavaner, déguster des mets hors de prix et se réfugier derrière un masque d'hypocrisie pour mieux tromper les autres. C'était pourtant un mal nécessaire. Il fallait passer par là pour grimper les échelons, pour montrer au monde entier que l'on existe. Voilà pourquoi j'avais répondu présent à l'événement. Non seulement je connaissais la mariée mais aussi j'avais ce désir secret de me faire un nom dans le milieu. Pourtant, au vu de mon statut de sang, c'était impossible. Dans leur jargon, j'étais un sang de bourbe. Mes origines moldues étaient clairement handicapantes lorsqu'il s'agissait de réaliser mes ambitions, mais ce n'était pas un problème, je comptais bien me débrouiller autrement pour m'incruster sans pour autant me faire attraper. Car non content d'être un sang-de-bourbe j'étais aussi un fugitif, et par définition un nid à problèmes. D'où le fait que j'avais décidé de recourir au polynectar. Puisque je n'avais pas le droit de pratiquer de magie sous quelque forme que ce soit, je m'en étais procuré au marché noir pour pas grand chose. Mon plan était bancal, il méritait d'être amélioré mais on fait ce qu'on peut avec ce qu'on a. Reste à savoir à qui j'allais emprunter l'apparence, et ce n'était pas encore gagné. Je l'avais repéré, là, isolé, il semblait attendre quelque chose qui ne viendrait pas...pas tout de suite en tout cas puisque je l'avais attrapé, cogné et assommé à coups de somnifère. Je l'abandonnai dans un buisson, m'assurant qu'il était suffisamment endormi pour qu'il ne se réveille pas de sitôt. Ce serait clairement un imprévu susceptible de faire capoter mon plan. Déjà qu'il était bancal, mieux valait ne pas le compromettre davantage. La transformation fut extrêmement douloureuse. Même en étant sous ma nouvelle forme, j'avais l'impression qu'on avait voulu arracher ma peau et m'étirer les os. Machinalement, j'époussetai mon costume tout neuf puis je sortis de ma cachette d'un pas qui se voulait assuré. Voilà. J'étais dans la place, j'étais ce qu'on appelait un infiltré. Pour autant, je n'avais pas d'autre but à part semer la zizanie et passer mon temps à me goinfrer de petits fours. On ne se refera pas. Presque instinctivement, je me mis à rechercher des personnes que j'étais susceptible de connaître, avant de me rappeler que j'étais au beau milieu d'un attroupement de sang-pur et par conséquent, je ne connaissais pas grand-monde, ces derniers évitant soigneusement les gens comme moi. Super. Voilà qui s'annonçait passionnant. Cela étant, je ne m'attendais pas non plus à m'amuser comme un petit fou. Ce fut à ce moment là que je la vis. Elle était blonde, elle avait un port de tête altier et elle était habillée de façon...affriolante dirons nous. Surtout, elle était seule. La voilà, ma distraction. Et puisque j'avais endossé l'apparence d'un de ces péteux de sang-pur, elle n'allait y voir que du feu. Je m'approchai d'elle d'un pas qui se voulait décontracté. Au passage, je me servis une coupe de champagne. « Mademoiselle ». saluai-je une fois arrivé à sa hauteur, levant mon verre à sa santé. « Vous êtes toute en beauté aujourd'hui. » Bon, d'accord, il y avait mieux comme entrée en matière, mais bon, au moins, c'était dit. Puis, tout en la gratifiant d'un sourire affable, je bus une première de gorgée de champagne en prenant soin d'en savourer le goût. En effet, ce n'était pas tous les jours que je pouvais profiter de toutes ces boissons hors de prix.

Plus elle passait de temps à cette cérémonie, plus elle se rappelait pourquoi elle avait toujours cherché à les éviter. Tout était d'un ennui. Elle pouvait tout aussi bien être à un cours d'histoire de la magie que le résultat serait le même. Elle ne parvenait pas à chasser l'envie de mettre fin à ses jours en s'étouffant avec un petit four ou en s'assommant avec un exemplaire de l'Histoire de la magie. Et encore, sécher le cours de monsieur Binns s'était toujours révélé d'une facilité extrême. Et pour cause, sa mère n'était pas là pour surveiller ses moindres faits et gestes. Pourtant, la blonde pouvait s'estimer heureuse de ne pas l'avoir pendue à son bras, auquel cas, elle serait même obligée de se montrer courtoise et mielleuse avec le reste des convives dont elle ignorait jusqu'au nom pour la plupart. Aussi, s'appliquait-elle à sonder la foule du regard, à la recherche d'un bouclier mais elle ne tomba encore et toujours que sur des visages étrangers. Elle finit tout de même par apercevoir sa sœur, au loin. Elle chassa néanmoins assez rapidement l'idée de la rejoindre. Elle était trop entourée, sous le feu des projecteurs, sans doute leur mère mettait-elle tout en œuvre pour lui envoyer le plus de prétendants possible. Ou peut-être étaient-ils simplement attirés par la douceur qu'elle dégageait. Clyde n'était pas douce, elle. Elle se tenait fièrement ▬ même dans cette robe qu'elle rêvait de brûler ▬, la tête haute, un air hautain plaqué sur son visage. C'était l'une des caractéristiques qui différenciaient les sœurs. Ambre dégageait quelque chose d'apaisant, d'attirant, là où Clyde avait toujours été d'une brusquerie désobligeante. Personne n'expliquait un pareil contraste...sauf sa mère, qui avait toujours une explication pour tout. Selon elle, son mari s'était montré plus souple avec sa cadette, lui passant chacun de ses écarts après un bref sermon. Il avait toujours voulu avoir un fils (ce n'était pas anodin s'il avait choisi de la nommer Clyde, un prénom masculin) et il se sentait donc plus proche du tempérament fougueux de la plus jeune. L'écart avait naturellement continué à se creuser au fil des années pour en arriver là. Clyde Fleming, en seule compagnie d'elle-même à l'une des fêtes les plus en vue de l'année. L'union de deux jeunes gens, qui ne se connaissaient probablement pas, mais surtout l'union de deux familles au sang-pur. Une fête dont on entendrait parler encore longtemps tant les petits plats avaient été mis dans les grands. Elle devait au moins leur reconnaître ça. Elle avait beau trouver le choix d'avoir invité certains convives douteux mais elle admettait qu'ils savaient organiser une fête...pompeuse, certes, mais une fête à la hauteur de l'évènement. Il n'empêche qu'elle préférait de loin les soirées mouvementées de ses années à Poudlard, après chaque victoire de l'équipe, ou encore ces fêtes organisés par des héritiers au sang pur mais qui, comme elle, n'éprouvait aucunement la nécessité de se marier. Tout était secret, intense et aventureux. Combien de fois, lors de ces brefs moments volés, n'avaient-ils pas flirté avec l'interdit ? Elle n'eut pas le temps de se remémorer ces souvenirs impérissables qu'une voix l'arracha au passé pour la ramener brusquement au moment présent. Agacée, elle tenta néanmoins de cacher au mieux son humeur, comme le voulait sa mère, posant un regard qui se voulait neutre ▬ sans pour autant l'être ▬ sur l'homme qui venait de l'interpeller. Pas de surprise, elle ne le connaissait ni d'Eve, ni d'Adam. Il lui suffit néanmoins de l'observer pour deviner qu'il devait appartenir à une famille reconnue. Il n'avait pas cet air perdu et désorienté qu'avaient les autres...les bas de classes. Peu habituée à être complimentée de la sorte, elle lui répondit par un sourire crispé alors qu'il prenait une gorgée de champagne. « A qui ai-je l'honneur ? », s'enquit-elle sans grande conviction. « Vous n'êtes pas accompagné d'un chaperon ? » Par miracle, il était seul, on lui avait épargné le calvaire du père qui souhaitait présenter son fils ou du moins l'espérait-elle.

La blondinette ne semblait pas très commode. Elle avait le regard dur et le visage fermé, le contraire même de l'idée que l'on pouvait se faire de la sympathie, mais peu importe, elle me plaisait quand même et j'étais prêt à parier qu'elle ne résisterait pas bien longtemps avant de se montrer sous un jour meilleur. Peut-être avais-je trop confiance en mes capacités à séduire. La vérité, c'était que je n'avais jamais été très doué avec les filles, j'enchaînais les gaffes plus vite que mon ombre et beaucoup s'étaient retrouvées offusquées plutôt que flattées. Certaines demoiselles avaient pu trouver cet aspect de ma personnalité – la maladresse – plutôt charmant, mais au final, ça n'avait pas eu le succès escompté. Contre toute vraisemblance j'avais un nombre extrêmement réduit de conquêtes. À l'époque, je n'avais voulu qu'une seule fille et j'ai fini par l'obtenir je ne sais pas trop comment. Longtemps, Katherina avait été l'exception. Elle aussi était taillée dans le même moule que la blonde : famille pro-sang-pur, sans doute vouée à en épouser un à son tour, et qui s'était jetée corps et âme dans la cause qui avait su s'imposer dans le monde magique après une guerre sanglante. Le schéma était en train de se répéter. Tout laissait croire que je n'étais attiré que par ce genre de fille, a priori inaccessible pour quelqu'un comme moi. Mais – car il y a un mais – je restais convaincu que si l'une d'entre elles avait succombé à mon charme – toussotements – les autres le pouvaient également. C'était une logique foireuse, j'en conviens, mais dans ma tête, ça se tenait. Aujourd'hui plus particulièrement je bénéficiais d'un petit coup de pouce. J'avais endossé l'apparence d'un jeune homme de sang-pur. J'ignorais si c'était son genre de mecs mais soit, elle ne devait pas trop se préoccuper du physique ou autre, le critère important étant la pureté du sang, tout du moins, je le supposais. Le polynectar me laissait un peu de temps pour mener à bien la mission que je m'étais fixé. Je n'avais rien à craindre, tout du moins, a priori. Puisque ma couverture semblait irréprochable, je n'avais plus qu'à me détendre, car si j'avais l'air tendu, j'apparaîtrais immédiatement comme suspect. Vous savez, l'expression de celui qui avait quelque chose à se reprocher. Je me détendis vraiment lorsqu'elle sembla mordre à l'hameçon. Cela signifiait en effet que ma supercherie fonctionnait particulièrement bien, elle pensait réellement qu'elle avait affaire à un riche héritier plutôt qu'à moi, un escroc. Là où ça commençait réellement à puer, c'était que j'ignorais le nom du type. Je ne pouvais pas me permettre de dire n'importe quoi et ce quand bien même elle ne semblait pas savoir le nom de ce gars. Ça pouvait très bien être une feinte. « Quelle importance ? » répondis-je en haussant les épaules d'un air qui se voulait détaché. « Depuis qu'on est tout petits, on nous apprend à porter fièrement notre nom, on nous rabâche sans cesse qu'il nous ouvrira toutes les portes, mais au final dans ce genre de réunions, parmi des gens comme nous, on finit par se rend compte qu'on est personne. » Je noyai mon trouble en buvant une gorgée de champagne. Dans le fond, c'était l'histoire de ma vie, mon père était exactement pareil, à péter plus haut que son cul. Mes parents étaient doués lorsqu'il s'agissait de se pavaner et de jacasser, attendant de nous qu'on brille également en société. Sauf que voilà, de base, me montrer n'était carrément pas mon truc. Qui plus est, je me traînais une étiquette de looser et ce depuis quelques années. Quant au point de savoir si j'avais un chaperon, je me surpris à regarder aux alentours, comme pour vérifier si en effet ledit chaperon était dans le coin. J'affichai une moue alors blasée, avant de reporter mon attention sur la demoiselle. « Du tout. Je suis assez grand pour ne pas avoir besoin d'être accompagné par un chaperon partout où je vais. De toute façon, mon père doit être là bas. » je désignai vaguement un endroit où il était supposé être, et s'il n'y était pas, tant pis. « Du coup, pour ne pas faire tapisserie j'ai préféré aller lorgner du côté du buffet...voir ce qui s'y passe. En tout cas, c'est délicieux, le cuisinier s'est surpassé. » Mon compliment était presque sincère, il était vrai que ça faisait un sacré bail que je n'avais pas eu l'occasion de manger quelque chose d'aussi raffiné, d'aussi bon. Il faut dire qu'en tant que fugitif je n'avais pas trop le choix à part manger ce qui me tombe sous la main. Et ce n'était pas forcément des menus dignes d'un restaurant cinq étoiles. « Et vous ? » m'enquis-je finalement, lorsque je me rendis compte que je ne faisais que parler. « Vous avez de la famille ici ? » Ma question avait l'air idiote mais dans les faits elle l'était beaucoup moins, car il y avait des gens qui étaient là pour représenter le reste de la famille. Plutôt que de se déplacer en troupeaux, ils avaient préféré envoyer quelqu'un en éclaireur, juste comme ça. Peut-être était-ce son cas aussi. Je ne faisais que demander.

L'attitude désinvolte du sorcier avait quelque chose de rafraîchissant. Il semblait réellement détaché, ce qui n'avait pas été le cas de tous ceux qui l'avaient abordée l'air insouciant mais qui, intérieurement, n'en menait pas large. Clyde avait toujours préféré les personnes sûres d'elle ; elle avait toujours été trop tentée de jouer avec les autres. Peut-être que cet inconnu serait sa première rencontre intéressante de la journée. Peut-être qu'elle allait passer un bon moment, elle n'y croyait que trop peu mais elle n'avait de toute façon pas le choix...car si elle ne s'était pas présentée, il semblait vouloir aussi garder sa part de mystère. Ce n'était pas pour lui plaire et elle fronça les sourcils, le toisant de bas en haut. Avait-il des choses à cacher ? C'était bien étrange que dans un événement comme celui-là, il ne fasse pas tout pour se vendre. Après tout, chacun essayait de tirer son épingle du jeu. Il ne s'agissait pas que d'un mariage, il s'agissait aussi d'une occasion pour s'affirmer, pour marquer des points dans un bal de politiciens aux paroles doucereuses. Il était un peu trop détendu pour le coup et la suite ne plaisait pas d'avantage à la jeune sorcière. Il pouvait parler pour lui...C'était peut-être dans son éducation mais Clyde n'avait jamais vraiment ressenti ce dont il parlait. Même si elle n'était que Clyde, elle restait une Fleming et ce nom se détachait bien dans la dizaine d'autres. Sa tante Shae-Layne ainsi que son oncle Moses inspiraient la crainte au-delà du respect et elle fut bien tentée de le lui cracher à la figure quand finalement, elle se ravisa. S'il ignorait qui elle était ou plutôt qui était sa famille, il y avait fort peu de chance qu'il garde de l'intérêt pour elle. Et s'il s'obstinait, au moins pourrait-elle se laisser par l'illusion que, finalement, ils ne s'intéressaient pas tous qu'à son patronyme. Elle était peut-être prétentieuse mais elle savait regarder les choses en face quand il le fallait. Sa réputation personnelle était écrasée sous le poids de celle de sa famille. Très peu de gens, au fond, saurait la reconnaître s'ils la croisaient dans la rue. On savait, bien sûr, qu'Abel Fleming avait deux filles mais de là à pouvoir les décrire, il y avait un gouffre. On avait su qui était Clyde Fleming à Poudlard mais le monde était vaste et elle n'avait pas encore accompli de fait d'armes assez importants que pour s'élever dans la police magique. Non. Plus elle y réfléchissait, plus elle se disait que ce type avait très peu de chance de savoir à qui il avait à faire. Il avait l'air plus âgé qu'elle et elle ne se souvenait pas l'avoir croisé à Poudlard, sans doute devait-il avoir mené ses études dans l'école de magie russe. Cet anonymat l'arrangeait bien finalement, elle finit même par se détendre un peu, elle n'avait aucune raison de sauver les apparences ni de se retenir avec un homme qui finirait par l'oublier une fois rentré chez lui. Elle revêtit un sourire de circonstance, se contentant de l'écouter parler et profitant de l'instant. « Vous avez probablement raison. Tu ne vois donc aucun inconvénient à ce que je te tutoie ? » Son sourire s'élargit légèrement quand il confirma qu'il n'avait pas besoin d'être accompagné de son père et elle ne lança qu'un vague regard dans la direction qu'il lui indiquait, elle ne connaissait probablement pas sa famille, à quoi bon se fatiguer à en apprendre plus sur eux. Il ne semblait visiblement pas enclin à en parler tant il enchaîna rapidement sur des banalités à propos de la cuisine. Il lui rappela qu'elle n'avait même pas réellement pris la peine de faire honneur au buffet. Elle attrapa une flûte de champagne au vol alors qu'un serveur passait avec un plateau, c'était déjà un début. « Quelques personnes, ici et là, rien de très flamboyant. », lui répondit-elle de façon évasive. Ses yeux s'étaient un instant arrêtés sur la table qu'occupaient son oncle et sa tante avant de se reporter sur lui alors qu'elle prenait une première gorgée de champagne. « Je n'ai pas eu l'occasion de profiter du buffet, qu'est-ce que tu me conseillerais ? Quitte à mourir d'ennui, autant mourir le ventre plein. »