I. TON PERSONNAGE ET LA SITUATION ACTUELLE ? « L’enfer. J’ai toujours cru que je pourrais avoir ce conte de fée dont toutes les petites filles parlent, et je me retrouve seule avec Alexiel. J’avais promis de ne pas élever cet enfant dans le mensonge, la haine ou la violence. Pour être honnête, je regrette. Je regrette ce mariage, ces années passées à me voiler la face. J’aurais dû me douter que rejoindre les Mangemorts n’était pas compatible avec ses rêves. J’aurais dû … juste tracer ma route ou me laisser sombrer dans l’alcool, je sais pas. Juste ne pas avoir cet enfant, ne pas me marier, rester seule, m’y habituer et travailler. Je me sens prisonnière alors même que je devrais être heureuse de la victoire, du nouveau régime. C’est idiot. Tous mes ressentis sont idiots, faussés par ma sensibilité débilisante de femme. Mon existence se résume à la Gazette. J’ai choisi de changer de domaine. Le ministère, c’est révolu, ça ne me convenait plus. Tout ce à quoi j’aspire désormais, c’est la tranquillité, l’écriture et l’absence de questionnements. »

II. TOUT-A-SAVOIR : Fille d'un Holmes, Cracmol, elle a grandit dans l'ignorance de ses origines ◊ A détesté la période Poudlard où elle s'est sentie diminuée par les sang-purs ◊ est allergique à la citrouille ◊ Ne maîtrise la métamorphomagie que depuis quatre ans ◊ Est une femme sensible qui se cache sous un masque de franchise froide ◊ Ne s'est jamais montrée gratuitement violente, plutôt diplomate ou rusée que tortionnaire, son domaine est loin de la douleur ◊ Mange peu, elle n'apprécie guère la nourriture, surtout ces derniers temps ◊ Se montre toujours polie et élégante bien que peu avenante, l'apparence ayant une grande importance à ses yeux ◊ Se mord la lèvre inférieure lorsqu'elle réfléchit, hésite ou est nerveuse ◊ Tuerait pour son fils, en vraie tigresse.

« Je ne crois pas avoir été un jour réellement bonne comme disent les éternels idéalistes. J’ai toujours eu cette sensation d’avoir un mal certain dans les veines, un héritage vicié quand bien même j’ignorais tout de mes origines. Une enfance normale, banale, pour une enfant qui ne l’était pas. Mon père était un notaire renommé, ma mère femme au foyer, à l’instar de bien d’autres. Ils se ressemblaient si peu que je doutais qu’ils viennent du même monde, qu’ils aient seulement pu s’aimer profondément ne serait-ce qu’un jour. A dire vrai, je n’ai jamais connu le bonheur de toutes les gosses à Noël qui participent joyeusement à la fête, dans le meilleur des univers. Est-ce que je regrette cette époque ? Non. Je sais qu’elle m’a forgée comme rien n’aurait pu le faire, parce que sans ce père au regard dégoûté, parce que sans cette mère dissimulatrice et sans les brimades sur ma bâtardise, je n’aurais jamais appris à survivre. »

« Couvre ses cheveux. » disait-il avec détachement, le nez dans le journal londonien, et ta mère obéissait sagement, glissant sur ta tignasse mauve la perruque blonde qui finissait par faire partie intégrante de ton quotidien. Tu avais six ans et tu ignorais ta nature, comme tu ignorais pourquoi tu devais cacher la pigmentation particulière de ta chevelure. Tu n’avais pas idée de tous les secrets que l’on te cachait, tu en venais simplement à te dire que tu étais une erreur, mal faite, un accident en somme. Après tout, pourquoi te cacherait-on de la sorte, sinon ? Pourquoi tairait-on ce petit côté unique qui te faisait ressembler à ces merveilleux personnages de livres dotés de pouvoir extraordinaire ? Il n’était pas rare que tu rêves d’un autre monde, d’un lieu où personne ne te dirait de te faire discrète, de ne ramener aucun ami à la maison. C’était ton quotidien à toi. Les dessins ornaient les pages blanches d’un journal intime dans lequel tu n’écrivais pas encore, où tu préférais glisser les silencieuses rêveries d’une gosse un peu brimée, timide et mal dans sa peau. Souvent, tu entendais tes parents se disputer, des histoires de grandes personnes. Les mots prononcés t’étaient parfaitement inconnus, discussions surréalistes, seuls les cris, les larmes te poussaient à te replier. C’était ta faute, tu en étais convaincue. Pourquoi ? Parce que, fille de ce notaire aux revenus confortables, tu n’étais pas l’enfant tant désirée. Ni garçon, ni parfaite. Le mauve fit partie de toi des années durant, indélébile marque de ce malaise qui emplissait ton jeune cœur. Le plus terrible était sans doute la pression qu’il mettait sur tes frêles épaules lors de repas d’affaires où il se devait de présenter sa merveilleuse famille… Holmes, à l’époque, ça voulait dire quelque chose. Holmes, c’était respecté, synonyme de talent, de débrouillardise. On te trouvait toujours très jolie, très douce et très polie, mais dans le fond des prunelles de ton père, l’intransigeant William Holmes, ne se reflétait que l’amertume d’un passé ressurgissant.


« Tu es une sorcière, Melyssandra. » La cuillère t’en est tombée des mains. « Tu es une sorcière et tu dois aller dans une école pour les jeunes filles comme toi, comme nous. » Etais-tu en train de rêver ? Y avait-il un problème chez elle, pour que ton père soit resté à travailler des heures durant ? Etait-elle folle ? Tu l’observais en silence, la perruque blonde dissimulant les variations de couleur dont tu faisais l’objet ; il y avait quelque chose d’inquiétant dans son ton, une sorte d’angoisse presque contagieuse. « Tu me promets d’être brillante, mh ? » Un simple hochement de tête pour toute réponse. Une sorcière, c’était tout ce que tu retenais de ses mots. « Tu dois être fière de ton héritage. » Ton assiette refroidie ne t’intéressait pas plus que les voisins que tu entendais crier. De l’Ecosse à la France, tu n’avais jamais eu le droit d’être toi-même, d’être fière de ce que ton père considérait comme une maladie.

« Je ne suis peut-être qu’un cracmol, Ariane, mais je suis encore maître dans cette maison ! » Elle t’a écartée, t’a vivement attrapée pour te pousser dans les escaliers, t’inciter à monter, à te cacher. Tu ne te souviens pas de cette nuit-là, comme tu as oublié toute la période qui a précédé ton entrée à Poudlard. La violence s’est immiscée dans ton univers glacé. Ton père est sorti de ses gongs bien trop de fois, le couple se fendillant chaque minute un peu plus que la précédente. Tu n’as compris que plus tard ce qui le tourmentait : il savait que la sorcellerie t’arracherait ta bonté, il savait que tu deviendrais égale à ceux qu’il détestait depuis toujours. Et malgré lui, il t’a traité comme eux l’avaient fait avec lui. La boucle s’est bouclée dans le Poudlard Express. Pire encore, elle s’est scellée lorsque tu as appris, par l’amertume d’une famille que tu découvrais, combien tu n’étais rien au cœur de la magie.


« J’ai pas toujours fait les bons choix, dans la vie, c’est vrai. L’enfance nous forge, j’imagine, et grandir dans le mensonge m’a appris à mentir aussi. J’ai exécré la violence, pourtant j’ai plongé dans l’excès. Est-ce que je regrette ? Non. Je n’ai jamais été faite pour la neutralité ; Serdaigle a fait de moi une étudiante studieuse qui compensait le rejet par le travail. La vie a fait de moi une femme déterminée qui ne laissera rien ni personne mettre fin à un bonheur durement acquis. Si je dois tuer pour ma famille, je le ferai. Ne pas avoir emprunté le chemin existentiel commun me pousse sans doute à m’accrocher bec et ongles à mon conte de fée hors-normes. Le cauchemar ne peut pas, ne doit pas, nous atteindre. »

« Tu veux toujours m’épouser, Adriel ? » as-tu demandé, indécise. Ton regard bleu n’était plus que le reflet de ton angoisse. S’il changeait d’avis, tu n’aurais pas ta liberté. S’il donnait cette chance à une autre, tu n’aurais plus qu’à t’effondrer. Vous n’aviez rien d’un couple commun, rien d’un couple tout court. Une rencontre au bar où tu noyais ton désespoir dans l’alcool avait conduit à cette demande. Deux âmes perdues désireuses de changer de vie. Vous avez rejeté vos origines sur ce coup de tête improbable. Toi, tes cheveux violets, ton accent très anglais & lui, sa langue française, son charme surnaturel, sa blase de bad boy. T’étais une gentille fille qui voulait se défaire de ses chaînes. Il était un mauvais garçon qui voulait regagner une conduite. Et là, maintenant ? Tu te retrouvais dans une robe blanche, simple, l’une de celles que tu aurais pu porter tous les jours et dont seule la couleur soulignait la solennité de ta demande. Ton âme soufflait : « maintenant que j’ai 18 ans, vas-tu tenir tes promesses ? » Il vous avait fallut ruser, changer toute une existence. Lui ne voulait pas rester français, ou du moins ne voulait rien conserver de cette famille de Vélanes qu’il portait en horreur. Alors c’était son nom et son histoire que vous aviez réécrites dans les moindres détails. Adriel Wheeler, fils d’un sorcier et d’une mère inconnue. T’allais porter le nom d’un quart de Vélane, toi qui désirait brûler ton sang impur. Oui, mais l’impureté c’est le moldu, uniquement le moldu à tes yeux. Et lui, lui était prêt à te protéger de toi-même, à te guider. Peu de moyens, un foyer à construire sur des bases incongrues. Vous ne vous aimiez pas ; vous aviez des ambitions communes. Toutes tes maigres économies sont passées dans l’alliance que tu lui as passée au doigt, ce jour-là. De l’or blanc ; un nouveau départ. C’en était fini de la bâtarde Holmes.
« Adriel. Hé. » Ta main presse son épaule. Ta longue chevelure bleue témoigne de ta gêne, de ton envie d’aller te terrer dans un trou de souris. Il marmonne un peu, grogne, encore ensommeillé. Et toi tu brûles. Tu brûles de désir. « Je peux plus résister... » Tu l’as dis. Après trois interminables mois à fuir son contact, tu te sens sombrer. Il a toujours fait attention de ne pas t’influencer avec son don, son charme. Il a toujours fait preuve d’un contrôle exemplaire malgré quelques avances malicieuses. T’es pourtant attirée comme une abeille vers un tournesol. Vous avez pas consommé. T’es encore vierge, malgré le mariage. Le sexe, tu te l’autorises pas. Pourquoi ? Parce que tu es métamorphomage et que toute ta vie a été régie par le rejet de cette réalité. T’as jamais vraiment maîtrisé tes changements physiques et tu te dis qu’il supporterait pas de te voir changer dans ses bras. « Je crois que j’ai envie de toi… » souffles-tu, mortifiée par tes propres mots.

« Alexiel… » souffles-tu faiblement. L’enfant est petit mais en forme. C’est tout ce que tu retiens. Les heures de souffrance passées te poussent à simplement t’endormir, sans prendre le temps de contempler la créature à laquelle vous aviez donné vie. Deux longues années s’étaient écoulées sans succès. Tu avais réclamé un enfant à Adriel comme tu aurais réclamé un peu d’aide. Votre couple, forgé sur une franchise à toutes épreuves, n’avait pas besoin des formalités romantiques en vigueur dans la plupart des foyers. Tu avais évoqué ton désir d’une famille le jour même de votre accord, rien d’étonnant donc à ce que tu le lui rappelles. Est-ce que ça n’était que cela ? Non. La jolie métamorphomage au cœur de glace avait fini par fondre. Tu avais consommé ce mariage par désir et voulu un enfant par amour. Alexiel, né d’un amour vrai. Adriel t’avait expliqué qu’il s’agissait d’une loi génétique chez les siens : pas de progéniture sans sentiments. Une unique âme-sœur. Enfin aimée. C’était ça, ton conte de fée. Un fils pour une lignée sortie des fins fonds des Etats-Unis, de celles dont on parvient à prouver une réalité, une veine magique, sans de véritables précisions. Par votre intégration au Ministère, on ne venait plus mettre en doute le nom que vous portiez, parce qu’au final, vos papiers étaient vrais : un malheureux incendie vous avait fait perdre les votre. Les Wheeler n’étaient pas purs, pourtant un membre était attesté pur dans la généalogie ; un cousin, n’était-ce pas pratique ? Tu te jurais déjà de ne pas apprendre au petit Alexiel le mensonge et autres stratagèmes. 1994 marquait un nouveau départ dans ton existence. Tu n’étais plus une gamine, tu te devais d’être une bonne mère, de faire tes preuves. Tes idéaux excessifs ne te lâchaient pas, tu entendais toutefois te faire discrète, élever convenablement ton petit sorcier, héritier de tes capacités magiques – par chance – et dépourvu de l’aspect Vélane qui aurait pu le mettre en danger. Alexiel était votre réussite et serait le ciment de votre union. Vous, les gamins malmenés, veniez de grandir.


« Je t’en supplie Adriel, tu dois le faire pour notre fils ! » Tu t’énerves, tu pleures sans doute aussi mais tu sens le danger. Lui veut rester neutre quand il jauge la Marque Ténébreuse que tu portes avec mépris. Tu as fait ce choix autant par conviction que par sacrifice parce qu’il était de ton devoir d’assurer une protection aux tiens, d’assurer un avenir au petit bout de choux qui dormait dans son petit lit, paisible et inconscient des malheurs qui s’abattaient sur vous. Toi t’étais plus un ange. Oubliator malicieuse, tu faisais ton travail avec prudence, tu changeais d’apparence quand il fallait assurer tes arrières et, surtout, tu faisais en sorte de toujours montrer patte blanche lorsque nécessaire. Oui, tu étais Mangemort, mais tu ne torturais pas, tu n’étais pas violente sans que ce soit un ordre expressément donné. Droite, fière, froide et ambitieuse, sans l’être trop. La maîtrise de ta métamorphomagie, tu l’avais acquise après tes vingt ans, après la grossesse qui t’avait fait prendre conscience des dangers à ne pas pouvoir calmer les transformations physiques. Tu étais enfin une femme responsable, bien que faible face à lui. Tu ne supportais tout simplement pas l’idée de le perdre, même le simple risque t’empêchait de dormir. Votre fils n’était pas considéré comme hybride, parce qu’issu d’un quart de vélane et d’une sang-mêlée, le taux de charme s’était vu limité à la stricte normalité. Il était juste beau, comme tous les bébés du monde pouvaient l’être avec un peu de chance. Le voir grandir sans son père ? Jamais ! « Pour le meilleur et pour le pire ! On se l’est promis ! Tu vas m’abandonner maintenant ? Tu vas nous abandonner ? C’est la guerre, on pourrait tout perdre ! » Effroyablement réaliste. Tu savais que vous alliez rapidement basculer dans le chaos, dans la refonte d’une société et qu’avec la victoire d’un camp comme de l’autre, ce serait dramatique. L’Ordre faiblissait, Voldemort prenait de l’assurance. Cet extrême dont tu faisais partie ne verrait pas d’un bon œil votre union sans certitudes que vous adhériez tous deux à leur mode de pensée. « Je te promets que je ne te demanderai plus jamais rien… rejoins les Mangemorts, pour ta sécurité… s’il te plaît… »


« Maman, c’est vrai que on va aller tout bien maintenant ? » Tu observes le petit garçon en esquissant un triste sourire. Il a la tignasse naturellement bleutée, comme ses yeux, et un air sérieux qui t’inquiète. Du haut de ses cinq ans, il écoute vos disputes et vos silences comme tu le faisais autrefois auprès de tes parents. En boutonnant la fine chemisette blanche, tu déposes un baiser sur sa joue, le corrigeant. « On dit : est-ce que c’est vrai que tout va bien aller. » Tu ajustes le col, très attentive à l’apparence qu’il donne. Jamais tu ne lui as reproché ces couleurs changeantes qu’il arbore, plutôt soulagée qu’il démontre à la communauté sorcière qu’il n’a pris que ce qui était bon dans votre génétique. Pas cracmol, pas trop moldu, pas vélan. Un futur sorcier presque comme il faut, descendant de mangemorts. Elevé dans une optique de savoir, d’intelligence et de respect. « Maman, pourquoi tu es malheureuse ? » demande-t-il avec toute sa naïveté. « Je ne suis pas malheureuse, mon ange, simplement fatiguée. Maman travaille beaucoup. » Tu t’étais promis de ne pas l’éduquer dans le mensonge, pourtant tu n’as pas le choix. Il ne doit pas s’inquiéter comme tu t’inquiétais étant petite. Il ne doit pas avoir cette ignoble sensation que tout est sa faute. Il doit être le garçon le plus heureux que vos lignées n’aient jamais connu. « Va dire au revoir à papa, il doit partir au ministère. » Vous avez survécu à tout. En apparences. Mais ton cœur, de son silence, se brise. Le temps est aux décisions, aux sacrifices.