Aodhan & Sutton

« INTRIGUE 2.2 : TWO STEPS FROM HELL »

Modingus Fletcher avait des infos. Mais Modingus Fletcher ne voulait pas foutre le cul dans un QG de l'Ordre - où il serait plus en sécurité, au fond. Pour un lâche comme le sorcier qui avait laissé crever Fol'Oeil comme un malpropre, ça n'avait pourtant rien de surprenant. Mais depuis trois bonnes dizaines de minutes déjà, Aodhan était penché sur le même verre d'alcool, furetant distraitement les alentours sans que ce crétin ne se pointe : peut-être avait-il décidé de se débiner, ce qui (encore une fois) ne serait pas pour perturber la déjà belle opinion que le sorcier avait de l'homme. Le voir accomplir, un jour, un acteur de bravoure, ce serait comme inverser le cours du temps : d'ailleurs, plus celui-ci passait, en des semaines, des mois, plus Aodhan se demandait encore pourquoi l'Ordre continuait d'accourir lorsque cet idiot leur proposait de l'aide. Il mentait toujours, et finalement, quelque accord avec un type pareil finissait par plus leur coûter qu'autre chose : ce soir, Aodhan avait avec lui une sacrée bourse remplie de bien des piécettes, qu'il devrait donner à l'autre pourri afin qu'il vende ses petites infos pitoyables. C'était ça, ou les lui arracher de force et si l'idée ne faisait pas peur au sorcier lui-même, ça dérangeait l'Ordre qui - officiellement - prônait des valeurs bien plus respectables que cela. Du vent, encore du vent. En levant le regard de son verre pourtant, Aodhan avait également remarqué à de nombreuses reprises déjà, à quelques tables de lui, une consommation qui ne progressait pas plus que la sienne. Derrière celle-ci, la demoiselle assise à la table, il se jurait de la connaître et pour sûr : elle faisait partie des gros pourris de ce monde, des Mangemorts, et qui plus est, il avait eu l'occasion déplaisante de la côtoyer bien souvent, en ces temps immémoriaux où il côtoyait encore le Ministère de la Magie. Les Mangemorts devaient également avoir eu vent des petites informations que Fletcher voulait vendre à l'Ordre : celui-ci s'avérait être une sacrée épine dans le pied des sbires de Voldemort, il savait tout, voyait tout et ça pouvait - parfois, très rarement - s'avérer utile. C'est par simple provocation, ou juste pour palier à sa solitude, que Aodhan finit par attraper son verre, se levant avec une nonchalance imprudente pour faire les quelques pas le séparant de la table de la brune, Sutton Wheedon ; sans demander son reste, il s'assit face à elle, la toisant un instant. « Il semblerait que la personne que nous attendons tous les deux, nous ait posé un lapin. » Il mima même une mine attristée, avant de reprendre son sérieux, saluer un Mangemort n'était pas son genre (d'autant que, peut-être, ceux-ci avaient des us et coutumes desquels il ne voudrait vraiment pas se détourner) : mimer une discussion presque pacifique s'avérait déjà être une torture insurmontable.

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Comme chaque soir depuis une semaine, Sutton se retrouvait à une table du Chaudron baveur. C’était devenu une habitude dont elle n’arrivait pas à se détacher. Etrangement dans un premier temps, elle ne s’en était pas vraiment rendu compte. Pour elle, c’était juste un passage après avoir quitté le Ministère. Les sorties en solitaire n'était pas quelque chose d'anodin pour elle, et la brune aimait bien aller faire un tour du côté du Chaudron baveur pour passer un moment tranquille. Seule, elle n'avait pas à faire la conversation à quelqu'un. Elle n'avait pas à parler de sa loyauté envers le seigneur des tenèbres, de son frère , de Nikolai, ou de tout autre sujet qui lui était sensible en ce moment. Seule, elle pouvait aussi boire un peu sans écoper des regards de jugement que lui auraient très certainement accordés ses proches. Sutton n'était pas en train de plonger doucement dans l'alcoolisme, loin de là. Mais c'était un bon moyen pour se détendre, et elle s'était accordée cette détente un peu plus de fois ces derniers temps, surtout depuis qu'elle avait compris les difficultés que lui causeraient cet engouement pour Voldemort. Elle n'arrêtait pas de s'imaginer sa vie, si elle ne pouvait plus servir vous-savez-qui. Elle était mangemort, c'était la seule identité qu'elle avait. Sans ça, elle ne savait plus qui elle était, et elle n'était pas certaine de vouloir le découvrir. Alors oui, l'idée que, prochainement, tout cela pourrait prendre fin l'inquiétait de plus en plus. Si ces idiots de L'Ordre du phénix parvenaient à le renverser, que ferait Sutton ? Sans doute elle irait croupir à Azkaban. Ainsi Sutton était encore à la même table qu'à l'accoutumée, son verre de whisky pur feu qu’elle faisait tourner entre ses doigts fins, hypnotisée par le liquide qui tourbillonnait. Elle avait mal à la tête, et n’était pas particulièrement de bonne humeur. Le fait d’être "menacée" par l'Ordre du Phénix ne l’enchantait guère mais pour le moment, tout ce qu'elle pouvait faire, c'était de les écraser un à un.

Ressassant encore une fois ses réussites face à ceux qui défendait Potter, la jeune femme ne remarqua pas tout de suite que quelqu’un s’était installé en face. Elle termina son verre, et machinalement, releva la tête . C’est là qu’elle le vit.. Aodhan Crowley . Elle ne posa son regard sur lui que quelques secondes avant de reporter son attention sur son verre. Lentement elle leva les doigts et le serveur lui apporta deux verres de whisky pur feu. Sans regarder l'homme assis en face d'elle, elle poussa l’un des verres vers lui. Puis, toujours sans le regarder elle répondit d’une voix sèche: « Je n'attendais personne figure toi. Pour échafauder un plan pour vous écraser toi et tes petits copains, il vaut mieux être seule. » Sutton prit son verre et en bu une longue gorgée comme pour essayer de garder son sang-froid. Crowley venait une fois encore de prouver que les opposants au Seigneur des ténèbres étaient complètement fous. C'était de la provocation voire même de l'imprudence de venir lui parler. Il n'était pas sans savoir que Sutton avait la main leste et qu'elle utilisait facilement sa baguette. Alors pourquoi venir la rejoindre ? Voulait-il en finir ? Il venait peut-être de réaliser qu'il avait choisit le mauvais camp ... La simple présence de l'homme la répugnait. Après une seconde gorgée, elle encra son regard dans celui de son interlocuteur et poursuivit : « Qu'est-ce que tu attends ? Bois-le et tire-toi avant que je ne te tue. » fit-elle alors qu'elle tenait fermement sa baguette se trouvant dans sa poche. Sait-on jamais ...personne n'était jamais trop prudent ...

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La compagnie d'un Mangemort n'était officiellement pas la meilleure compagnie qui soit - pendant des semaines, d'interminables jours, même des années, Aodhan en avait fait les frais. Si Silas Hackett n'avait déjà pas été le type le plus appréciable lorsqu'il se grimait d'être son ami, les choses avaient été encore pire lorsqu'ils avaient été des ennemis déclarés. Il fallait cependant croire que le sorcier n'en avait pas eu assez, puisqu'il s'asseyait tout juste en presque charmante compagnie. Le Chaudron Baveur était, après tout, le meilleur endroit pour engager la discussion entre bons et chers ennemis ; la destinée de la chose était alors offerte à celui qui céderait en premier à l'appel de la baguette, quitte à paniquer les quelques moldus un peu trop fous qui s'aventuraient ici : tous ceux qui arrivaient ici devaient malgré tout s'interroger sur la sainteté d'esprit des gens alentours, à voir la tronche de certains. Au sein de la hiérarchie des Mangemorts, Sutton Wheedon ne faisait pas partie des mous du genou ou des petits larbins - il l'avait longuement côtoyée aux tables du Magenmagot après tout, il savait très bien de quoi elle était capable, mais également au combien elle était exécrable à souhait. Il fallait bien croire, oui, qu'il était fou ou suicidaire pour s'asseoir à la même table qu'elle ; mais il ne fallait pas non plus qu'elle se croit invisible - Fletcher ne choisissait définitivement pas les meilleurs lieux de rencontre. « Je comprends mieux pourquoi certains plans des Mangemorts s'avèrent très approximatifs. » Un instant avant, il l'avait regardée de bas en haut, intensément comme pour analyser la situation. Chercher à "écraser l'ordre du phénix" devant un verre de whisky pur feu, seule. Ca collait bien au personnage, en soit. Elle eut malgré tout la bonté de lui offrir un verre, il la remercia d'un vague sourire, avant que tout ne tourne au vinaigre. Ses doigts enroulant son verre, il fit tourner l'alcool ambré un long moment, avant de hausser les épaules. « Moi qui pensais qu'on aurait pu avoir une sympathique conversation autour d'un verre. Je me demandais comment allait le Ministère depuis mon départ. » Ca avait quand même été un sacré coup dur, de perdre toute sa carrière parce qu'il faisait partie de l'Ordre et qu'il était officiellement un traître. Mais comme pour répondre à la demander de la jeune femme, il avala son verre, le reposant sur la table avec nonchalance.

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« Je comprends mieux pourquoi certains plans des Mangemorts s'avèrent très approximatifs. » Qu'insinuait-il ? Les plans de l'Ordre du phénix n'étaient pas beaucoup mieux. Ces crétins se pensaient supérieurs. Ils se trompaient. Ils étaient ridicules. Ridicules de croire qu'ils étaient plus forts que les partisans de Voldemort, ridicules de placer tous leurs espoirs dans un adolescent binoclard et ses deux amis. Tout chez eux était ridicule ... même leur nom. L'ordre du phénix ... Ils pensaient peut-être qu'ils allaient renaître de leurs cendres pour mieux terrasser le plus grand sorcier de tous les temps ? Sottise. Personne n'y parviendrait et le jour où l'Ordre sera vaincu, tout le monde entendra la lamentation du phénix. En attendant ce jour ô combien attendu, Sutton devrait se contenter d'en tuer un, en massacrer un autre et supporter leur présence. Tout comme elle devait supporter celle d' Aodhan. « Les plans les plus approximatifs ne viennent pas de moi mon grand. » Si les plans échouaient, ce n'était en aucun cas la faute de Sutton. Non, c'était à cause de ces idiots trop peureux pour servir Voldemort jusqu'au bout, ces lâches, ces traîtres, ces incapables ... « Moi qui pensais qu'on aurait pu avoir une sympathique conversation autour d'un verre. Je me demandais comment allait le Ministère depuis mon départ.» Comment allait le Ministère ? Excellente question.

Si on se plaçait du côté des mangemorts (c'est-à-dire du côté de Sutton), il se portait merveilleusement bien. Tout allait parfaitement bien. Tout le monde y trouvait sa place et avait un rôle important au sein du ministère de la magie. Il n'y avait quasiment plus (pour ne pas dire plus du tout) de sang-de-bourbes ou de cracmolls se faisant passer pour des sorciers. Il n'y avait plus aucuns soucis et les mangemorts étaient au sommet. Que demander de plus ? En revanche, pour les sorciers n'étant pas de sang-pur, le ministère pouvait facilement s'apparenter à l'enfer. « Je pense que tout dépend du point de vue. Je te dirais que le Ministère ne s'est jamais porté aussi bien mais d'autre diront que rien ne va plus depuis que les mangemorts contrôlent absolument tout. Comme si c'était une mauvaise chose ! » reprit-elle en levant les yeux au ciel comme si ce qu'elle venait de dire était une aberration. « Et entre nous, je trouve ça idiot de quitter le ministère pour sauver ta peau et ensuite venir discuter avec moi. Je ne suis pas réputée pour être très gentille ... surtout avec les gens comme toi. »

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Le simple fait de s'aventurer trop longtemps dans un coin de Londres s'avérait être un risque démesuré, pour un sorcier comme lui. Il avait tout de même participé à la disgrâce de ce cher Silas, qui devait être la risée de ses camarades Mangemorts, cible de bien des soupçons pour avoir lié d'amitié avec un membre de l'Ordre du Phénix sans même entrevoir les risques. Crowley pouvait toujours se couvrir en soumettant qu'au fond, ce n'était pas l'idée principale qu'il avait eue en s'attirant les faveurs de Hackett, mais que ça avait été un plaisir malgré tout de lui pourrir la vie - et de lui rendre ainsi, la pareille. Mais aujourd'hui, s'aventurer dans la capitale anglaise et espérer avoir des discussions calmes et amicales avec des Mangemorts s'avérait être une ironie grandiose : tous les sbires de Voldemort devaient, à l'heure actuelle, savoir qu'il avait trahi le Ministère, infiltré celui-ci des mois durant pour finalement mieux doubler les plans de tous les crétins qui n'avaient rien remarqué. C'était triste à dire pour elle, mais Sutton en faisait partie : Mademoiselle Wheedon n'avait pas non plus distingué l'anguille sous roche, et finalement il avait fallu que ce soit Shae qui le trahisse. A choisir, il aurait presque préféré que ce soit Wheedon, ou Hackett lui même qui se rendent compte de sa trahison plutôt qu'elle en fasse part, le poignardant dans le dos de la pire manière qui soit. Devant l'assurance de marbre de la femme qui lui faisait face, Aodhan ne put qu'avoir un rire ironique et imprudent : les plans approximatifs venaient bel et bien d'elle. Car si haut perchée dans la hiérarchie qu'elle était, elle devait - malheureusement pour les Mangemorts - représenter le sommet du panier : et pourtant, il n'était pas compliqué de voir qu'elle était orgueilleuse et prévisible à souhait. Rien ne semblait avoir changé au Ministère depuis qu'il en avait été soigneusement retiré, ce sont les conclusions qui apparurent à Crowley suite aux premières paroles de la sorcière : était-elle idiote ou quoi ? Aussi approximatif soit-il, elle ne se cachait pas pour faire un compte-rendu de la situation du cœur même du monde magique - et des plans de son Maître. Il ne réagit cependant pas, pinçant les lèvres dans une expression de fausse compassion. D'un signe, il ramena le serveur à leur hauteur, il avait besoin de boire pour côtoyer une personne comme elle, et rester plus longtemps au Ministère l'aurait fait finir alcoolique, sans doute. « Je n'ai pas quitté le Ministère. Disons que j'ai été gentiment remercié. » Il sourit, ne se défaisant pas de son assurance. « Les gens comme moi. Ça veut dire les membres de l'Ordre ou les hommes ? » Tous les Mangemorts étaient timbrés, mais Aodhan restait persuadé que les femmes qui rejoignaient Voldemort étaient les plus folles du lot. Rien qu'à voir Bellatrix Lestrange. « Ne t'en fais pas, je ne fais que me tenir au courant. Sachant que j'ai perdu ma principale source d'informations. » Sa place au Magenmagot, non seulement, mais également la confiance stupide et aveugle de Hackett, parfois, il en arrivait presque à regretter tout ça, tant ça lui avait été utile.