(event) ◇ until death do us part (ariane)

Le jour-j était arrivé. Le mariage, son mariage. Ce n’était pas comme ça qu’il l’avait imaginé. Il n’y avait pas si longtemps que ça Eamonn avait imaginé un tout autre mariage. Si ça n’avait tenu qu’à lui, il ne se serait certainement pas marié en hiver, il ne se serait pas non plus marié au domaine des Oswald-Appleby, il n’aurait pas non plus invité autant de monde – il y avait après tout la moitié des invités qu’il ne connaissait pas – et surtout, la mariée était été bien différente. Le fait était qu’il n’aimait pas Ariane. Il ne la détestait pas non plus et depuis qu’il faisait des efforts pour apprendre à la connaitre, il l’appréciait. Elle faisait une très bonne amie, mais ses sentiments pour la jeune française n’allaient pas au-delà de ça. Son cœur appartenait à une autre. Blodwyn, celle qui avait disparu au profit d’Alayne, la bonne à tout faire de la famille. Sa présence dans le manoir n’arrangeait en rien le quotidien d’Eamonn. De nombreux mois plus tôt, il avait rompu avec elle pour la protéger. Il avait répondu aux attentes de ses parents et eux, ils avaient dit qu’en échange, aucun mal ne serait fait à Blodwyn. C’était ce qu’ils avaient dit et pourtant, ils l’avaient ramenée au manoir complètement lobotomisée et ils exploitaient cette pauvre femme pourtant enceinte depuis tellement longtemps qu’il avait l’impression qu’elle allait accoucher à tout moment. C’était son enfant qu’elle portait et à son humble avis, il n’y avait qu’elle qui n’en savait rien. Cette situation ne lui plaisait pas plus que cette histoire de mariage et pourtant, il était coincé. Obligé de faire les cent pas au fond de sa chambre pour passer le temps et essayer d’atténuer les angoisses dont il était victimes. Il avait besoin de parler à quelqu’un, il aurait voulu dire n’importe qui, mais il savait que n’importe qui n’était pas prêt à l’écouter et comme il ne connaissait pas la moitié des invités, ça n’allait pas l’aider beaucoup. Il laissa échapper un soupire avant de quitter sa chambre. Il n’y avait qu’une personne dans toute cette foule qui pouvait le comprendre et il savait exactement où la trouver. Ariane. Elle était dans la même galère que lui. Bien que fiancés depuis un moment, sur le point de se marier, ils avaient chacun leur chambre et la seule fois qu’ils avaient partagé le même lit, ça avait été une erreur engendrée par une forte dose de philtre d’amour et aucun d’eux n’étaient dupe là-dessus. Arrivé à la chambre de la jeune femme il s’arrêta devant la porte un court instant avant de frapper quelques coups. « Ariane ? » On disait bien qu’il ne fallait pas voir la mariée avant le mariage, ça portait malheur. Ça n’avait pas beaucoup d’importance à ses yeux, il n’avait pas l’impression que leur mariage serait des plus heureux de toute façon.

Assise sur son lit, Ariane n'avait pas la moindre envie de sortir. Elle savait ce qui se tramait dehors, elle connaissait plus ou moins le déroulement des événements. Malgré elle, la jeune femme avait été embarquée dans plusieurs situations qu'elle ne contrôlait en rien. Sa vie lui filait entre les doigts – forcée d'épouser un homme qu'elle appréciait seulement, obligée d'être là, de sourire à des gens dont les différents visages ne signifiaient rien à ses yeux. Elle avait peur de prononcer un mot qu'elle regretterait toute sa vie, de fonder une famille avec Eamonn. Ils n'étaient rien l'un pour l'autre, même s'ils étaient partis pour devenir de bons amis. Ariane avait congédié les femmes qui l'avaient habillée, maquillée. Sur son lit, elle faisait face à un miroir qui lui renvoyait ses traits malheureux. Elle ne pleurerait pas – il aurait été idiot de devoir se maquiller de nouveau, surtout que le travail fait sur ses joues et ses yeux était sensationnel. Elle avait eu l'impression de s'être faite à l'idée de ce mariage mais force était de constater qu'elle était terrifiée de l'avenir qui l'attendait. Eamonn devait être dans le même état qu'elle, puisqu'il se liait à Ariane contre son gré. L'un comme l'autre obéiraient docilement durant la cérémonie – si cérémonie il y avait. Un long frisson parcourut sa colonne vertébrale. Elle devait en parlait à son fiancé ; il s'agissait de son mariage également et, s'il était blessé en cours de route, elle s'en voudrait toute sa vie. Il était en droit de le savoir, elle pouvait lui faire confiance. Par Merlin, si elle n'avait pas eu peur de se faire repérer, elle aurait pris Alayne par la peau du cou et aurait transplané en sa compagnie dans un endroit très éloigné. Loin de tout ça, de cet événement dont elle se sentait étrangère. Plusieurs coups portés à la porte la tirèrent de ses songes. Elle détailla une dernière fois son regard dans le miroir et, doucement, Ariane déplia son corps gainé de tissu blanc. Elle se dirigea vers la porte et reconnut, de l'autre côté de celle-ci, la voix d'Eamonn. La jeune femme posa ses doigts sur la poignée et la tourna. Seule quelques instants plus tôt, elle faisait dorénavant face à son futur époux. « Entre. » dit-elle en s'écartant, lui laissant la place pour pénétrer dans la pièce. Elle devinait qu'il n'était pas là pour lui déclarer sa flamme ou pour lui dire de se dépêcher. « Je voulais te parler justement. » souffla-t-elle finalement, la gorge serrée. La vérité, elle lui devait la vérité.

Eamonn n’était pas prêt à descendre et à affronter la fête dont il entendait des échos depuis le couloir dans lequel il se trouvait. Il n’avait pas envie de croiser tous ces gens qu’il ne connaissait pas et qui viendraient le féliciter pour un mariage qu’il n’avait pas choisi et plus que tout, il n’avait pas envie de se marier. Cette union n’avait aucun sens et Ariane et Eamonn le savait très bien, ils étaient bien placés pour le savoir. Ils ne s’aimaient pas. Lui, il avait toujours cru en l’amour, il lui avait suffit de rencontrer Blodwyn à Poudlard pour y croire dur comme fer et c’est elle qu’il avait voulu épouser, c’était à ses côtés qu’il avait voulait passer le restant de ses jours. Ariane pouvait être une bonne amie, il n’en doutait pas. C’était une jeune femme agréable qui avait toujours quelque chose à dire pour alimenter les conversations. C’était une fille bien, mais elle n’était pas la fille qu’il aimait, la fille qu’il voulait épouser. Celle qu’il aimait, elle servait d’esclave à ses parents. Une idée qui le dégoutait encore plus que cette histoire de mariage. Elle aurait dû être saine et sauve, tranquille à vivre sa vie dans le monde moldu, c’était ce qui avait été convenu, mais ce n’était pas ce qui était en train de se passer. Il était stupide d’avoir cru pouvoir faire confiance à ses parents, complètement débile de croire qu’ils laisseraient Blodwyn tranquille, d’autant plus qu’elle portait son enfant. Il détestait vraiment ses parents, déjà qu’il ne les portait plus dans son cœur depuis de nombreuses années, maintenant, c’était pire encore. S’ils n’avaient pas eu les moyens d’abattre Blodwyn en moins de temps qu’il ne faut pour le dire, il se serait enfui de cette maison avant le mariage. Il ne pouvait pas, il devait affronter les choses. Au moins, ils étaient deux dans la même galère, ils pouvaient se soutenir, c’était ce qu’il se disait, au moment où il était venu cogner à la porte de sa fiancée. « Entre. » Il obéi aux paroles de la jeune femme, pénétrant dans sa chambre. Son regard se posa sur la robe qu’elle portait, augmentant d’un coup son niveau d’anxiété, rendant cette histoire de mariage encore plus réelle, si bien qu’il détourna le regard, avançant dans la pièce pour se mettre face à la fenêtre. « Jolie robe. » Il ferma les paupières un court instant les rouvrant en laissant échapper un soupire. « Je voulais te parler justement. » Lentement, il se tourna de nouveau vers la blonde. « Parle-moi alors. » Il esquissa un léger sourire qui se voulait rassurant mais qui ne faisait que traduire l’angoisse qui s’était emparée de lui. Sans la lâcher du regard, il s’appuya contre le mur comme dans une volonté de tenir encore sur ses jambes alors qu’il avait l’impression qu’il n’allait pas tarder à s’effondrer.

Ce mariage n'était pas désiré. Cette union allait être un désastre ; pourtant, Ariane était plus effrayée à l'idée d'assister au soulèvement de la résistance (dont elle faisait partie) que de voir une alliance à son doigt. Une séparation définitive pouvait toujours régler les histoires les plus hostiles au sein d'une union (dans les faits, évidemment) alors que rien ne pouvait défaire la morte. Si Ariane souhaitait prévenir Eamonn des desseins de la résistance, ce n'était que pour les préserver ; lui et Alayne. Cette dernière, si douce et si innocente, ne voyait sûrement rien venir. Elle se découvrait un instinct maternel insoupçonné, une envie de protéger une personne qui lui était chère. Pourtant, lorsque la française porta son regard clair vers le costume d'Eamonn, son anxiété s'amplifia. Elle s'écarta pour le laisser passer, lui donnant l'autorisation de pénétrer au sein même de son cocon. Elle se sentait étrangement inquiète, comme incertaine face à l'issue de cette situation. Elle espérait que la fatalité lui serait favorable. Les mains jointes, elle esquissa un rapide sourire à l'écoute du compliment de Eamonn. Sa robe était belle, certes, et elle savait que Alayne ferait une syncope lorsqu'elle la verrait accoutrée de la sorte. Piétinant au centre de la pièce, Ariane croisa son propre regard dans la glace ; elle était ridicule. Ces tulles, ces dentelles, ce blanc immaculé. Elle n'était pas prête, pas encore. Ne pouvait-on pas lui donner quelques semaines de répit ? Mais les fiançailles avaient trop duré, elle en était consciente. « Joli costume. » répondit-elle sur le même ton que son interlocuteur, avec quelques secondes de silence. Elle se mordit la lèvre inférieure. Ariane ne savait pas si ce qu'elle faisait était bien, non, elle n'en avait pas la moindre idée. Eamonn s'adossa contre le mur. La jeune femme se laissa tomber sur son lit, faisant fi de la bienséance, et se pencha en avant, les coudes posées sur ses cuisses. « C'est assez dur à expliquer. » souffla-t-elle « Il va se passer, hm, certaines choses aujourd'hui. Et je voulais te prévenir parce que – parce que je voulais simplement que tu saches que le mariage n'est pas ce qui m'effraie le plus aujourd'hui. » avoua-t-elle à demi-mot, le regard rivé vers la pointe de ses chaussures. Elle était comme fascinée par cette contemplation. Ariane préférait tâter le terrain avant de se lancer à corps perdu dans les explications. Bien justement, d'ailleurs.

Jamais Eamonn n’avait pensé que le jour J pourrait être aussi stressant. En vérité, il avait toujours essayé d’éviter d’y penser. Il en avait souvent rêvé quand sa fiancée avait été Blodwyn, mais depuis qu’il s’agissait d’Ariane c’était plus compliqué. Eviter d’y penser rendait les choses moins réelles ; mais évidemment, maintenant que le grand jour était arrivé, il avait bien du mal à contrôler son stress. Il était submergé par l’angoisse qu’il s’était efforcé d’ignorer pendant les jours précédents et maintenant il avait bien du mal à gérer tout ça. Tout n’était plus qu’une question d’heures à présent. Il n’avait pas envie d’épouser Ariane e elle n’avait pas envie de l’épouser. Ils étaient forcés par leurs familles respectives, ceux là étant désireux de préserver la pureté de sang des deux familles. C’était aussi important pour les Oswald-Appleby que pour les Arenberg de toute évidence. Eux deux, ils n’en avaient que faire et pourtant, ils se retrouvaient à être les pantins de leurs familles. Arrivé dans la chambre d’Ariane, il avait l’impression que le stress était encore pire qu’auparavant. Elle était là, dans sa grande robe de mariée, lui il portait un élégant costume. Tout ça était trop réel et pourtant, il aurait voulu que ce ne soit qu’un rêve dont il allait se réveiller. « Joli costume. » Pour seule réponse, il esquissa un léger sourire, qui ne retirait en rien les traits tirés par la nervosité, qu’il avait sur le visage. Appuyé contre le mur, il continuait de fixer la jeune femme. « C'est assez dur à expliquer. Il va se passer, hm, certaines choses aujourd'hui. Et je voulais te prévenir parce que – parce que je voulais simplement que tu saches que le mariage n'est pas ce qui m'effraie le plus aujourd'hui. » Il fronça les sourcils, il avait quelques difficultés à comprendre, ignorant ce qu’elle voulait dire. Il allait se passer quelque chose qui apparemment était encore plus effrayant que le mariage en lui-même. C’était assez difficile à concevoir vu l’état dans lequel lui il se trouvait en cet instant. D’un pas lent il quitta le mur contre lequel il se tenait pour venir s’asseoir aux côtés de sa fiancée. « Qu’est-ce qu’il va se passer Ariane ? » Maintenant qu’elle avait lancé le sujet, il avait besoin de savoir, qu’est-ce qu’elle savait et qu’il ignorait, qu’est-ce qui pouvait être aussi effrayant que ça ? Finalement, venir parler avec Ariane était loin d’être une bonne idée pour apaiser son angoisse, au contraire, elle ne faisait qu’augmenter à tel point qu’il se demandait si c’était humainement possible d’être autant angoissé.